Actes colloque Moyen-Orient



L'approche des marchés du Moyen-Orient

Frédéric CHOBLET,
Chef du Service économique de Bagdad et d'Erbil en Irak

Par rapport au chaos de 2003, la situation politique est en voie de stabilisation. Une constitution a été votée en 2005 et des élections législatives sont intervenues. Les prochaines devraient avoir lieu début 2010. La situation s'améliore également en termes de sécurité. Depuis 2007, le nombre de violences a été divisé par dix. Il est aujourd'hui possible de venir en visite dans l'Irak arabe en recourant aux services d'une entreprise de sécurité. Le Kurdistan est, en revanche, totalement sécurisé et il est possible de s'y déplacer sans escorte.

Le pays reste pourtant compliqué pour des raisons politiques et sécuritaires mais aussi parce qu'il existe peu d'infrastructures et que les structures juridiques sont encore fragiles. Le pays est encore peu investi par les entreprises étrangères et la concurrence y est par conséquent faible. Les entreprises qui viennent disposent ainsi d'un avantage comparatif pour obtenir des marchés, d'autant plus que les Irakiens raisonnent aussi en fonction de leurs sentiments et apprécient ceux qui prennent le risque de venir.

Le pays est à reconstruire intégralement. Le coût de la reconstruction est évalué entre 400 et 600 milliards de dollars. Les ressources pétrolières sont très importantes. L'Irak produit 2,5 millions de barils par jour et compte porter ce chiffre à 6 ou 7 millions vers 2012.

Les besoins de l'Irak sont très importants et tous les secteurs sont concernés : les hydrocarbures, la pétrochimie, le parapétrolier, le secteur énergétique, les télécommunications, les transports, le domaine militaire.

Un certain nombre d'entreprises françaises travaillent déjà en Irak : General Electric France, Suez Degremont ou encore Lafarge.

Marc DEBALLON ,
Chef du Service économique de Mascate à Oman

Le sultanat d'Oman est un pays vaste de 1 100 km s'étendant de Mascate à Salalah. Il compte 3 millions d'habitants dont 1,8 million de nationaux, le reste étant composé d'Indiens et de Pakistanais. Le PIB par habitant s'élève à près de 20 000 dollars. Le peuple omanais est sincèrement attaché au Sultan Qabous. Au pouvoir depuis 1970, ce dernier a axé le pays sur un développement raisonné et équilibré. L'Ambassade de France a décidé d'adopter la question de l'environnement et du développement durable comme axe structurant pour les années à venir. Le Sultan veut que toutes les régions profitent du développement. Il existe ainsi un important port à Salalah et des projets sont prévus pour le développement de la région de Doukum où seront installés un port, un aéroport et une raffinerie. La présence française est importante mais il existe une relation historique très forte avec les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Michel DHE,
Chef du Service économique de Doha au Qatar

Le Qatar compte 1,6 million d'habitants dont 10 % de nationaux Le secteur du gaz y est très important et l'économie qatarie restera dominée par les hydrocarbures. Le Qatar est un bon élève mais en plein devenir. Son essor a véritablement démarré lorsque l'actuel émir est arrivé au pouvoir en 1995. Ses voisins ont par conséquent une demi-génération, voire une génération d'avance.

Son économie est basée sur ses ressources pétro gazières. Nous assistons actuellement à une bascule de cycle. Après une période de mise en valeur des ressources naturelles, le pays est passé à un mouvement de rattrapage dans le domaine des infrastructures. Il existe ainsi d'importants projets en matière de transports. L'économie est, avant tout, tirée par les dépenses publiques. En effet, le secteur privé n'est pas très développé. Il existe une vingtaine de grands groupes qataris publics ou semi-publics. Presque toutes les entreprises du CAC 40 sont présentes au Qatar. Le pays est particulièrement adapté aux grands groupes. Les PME peuvent s'intégrer dans cette mouvance.

Pierre MOURLEVAT,
Chef du Service économique régional pour le Moyen-Orient

Le contexte du Moyen-Orient est très favorable : au retour de la croissance s'ajoute la stabilité politique. Les Emirats Arabes Unis sont la seule fédération de la région. La structure fédérale gère un certain nombre de grands projets dont le projet ferroviaire. C'est une terre d'influence anglo-saxonne mais où la France bénéficie d'un capital de sympathie important. L'installation de la Sorbonne et du Louvre résulte d'ailleurs d'une demande d'Abu-Dhabi. La zone est néanmoins extrêmement concurrentielle.

Les grandes opportunités sont liées aux projets d'infrastructures soutenues par l'État : services liés à l'industrie pétrolière, transport, gestion des services publics et l'aménagement urbain, biens de consommation.

Pierre FABRE,
Chef du Service économique de Manama à Bahreïn

Bahreïn est le premier pays de la région à avoir découvert du pétrole en 1932. C'est aussi le premier à avoir voulu sortir de l'économie pétrolière avec la création d'une industrie d'aluminium et d'un secteur financier. Le pays occupe une place spécifique en matière de finance islamique. La banque centrale de Bahreïn est la seule à avoir émis des régulations en matière de finance islamique.

La diversification de l'économie s'est faite en utilisant les ressources pétrolières importées d'Arabie Saoudite ou gazières locales. Elle a aussi permis le développement d'une industrie en aval. La production d'aluminium s'élève à 880 000 tonnes par an dont la moitié est transformée sur place et exportée.

Bahreïn est consciente de sa pauvreté en matière énergétique, c'est pourquoi elle fait appel aux capitaux étrangers.

En droit du travail, Bahreïn est le premier pays à avoir supprimé le sponsorship . L'investisseur peut ainsi être propriétaire à 100 % de son investissement.

Il existe de nombreuses opportunités grâce à la politique d'ouverture et de privatisation des services publics. Les secteurs concernés sont notamment la production d'électricité, l'environnement, les transports et les biens de consommation. A cet égard, Bahreïn est reliée à l'Arabie Saoudite par un pont qu'empruntent chaque week-end 70 000 personnes.

La question énergétique pose néanmoins un problème majeur. Bahreïn est en mesure d'alimenter son industrie et sa consommation d'électricité pour les dix à quinze prochaines années seulement. Par ailleurs, Bahreïn a introduit des réformes démocratiques assez importantes et se posent maintenant des problèmes de gouvernance. Le Parlement dispose de plus en plus de pouvoirs et il n'est pas toujours aisé de savoir qui est compétent pour quoi.

Philippe FOUET
Chef des Services économiques de Riyad et de Djedda en Arabie Saoudite

L'Arabie Saoudite constitue le poids lourd économique de la région. Le pays a les moyens de ses ambitions. Il dispose d'un excédent budgétaire représentant un tiers de son PIB l'an passé, soit 155 milliards de dollars, qui lui permettent de financer sa politique de diversification et sa politique d'infrastructures et de projets, notamment en matière sociale.

Pendant quinze ans, l'Arabie Saoudite a accumulé du retard en matière d'infrastructures. D'importantes opportunités pour les entreprises françaises se présentent dans les domaines de l'eau, la production électrique, les transports, les télécommunications, la défense, la santé et l'éducation, la formation, la construction, les biens de consommation ou encore la culture du shopping.

Par ailleurs, les femmes peuvent tout à fait travailler en Arabie Saoudite. Le marché est ouvert. Il est classé par la Banque Mondiale au 13 ème rang des pays où il est le plus facile de travailler et, à cet égard, le mieux classé de la région.

Abboud ZAOUI,
Chef du Service économique de Sanaa au Yémen

Le Yémen est un pays pauvre. A la Conférence de Londres, les pays donateurs s'étaient engagés sur le versement de 6 milliards de dollars. Les pays occidentaux qui s'étaient engagés à hauteur de 50 %, se sont acquittés de leur promesse. Mais seuls 15 % du reste de la somme promise ont été décaissés par les pays du Golfe.

La France est présente au Yémen. Total a d'ailleurs mené le Yémen au rang de pays exportateur de gaz liquéfié. Un deuxième train de son complexe de gaz liquéfié sera achevé en mars. Ce sera une bouffée d'oxygène pour le budget yéménite avec un milliard de dollars supplémentaires par an de recettes d'exportation. Dans le domaine pétrolier, les réserves sont en train de s'épuiser, mais Total a récemment découvert du pétrole dans le socle.

Mais la diversification économique s'avère indispensable. Le Yémen a beaucoup d'autres atouts pour réaliser cette diversification. Le secteur du tourisme est notamment prometteur, de même que le secteur de la pêche et de l'exploitation minière.

Toutefois, la résurgence de l'activité de certains groupes radicaux pose problème dans le Nord du pays. Mais tout le reste du pays est ouvert. Il existe de nombreux projets et des mesures ont été adoptées pour faciliter les investissements étrangers au Yémen.

Des possibilités d'affaires non négligeables existent dans le Sud, qui a été négligé dans le passé pour des raisons politiques. Le gouvernement souhaite dorénavant le développer, notamment le port d'Aden et une zone franche. D'importants projets sont localisés dans cette région, tels que des cimenteries, des centrales électriques, etc. Le développement gazier à partir de la plateforme du complexe de liquéfaction de Total est très important. Il doit servir de base à nos entreprises pour développer l'aval gazier au Yémen.

Jean-Paul PAOLI,
Chef du Service économique au Koweït

Le Koweït équivaut, en termes de population, à la Basse-Normandie. Le pays compte 3,3 millions d'habitants dont 1,1 million de nationaux. En outre, cet Émirat est dirigé par une dynastie. Il existe une sorte de partage entre cette dynastie, à qui reviennent la conduite des affaires politiques, et les grandes familles marchandes en charge du commerce.

Le Koweït est emblématique pour la liberté d'expression et le droit des femmes. Quatre d'entre elles ont récemment été élues députés.

Par ailleurs, le Parlement est très mouvementé, ce qui précarise un peu les affaires. Il faut être patient et s'installer sur place.

Beaucoup d'entreprises françaises s'implantent au Koweït qui est l'un des premiers pays pétroliers de la zone et qui affiche un des plus forts PIB par habitant de la zone (45 000 dollars). Il est également un des premiers pays pour la proportion d'importations par habitant. Il recèle donc beaucoup de potentialités. 60 % de son PIB provient de ses activités pétrolières.

Les relations avec la France ont connu un nouvel élan avec la récente visite du Président de la République. Les exportations françaises vers le Koweït sont en hausse de 40 % ces cinq dernières années. La France a exporté l'année dernière pour environ 520 millions d'euros de produits divers vers le Koweït. Les franchises sont particulièrement recherchées.