B - LE SOMMET DE LA FRANCOPHONIE : POINT D'ORGUE DE LA COOPÉRATION ET DE L'ACTION CULTURELLES AU LIBAN.

L'organisation du 9 ème Sommet de la francophonie à Beyrouth est un signe politique et d'amitié fort manifestant le soutien de la France dans une période difficile. Elle révèle aussi la place de la langue et de la culture françaises au Liban, entretenue par notre présence culturelle active.

1. Le sommet de la francophonie : un franc succès.

Repoussée d'une année, après les événements du 11 septembre 2001, l'organisation à Beyrouth du 9 ème Sommet de la francophonie a constitué en 2002 à la fois un point de consensus et une source d'espoir dans un contexte globalement difficile. Nos interlocuteurs ont confirmé à la délégation à quel point ce Sommet était attendu.

Tenu du 18 au 20 octobre dernier, l'événement a été à la hauteur de ces attentes et notre groupe interparlementaire se réjouit tant du succès qu'il a rencontré que de ses retombées positives pour le Liban, pour l'image et le rayonnement culturel de notre pays au Liban ainsi que pour la francophonie. Il faut aussi saluer la remarquable organisation par les Libanais de ce premier Sommet francophone en terre arabe.

• Beyrouth : un choix naturel

En 1914 déjà, Maurice BARRES constate sur place que « les Libanais ont un amour pour la langue française que beaucoup d'entre eux parlent avec une élégance bien rare chez les étrangers ».

Pour Andrée CHÉDID, « à la différence du Suisse ou du Belge, le Libanais est bilingue plus par goût que par nécessité ». Portant son regard sur la littérature francophone au Liban, un ancien conseiller culturel de l'Ambassade du Liban à Paris, Abdallah NAARRAN, ajoute que certains écrivains libanais choisissent de s'exprimer en français parce « au-delà de leurs difficultés d'hier, se sont toujours fait une certaine idée de la liberté, de la fraternité et de l'universalité, concepts véhiculés par la France qui a réussi, la première, à en faire, pour elle et pour les autres, des vertus, voire une raison d'être. Tel est et tel sera, en dépit des misères de l'histoire, le destin du Liban ».

Outre qu'il aura permis de rappeler la place ancienne et éminente du Liban dans la famille francophone, ce Sommet aura démontré le souhait de cette famille de partager notre langue et, au-delà, des valeurs. Comme le souligne Charles ZORGBIBE, président du comité éditorial de la revue Géopolitique africaine : « le lien culturel, noué à l'origine entre ses membres, est devenu politique ».

• Une francophonie plus politique

L'orientation plus politique donnée au mouvement francophone par le Sommet de Hanoï en 1997 a été pleinement confirmée à l'occasion de ce 9 ème Sommet. A cet égard, le choix de Beyrouth n'était pas anodin : les prises de position sur la situation au Proche-Orient ont permis d'affirmer à la fois la nécessaire intégrité territoriale et souveraineté du Liban, le droit d'Israël à des frontières reconnues ainsi que celui des Palestiniens à un État et à un pays.

Les débats ont également largement porté sur la crise ivoirienne, le terrorisme et bien sûr l'Irak. Sur ce dernier point, la déclaration adoptée à Beyrouth rappelle « la primauté du droit international et le rôle primordial de l'ONU, en appelle à la responsabilité collective pour résoudre la crise et à l'Irak pour respecter pleinement toutes ses obligations, relève avec satisfaction que l'Irak a accepté officiellement la reprise inconditionnelle des inspections ».

• Pour une convention sur la diversité culturelle

Le choix du thème du Sommet n'était pas anodin non plus : le dialogue des cultures, en particulier le dialogue entre les mondes francophone et arabophone.

Le message du Président de la République, M. Jacques CHIRAC, sur cette terre libanaise était particulièrement porteur de sens :

« La francophonie est par vocation au service du dialogue et de la diversité des cultures. La mondialisation promet aux hommes plus de liberté et de progrès. Nous y voyons aussi le risque de l'uniformisation et une menace pour nos identités. Mais le repli sur soi mènerait au déclin aussi sûrement que le renoncement à soi. L'un des défis du monde fluide où nous vivons désormais est d'apprendre à mieux être soi-même pour mieux accueillir l'autre. Nous désamorcerons ainsi ce qu'Amin MAALOUF appelle « les identités meurtrières ».

Les chefs d'État et de gouvernement présents ont souhaité obtenir l'adoption par l'UNESCO d'une convention internationale sur la diversité culturelle, « consacrant le droit des États et des gouvernements à maintenir, établir et développer des politiques de soutien à la culture et à la diversité culturelle » dont « l'objet doit être de définir un droit applicable en matière de diversité culturelle ».

Cette convention refuserait donc de laisser réduire les biens et services culturels au rang de simples marchandises. Elle prônerait, au contraire, l'égalité de toutes les cultures et le plurilinguisme. La francophonie veut ainsi peser dans la recherche de moyens de maîtriser la mondialisation.

• Une participation record

Au total, 54 des 55 pays membres associés et observateurs de la Communauté francophone mondiale - qui regroupe près de 600 millions de personnes sur les cinq continents - étaient représentés au Sommet, dont 36 par leur Chef d'État ou de gouvernement.

Cette participation exceptionnelle, dans une capitale libanaise sous très haute surveillance et dans un Proche-Orient en pleine ébullition, est très encourageante, tant pour le Liban que pour la francophonie.

2. Où en est aujourd'hui la langue française au Liban ?

Cet événement donne aussi naturellement l'occasion de faire le point sur la place réelle qu'occupe aujourd'hui la langue française au Liban, son apprentissage, son usage et les enjeux qui lui sont attachés.

Quelle place pour le français au Liban ?

Quelques repères, chiffres et enjeux

 

§ Une progression quantitative du français

 

Le nombre de francophones au Liban est estimé à 1 million.

 

49 % de la population résidente connaît la langue orale tandis que 52,8 % des Libanais adultes résidents connaissent le français écrit et oral à des degrés divers. Les plus importants taux de connaissance du français se rencontrent parmi les tranches jeunes de la population : 63 % (connaissance du français oral) chez les résidents ; 68 % (connaissance du français écrit et oral) chez les Libanais résidents âgés de 15 à 24 ans. Il apparaît ainsi que le français est quantitativement en progression.

 

§ Une progression qualitative du français

 

Le français connaît également une progression qualitative : 26,4 % des Libanais âgés de 15 à 19 ans connaissent moyennement ou bien le français écrit et oral, et 23 % de ceux qui ont entre 20 et 24 ans, contre 19,8 % de l'ensemble des Libanais adultes résidents, avec une supériorité significative de la population féminine.

§ Diversité sociale et confessionnelle des francophones

 

Les meilleurs francophones sont très nombreux parmi ceux qui exercent une profession libérale ou qui sont cadres supérieurs, mais ils sont également majoritaires parmi les cadres moyens et les employés.

 

Si les francophones sont majoritaires au sein des communautés confessionnelles chrétiennes (maronites, grecs-orthodoxes, grecs-catholiques) à la différence des communautés confessionnelles musulmanes, la francophonie de bon niveau augmente dans toutes les communautés entre les 15-19 ans et les 30-49 ans, particulièrement dans la communauté chiite en raison d'une forte communauté libanaise chiite francophone installée en Afrique. Parallèlement, on note une augmentation du taux de francophonie élémentaire dans les communautés musulmanes alors que ce même taux baisse chez les communautés chrétiennes.

 

§ Une progression qui n'est pas nécessairement le résultat d'une politique déterminée

 

La forte avancée de la connaissance écrite et orale du français que l'on peut observer est à rattacher à la généralisation de la scolarisation. Elle ne découle donc pas nécessairement d'une volonté affichée de promouvoir la francophonie.

 

§ Apprentissage et usage du français

 

L'école publique, qui regroupe 44 % des scolarisés, ne donne pas de résultats similaires à ceux enregistrés par les écoles privées en ce qui concerne l'apprentissage du français. Pourtant, la francophonie est, au Liban, avant tout une question d'apprentissage scolaire. De plus, la majorité des bons francophones n'ont en réalité jamais l'occasion d'utiliser le français.

 

Si la connaissance du français est en très net progrès, celle de l'anglais l'est également. Les francophones réels sont trilingues. Le danger réel réside dans le fait que la maîtrise de l'anglais à côté de celle de l'arabe puisse sembler suffisante. Un anglophone ne sera pas un bon francophone alors que l'inverse est vrai.

 

§ Enjeux

 

La population francophone est caractérisée par sa jeunesse . Il apparaît que s'il y a un francophone dans une famille, cela suffit pour que la proportion de l'usage du français dans le cadre familial double d'une génération sur l'autre. Par ailleurs, choisir le français peut être une stratégie pour placer ses enfants dans les meilleurs établissements scolaires.

 

Finalement, il convient de souligner que, chez les francophones réels, il n'y a pas de répartition fonctionnelle des deux langues, arabe et française. Le Liban ne se caractérise pas seulement par le bilinguisme, mais bien par le biculturalisme . Il faut également mettre en avant la spécificité culturelle portée par le français , ainsi que le fait que le français doit être choisi comme langue étrangère puisque cela ne sera pas préjudiciable par la suite à l'apprentissage de l'anglais à un bon niveau.

 

Ces observations montrent également l'importance à donner à l'école et à l'apprentissage scolaire du français, mais aussi à la création d'un environnement francophone qui permette à tous de réinvestir dans la vie quotidienne ce qui a été acquis dans un cadre scolaire. L'enseignement du français au cours des études universitaires est également essentiel. Or, l'enseignement de l'anglais est de plus en plus prépondérant dans les universités libanaises. Si l'on veut que le français soit la langue de la culture mais aussi de l' univers professionnel - afin que l'anglais ne devienne pas l'unique langue des affaires -, il est nécessaire qu'il soit enseigné à tous les stades de l'enseignement, y compris dans les matières scientifiques . Ceci suppose une amélioration de la formation des enseignants eux-mêmes.

 

Un accord de coopération culturelle, scientifique et technique a été signé, en octobre 1993, et notre budget de coopération avec le Liban est le plus important de la région .

Notre présence culturelle et linguistique est prépondérante, mais elle est confrontée au défi du développement rapide de l'anglophonie. L'objectif est donc de la consolider par le biais d'actions fortes, en particulier dans les domaines suivants :

- le renforcement de l'enseignement du français dans le système éducatif libanais ;

- le développement d'un pôle universitaire francophone à vocation régionale ;

- la mise à niveau de notre présence dans le secteur audiovisuel, qui est encore insuffisamment assurée aujourd'hui, ce que la délégation de notre groupe interparlementaire avait déjà relevé en 1998. Les émissions francophones n'occupent que 20 % du temps d'antenne et nous attendons des autorités libanaises qu'elles encouragent davantage le plurilinguisme au travers des canaux audiovisuels.

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