Actes colloque Moyen-Orient



Echanges avec la salle

Pierre MOURLEVAT

Étant donné les difficultés actuelles de Dubaï, faut-il dorénavant se positionner plutôt sur des projets d'Abu-Dhabi ?

Franck WITEK

Cela dépend du domaine d'activité. Pour une entreprise ayant un développement à l'international, le pays est à considérer dans sa globalité. Cela concerne essentiellement les activités de service. Les moments de crise peuvent être bénéfiques pour les entreprises qui y trouvent l'occasion de gagner des parts de marché.

Philippe AROYO

A ma connaissance, aucune entreprise n'a fermé son bureau à Dubaï pendant la crise. De nombreuses multinationales ont fait le choix des Émirats pour couvrir le Golfe en sa qualité de hub . Dubaï est un bon endroit pour rayonner sur la région. Mais cela dépend du domaine d'activité et des projets de l'entreprise concernée.

De manière générale, prendre une décision de repli ou de fermeture coûte plus cher que de maintenir un minimum de présence sur place en attendant des jours meilleurs. Certains secteurs d'activité comme le luxe continuent de très bien fonctionner.

Pierre-Denis LABLANQUIE

Traditionnellement, l'investissement en France est orienté vers l'immobilier et l'hôtellerie de luxe. Dubaï pourra encore peut-être faire quelques opérations dans ce domaine. En tout état de cause, Abu-Dhabi a pris l'initiative de s'engager dans des investissements stratégiques à l'étranger, comme récemment dans l'automobile avec une prise de participation importante dans le capital de Daimler. Cela va lui permettre de développer son potentiel et son économie dans le domaine de l'industrie de l'automobile et, notamment, en investissant en Algérie dans la fabrication de véhicules militaires. Ce genre d'opérations peut être réalisé avec des groupes français ayant une stratégie méditerranéenne ou dans les pays du Golfe.

Les autres Émirats peuvent réaliser des opérations d'investissements. Chacun a engagé son propre programme de développement économique et industriel et de promotion de leurs intérêts à l'étranger. Des potentiels peuvent être identifiés dans toute la fédération des Emirats. Néanmoins, Abu-Dhabi est leader dans ces domaines.

Isabelle RIGAIL, responsable export, D. Porthault

Est-il facile de travailler dans les centres Émirats de la Fédération, comme Ajman, Al-Ain et Ras Al-Khaymah ?

Franck WITEK

Oui. Le contour global est identique dans les autres Émirats même s'il existe quelques différences.

Luc CHAPOTON, RATP développement

Existe-t-il une différence de cotation entre Abu-Dhabi et Dubaï ?

Pierre MOURLEVAT

La Coface, dans le cadre de sa gestion pour le compte de l'État, réalise des analyses au cas par cas, en fonction de la qualité de l'acheteur. Si l'acheteur est totalement public, qu'il n'est pas endetté et qu'il est en bonne santé financière, cela ne pose aucune difficulté. Si l'acheteur appartient à une entreprise semi-publique, c'est-à-dire que son capital appartient à l'État ou à une famille princière mais qu'elle n'est pas totalement intégrée au secteur public, nous demandons une garantie de l'État.

Jusqu'à présent, nous n'avions pas de demande d'assurance-crédit aux Émirats Arabes Unis. Mais dorénavant, il faut demander pratiquement systématiquement une assurance-crédit.

Philippe AROYO

Nous avons depuis des années des cotations différenciées selon les contreparties. Elles sont depuis longtemps sensiblement meilleures à Abu-Dhabi qu'à Dubaï. Mais il existe d'excellentes contreparties à Dubaï. Nous travaillons avec des contreparties dans les sept émirats sans difficulté, même si la profondeur pas la même.

De la salle

L'intérêt d'une implantation industrielle dans la région peut être de réexporter vers l'Iran. Est-il possible d'obtenir des lettres de crédit sur l'Iran auprès de banques françaises ou émiriennes ?

Philippe AROYO

La BNP ne le fait pas, dans le respect des interdictions édictées par l'ONU et l'Union européenne. Certaines banques le font. Il faut voir du côté des pays qui ont peu ou pas de relations avec les États-Unis et l'Europe.

De la salle

Où en est la fusion entre Dubaï Land et Nakheel ?

Philippe AROYO

Cette fusion est évoquée depuis au moins neuf mois. J'ignore où elle en est aujourd'hui. Le fait est que les quatre sociétés concernées sont en difficulté.

Pierre MOURLEVAT

Dans les fusions en préparation, qui sont gérées de façon très peu transparente, des entités extrêmement endettées sont associées à des entités plus saines. Par ailleurs, il ne semble pas y avoir de motif valable pour demander ce moratoire. Si le stock de dettes de Dubaï World est très élevé, ses échéances de renouvellement pour les six prochains mois étaient de l'ordre de 5 à 10 milliards de dollars. Deux hypothèses peuvent dès lors être posées : soit l'Etat fédéré de Dubaï a décidé du moratoire dans le cadre d'un bras de fer avec Abu-Dhabi, soit les chiffres officiels sur la dette étaient faux et la dette réelle est beaucoup plus élevée que ce qui était annoncé. Ce serait alors extrêmement grave.

Philippe AROYO

Une troisième hypothèse peut être que la capacité de l'Émirat de Dubaï à lever des fonds est de plus en plus difficile.

Dominique de VISSER

Quelle pourrait être la place pour des PME françaises modestes qui proposeraient des produits français de consommation typique en dehors des grands canaux de distribution ?

Franck WITEK

La PME concernée doit être prête à se lancer sur le marché de l'international. Il y a de la place pour les marchés de niche. Il n'existe aucun obstacle culturel envers les produits français. Au contraire, l' a priori est très positif. Dubaï constitue un marché aux goûts mondiaux puisque 90 % de population est expatriée.

Dominique de VISSER

Le processus de vente est-il compliqué ?

Franck WITEK

Il est globalement assez facile. Mais l'accès au marché n'est pas le même en fonction des produits vendus. Pour exporter des produits vers les Émirats, il est possible de conclure un accord avec un grossiste ou un agent local, ce qui est très courant dans la région.

Pierre MOURLEVAT

La réglementation est relativement simple pour une entreprise qui veut s'installer via un agent ou en direct.

Franck WITEK

L'environnement fiscal est très favorable.

De la salle

Quelle est l'influence de la consommation dans le PIB à Dubaï alors que des rumeurs circulent sur la baisse de la population ?

Pierre MOURLEVAT

La question de la population constitue un sujet difficile. De nombreux analystes avaient annoncé avant l'été une baisse de la population en raison de la crise. Dubaï compte environ 4 % de nationaux mais il est possible que ce chiffre soit surévalué. Il semble pourtant que le mouvement de départs annoncé ne se soit pas produit, bien que nous ne disposions que de peu d'instrument pour le mesurer. Au contraire, dans les écoles étrangères, alors que l'on s'attendait à ce que les familles ne reviennent pas, les classes étaient pleines à la rentrée, et des files d'attentes se sont même formées. Il y a eu beaucoup de départs d'ouvriers dans la construction mais, de leur côté, les entreprises et les banques ont recommencé à embaucher. D'après le Ministère du Travail, les départs auraient été compensés par les arrivées et la population n'aurait donc pas baissé. Ceci est à prendre avec beaucoup de précautions car il n'existe pas de données très fiables.

Franck WITEK

Des baisses importantes sont intervenues dans les secteurs non alimentaires comme le textile, le luxe et les biens d'équipement. Les consommateurs sont aussi plus sensibles à la notion de prix. Les prix de l'immobilier ont quant à eux baissé de l'ordre de 30 à 40 %. Les entreprises de service ont adapté leur organisation et leurs moyens à la crise. Mais les investissements n'ont pas été stoppés.

Philippe AROYO

Dans le secteur financier, la BNP a continué à renforcer sa présence avec des recrutements nets. Mais nos concurrents anglo-saxons procèdent à des licenciements sauvages.

De la salle

L'immobilier de bureau est en baisse. Des renégociations de loyers sont-elles possibles ?

Franck WITEK

La situation est difficile car Dubaï connaît une pénurie d'immobilier de bureau. Il est néanmoins possible de renégocier les loyers selon les endroits.

De la salle

Quels sont les profils les plus souvent recherchés par les recruteurs ? Quels sont les secteurs qui recrutent ? Quels sont les besoins de main-d'oeuvre française ?

Franck WITEK

Il y a un an, tous les secteurs recrutaient. C'est moins le cas actuellement. Dubaï est une société très internationalisée et très compétitive. La première population d'expatriés est constituée par les Indiens. Ils ont été suivis par les Arabes, les Philippins et, plus marginalement, par les Occidentaux. Chacun trouve sa place face à la diversité de la demande.