II. LES COMPTES-RENDUS D'ENTRETIENS

A. GIAN FRANCO ANEDDA, DÉPUTÉ DE SARDAIGNE

Il existe une ancienne revendication d'autonomie en Sardaigne, comme en Sicile. La différence historique entre les deux îles est qu'il n'y a jamais eu de poussée séparatiste en Sardaigne, à la différence de la Sicile.

Le statut de région autonome a été attribué à l'île en 1948. Des compétences nombreuses ont été mises en oeuvre à travers des lois régionales.

Les Sardes ont une interprétation de l'histoire qui place la Sardaigne au coeur de l'histoire de l'Italie. Tout commence avec le Royaume de Piémont-Sardaigne : en termes constitutionnels, il existe une continuité entre celui-ci et la République italienne. Il n'y a jamais eu de rupture en passant d'un régime à l'autre. Ceci explique pourquoi les Sardes se sentent très fortement Italiens. Ce n'est pas non plus un hasard si Garibaldi a sa tombe en Sardaigne.

La Sardaigne compte 18 députés et 9 sénateurs, désignés proportionnellement à la population de l'île.

Une nouvelle réforme constitutionnelle vers le Sénat fédéral est en cours. Politiquement, c'est juste. Economiquement, cela risque d'être fort coûteux. Il s'agit de savoir si ce projet va marcher. Le Sénat fédéral d'inspiration régionale aura un nombre de sénateurs variant en fonction des populations. Il n'y aura pas de vote de confiance engageant la responsabilité du Gouvernement devant cette assemblée. En vue de cette réforme, nous avons étudié le système français. Je suis convaincu que le système de gouvernement et administratif doit être adapté à chaque peuple. La conférence des régions n'était pas favorable au Sénat fédéral.

La Sicile a des pouvoirs autonomes supérieurs à ceux de la Sardaigne. L'équivalent du Conseil régional s'appelle Assemblée : ses membres ont le titre de députés. Les Siciliens ont obtenu plus en partie à cause de l'orgueil des Sardes, qui n'ont pas voulu reprendre le statut de la Sicile, mais élaborer leur propre statut. Mais, à dire vrai, le mouvement indépendantiste de Sicile a accéléré les choses.

Si je puis me permettre un conseil, maintenez la Corse telle qu'elle est. La Corse devrait être différente de ce qu'elle est pour bénéficier d'un plus grand développement économique. Mais le développement économique entraîne la détérioration de l'environnement.

La Sardaigne ne dispose pas jusqu'à présent d'un Conseil économique et social. Ce n'est pas envisagé. Mais il existe le Conseil de l'économie et du travail à l'échelon national.

La Constitution prévoit des compétences exclusivement régionales / des compétences étatiques / des compétences concurrentes.

Dans le projet de Sénat fédéral, les sénateurs ne représenteront pas leurs régions d'origine mais demeureront élus au suffrage universel direct. Il s'agira d'une chambre qui légiférera dans les matières des compétences des régions, avec les députés sur les matières concurrentes. Nous avons envisagé un comité qui trancherait les conflits de compétences. En cas de divergence entre les deux assemblées, une commission élaborera le texte final, voté sans possibilité de modification, le Sénat ayant le dernier mot.

En ce qui concerne le respect du droit communautaire, obligation est faite aux régions de légiférer conformément aux traités et directives européens. Le problème est que l'interlocuteur de l'Union européenne est l'Etat. Si une région se trompe, c'est l'Etat qui paie.

La Sardaigne attend de l'Union européenne une aide pour l'emploi surtout, qui demeure le plus grand problème de l'île. Sans travail, on n'est pas libre. Pour une population de 1,65 million d'habitants, le taux de chômage atteint 12 %, et s'élève à 22 % pour les jeunes.

En ce qui concerne l'Europe des régions, je dirais en tant que Sarde que l'Europe appartient aux régions. En tant qu'Italien, non, parce que nous risquons un morcellement. Il me paraît normal qu'un président de région revendique un dialogue direct avec la Commission de Bruxelles. D'ores et déjà, les présidents des régions à statut spécial participent aux réunions du Gouvernement qui les concernent.

B. LOÏC HENNEKINNE, AMBASSADEUR DE FRANCE À ROME

Les Sardes ont fourni de gros bataillons à l'administration italienne, comme les Corses en France.

Lors du récent changement de majorité en Sardaigne, le nouveau président de centre gauche a battu un jeune berlusconien.

Les élections récentes en Italie ont été contrastées. Lors des européennes, M. Berlusconi a été tête de liste dans les cinq circonscriptions. Or, son parti, Forza Italia, a baissé de 8 % par rapport aux législatives de 2001et de 4 % par rapport aux européennes précédentes. M. Berlusconi a notamment été battu par Mme Lilli Gruber.

L'Union du centre a réalisé un gain de 1 %, portant son score à 5-6 %. Alliance nationale a maintenu ses positions. La Ligue du Nord s'est établie à 5,5 %, en récupérant une partie des voix perdues par Forza Italia.

La liste unitaire des Démocrates de gauche et de la Marguerite a réalisé un score décevant de 32 %. Refondation communiste a gagné des voix pour atteindre 6 %. Les Verts et le Parti communiste italien s'établissent à 2 ou 3 %.

Au total, on se trouve avec un rapport de 10 % pour la gauche et l'extrême gauche, de 45 % pour le centre gauche et de 45 % pour la droite toutes tendances confondues. Les élections locales ont été un raz-de-marée pour le centre gauche et la gauche, alors que deux tiers des sortants étaient de gauche.

Le Gouvernement de coalition de M. Berlusconi a connu des tiraillements terribles. Les centristes et l'Alliance nationale commencent à penser à l'après-Berlusconi, alors que la situation économique n'est pas bonne. Ils essaient de briser l'alliance privilégiée de M. Berlusconi avec la Ligue du nord. Le problème est que le dirigeant de celle-ci, M. Bossi, a récemment eu une hémorragie cérébrale qui l'a beaucoup diminué.

Les centristes et l'Alliance nationale ne sont pas très allants sur la question de la dévolution et du fédéralisme. C'est d'ailleurs la position du Président de la République, M. Ciampi.

Le ministre de l'économie démissionnaire, M, Tremonti, refusait une prise de décision collégiale dans son domaine de compétences. C'est l'un des rares colbertistes italiens, avec une conception très particulière du libéralisme.

M. Fini menaçait sans cesse de partir, sans mettre sa menace à exécution, et commençait ainsi à perdre de son crédit. Si Alliance nationale avait quitté la coalition, cela aurait provoqué des élections anticipées, dont M. Berlusconi ne veut pas. Les élections générales doivent avoir lieu normalement en 2006. Seront-elles avancées en 2005 ? Si M. Berlusconi avait l'assurance d'être élu président, il ferait sans doute ce choix.

La gauche soutient M. Prodi, mais pas de gaîté de coeur. Celui-ci a pris une bonne position sur l'Irak, alors que 75 % des Italiens sont contre la guerre. Mais cela ne les empêche pas d'avoir de la sympathie pour les Américains (mais pas de sympathie pour M. Bush).

La controverse sur le projet de Sénat fédéral est forte. Ceux qui sont en faveur de l'unité italienne s'inquiètent. Il risque d'y avoir un refus de la péréquation financière que la régionalisation implique. Les présidents des régions seraient membres de droit du Sénat. Cette réforme ne sera jamais votée, selon les Italiens. L'Alliance nationale est très réticente. C'est un parti nationaliste, unitaire, dont beaucoup des électeurs sont des militaires ou des fonctionnaires. Les démocrates du centre ne sont pas favorables non plus à la réforme du Sénat.

La France a encore un crédit important en Italie, en dépit d'une presse persifleuse.

C. ALBERTO GAGLIARDI, SOUS-SECRÉTAIRE D'ETAT AUX AFFAIRES RÉGIONALES

La question de l'insularité est essentielle. Il s'agit d'attribuer à la Sicile et la Sardaigne des pouvoirs, des moyens et de la considération politique. Nous avons résolu en partie le problème de l'insularité. Nous avions anticipé le fédéralisme pour les deux îles, comme pour les trois autres régions autonomes. L'autonomie législative et administrative a été reconnue à la Sicile dès 1946, avant même l'adoption de la Constitution italienne, et seulement en 1948 pour la Sardaigne.

En plaisantant, je vous ferais la suggestion de confier à nouveau la Corse à la République de Gênes. A l'époque où celle-ci s'en est séparée, la République de Gênes était riche et a vendu la Corse contre pas mal d'argent.

La Sicile et la Sardaigne disposent d'un statut spécial depuis 1948. L'Italie les a toujours considérées comme pleinement italiennes, en dépit de leur insularité. Elle leur a attribué de grands pouvoirs, des ressources, en anticipant sur le fédéralisme. Le problème des relations avec le continent n'existe pas en vertu de cette considération politique accordée par les Présidents de la République (dont deux, d'ailleurs, ont été Sardes), les Premiers ministres et les ministres.

Les problèmes qui se posent aujourd'hui ont trait aux liaisons avec le continent, aux infrastructures. Mais il ne reste plus trace des mouvements indépendantistes qui existaient auparavant.

La réforme constitutionnelle de 2001 a réparti les compétences entre l'Etat et les régions. Celles-ci disposent de compétences exclusives dans certaines matières dont il est fait une liste. Elles sont mises à égalité avec l'Etat sur ces points. Tout au plus, les lois régionales doivent respecter la Constitution. Pour les matières concurrentes, énumérées dans une seconde liste, les régions doivent respecter les lois de l'Etat.

Le statut d'autonomie insulaire est le fruit d'une décision politique. Il existait après la seconde guerre mondiale un mouvement indépendantiste en Sicile, qui voulait devenir un Etat américain. Il s'est agit d'un acte de confiance vis-à-vis des populations insulaires, même si à l'époque cette décision a été critiquée. Un risque a été pris par le Parlement italien, mais qui a donné un bon résultat. Je crois qu'il est important pour vous de faire aussi confiance au peuple corse.

On peut comparer la Corse avec le Val d'Aoste et la province de Bolzano, qui sont aussi des « îles » du point de vue ethnique, l'une française et l'autre allemande. Le statut de région autonome a permis de résoudre ces problèmes.

En ce qui concerne la péréquation entre le Nord et le Sud, je ferais tout d'abord remarquer qu'on parle aujourd'hui d'un Sud « moins riche », mais non plus d'un Sud « pauvre ». Le Gouvernement considère le problème du Sud d'abord comme un problème d'infrastructures et de liaisons de transport.

Nous voudrions réaliser un fédéralisme solidaire, en valorisant les point d'excellence de chaque région. Les atouts du Sud sont le tourisme, la qualité des produits agricoles et le fait qu'il constitue en quelque sorte un « musée du monde ».

Le problème d'un Sud « moins riche » restera au centre de notre projet politique. La Sicile et les Pouilles sont relativement plus riches. La Calabre et la Lucanie sont parmi les plus pauvres.

En ce qui concerne les transports, une loi particulière a pour objectif la réalisation la plus rapide possible des grandes infrastructures nationales : routes, autoroutes, ports (n'oublions pas que l'Italie compte 8.000 km de côtes).

Il existe un accord entre le Gouvernement central et chacune des régions pour les grandes infrastructures. Chaque région a communiqué sa liste de priorités. Elles participent sur un plan économique et financier à leur réalisation.

Le fédéralisme pose certes des problèmes, et constitue un véritable défi. Mais il est vrai qu'il peut résoudre des problèmes, comme en Sicile et en Sardaigne. Le fédéralisme est consolidé en Allemagne et en Autriche, mais là aussi se posent des problèmes de répartition de compétences.

L'article 119 de la Constitution prévoit l'autonomie financière des régions. Il comporte trois parties :

- les sources de financement ;

- l'intervention de l'Etat pour compléter les ressources des régions ;

- la capacité d'endettement.

Les sources de financement sont elles-mêmes de trois types :

- les droits, impôts et taxes régionales ;

- la participation aux impôts d'Etat ;

- le fonds de péréquation.

Au-delà, il y a possibilité pour l'Etat de compléter les ressources d'une région dans certains cas particuliers, ce qui contribue au rééquilibrage des disparités économiques et financières entre les régions.

En ce qui concerne les liaisons ferroviaires, l'Italie n'a plus réalisé de grandes infrastructures pendant les trente dernières années. Actuellement, elle voudrait se placer sur une ligne Lisbonne-Kiev, passant par Barcelone, Marseille, Gênes et Milan. Les travaux avancent assez vite. Les projets de TGV entrent dans la catégorie des projets prioritaires. Nous connaissons les résultats en termes de développement économique obtenus par Marseille depuis sa liaison TGV avec Paris. Gênes voudrait une liaison avec Milan, et au-delà avec Marseille et toute la France. La liaison entre l'extrême Ouest et l'extrême Est de l'Europe est l'un des projets européens prioritaires.

En ce qui concerne l'enseignement du français en Italie, il y a actuellement un rééquilibrage entre l'anglais et le français dans l'enseignement italien. Nous, Italiens, combattons pour la sauvegarde du français à Bruxelles, face à la montée en puissance de l'allemand. Les deux langues de travail doivent être le français et l'anglais. L'Allemagne voudrait imposer aussi l'allemand comme langue de travail depuis sa réunification. La position de l'Italie est la suivante : si l'allemand devient langue de travail, alors l'italien doit le devenir également. Pendant le semestre de la présidence italienne, on a utilisé cinq langues de travail : le français, l'italien, l'allemand, l'espagnol et l'anglais. Sous la présidence hollandaise, on a utilisé l'anglais, l'allemand, le français et le néerlandais.

D. EMILIO FLORIS, MAIRE DE CAGLIARI

On ne peut pas résoudre les problèmes que pose une île sans résoudre les problèmes de base de l'insularité. Avec la globalisation économique, on assiste à une entrée en concurrence de toutes les régions entre elles.

Il faut d'abord reconnaître le handicap insulaire. Je suis sûr que la France pourrait faire beaucoup pour la Corse à l'intérieur de l'Union européenne. L'élargissement de l'Europe fait courir aux îles du centre de la Méditerranée le risque d'être rejetées en périphérie.

Il est important que l'Etat s'occupe particulièrement des îles. Mais nous devons aussi faire notre part du travail, nous les habitants et les institutions des îles.

Les problèmes économiques de la Sardaigne sont les mêmes qu'en Corse. Il y a aussi des problèmes institutionnels. Nous subissons le handicap permanent de l'insularité. La décentralisation des décisions concernant les îles est nécessaire.

Par exemple, Milan prévoit d'accueillir la banque de la Méditerranée. Or, sur le continent, d'autres endroits seraient mieux choisis. Il n'est pas nécessaire de tout centraliser. La télématique donne une importante chance de développement aux îles. Le travail pouvant se faire à distance, le siège des sociétés pourraient parfaitement être localisés dans les îles. Ainsi, il y a beaucoup de call centers en Irlande, dans les zones franches mises en place il y a dix ans. L'Etat pourrait donner l'exemple.

L'autonomie législative ne donne pas le bien-être à elle seule. Souvent, l'Etat donne de l'autonomie pour ne pas avoir à donner de l'argent. Nous ne voulons pas que l'Etat se rappelle de la Sardaigne seulement lorqu'il y a des taxes à payer.

Les Sardes ne sont pas séparatistes. Le séparatisme est une réaction. La Sardaigne se considère comme une nation.

Le problème le plus important est l'emploi, en Corse comme en Sardaigne. Si cette question n'est pas résolue, il y aura toujours un mal-être et une émigration. L'intérieur des terres de la Sardaigne se dépeuple.

Avec la Sicile, nous avons des problèmes communs mais pas de solutions communes. Avec six millions d'habitants, la Sicile a un poids politique plus important. Elle est mieux représentée. Auprès de l'Union européenne, il n'y a pas de représentant de la Sardaigne, mais toujours un Sicilien.

Disons que le tempérament sicilien est volcanique, alors que le tempérament sarde est granitique. Chacun tire l'eau à son moulin.

En ce qui concerne les subventions européennes, la ville de Cagliari n'a pas de rapport direct avec l'Union européenne. C'est la région qui décide de la distribution des subventions, et Cagliari ne reçoit pas une part qui correspondrait à sa population. C'est la même chose pour les subventions de l'Etat. Heureusement, il existe aussi des transferts directs de l'Etat aux municipalités, qui représentent 20 % de nos ressources.

Les zones intérieures de la Sardaigne vivent de l'agriculture. Elles ont de quoi vivre correctement. C'est plus difficile dans les villes, où n'existe pas la solidarité entre les parents et amis comme dans les villages.

Les régions sont les interlocuteurs de l'Union européenne. Nous passerons dans l'objectif 2 en 2006. C'est un grand sujet de préoccupation. Les infrastructures sont encore en retard en Sardaigne.

E. EFISIO ORRU, PRÉFET DE SARDAIGNE

Je suis Sarde de souche. Il n'y a pas en Italie comme en France une politique de « dépaysement » des préfets.

La Sardaigne est plus proche de la Corse que la Sicile : faible population, faible niveau de développement économique reposant essentiellement sur le tourisme d'été. Il existe aussi des analogies culturelles et politiques. La Sardaigne compte aussi un mouvement indépendantiste.

La population de 1,65 millions d'habitants correspond à une densité de 42 hab. / km 2 . Mais comme un quart de la population est concentré à Cagliari, la densité réelle est beaucoup plus basse dans le reste de l'île.

Dans les années 1960, un premier plan de développement économique de la Sardaigne a été mis en place, fondé sur la monoculture industrielle : la chimie. Quand la chimie s'est écroulée pour des raisons mondiales, il y a eu une crise de désindustrialisation en Sardaigne, amplifiée par la baisse d'activité dans l'aluminium et les mines de charbon et de plomb. Sur les quatre pôles chimiques historiques, deux existent encore. Aujourd'hui, nous cherchons à dépasser cette phase de désindustrialisation, en passant à un système productif plus flexible.

J'ai beaucoup collaboré avec le Préfet de Corse quand j'étais en poste à Sassari, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et de la surveillance du mouvement indépendantiste. Un terroriste italien a ainsi pu être arrêté à Bastia, où il se cachait avec l'appui des indépendantistes corses.

Mon rôle principal concerne la sécurité. Mais tous les phénomènes économiques ayant une influence directe sur la sécurité, je ne ferais pas de distinction tranchée entre l'économie et la sécurité.

A la grande différence de la Corse, il n'y a pas de dérive maffieuse du mouvement indépendantiste. Le séparatisme sarde est plus culturel, politique. Il n'y a pas de taxes levées sur les activités économiques comme en Corse, sur les commerçants et les opérateurs du transport.

Le Préfet de Sicile a moins de compétences que le préfet de Sardaigne, parce que l'autonomie de la Sicile est plus importante. J'interviens surtout dans les relations entre le gouvernement régional et le gouvernement central.

La fonction du préfet en Italie est surtout d'assurer la sécurité publique, dans toutes les régions. C'est un rôle qui ressemble plus à celui du préfet de département qu'à celui du préfet de région en France. Il n'intervient pas dans la redistribution des aides de l'Etat, en raison de l'autonomie fiscale des régions.

F. RENATO SORU, PRÉSIDENT DE LA JUNTE RÉGIONALE

La Sardaigne se dirige vers un processus de fédéralisme, comme toutes les régions italiennes. Elle dispose d'un statut autonome depuis 1948, qui lui donne un rôle à part.

Depuis la réforme du titre V de la Constitution, toutes les régions tendent à avoir plus d'autonomie. Il y a une certaine banalisation des régions autonomes. Le principe de subsidiarité veut que les problèmes se règlent au plus près des citoyens.

Les régions votent leurs propres lois, et ont de plus en plus de responsabilités dans l'élaboration des lois de la République italienne. Je souhaite rendre possible la conquête de plus d'espace d'autonomie pour la Sardaigne.

Je veux notamment la fermeture des bases américaines en Sardaigne. Il s'agit d'une base de sous-marins nucléaires situés dans l'archipel de la Madeleine, à 12 km des côtes de la Corse. Il y avait un seul sous-marin au départ, alors qu'ils sont sept actuellement. Il y a urgence pour la Sardaigne de tenter de recouvrer cet espace militaire concédé aux Américains. A l'époque, ce ne fut pas une décision de la région, ni même du Parlement italien, mais du seul Premier ministre, M. Giulio Andreotti, pour des raisons encore secrètes aujourd'hui. Nous demandons que soit levé le secret entourant cette décision. C'est un problème aussi pour la Corse. Il y a quelque mois, un incident est survenu qui a été tenu secret. Nous avons seulement été alertés par les informations circulant sur le web américain. La CRIIRAD a fait des analyses des eaux pour rechercher le thorium.

Berlusconi a fait campagne en Sardaigne en menaçant de ne plus coopérer avec l'île si celle-ci n'élisait pas son candidat. Nous n'avons pas de moyens institutionnels pour faire avancer nos priorités alors que le gouvernement central est d'une autre tendance politique. Nous nous en remettons à la sagesse. Je suis le président de tous les Sardes. De même, le Président de la République est le président de tous les italiens, même ceux qui votent au centre gauche. Nous n'avons pas de problème de cohabitation au niveau régional.

Parmi nos préoccupations immédiates, figure la lutte contre le chômage. Il faut travailler pour le développement avec le gouvernement central, dont nous essayons d'obtenir plus d'argent.

En ce qui concerne les relations avec l'Union européenne, une modification de la Constitution italienne a autorisé les relations internationales des régions. Il s'agit de la politique de cohésion sociale, des fonds structurels, des programmes interreg, également de la coopération culturelle et de la coopération avec les pays méditérranéens.

La Sardaigne a connu un processus de développement industriel, avec la monoculture de l'industrie chimique. Maintenant, beaucoup pensent à la monoculture de l'industrie touristique. Je n'y crois pas. Il est sage d'avoir plusieurs activités. La plus ancienne industrie de la Sardaigne reste l'élevage ovin, qui produit le pecorino. Mais il faut défendre le peu de grande industrie qu'il reste, faire aussi un peu de nouvelles technologies et de la recherche. Nous avons une bonne recherche, qui devrait déboucher sur des transferts vers l'industrie.

G. CHAMBRE DE COMMERCE DE CAGLIARI

La société d'aménagement de la Sardaigne favorise les délocalisations dans l'île. Avant, la situation était inverse : il fallait convaincre les entreprises de venir en Sardaigne. Les pays d'Europe de l'Est sont nos concurrents directs. Mais la situation évolue, les pays d'Europe centrale et orientale seront bientôt moins attractifs, avec des coûts du travail semblables à ceux de l'Europe occidentale.

L'agroalimentaire est performant. La Sardaigne est le plus grand exportateur de fromage aux Etats-Unis et au Canada, même si elle connaît quelques difficultés avec la baisse du dollar. L'industrie est en crise. Le tertiaire est surdéveloppé. Mais il s'agit surtout d'administration publique. Il n'y a pas de grandes chaînes de distribution.

La Sardaigne connaît un problème de handicap structurel. C'est une île. Les infrastructures sont sous-développées. C'est une région montagneuse, la seule d'Italie a ne pas avoir d'autoroute. La recherche-innovation est faible. De surcroît, le coût de l'argent est plus élevé que dans le reste de l'Italie.

Nous avons demandé à l'Union européenne de reconnaître le handicap de l'insularité, afin de demeurer dans l'objectif 1. Mais cela ne semble pas possible, et ce sera un gros problème pour les aides à l'investissement dans l'industrie et dans l'agriculture.

Il existe un projet de gazoduc Algérie-Sardaigne-Corse. La Sardaigne est pour l'instant la seule région d'Italie qui n'a pas accès au gaz.

La Sardaigne est la troisième région pour le tourisme en juillet-août, mais la dix-neuvième seulement les autres mois de l'année. 50 % des hôtels sont concentrés dans le nord de l'île. La desserte aérienne est insuffisante, même si des vols à bas prix commencent à se développer au printemps et à l'automne. Pour développer la saison touristique, il serait concevable de subventionner les hôtels, à la condition qu'ils restent ouverts 10 mois de l'année.

La Sardaigne accueille environ 10 millions de touristes par an, dont 80 % en juillet-août. Ces chiffres correspondent à la capacité des hôtels et camping, les résidences secondaires n'étant pas comptées. La concentration est aussi spatiale, puisque 95 % des touristes sont sur les côtes. Il s'agit d'un tourisme assez riche, car le coût de la vie est élevé en Sardaigne. Des initiatives doivent être prises pour allonger la saison touristique et développer le tourisme dans l'intérieur de l'île. Faut-il une taxe d'accès à la Sardaigne ? Faut-il privilégier le transport aérien sur le transport maritime ?

Le tourisme devrait miser sur un développement de l'intérieur de l'île, plus diffus, plutôt que sur des grandes structures à capitaux extérieurs implantées sur la côte : bed and breakfast, agritourisme, hôtels ruraux. Il faut miser aussi sur l'artisanat, le secteur culturel, la gastronomie. La Sardaigne a des produits alimentaires de qualité, provenant d'un territoire indemne, de qualité « bio ».

Les échanges entre la Corse et la Sardaigne ont été multipliés par dix ces dernières années. La Sardaigne achète du bois et exporte des produits alimentaires et pour le bâtiment. Mais il y a un problème de transport : les camions sont limités à 24 tonnes en France, contre 30 tonnes en Italie. Les Corses achètent à des marchands de Marseille ou de Nice des produits d'Italie. Il y a également un problème pour le transport des personnes entre la Corse et la Sardaigne sans passer par le continent. Le coût des moyens de transport maritimes est subventionné en Sardaigne comme en Corse.

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