Actes colloque Moyen-Orient



Echanges avec la salle

De la salle

Il est difficile pour les entreprises basées aux Emirats Arabes Unis de s'implanter sur le marché saoudien.

Gilles KEPEL

Dans la culture du Golfe, on distingue le chef de la plus grande tribu et les chefs des tribus plus petites. Chaque tribu a droit à sa part du marché mais l'Arabie Saoudite reste l'ensemble dominant. Le problème se pose avec des nuances diverses selon les pays. L'Arabie Saoudite s'attend à une sorte de déférence par rapport à ses voisins.

Pierre MOURLEVAT

L'Arabie Saoudite constitue un pôle de débouchés importants pour les biens importés du port de Djebel Ali à Dubaï et expédiés ensuite en camion jusqu'à Arabie Saoudite. Les groupes émiriens sont partie prenante des grands consortiums sur les appels d'offres en Arabie saoudite. Il n'existe donc pas de problème majeur pour les entreprises émiriennes à être présentes sur le marché saoudien. Les relations peuvent être complexes notamment en raison de la question de l'équilibre de puissance entre les deux pays.

Anthony O'SULLIVAN, Directeur du programme Mena de l'OCDE

Est-il possible d'inclure l'Afrique du Nord dans la sortie de crise éventuelle des pays du Golfe ?

Gilles KEPEL

C'est un impératif. Pour la France, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient constituent un enjeu de politique de voisinage et de politique intérieure.

Pierre MOURLEVAT

Il existe de très nombreux projets d'investissement au Proche-Orient et en Afrique du Nord, soit par le financement de projets par des fonds d'investissements, soit par de grands programmes de développement immobilier. La crise qui affecte les grands groupes immobiliers de Dubaï semble entraîner un certain retrait de ces groupes sur les grands projets immobiliers prévus au Maghreb.

Par ailleurs, il y a un enjeu à arrimer les pays du Moyen-Orient et leurs fonds souverains et d'investissement sur le projet d'Union pour la Méditerranée. Il est possible de trouver des projets concrets et emblématiques qui permettront un apport en capital de fonds d'investissements du Golfe.

Cyril FORGET

Lors de son récent déplacement dans la région, Madame Lagarde a rencontré de nombreux homologues qui ont tous évoqué l'appui au développement de relations commerciales avec l'Afrique.

Financements : rôle de l'assurance crédit et des fonds souverains

Xavier LAURENT,
Directeur adjoint, Direction des garanties publiques, Coface

Nous assistons actuellement au retour de l'assurance-crédit au Moyen-Orient. Il s'agit là d'un phénomène de fond qui va s'inscrire dans la durée. Cette conviction repose sur trois points. En premier lieu, il existe une volonté clairement affichée de l'Etat français depuis quelques années de réformer toutes les procédures d'assurance-crédit et de soutien aux exportations. Nous avons créé un nouveau produit destiné aux banques pour leur permettre de se couvrir face au risque de défaillance de l'exportateur au titre des cautions et préfinancements. Ce produit a connu un succès considérable en deux ans avec plus d'un milliard d'euros de stocks de garantie. En second lieu, le phénomène du retour de l'assurance-crédit est antérieur à la crise. Enfin, aujourd'hui, les banques ont besoin des assurances-crédits publiques, et par conséquent de la Coface, pour mettre en place des financements. Elles ont également besoin d'une stabilité que seule l'assurance-crédit peut leur garantir.

S'agissant du risque pays et des politiques de crédit, la situation des pays du Moyen-Orient est contrastée avec l'existence de deux blocs. Le premier bloc est constitué des pays bien classés par l'OCDE avec une politique de crédit ouverte, tels que Dubaï malgré ses difficultés. Le second bloc comprend les pays difficiles avec une politique de crédit restrictive. Il s'agit de l'Irak, même si sa politique de crédit permet de prendre des opérations au comptant, de l'Iran, avec des opérations au cas par cas, et du Yémen avec des opérations au cas par cas de préférence sur des publics non souverains et avec des schémas offshore.

Cette zone regroupe aujourd'hui des acheteurs souverains, avec lesquels nous n'avons jamais eu de difficultés, des acheteurs publics, avec lesquels il nous est arrivé d'avoir des difficultés mais avec qui les relations se déroulent bien dans l'ensemble et, enfin, des acheteurs privés. Les opérations ont souvent lieu au comptant. Depuis quelques années, nous procédons à des financements avec des acheteurs publics ou quasi souverains et à des financements de projets, qui deviennent une part très importante de notre activité.

Notre expérience au Moyen-Orient est globalement bonne. Il existe très peu d'arriérés, sauf dans le cas très particulier du Yémen. Quelques sinistres politiques anciens ou des sinistres privés, souvent liés au politique, sont à signaler. Les décisions de justice peuvent être difficiles à obtenir et à faire exécuter, qu'il s'agisse de jugements internationaux comme locaux.

Notre encours est stable dans la région. 20 milliards d'euros de contrats conclus ont été garantis cette année, contre 7,5 milliards ces cinq dernières années. La zone représente 12 % de notre encours général. Oman et l'Arabie Saoudite figurent parmi les vingt premiers encours garantis. Le Qatar se situe à la 21 ème place. Le secteur aéronautique est en pleine expansion avec la multiplication des compagnies aériennes locales. Les demandes dans le domaine de l'énergie et des infrastructures sont également très importantes. Depuis deux ans, nous sommes approchés pour des financements et même des refinancements. La Coface accepte de faire du refinancement à la condition qu'il soit assorti de commandes nouvelles à un exportateur français. Dans les années à venir, des projets importants, voire considérables, sont prévus dans les domaines aéronautique, militaire, du nucléaire et des infrastructures.

Jean-Marc PUEL,
Associé fondateur, BTR Capital Partners (Fonds d'investissement)

Il existe plusieurs types de fonds souverains en fonction des pays qui les constituent et des personnes qui les dirigent. Ce sont des investisseurs constitués par les États avec un objectif d'investissement à long terme. Ils sont proches d'États dont certains ont des revendications géopolitiques affichées et d'autres qui commencent à en avoir. Depuis la crise, il existe des besoins de financement en Occident et des liquidités au Moyen-Orient, ce qui a entraîné une ruée de tous les financiers européens vers ces fonds souverains qui y voient une source de financement que les banques ou investisseurs occidentaux ne sont plus en mesure de fournir.

Ces fonds ne sont pourtant pas des investisseurs pour tout le monde. Pour eux, la mobilisation unitaire de leur investissement se pense en centaines de millions ou en milliards d'euros. Par nature, ils s'intéressent donc à des grands dossiers. Historiquement, ces pays ont d'abord placé leurs réserves dans des Bons du trésor américain, puis dans les meilleures entreprises occidentales. Avec la crise, certains fonds ont perdu 30 % de leurs actifs. Ils ont donc opéré un mouvement de retour sur leur marché domestique. Aujourd'hui, ils s'intéressent à trois grands types d'actifs : l'immobilier au Moyen-Orient et dans les pays occidentaux, dans un souci de lutter contre les risques inflationnistes ; les matières premières, afin d'assurer la sécurisation des approvisionnements ; les marchés émergents.

Les entreprises françaises peuvent intéresser ces fonds qui peuvent vouloir rapatrier des technologies ou qui adoptent une approche plus financière en fonction de la qualité de l'entreprise.

Les fonds souverains ont des modes de fonctionnement plus ou moins légers et mobiles. Les équipes qui les gèrent sont assez réduites et submergées de projets.