IV. LA SLOVAQUIE : GARDIENNE DE NOTRE FRONTIÈRE COMMUNE

Nous devons avoir conscience que la question du contrôle et de la protection de notre territoire, territoire commun de l'Union européenne est aujourd'hui confiée à plusieurs de nos partenaires européens qui ont, de ce fait une lourde responsabilité et qui méritent pour cette raison toute notre attention. Nos groupes d'amitié ont, au fil des ans montré leur attachement à cette question. C'est ainsi que lors des deux dernières missions effectuées par le groupe d'amitié du Sénat, la question de la frontière a toujours été au programme.

Ainsi, M. Tibor Mako, l'actuel directeur de la police des frontières et des étrangers pour la Slovaquie, a rappelé qu'il avait le souvenir de la visite d'une précédente délégation sénatoriale en juillet 2004 alors qu'il ne dirigeait que la région et que la Slovaquie n'était pas encore entrée dans l'espace Schengen.

Depuis le 21 décembre 2007 la Slovaquie fait partie des États membres de l'espace Schengen. Cette entrée a profondément changé la façon dont ce pays avait de considérer sa frontière. La Slovaquie par ailleurs n'est pas à proprement parler un pays cible pour l'installation de migrants qu'ils soient légaux ou illégaux et reste plus un point de passage vers le reste des pays européens.

Les mutations, les parlementaires français au travers de leurs différentes missions en ont été les témoins et peuvent le rapporter. Lors du dernier jour de cette mission la délégation s'est ainsi rendue au centre de Sobrance ainsi qu'à un point de passage routier avec l'Ukraine de Vysne Nemecke. Elle a enfin procédé à un survol essentiellement de la partie montagneuse de la frontière au moyen d'un hélicoptère des forces de police.

Survol de la frontière

A. LE CONSTAT D'UNE ÉVOLUTION POSITIVE SUR LES DERNIÈRES ANNÉES

La première des spécificités concernant la Slovaquie est de bien comprendre la géographie des 97,8 km de sa frontière Schengen avec l'Ukraine . La frontière ukrainienne se décompose en deux parties :

- au sud, les 2/3 de la frontière sont formés d'un relief très plat, une frontière facilement accessible la partie sud plaine ouverte est donc aisée de contrôle. Le nord est très montagneux, très difficile d'accès ;

- la partie nord marquée par une forêt dense est donc le lieu où l'essentiel des passages clandestins est constaté surtout d'octobre à avril en raison des conditions climatiques très rigoureuses avec la neige qui y est souvent abondante.  C'est sur cette seconde partie de la frontière avec l'Ukraine, la plus courte, que la pression était en 2004 tout comme aujourd'hui la plus importante même s'il est humainement très difficile de la franchir.

1 - UNE MOBILISATION À L'HONNEUR DE LA SLOVAQUIE

a) Une volonté politique

La manifestation de la volonté politique de la Slovaquie d'améliorer son travail en matière de contrôle de sa frontière Schengen s'est traduit par une mesure : la création de la direction de la police des frontières et des étrangers. Cette direction générale a été récemment séparée de la direction générale de la Police et dépend directement du ministère de l'Intérieur. Cette autonomisation a permis une amélioration de son fonctionnement.

Il est important de mesurer que cette autonomisation n'est pas une simple mesure administrative mais qu'elle est très certainement à l'origine d'une amélioration de l'efficacité du travail réalisé. En 2004 les interlocuteurs rencontrés et en particulier plusieurs conseillers européens pour les questions de frontière en vue de la date approchante de 2007 avaient pointé cette difficulté.

L'objectif était alors pour ces experts d'évaluer la situation puis de recommander les mesures à prendre et faire admettre les réformes nécessaires aux autorités slovaques de l'époque pour que lorsque l'évaluation Schengen se ferait, les Slovaques soient réellement prêts. La priorité était mise sur le travail sur la frontière avec l'Ukraine et la réalisation des évaluations de la police des frontières. Dans l'optique de Schengen, les premières évaluations des experts européens se sont révélées très mauvaises cependant le ministère l'Intérieur en avait apprécié la franchise.

La police de l'air et des frontières se découpait suivant les huit régions administratives slovaques de l'époque. De ce fait, la frontière ukrainienne dépendait tout à la fois de la région de Kosice et de celle de Presov, ce qui n'était pas très bon en termes d'efficacité. Avait alors été proposé de créer 4 grandes régions selon un découpage est-ouest, région est, région centre, région ouest et Bratislava. L'idée était de coordonner la frontière ukrainienne dans son ensemble sous un unique et même commandement.

Un problème qui se posait en 2004 et qui semble aujourd'hui résolu, celui de l'autonomisation de la police de l'air et des frontières reposait sur le fait que les acteurs des services concernés n'étaient pas maîtres des ressources financières que l'Union européenne allouait au titre des « Schengen facilities » fonds visant à adapter les systèmes de contrôle dans l'optique de l'intégration à l'espace Schengen.

Un second problème militait pour un changement des structures de la police des frontières : le problème de la corruption. Le moyen trouvé a été de dissocier l'échelle de contrôle de celle de l'interpellation d'où le choix de créer un poste décisionnel des interpellations dans la ville de Sobrance.

En 2004, le site de Sobrance avait été présenté comme devant être le centre nerveux où toutes les informations parvenaient et d'où les ordres d'action et d'intervention seraient émis. Ainsi, en acceptant les capteurs et autres radars, on dissocie la décision d'interpeller du facteur humain de l'interpellation comme action qui minimise les risques de corruption. En effet, s'il est possible pour les unités d'interception de laisser passer une fois des clandestins signalés grâce aux moyens technologiques, les soupçons pèsent si ces faits se répètent. Ce plan ambitionnait de diminuer à moyen terme les passages en abaissant leur fréquence.

S alle de contrôle centre de Sobrance

b) Des moyens humains et matériels hors norme

En parallèle de gestes politiques forts les autorités slovaques ont mis en oeuvre des moyens matériels et humains considérables.

Ainsi le chef de la police des frontières et des étrangers a rappelé que ses unités se répartissent en plusieurs directions qui se partagent les 2200 hommes de cette unité. La direction chargée de l'émission des cartes de séjour, la direction chargée de la répression et du contrôle des étrangers sur le territoire et la direction principale celle du contrôle de la frontière (frontière terrestre et les 3 aéroports relevant du système de réglementation Schengen) elle est forte pour sa part de 886 unités.

La mission de ces troupes est de contrôler les 1500 km de frontières de la Slovaquie mais plus spécifiquement les 97,8 km de frontière Schengen avec l'Ukraine.

La frontière se décompose comme nous l'avons vu en deux parties : la partie sud plaine ouverte aisée de contrôle, la partie nord marquée par une forêt dense et donc où l'essentiel des passages clandestins est constaté ; le passage y est d'autant plus difficile d'octobre à avril que la neige y est abondante.

Sur ces frontières sont installés des systèmes extrêmement performants de détection de mouvements pouvant séparer le mouvement des animaux de celui des êtres humains. Ainsi deux pratiques différentes se développent en fonction de la partie de la frontière contrôlée : au nord en raison des caractéristiques géographiques de la frontière c'est la mobilité des agents qui est une priorité, au sud l'accent sera principalement mis sur la rapidité de l'intervention.

La stratégie de contrôle mise en place par la police des frontières et des étrangers se fonde pour le nord sur la mise en place de 4 lignes successives de contrôle après la frontière :

- la première à proximité immédiate de la frontière est basée sur l'utilisation de caméras et des 4 x 4 d'intervention rapide, la frontière montagneuse est ponctuée d'une dizaine de tours de surveillance ;

- la seconde repose sur des patrouilles communes avec la police dans les villes et villages frontières ;

- la troisième intervient en retrait avec des véhicules de surveillance et d'intervention ;

- la dernière se concentre sur le contrôle sur les grands axes routiers de circulation.

Il est à noter que cette direction intervient seulement dans un rayon qui se limite à 40 km à partir des frontières.

Pour la partie sud on retrouve ce même système avec la déclinaison en moins des systèmes de véhicules tout-terrains ; la frontière se trouve ponctuée de poteaux de surveillance tous les 180 mètres qui sont dotés de caméras de surveillance avec système soit infrarouge soit muni de mécanisme de lumière artificielle.

Les unités de police sont dotées de véhicules mobiles dotés de thermo caméra pour poursuivre la recherche des éventuels passagers clandestins de la frontière. Certains véhicule sont dotés de caméras ayant une portée de près de 8 km.

Véhicule équipé de caméras de surveillance longue distance

La frontière se compose également de trois points de passage pour les véhicules (la délégation s'est rendue sur un de ces points de passage constatant les moyens techniques importants mis en oeuvre) et deux points de passage pour les trains l'un étant consacré au fret.

Sur ces points de contrôle outre le lien avec les systèmes de contrôle FRONTEX des passeports, les unités slovaques utilisent des scanners à haute performance pour détecter toute présence suspecte à l'intérieur des véhicules, principalement les camions. Par ailleurs la direction dispose d'une équipe cynophile de 78 chiens spécialisés dans différents domaines : drogue, explosif, tabac...

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