Actes colloque Moyen-Orient



Echanges avec la salle

Philippe FOUET

Une vingtaine de VIE sont présents en Arabie Saoudite, dont deux femmes.

Estimez-vous possible de travailler en Arabie Saoudite depuis Dubaï ? Comment avez-vous choisi vos partenaires et auprès de qui avez-vous demandé conseil ?

Isabelle RIGAIL

Il faut être présent dans chaque pays où vous souhaitez travailler. Les habitants du Golfe sont sensibles au fait que vous veniez les voir.

J'ai travaillé ponctuellement avec la société Chaloub mais notre collaboration n'a pas donné de bons résultats s'agissant du développement boutique. J'aime bien prendre des partenaires locaux, par pays ou par ville, selon les opportunités. Outre les Postes d'Expansion Économique, j'ai souvent trouvé de l'aide auprès de collèges. Enfin, j'ai des clients fidèles.

Thierry GEOFFROY

Nos partenaires se limitent à nous aider à obtenir des visas. Nous rencontrons des difficultés importantes à trouver de bons partenaires dans ces pays. Nous les avons connus via notre métier.

Je suis pour ma part très content que mes concurrents n'aient que des représentations à Dubaï. C'est ainsi que j'arrive à remporter des contrats en Arabie Saoudite.

Philippe FOUET

Les Saoudiens voient d'un mauvais oeil que l'on n'ait pas de représentant chez eux.

David DANGELSER, société Tilly Sabco

Quelle est la tendance d'évolution de la distribution dans les années à venir ?

Philippe FOUET

Le plus grand groupe de distribution alimentaire locale est le groupe saoudien Savola. Il représente 8 % du marché. Il vient de racheter les implantations de Géant qui n'était commercialement pas bien positionné. 75 % de la population est saoudienne et c'est elle qui dispose du pouvoir d'achat le plus élevé dans le pays. Le deuxième groupe est Al-Othaim suivi de Carrefour et Bin Dawood. La tendance est à la croissance plus forte des grands supermarchés que des petits magasins. Pour autant, les hypermarchés ne représentent que 15 % du marché. Carrefour s'attend à une croissance de 20 % cette année. Enfin, la moitié de la consommation a lieu hors des trois grandes villes.

De la salle

Avez-vous des représentants dans chaque pays ?

Isabelle RIGAIL

Non. Il est possible de faire des affaires en voyageant soi-même et sans avoir de représentation locale, mais il est préférable de disposer de relais sur place afin d'assurer un suivi.

Philippe FOUET

Les relations avec les Saoudiens sont très personnalisées. Ils connaissent l'image de leur pays à l'étranger, qui n'est pas toujours juste, et ont besoin de considération.

De la salle

Il est paradoxal de vouloir inscrire sa relation commerciale dans la durée alors que les expatriés ne restent que quelques années sur place. Par ailleurs, quel est le rôle du sponsor ?

Philippe FOUET

Un grand nombre d'expatriés reviennent ou restent très longtemps.

Frédéric WAPLER, avocat

Pendant longtemps, les investisseurs étrangers étaient dispensés d'impôt, pendant 5 ans en matière de contracting et de 10 ans en matière industrielle, à condition qu'il existe un partenaire saoudien à hauteur de 25 %. Mais il était tout à fait possible pour un étranger de détenir une société à 100 % en payant l'impôt afférent. Il y a quelques années, cette incitation fiscale a été supprimée. Cette suppression a été doublée d'une réduction du taux de l'impôt désormais fixé à 20 % flat quel que soit le montant des bénéfices de la société.

La question du sponsor est une question pratique. En effet, il est très difficile de conclure des affaires sans parler l'arabe et sans agent.

En matière de commercialisation, il est possible de vendre en Arabie Saoudite depuis la France mais pas de vendre directement en Arabie Saoudite. Le monopole du négoce est réservé aux Saoudiens.

Depuis 2009, les sociétés étrangères peuvent investir dans le domaine de la distribution à hauteur de 75 % dans une société locale à condition que le montant investi soit de 20 millions de riyals, soit 4 millions d'euros. Cette disposition vise à protéger le petit commerce.

S'agissant des circuits de distribution, depuis l'adhésion de l'Arabie Saoudite à l'OMC, seule la vente à la commission est réservée aux Saoudiens.

Thierry GEOFFROY

L'exportation depuis la France présente de nombreux avantages : l'agent se charge des formalités administratives, le crédit documentaire nous permet de nous affranchir de tout problème de délai de paiement et le risque de change est écarté.

L'agent que nous avions conservé sur place prendra bientôt sa retraite. Sa succession nous pose problème dans la mesure où il est connu sur le marché et où les VIE ne travaillent qu'en support.

Dominique de VISSER

Sous quelle forme une entreprise à 100 % française peut-elle s'installer en Arabie Saoudite ?

Frédéric WAPLER

Différentes formules sont possibles, parmi elles la filiale ou la succursale.

Par ailleurs, il existe une liste des domaines interdits aux investissements étrangers : armement, mines, pétrole, éducation, immobilier, etc.

Philippe FOUET

La liste est courte et a été raccourcie plusieurs fois. L'Arabie Saoudite est plus ouverte dans ce domaine que les autres pays du Golfe.

Lucile PONS VAN DER SLIKKE, Sagia

La Sagia fournit sur son site Internet la liste en question. Certains domaines ne sont pas totalement dans la liste négative. Ainsi, il n'est pas possible d'ouvrir un cabinet de consulting ou de recrutement à 100 % étranger. Toutefois, cette situation va évoluer. Certaines sociétés étrangères se sont néanmoins installées en Arabie Saoudite où elles font de la prestation de service qui s'apparente à du consulting .

Ray SPANO, Coteba

Qu'en est-il du secteur du bâtiment en Arabie Saoudite pour les entreprises françaises ?

Philippe FOUET

Les entreprises françaises ne sont presque plus présentes sur ce marché. Il existe des entreprises saoudiennes très importantes qui maîtrisent des technologies assez avancées et ne craignent pas de voir arriver les paiements avec du retard. Il est dorénavant très difficile de les concurrencer ainsi que les Chinois qui se sont lancés dans la construction de routes à des prix très bas.

De la salle

Comment expliquez-vous la présence chinoise en Arabie Saoudite ?

Philippe FOUET

Dans les affaires, les Saoudiens ne font plus de différences entre les régimes. La Chine est un partenaire stratégique. Elle fournit des technologies à des prix assez bas. L'Arabie Saoudite est quant à elle le premier fournisseur de pétrole de la Chine. Les investissements chinois dans le secteur pétrolier et gazier en Arabie Saoudite sont importants. La Chine est le deuxième fournisseur de l'Arabie Saoudite. La main-d'oeuvre chinoise est également très présente.

De la salle

Quelle est la part des exportations françaises vers l'Arabie Saoudite ?

Philippe FOUET

L'année dernière, la France a exporté pour 2,5 milliards d'euros vers l'Arabie Saoudite. Elle figure en neuvième position, très loin derrière l'Allemagne et assez loin derrière l'Italie alors que leurs niveaux étaient équivalents il y a cinq ans. Une partie des exportations françaises est envoyée aux Émirats et réexpédiée vers l'Arabie Saoudite. L'effritement de notre performance est dû à la montée de la Chine et de l'Inde.

Thierry GEOFFROY

Les Saoudiens sont tout de même conscients de la différence en termes de qualité et de prix entre les produits français et chinois. L'image positive de la France justifie à leurs yeux une différence de prix importante.

James GORE, Sotexpro

Quel est le parcours des VIE ? Doivent-ils parler arabe ?

Thierry GEOFFROY

Il est indispensable qu'ils parlent l'arabe classique. C'est plus important que de parler anglais. Les Maghrébins parlent l'arabe dialectal.

Par ailleurs, la présentation du site Internet des VIE fait que nos offres sont au même niveau que celles des entreprises de taille plus importante. Nous recevons donc beaucoup de candidatures. Les profils sont très variés.

De la salle

Est-il raisonnable de penser qu'il est possible en Arabie Saoudite de mettre en place la chaîne de savoir-faire nécessaire à la mise en place d'une industrie automobile ?

Philippe FOUET

Dans le secteur privé, le savoir-faire et la main-d'oeuvre sont essentiellement étrangers. La plupart des Saoudiens qui travaillent sont dans le secteur public.

Il sera difficile pour les Saoudiens de mettre en place la chaîne de savoir-faire nécessaire à la mise en place d'une industrie automobile. Mais ils ont une volonté stratégique très claire en la matière et, surtout, ils n'ont pas le choix. L'Arabie Saoudite est, en effet, obligée de créer des emplois pour les 400 000 Saoudiens qui entrent chaque année sur le marché du travail. L'Automobile, la métallurgie, les plastiques et l'emballage, les équipements électriques pour les maisons et le solaire sont les cinq axes définis comme pôles de compétitivité. Aucun n'a encore été développé. Pour ces cinq secteurs, l'Arabie Saoudite a commencé à approcher les entreprises étrangères et a décidé de financer la moitié des investissements.

La main-d'oeuvre étrangère sera nécessaire mais les autorités saoudiennes obligeront les entreprises à employer un grand nombre de Saoudiens. L'organisme de formation saoudien dispose de moyens très importants pour créer des instituts de formation. Les Saoudiens sont prêts à se mettre au travail, même en occupant des emplois intermédiaires.

Les terrains seront mis à disposition des premiers investisseurs à des prix très bas.

Cédric MOREL, architecte

Où en est le développement des Economic cities ?

Philippe FOUET

Il existe quatre cités économiques. La Sagia est chargée de gérer leur lancement. Le financement a été confié en totalité au secteur privé. Lancées au moment de la crise financière, elles aboutiront probablement en partie et plus lentement que prévu. La plus avancée est la King Abdallah Economic City qui se trouve au Nord de Djedda. Comme elle porte le nom du roi, il est certain qu'elle aboutira au moins en partie. Celle de Médine, financée en partie par la Fondation du roi, devrait rencontrer moins de problèmes de financement que les autres.

Lucile PONS VAN DER SLIKKE

La King Abdallah Economic city est la plus avancée et elle se fera, même si ce sera moins vite que prévu. Un changement de développeur est intervenu pour Hail qui est dédié à logistique. Quant à Medina knowledge Economic city, elle ne connaît pas de problèmes financiers. Enfin, Jazan Economic city sera plus industrielle et doit se développer sur vingt ans.

On assiste à un regain d'intérêt des entreprises françaises pour l'Arabie Saoudite. De très beaux succès commerciaux français ont été réalisés en Arabie Saoudite mais ces entreprises ne communiquent pas dessus.

De la salle

Ces cités économiques seront-elles des zones franches ?

Lucile PONS VAN DER SLIKKE

Les autorités saoudiennes s'engagent à ce qu'un certain nombre de règlementations soient différentes. Mais ce ne seront pas des zones franches.