4. Le désir d'ouverture vers l'Europe et la France

La diplomatie paraguayenne n'affiche aucune idéologie particulière ; elle fait feu de tout bois, acceptant les appuis d'où qu'ils viennent, États-Unis et Taïwan, qui peuvent faire pièce à « l'arrogance » brésilienne.

Le lien avec l'Europe est recherché dans l'espoir de doper les exportations, principalement agricoles, vers le Vieux Continent, mais également par souci de conforter la vision d'un monde multipolaire.

Dans ce contexte, les relations avec la France prennent tout leur sens, que ce soit au travers des visites gouvernementales qu'au travers des échanges parlementaires qui se développent.

Le rapprochement avec les États-Unis

Resté conservateur, le pays s'est rapproché des États-Unis, notamment pour faire face aux déficiences du Mercosur. Il avait même été question un temps de préparer un traité de libre-commerce avec Washington, bien que cela soit en contradiction avec les statuts du bloc régional.

Depuis la visite de Donald RUMSFELD, fin août 2005, le Paraguay a ainsi reçu un appui militaire et policier important : 400 conseillers militaires se sont succédé dans le cadre de l'opération "Medrete". Le FBI s'est installé sur le territoire et les services américains anti-drogues et anti-terroristes mènent une activité soutenue.

Le Vice-Président Luis CASTIGLIONI montre d'ailleurs une particulière allégeance à Washington, dégageant ainsi le Président DUARTE FRUTOS du vif reproche d'une opinion publique traditionnellement méfiante vis-à-vis des États-Unis. Celle-ci soupçonne en effet les américains d'utiliser l'aérodrome militaire de Mariscal Estigarribia, sur la route de la Bolivie, pour des opérations secrètes.

Le fait que le Paraguay soit le meilleur allié des américains dans la région et soit parfois considéré comme le « porte-avion » de Washington, n'est pas étranger à l'affermissement en 2006 du dispositif militaire bolivien face à d'éventuelles tentatives de déstabilisation ou d'intimidation contre le régime d'Evo MORALES.

S'inquiétant des projets de défense boliviano-vénézuéliens (bases militaires sur la frontière avec le Paraguay), un certain nombre d'hommes politiques paraguayens n'avaient d'ailleurs pas hésité à jouer les va-t-en guerre. Le thème est facile : le Venezuela et son argent seraient les complices du désir de revanche des Boliviens qui ont perdu la guerre du Chaco il y a plus de 70 ans.

Or cette position pourrait à la longue devenir dangereuse dans un contexte où nationalisme et passé dictatorial hantent encore beaucoup d'esprits.

Mais la signature le 19 mars 2007 d'un accord de coopération militaire entre les deux pays, premier accord entre les deux forces armées depuis la guerre du Chaco, devrait permettre à la Bolivie et au Paraguay de surmonter une période de défiance mutuelle liée aux amitiés vénézuelienne de l'un et américaine de l'autre.

Les amertumes paraguayennes au sein du Mercosur

Depuis quinze ans, l'union douanière du Mercosur n'a pas permis au Paraguay de retirer les fruits espérés, qui auraient dopé son économie. Son déficit commercial au sein de la zone est grandissant (663 millions de dollars en 2005) et les doutes de l'opinion nationale persistent.

Or le Paraguay est censé bénéficier, depuis juin 2005, d'un droit de tirage jusqu'à 48 % des fonds de convergence structurels du bloc régional. Mais les Parlements du Brésil et de l'Argentine n'ont pas encore ratifié le texte établissant ces fonds. Et de multiples conditionnalités en limiteront de toute façon l'utilisation.

Polémiques et soupçons se sont en effet relayés entre Brésil, Argentine et Paraguay, sur la volonté de ce dernier d'établir un traité de libre-échange avec les États-Unis, en contradiction avec ses obligations de membre du Mercosur. Fièvre aphteuse aux frontières extérieures, volonté de renégocier les contrats bi-nationaux des ensembles hydroélectriques d'Itaipu et de Yacyreta, enveniment de surcroît les relations du Paraguay avec ses deux voisins.

L'attitude « égoïste » des deux grands a contribué ainsi à jeter le Président DUARTE FRUTOS dans les bras des américains qui les lui tendaient, soucieux d'appuyer le dernier des présidents conservateurs du cône sud.

En effet des procédures ont été mises au point entre le Brésil et l'Argentine qui marginalisent le Paraguay et l'Uruguay :

- le mécanisme d'adaptation compétitive, adopté par le Brésil et l'Argentine, introduit des mesures protectrices en faveur de l'Argentine, évitant un trop grand déséquilibre vis-à-vis du Brésil ;

- et la politique automobile du Mercosur permet à l'économie argentine de se rééquilibrer face à celle de Brasilia, sans gain aucun pour le Paraguay et l'Uruguay.

Le Paraguay subit ces distorsions commerciales de plein fouet. Il est également victime de mesures d'étranglement à Ciudad del Este pour le passage de la frontière et ne cesse d'être montré du doigt par le Brésil comme fomentant des trafics illégaux à partir de cette ville.

Ces mesures s'ajoutent aux restrictions argentines portant sur le nombre de camions, acheminant la viande paraguayenne, autorisés à traverser le territoire en direction du Chili. Les autorités paraguayennes ont voulu porter plainte devant l'OMC mais l'Argentine a menacé d'interdire tout transit sur son sol en cas de passage à exécution, alors que la demande du Chili pour la viande paraguayenne a fortement augmenté après février 2006, suite aux cas de fièvre aphteuse ayant touché le bétail argentin.

Le Paraguay s'estime enfin victime des traités d'Itaipu et de Yacyreta sur la dette contractée pour la construction des infrastructures énergétiques et sur la vente obligatoire à son partenaire pour sa part de l'électricité produite mais non consommée, à un prix préférentiel qui ne correspond pas à celui du marché.

C'est surtout le Brésil qui est perçu comme « impérialiste ». Le Paraguay lui reproche "d'envahir" le territoire national avec ses 300.000 ressortissants, éleveurs et producteurs de soja transgénique et de faire échec aux négociations agricoles avec l'Union Européenne, bloquant de possibles exportations paraguayennes. La stagnation des négociations UE-Mercosur entrave en effet les possibilités d'exportation du Paraguay vers l'Union Européenne.

Les liens étroits affichés avec Taïwan, le Japon, la Corée et les États-Unis, l'organisation d'une rencontre en avril 2006 à Asunción entre les Présidents de Bolivie, d'Uruguay et du Venezuela, accompagnés du ministre cubain des affaires étrangères, sur le thème de l'exportation du gaz de Bolivie et de la construction d'un gazoduc, ont ainsi pour objet de démontrer que les alternatives restent possibles à l'égoïsme des deux grandes puissances du Mercosur.

Si la tentation est constante pour le Paraguay de tisser des liens en dehors du Mercosur, en matière commerciale, le pays est bel et bien ancré au bloc régional et, malgré ses exaspérations régulières, ne saurait pour le moment s'en dégager.

Le Mercosur présente en effet deux avantages de taille pour le pays : c'est une tribune internationale où il peut faire entendre sa voix face aux médias, à défaut d'y être réellement pris en compte par ses partenaires et, le tribunal permanent du Mercosur, dont le siège est à Asunción, fait du Paraguay le centre juridique du bloc. Il est vrai que ce dernier avantage reste, pour le moment, en gestation.

Et le fait que le Paraguay bénéficie de très peu d'avantages réels au sein du Mercosur, permet aussi au Président DUARTE FRUTOS de justifier dans une certaine mesure les « contre-performances » de son gouvernement en matière sociale

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