La participation électorale des diasporas

Anne ESAMBERT,
Service des relations internationales du Sénat

Le droit de vote et d'éligibilité est, à n'en pas douter, l'un des fondements de la citoyenneté d'un État démocratique. Mais qu'en est-il des ressortissants d'un pays qui vivent hors des frontières nationales ?

De la quasi-absence de droits politiques à l'élection de représentants dédiés au Parlement, les réponses varient d'un pays à l'autre.

A l'heure du village global et de la communication instantanée grâce aux nouvelles technologies de l'information, la tendance est néanmoins quasiment partout à l'élargissement des droits politiques des diasporas, sous la pression d'associations d'expatriés de mieux en mieux organisées et puissantes. Les citoyens de plus en plus mobiles conçoivent en effet de moins en moins qu'on les prive d'un de leurs droits les plus fondamentaux, sous prétexte qu'ils ne résideraient pas de façon permanente sur le territoire de leur pays d'origine.

Je vous propose d'examiner quelles sont les raisons qui conduisent les États à accorder ou à ne pas accorder le droit de vote à leurs expatriés, ce qui nous conduira à établir une typologie des États. Dans une deuxième partie, nous nous pencherons sur la participation effective des diasporas aux élections et en particulier sur le cas de la France. En partant de l'évolution des taux de participation des Français de l'étranger aux différents scrutins auxquels ils sont invités à s'exprimer, nous examinerons les propositions de l'Assemblée des Français de l'étranger, l'instance de représentation de premier degré des Français établis hors de France, pour améliorer la participation électorale.

• De l'opportunité d'accorder le droit de vote aux expatriés

• De l'évolution de la participation électorale des Français établis hors de France et des moyens de l'améliorer

De l'opportunité d'accorder le droit de vote aux expatriés

Octroyer ou non la qualité d'électeur à ses ressortissants établis à l'étranger - c'est-à-dire pour être tout à fait clair, leur permettre d'exprimer leur vote depuis leur pays de résidence sans avoir à se déplacer dans leur pays d'origine - est pour un Etat une question fondamentale qui l'oblige à interroger le lien qui le relie à sa diaspora. L'octroi du droit de vote n'est en effet pas une question anodine. Cela signifie donner droit au chapitre à des citoyens qui ont fait le choix, délibéré ou non, définitif ou non, de quitter le pays.

C'est la raison pour laquelle, les situations varient beaucoup d'un Etat à l'autre, entre ceux qui n'ont pas prévu d'intégrer leurs expatriés à la vie politique nationale, et ceux, à l'autre extrémité du spectre, qui vont jusqu'à accorder des droits politiques à des personnes qui n'ont jamais habité dans le pays de leurs parents. D'autres enfin ont parachevé l'édifice démocratique en prévoyant une représentation politique de leurs ressortissants établis à l'étranger (France, Italie, Portugal, Croatie, Algérie, Sénégal...).

De nombreux cas de figure existent également selon le mode opératoire prévu: certains Etats n'autorisent que le vote par correspondance, d'autres comme la France n'admettent que le vote physique dans un des bureaux de vote ouverts à cet effet à l'étranger (ou par procuration) mais refusent le vote par correspondance, d'autres enfin, ont mis en place des procédures de vote électronique. Les cas varient enfin selon les scrutins auxquels les expatriés sont admis à participer : élections européennes, présidentielles, législatives ou locales, référendums.

Compte tenu de cette diversité de situations, il est assez difficile d'établir une typologie des États. En outre, il n'existe aucune étude exhaustive sur les droits politiques des communautés de nationaux vivant à l'étranger. La tentative de classement que je vais vous proposer repose en partie sur l'enquête menée en novembre 2006 par le service de législation comparée du Sénat sur la représentation institutionnelle des citoyens expatriés. Cette enquête portait sur onze pays de l'Union européenne. J'ai également puisé des informations précieuses sur le site des Européens dans le monde www.euromonde.eu et sur un site libanais www.elections-lebanon.org . Enfin, je suis reconnaissante au travail effectué par Aziz BELAOUDA auprès des représentations consulaires étrangères à Paris, lorsqu'il était stagiaire à la division de la présence dans le monde du Sénat au nom de laquelle je m'exprime aujourd'hui.

Au total, les États peuvent grosso modo se classer en quatre catégories :

1. Les États qui ne reconnaissent pas (encore) la qualité de citoyens à leurs expatriés

On l'a vu, accorder le droit de vote à des citoyens qui ont fait le choix de s'établir à l'étranger n'est pas une question anodine. Surtout lorsque la diaspora représente une partie non négligeable de la communauté nationale. C'est particulièrement le cas des pays ayant connu des exodes importants, soit pour des raisons économiques, soit à la suite de guerres civiles ou de conflits régionaux.

Les arguments des États qui s'opposent au droit de vote de leurs diasporas sont de trois ordres :

Certains États craignent que la participation des expatriés, aux scrutins nationaux (présidentiel et/ou législatif) ne soit un facteur de déstabilisation de l'équilibre politique et/ou confessionnel actuels ;

D'autres affirment que les expatriés ne participent pas à la vie nationale au même titre que les résidents dans la mesure où ils ne font pas leur service militaire, ne s'acquittent pas des impôts sur les personnes physiques et n'effectuent pas de séjours réguliers sur le territoire national ;

Une troisième catégorie d'opposants avancent l'argument des difficultés et des obstacles techniques : difficulté de recensement des expatriés ; complexité et coût élevé de l'organisation d'élections à l'étranger ; impossibilité d'organiser une propagande électorale, etc.

Pour ces différentes raisons, le Liban s'est longtemps opposé à l'organisation d'élections hors de son territoire. Les Libanais résidant à l'étranger et inscrits sur les listes électorales libanaises sont en effet estimés à environ 500.000, soit 1/6e de l'électorat libanais. Ces électeurs potentiels ont quitté le pays à partir des années 50 et sont d'égale répartition confessionnelle.

A la suite du lobbying actif de l'association « Lebanese Dream - Intichar », la loi électorale du 8 octobre 2008 a octroyé aux résidents libanais à l'étranger le droit de participer aux prochaines élections parlementaires (de 2013) à condition d'être inscrits sur les listes électorales. Ils pourront ainsi voter dans les bureaux de vote prévus à cet effet dans les ambassades et consulats, dans les 10 jours qui précéderont le scrutin au Liban.

Les 2,8 millions de Coréens du Sud vivant à l'étranger pourraient également bientôt bénéficier du droit de vote pour les élections générales et présidentielles, conformément à un avis récent (octobre 2008) de la Commission électorale nationale de la République de Corée du Sud . Cette position, en adéquation avec celle rendue par la Cour constitutionnelle en juin 2007, mettrait fin à une carence démocratique de la Corée du Sud, héritée du régime militaire. Le vote pourrait s'exercer dans les représentations diplomatiques à l'étranger, ou par voie électronique. Il s'appliquerait également aux quelque 10.000 marins embarqués outre-mer. Les grands partis se sont prononcés en faveur du droit de vote des Coréens de l'étranger. Il reste maintenant à savoir si le Parlement coréen, majoritairement conservateur, décidera de suivre ou non l'avis de la Commission électorale, sachant d'une part qu'il n'y trouverait pas forcément son intérêt, et, d'autre part, que la Corée du Nord a une législation plus avancée : si les citoyens nord-coréens vivant à l'étranger n'ont pas non plus le droit de vote, la plus forte minorité nord-coréenne à l'étranger, qui réside au Japon, dispose en effet d'une représentation spécifique à l'Assemblée populaire suprême de la RPD de Corée.

En Europe, il est significatif que les deux seuls pays qui mettent des obstacles au droit de vote de leurs diasporas soient deux grands pays d'émigration : l'Irlande et la Grèce. En Irlande , où la diaspora est estimée à 80 millions de personnes (descendants compris) - sur 4,24 millions d'habitants -, le code électoral subordonne le droit de vote au fait de résider de manière habituelle dans le pays et seules les personnes qui partent vivre à l'étranger avec l'intention - manifestée par écrit - de revenir dans les dix-huit mois sont considérés comme remplissant la condition de résidence.

En Grèce , qui compte 4 millions d'expatriés (pour une population de 11 millions), la Constitution a été modifiée en 2004 pour prévoir le vote des émigrés. Toutefois, le gouvernement refuse toujours de modifier le droit électoral en conséquence, malgré le lobbying actif du conseil des Grecs de la diaspora, émanation des 3.500 associations grecques dans le monde. L'imminence d'une loi sur le vote des Grecs de l'étranger, réveille les ambitions des autoproclamés leaders de l'hellénisme immigré d'autant plus que quelques sièges de députation pourraient être affectés à sa représentation.

Néanmoins, comme tous les autres citoyens européens, les citoyens irlandais et Grecs résidant dans un pays de l'Union européenne ont le droit de voter pour le Parlement européen dans leur pays de résidence.

Le vote aux élections nationales au Liechtenstein est conditionné à la résidence dans le pays.

Pour les ressortissants israéliens , nicaraguayens ou turcs qui vivent loin de leur patrie, l'exercice des droits politiques reste synonyme de longs déplacements, puisqu'ils ne peuvent voter que dans leur pays d'origine. Cela revient en fait à considérer que les États leur permettent d'exercer leurs droits de citoyen à condition qu'ils en assument les frais.

De même, rares sont les citoyens d'Afrique résidant loin de leur pays d'origine à pouvoir prendre part aux élections nationales. L' Angola entamera en 2009 la préparation du registre électoral des citoyens nationaux de la diaspora pour leur participation aux prochaines législatives.

Notons que ni l' Inde, ni le Chili qui disposent de fortes communautés émigrées, n'autorisent le vote à l'étranger de leurs expatriés.

2. Les États pour lesquels le « bon » expatrié est celui qui limite son expatriation dans le temps

Pour certains pays, l'octroi du droit de vote est subordonné à l'existence d'un lien très étroit entre le citoyen résidant à l'étranger et son pays d'origine.

Ainsi, au delà de cinq années passées à l'étranger, un ressortissant canadien perd son droit de vote. La limite de cinq ans ne s'applique pas aux employés d'une administration publique fédérale ou provinciale, aux employés d'un organisme international dont le Canada est membre, aux membres des Forces canadiennes et aux civils travaillant dans une école des Forces canadiennes. Seul le vote par correspondance est prévu.

Les Britanniques de l'étranger disposent du droit de vote aux élections législatives depuis 1985, mais le perdent au bout de quinze ans passés hors du Royaume-Uni. Ce délai a largement varié : il a été porté de cinq à vingt ans en 1989 puis ramené à quinze ans en 2000. Ils exercent leur droit par correspondance ou par procuration mais ils doivent au préalable se faire inscrire sur les listes électorales de la circonscription où ils votaient avant leur départ et renouveler cette inscription chaque année.

Au Danemark , au delà de quelques catégories d'expatriés strictement déterminées par la Constitution (fonctionnaires en poste à l'étranger, personnes travaillant dans un organisme international), seuls peuvent prendre part au vote (dans les consulats et ambassades) les expatriés qui ont quitté leur pays depuis moins de deux ans et qui ont exprimé le souhait de revenir au Danemark.

La même condition s'applique pour les Australiens résidant à l'étranger pour pouvoir prendre part aux élections nationales.

La Suède fixe à dix ans la période pendant laquelle ses citoyens établis à l'étranger peuvent voter (mais cette période est renouvelable sur demande). Les intéressés peuvent voter soit par correspondance, soit en personne dans les bureaux de vote des ambassades et des consulats. La Norvège et l' Islande limitent également cette possibilité à respectivement dix et huit ans, mais les citoyens qui ont quitté leur pays depuis plus longtemps peuvent demander leur rattachement à une liste électorale nationale.

Enfin, depuis 1985, les Allemands de l'étranger bénéficient du droit de vote aux élections législatives sous réserve d'être inscrits sur les listes électorales de la commune où ils résidaient avant leur départ. Toutefois, les citoyens qui vivent dans un pays qui n'est pas membre du Conseil de l'Europe perdent ce droit au bout de 25 ans.

3. Les États pour lesquels tous les expatriés sont des citoyens à part entière

De très nombreux pays considèrent leurs expatriés comme des citoyens à part entière et les autorisent à prendre part aux scrutins nationaux depuis leur pays de résidence, quelle que soit la durée de leur expatriation.

Lorsqu'ils ouvrent à leur diaspora, comprise dans le sens le plus large, la possibilité de prendre part aux élections nationales, les gouvernants poursuivent trois types d'objectifs :

• le premier et le plus immédiatement utile dans la perspective d'une échéance électorale disputée, c'est l' élargissement de leur base électorale .

I. On l'a vu en Italie à l'occasion des élections législatives de 2006 : pour la première fois, grâce à Sylvio Berlusconi, le vote par correspondance était ouvert aux Italiens de l'étranger qui ont considérablement influencé les résultats du scrutin en permettant, dit-on, la victoire de Romano Prodi...

è De même, les principaux candidats à la dernière élection présidentielle française n'ont pas sous-estimé le potentiel électoral des 823.000 citoyens français inscrits sur les listes électorales à l'étranger : outre une adresse spécifique aux Français de l'étranger par le biais d'une lettre envoyée par courrier électronique où ils multipliaient les promesses particulières (création de députés des Français de l'étranger, gratuité de l'enseignement scolaire à l'étranger, etc.), ils ont tous effectué des déplacements ou envoyé leurs capitaines de campagne dans les principaux pays d'établissement de nos concitoyens (Grande-Bretagne, Suisse, Allemagne, États-unis).

- Ouvrir le droit de vote aux ressortissants établis à l'étranger, c'est aussi renforcer la légitimité et la stabilité du système démocratique en prenant en compte la composition de la communauté nationale dans toute sa diversité et en permettant à tous les citoyens où qu'ils se trouvent d'exercer leur citoyenneté.

è Aux États-unis , quelque six millions d'expatriés peuvent ainsi voter par correspondance aux élections présidentielles et parlementaires en étant inscrits dans leur dernier État de résidence. Cependant, seule une petite fraction s'est prêtée à l'exercice par le passé. En effet, voter à l'étranger est souvent un processus compliqué du fait des exigences variées des États américains concernant le vote par correspondance. En outre, l'acheminement du courrier par les services postaux locaux est parfois si lent que dans certains pays, les Américains reçoivent leur bulletin de vote par correspondance trop tard pour pouvoir l'utiliser. Ainsi, sur les 993.000 bulletins de vote expédiés par la poste lors de la dernière élection, seulement 330.000 ont été comptés, soit seulement 5,5 % des électeurs potentiels.

è Républicains et démocrates peuvent également voter par correspondance ou par Internet aux élections primaires organisées par leur parti.

- Enfin, en reconnaissant aux expatriés le droit de participer à ses scrutins nationaux, un État ne fait que renforcer les liens avec ses émigrés , ce qui lui permet de prendre mieux en compte les problématiques et les intérêts de ses différentes communautés expatriées dans le monde.

è Au Soudan , depuis 1958, les émigrés peuvent voter aux élections présidentielles et législatives. L'émigré doit être enregistré au consulat et payer une taxe spéciale. Il doit aussi avoir envoyé au moins 500 $ par an sur un compte au Soudan.

Quelques pays vont encore plus loin en accordant des droits politiques à des personnes qui n'ont jamais habité dans le pays de leurs parents . C'est le cas de la Belgique (depuis 1998 pour les élections parlementaires), de la Finlande, de la France (pour l'élection présidentielle et les référendums), de l'Italie, du Luxembourg, de l'Autriche (depuis 1990), du Portugal, de l'Espagne (pour les élections législatives) ou de la Suisse. Sous réserve de l'inscription préalable sur les listes électorales.

Mais si les expatriés votent pour les élections présidentielles et les référendums en Iran , en Arménie ou en Égypte , ils ne prennent pas part aux élections législatives. La France était dans ce cas jusqu'à la réforme constitutionnelle de juillet 2008 qui prévoit l'institution de députés représentant les Français établis hors de France. En outre, la

4. Les États prévoyant une représentation politique de leurs ressortissants établis à l'étranger

De plus en plus nombreux sont les États, qui, non contents de permettre la participation électorale de leurs diasporas aux scrutins nationaux et aux référendums, ont créé des postes de parlementaires dédiés à leurs communautés expatriées.

La France a fait oeuvre de pionnière en la matière, suivie par le Portugal et l'Italie : en France , 12 sièges de sénateurs sur 345 sont réservés aux Français de l'étranger (et bientôt 8 à 12 sièges de députés). C'est en 1946 que la Constitution a prévu pour la première fois la représentation parlementaire des Français établis hors de France.

Les Italiens de l'étranger disposent quant à eux de 12 députés sur 630 et de 6 sénateurs sur 315.

Au Portugal , sur les 230 sièges du parlement unicaméral, deux sièges sont réservés aux Portugais résidant en Europe et deux pour ceux d'Outre-Mer.

En Croatie , le nombre de sièges réservés aux Croates résidant hors des frontières est fonction de leur taux de participation. Ils peuvent faire entrer jusqu'à 12 élus au Parlement.

En Pologne , qui compte près de 15 millions de citoyens résidents à l'étranger (pour une population résidente de 40 millions), tous les émigrés sont automatiquement inscrits dans la circonscription n°1 de Varsovie, la capitale pour élire un député (sur 400).

De plus en plus de pays d'Afrique mettent en place une représentation parlementaire de leurs diasporas. Ainsi de l' Algérie où huit des 380 députés représentent les 3 millions d'Algériens de la diaspora (2 pour la France du Nord, deux pour la France du Sud, un pour le reste de l'Europe, un pour l'Afrique dont les pays arabes, un pour le Moyen Orient, un pour le reste du Monde) ou du Sénégal où 4 sénateurs représentent les Sénégalais de l'extérieur.

Enfin, il convient de noter que la plupart des pays disposant d'une diaspora importante, prévoient la défense des intérêts de cette diaspora à travers un ministère dédié et/ou des conseils représentatifs ou des assemblées consultatives tels que le Parlement des Grecs vivant à l'étranger (300 députés élus par les grecs de l'étranger) ou l'Assemblée des Français de l'étranger (155 membres élus au suffrage universel direct par les Français établis hors de France).

5. Des modalités de vote variables selon les pays

Les modalités du vote sont généralement un facteur déterminant du taux de participation effective des expatriés. La plupart des pays demandent à leurs ressortissants de se rendre à l'ambassade ou au consulat le plus proche du pays de résidence pour remettre leur bulletin de vote en personne dans l'urne, ce qui occasionne souvent de longs déplacements et favorise l'abstentionnisme : Algérie, Arménie, Australie (sauf pour les élections fédérales), Biélorussie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Pologne, Portugal (pour les élections présidentielles), République tchèque...

Il en est de même pour les États latino-américains : Argentine, Brésil, Honduras, Colombie, Pérou, Venezuela.

D'autres n'autorisent que le vote par correspondance : Allemagne (sauf pour les élections européennes), Canada, États-unis, Italie (sauf pour les élections européennes), Portugal (pour les élections législatives et européennes), Royaume-Uni (sauf pour les élections européennes), Suisse.

D'autres encore, pour favoriser une plus grande participation de leurs diasporas proposent les deux modes opératoires : Autriche, Belgique (pour les élections législatives fédérales pour lesquelles le vote est obligatoire), Japon, Lettonie, Luxembourg (vote obligatoire), Norvège, Pays-Bas, Slovénie, Suède, Tunisie.

Néanmoins, le taux de participation étant généralement décevant, certains pays ont introduit ou envisagent l'introduction du vote en ligne :

l ainsi, l' Australie a eu recours au vote en ligne en 2007 pour ses soldats déployés en Irak et en Afghanistan, ce qui a fait passer le taux de participation de l'armée de 20 à 75 %.

l L'Autriche, l'Estonie, la Finlande, la Norvège, le Royaume-Uni (seuls 15.000 électeurs britanniques ont pris part aux dernières élections législatives), la Suisse, le Canada et les Pays-Bas (où le taux de participation des expatriés était de 5% environ aux dernières consultations électorales) ont également introduit le vote en ligne, et les Philippines et la Roumanie le feront en 2009.

Notons que la France autorise le vote par procuration bien que cette formule un peu obsolète n'ait été retenue par aucun de nos partenaires européens, sauf en complément d'un vote par correspondance en Belgique, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, où il est d'ailleurs en régression. Elle n'a pas été retenue non plus par les nouvelles démocraties d'Europe du Centre-Est, dont beaucoup se sont pourtant inspirés des pratiques administratives et politiques françaises dans l'établissement de leur Constitution et de leur système d'administration.

De l'évolution de la participation électorale des Français établis hors de France et des moyens de l'améliorer

Malgré les nombreux dispositifs prévus pour favoriser le vote des expatriés aux élections nationales, la participation effective à ces scrutins est généralement décevante. Que ce soit aux élections nationales ou aux élections européennes, les expatriés ne se mobilisent pas autant que les résidents nationaux.

L'évolution de la participation des Français de l'étranger aux divers scrutins auxquels ils sont conviés est à cet égard assez représentative et préoccupante. En effet, bien que le nombre de Français de l'étranger inscrits sur les listes électorales consulaires ne cesse d'augmenter depuis 1981, le taux relatif de participation électorale ne cesse de baisser qu'il s'agisse des élections à l'AFE ou lors des « scrutins à l'étranger » (élection présidentielle et référendum - et, de 1979 à 1999, élections du Parlement européen 1 ( * ) ).

Même si le phénomène d'abstention croissante est commun à la plupart des démocraties occidentales, il prend des proportions alarmantes dans le cas des élections françaises à l'étranger, en particulier à l'AFE. En effet, malgré diverses mesures mises en place au fil des années pour favoriser la participation électorale des Français expatriés (assouplissement des formalités d'inscription, augmentation du nombre de bureaux de vote, introduction du vote électronique, etc.), la tendance ne fait que se confirmer.

1. La baisse continue du taux de participation des Français de l'étranger aux scrutins à l'étranger

Le taux de participation des Français établis hors de France au second tour des élections présidentielles françaises ne cesse de diminuer depuis 1981. Il est ainsi passé de 78,8% en 1981, à 64% en 1988, 53% en 1995, et 44,2% en 2002. Aux dernières élections de 2007, les Français établis hors de France ont été deux fois moins nombreux, en proportion, à prendre part au vote (42,13%) que les résidents nationaux (84%).

Certes, cette baisse doit être relativisée au regard de la très forte augmentation du nombre de votants en valeur absolue - le nombre des inscrits a plus que doublé entre 2002 et 2007 (près de 822.000 en 2002 contre 385.615 en 2002) - mais la tendance reste préoccupante.

La même tendance est perceptible aux élections de l'AFE (ex CSFE). Ainsi, entre 1994 (renouvellement de la série B du CSFE : Europe, Asie et Levant) et juin 2006 (renouvellement de la même série de l'AFE), la participation a chuté de plus de dix points, passant de 28,17% à 14,25%, alors même qu'un dispositif de vote électronique avait été mis en place aux élections de 2006 dans le but d'encourager la participation des électeurs. Aussi étonnant que cela puisse paraître, seuls 13,6% d'entre eux ont choisi cette modalité de vote.

Aux élections européennes (auxquelles les Français établis en dehors de l'UE pouvaient participer jusqu'en 1999), le taux de participation dans les centres de vote établis à l'étranger est passé de 44% en 1979, à 31,70% en 1989, 25,38% en 1994, et 17,96% en 1999.

Enfin, ils n'ont été que 13,8% à s'exprimer par référendum en 2000 sur le quinquennat, contre 42,15% en 1992 sur le Traité de Maastricht.

2. Des causes multiples et sans doute complexes

Un rapport récent (sept. 2008) de la commission temporaire de la participation électorale des Français établis hors de France constituée au sein de l'Assemblée des Français de l'étranger, pointe trois séries de causes :

- des causes techniques : listes électorales parfois erronées et souvent insuffisamment réactualisées (ceux des expatriés qui changent d'adresse sans en informer le consulat restent inscrits sur les liste et grossissent les rangs des « abstentionnistes »), absence de vote par correspondance postale pour l'élection présidentielle et le référendum, vote par Internet trop complexe en 2006, éloignement et insuffisance des bureaux de vote, etc.

- des freins d'ordre psychologique et politique : la faible notoriété de l'AFE et son absence réels de pouvoirs, ainsi que l'ambiguïté du rôle de l'élu, ont trop souvent pour corollaire, selon le rapport, un manque de considération de la part des autorités et une absence de visibilité des élus par les ressortissants de la circonscription.

- Une réelle carence d'information .

3. Les propositions de l'AFE pour améliorer la participation électorale

Elles sont de quatre ordres :

- Faciliter l'exercice du droit de vote

- Donner de réels pouvoirs à l'AFE et un véritable statut à ses conseillers

- Adopter des mesures d'ordre symbolique et de visibilité

- Mettre en oeuvre une véritable politique d'information.

è Faciliter l'exercice du droit de vote

Pour faciliter l'exercice du droit de vote, l'AFE suggère de généraliser le vote par correspondance à toutes les élections auxquelles participent les Français établis hors de France. A l'heure actuelle, ce mode de vote (interdit depuis 1975 sur le territoire national en raison des fraudes qu'il avait engendrées) n'est autorisé à l'étranger que pour les seules élections à l'AFE - il est d'ailleurs plébiscité par 90% des inscrits. La commission juge que sa généralisation constituerait une réponse satisfaisante à la contrainte liée à l'éloignement du bureau de vote, à la fois dans sa forme postale et dans sa forme électronique.

Pour étayer sa proposition, l'AFE souligne que le vote par correspondance est la règle chez tous ceux de nos voisins qui autorisent le vote de leurs expatriés aux élections législatives (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni...). Pour l'Italie, c'est même le seul mode de vote autorisé pour les élections à l'étranger.

Pour améliorer le vote par correspondance, il est aussi suggéré de prévoir, dans les pays où il existe, une enveloppe de retour en « port payé » (système « T » ou équivalent), comme c'est le cas en Espagne ou en Italie.

A défaut, l'AFE propose d'alléger les formalités du vote par procuration en permettant notamment une procédure électronique d'établissement des procurations et en augmentant les tournées consulaires pour relever les procurations.

La commission suggère également d'adapter le nombre de bureaux de vote au nombre d'électeurs prévus et d'associer les conseillers de l'AFE au choix de leur localisation en raison de leur connaissance du terrain.

S'agissant du vote électronique, il a été expérimenté en juin 2003 aux États-unis pour les élections à l'AFE et généralisé en juin 2006 à toute la zone B (Europe, Asie, Levant), avec des bonheurs divers. Lors de la 1ère expérimentation, la méthode, choisie par 60% des votants, a permis d'enrayer la baisse de la participation. En revanche, la seconde expérience s'est avéré un échec. A trop vouloir garantir la sincérité des résultats et le secret du vote, les organisateurs du scrutin ont rendu la procédure excessivement complexe, dissuadant 70% des électeurs ayant fait le choix du vote électronique à y recourir.

En conséquence, la commission temporaire de l'AFE suggère d'introduire une procédure de vote par correspondance électronique simple, rapide et sûre, doublée d'un système de relance par courriel incitant les électeurs à prendre part au vote, et d'étendre cette modalité de vote à tous les scrutins à l'étranger.

è Donner de réels pouvoirs à l'AFE et un véritable statut à ses conseillers

Pour donner à l'AFE la reconnaissance et les moyens d'une véritable assemblée, la commission temporaire propose - reprenant une idée du sénateur Christian COINTAT - de créer une collectivité publique d'outre-frontière dans laquelle l'AFE serait une assemblée délibérante, dotée de compétences décisionnelles et maîtresse de son budget.

è Adopter des mesures d'ordre symbolique et de visibilité

De façon plus symbolique, la commission suggère de faire coïncider les élections à l'AFE avec des élections sur le territoire national et de créer une carte d'électeur spécifique pour les Français inscrits sur les listes consulaires.

è Améliorer l'information

Enfin, pour améliorer l'information, l'AFE propose de mettre en place un programme permanent d'information civique des Français de l'étranger pour les inciter à s'inscrire au registre mondial et sur les listes électorales d'une part, et de consacrer un budget spécifique, à l'instar de l'Italie, à l'information des électeurs d'autre part. Elle s'appuie sur l'exemple de l'Italie qui à chacune des élections organisées à l'étranger, mène des campagnes intensives d'information et de sensibilisation, tant dans la presse nationale italienne que dans les journaux du pays d'accueil.

Ces préconisations ont été largement suivies par la Direction des Français de l'étranger du MAE dans un plan de communication rendu public en septembre 2008 en prévision de l'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger de juin 2009.

Conclusion

Pour conclure, j'aimerais citer Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, sénateur représentant les Français établis hors de France, qui dans un rapport de 1999 sur le vote des Français aux élections européennes, écrivait:

« En accordant au lendemain de la Libération le droit de vote à ses ressortissants expatriés, la France avait fait preuve de  générosité mais aussi de prescience. Elle avait en effet précédé un mouvement amorcé avec la Charte des Nations Unies de 1948 et amplifié par les principales sources du droit international public : l'affirmation du principe de l'intangibilité des droits civils et politiques des nationaux. »

On peut se demander pourquoi c'est un pays de faible émigration comme la France qui dispose probablement aujourd'hui de l'édifice le plus abouti de représentation et d'implication politique de sa diaspora (avec une assemblée représentative créée il y a 50 ans, des sénateurs créés il y a 63 ans, et, bientôt, des députés).

La réponse revient au ministre des Affaires étrangères et européennes, et président en exercice de l'Assemblée des Français de l'étranger :

« Les 2,3 millions de Français de l'étranger constituent l'atout-maître de la stratégie d'influence de la France sur la scène internationale. »

Jean-Claude MASCLET

Je vous remercie de votre présentation. Vous avez su illustrer le problème relatif à la participation électorale. Je cède immédiatement la parole à Denis GIRAUX.


* 1 Depuis 2003, il n'est plus possible pour les Français établis hors de France de voter dans les consulats pour les élections du Parlement européen, les Français de l'étranger n'étant rattachés à aucune des huit circonscriptions crées en France à cet effet. Pour participer aux élections européennes, les Français établis hors de France doivent donc soit être inscrits sur une liste électorale en France, soit habiter dans un Etat de l'Union européenne et voter dans leur pays de résidence pour une liste de ce pays. Ce qui exclu environ 300.000 Français qui ne remplissent pas ces conditions.