Cadrage institutionnel et économique

I. Contexte institutionnel et relations franco-argentines

Son Exc. Jean-Pierre ASVAZADOURIAN,
Ambassadeur de France en Argentine

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'accueillir aujourd'hui au Sénat pour ce colloque organisé par Ubifrance sur le thème des affaires dans le Cône Sud. Je suis très heureux de partager cette tribune avec Monsieur l'Ambassadeur d'Argentine en France, qui a d'ailleurs dirigé la filiale d'un grand groupe automobile français en Argentine. Je vais, moi aussi, me faire l'ambassadeur de l'Argentine en France. Je me trouve dans ce pays gigantesque et magnifique depuis six mois. Je l'ai beaucoup visité, du Nord à la Terre de Feu en passant par la pampa.

Il n'est pas facile d'analyser l'Argentine. Ses spécificités ont parfois pu déconcerter. Un ancien Prix Nobel américain lui avait d'ailleurs réservé une place à part. L'Argentine est entrée avec beaucoup de difficultés dans le XXIe siècle. Il faut maintenant démontrer que ce pays s'est profondément transformé. Certes, la crise qu'il a traversée a laissé des stigmates, mais l'Argentine est désormais différente.

D'une certaine manière, cette crise a démontré toute la stabilité démocratique de ce pays. L'enracinement démocratique a certainement été l'une des explications à la rapidité de la récupération économique de l'Argentine. Cette récupération a été tirée par une croissance exceptionnelle de 8 % par an entre 2003 et 2008. L'Argentine a pu restaurer ses grands équilibres macro-économiques, et la crise de 2008 l'a moins touchée que d'autres pays. L'Argentine a tout de même été affectée en 2009, mais la croissance est désormais de retour, avec une prévision de 5 % pour 2010.

Les autorités argentines apportent une grande attention à la normalisation de la situation financière et au désendettement. La restructuration de la dette se poursuit. Le sujet du Club de Paris est régulièrement évoqué par les autorités. Aujourd'hui, l'Argentine affiche l'un des taux d'endettement les plus faibles des pays du G20, accompagné d'un excédent budgétaire à peine troublé par le déficit modeste de 2009. Enfin, la balance commerciale et des comptes externes est très positive. Les exportations ont été le moteur de la croissance argentine pendant six ans. Ces excédents ont permis de fortifier les réserves de la Banque Centrale - 48 milliards de dollars.

La consommation intérieure croît, alimentée par une politique de dépense publique destinée à maintenir le pouvoir d'achat, notamment par l'intermédiaire de programmes sociaux très importants. Certes, il ne faut pas occulter l'augmentation des prix, mais un sondage publié le week-end dernier dans la presse locale révélait que la population argentine percevait positivement la situation économique de son pays.

L'économie argentine s'appuie d'abord sur une relation économique toujours plus étroite avec le Brésil, un marché de 200 millions d'habitants qui absorbe 40 % des exportations argentines. La Chine est également un débouché important. L'amélioration structurelle des termes de l'échange, conséquence de la hausse des prix internationaux des denrées agricoles, est un autre pilier important sur lequel s'appuie l'économie argentine, qui dispose d'un avantage compétitif dans le secteur agricole. Les terres fertiles y sont abondantes et les exploitations modernes. L'agriculture argentine est devenue l'une des plus modernes du monde. A ce propos, l'année 2010 s'est avérée exceptionnelle en termes de volumes de récoltes.

Les relations entre la France et l'Argentine sont historiques et n'ont eu de cesse de se développer depuis 200 ans. L'influence et l'attrait de la culture et de la pensée françaises demeurent très importants. La France jouit d'un immense respect en Argentine. Les 20 000 Français qui vivent sur place pourraient aisément en témoigner. Les droits de l'homme sont un thème important de coopération entre les gouvernements des deux pays. La France et l'Argentine sont également partenaires au sein du G20, où leurs positions convergent sur un certain nombre de questions, de la réforme de la gouvernance mondiale à la prise en compte des normes sociales et environnementales dans la croissance. Les domaines de coopération bilatérale sont nombreux. La coopération scientifique est en plein développement. Des laboratoires et des instituts communs ont été créés. L'Argentine joue un rôle pionner en Amérique latine dans la recherche nucléaire, puisqu'elle est le seul pays d'Amérique latine qui conçoit et produit des réacteurs de recherche. Il s'agit d'un accomplissement exceptionnel. D'une manière générale, le budget de la recherche est en plein développement.

Plus d'un millier de jeunes français choisissent chaque année de faire leurs études en Argentine. C'est une reconnaissance de la qualité de l'enseignement universitaire de ce pays.

La France a longtemps figuré parmi les premiers investisseurs en Argentine, avant que la crise ne change la donne. Le stock de nos investissements a décru dans la première moitié de la décennie 2000, avant de recommencer à croître en 2006. Environ 200 entreprises françaises sont implantées en Argentine. Beaucoup de petits entrepreneurs tentent leur chance. Ils trouvent une bonne disposition à la prise de risque et une main d'oeuvre de bonne qualité. La distance, la concurrence croissante des pays émergents et la compétitivité de l'Argentine attirent les investissements français.

Enfin, pour célébrer le Bicentenaire de l'indépendance argentine, les autorités de ce pays avaient demandé à trois pays de tenir un pavillon dans le centre de Buenos Aires : l'Espagne, l'Italie, mais également la France.

Son Exc. Luis URETA SAENZ PENA,
Ambassadeur d'Argentine en France

Je suis très flatté et impressionné par ce que vient de dire Monsieur l'Ambassadeur de France en Argentine. Néanmoins, il me paraît important d'être plus précis sur certains chiffres. Jusqu'en 2002, l'Argentine était l'un des meilleurs élèves du Consensus de Washington. Nous ne souhaitons pas renouveler cette expérience. Le scénario d'après crise a déjà été évoqué. Je n'y reviendrai donc pas. La forte croissance qu'a connue l'Argentine durant ces dernières années est incontestablement un point important de la reconstruction du pays. Chaque année, le FMI annonçait une croissance de 3 %. La moyenne s'est en fait élevée à 7,5 %. En fin de premier trimestre 2010, nous nous trouvons encore sur une croissance estimative de 6,5 %.

Pas une seule banque argentine n'a de dettes auprès de la Banque Centrale. Ces sept dernières années, les réserves ont crû de 480 %. Elles sont actuellement de 15,8 % du PIB.

Pendant ces sept dernières années également, l'industrie a crû de 72 % et le bâtiment de 125 %. Ces deux secteurs sont encore en croissance en 2010. La consommation, après avoir progressé de 121 % en sept ans, connaît encore une croissance supérieure à 11 % sur le premier trimestre 2010. D'ailleurs, tous les secteurs sont restés en croissance durant la crise de 2009-2010.

Aujourd'hui, la participation des services dans l'économie argentine atteint 66 %. Fruit de la croissance cumulée de l'ensemble des secteurs économiques du pays, la capacité industrielle est utilisée à 80 % de son potentiel. Evidemment, de nouveaux investissements seront nécessaires pour maintenir la croissance.

Pourquoi investir en Argentine ? Parce que la croissance économique y est durable et les entreprises y sont attractives. L'économie argentine est intégrée globalement et régionalement. Le Mercosur garantit l'accès à un marché vaste et attractif. L'Argentine a signé 19 accords bilatéraux avec d'autres pays, y compris la France, afin d'éviter la double imposition. Sur l'ensemble des 45 dernières années, le pourcentage de brevets déposés par million d'habitant a été le plus élevé de la région. Les ressources naturelles sont abondantes et diversifiées. La vie culturelle est très dynamique, avec un PIB culturel argentin en croissance soutenue depuis 2003, tandis que la production de livres a atteint son plus haut niveau historique en 2008. Buenos Aires sera d'ailleurs la capitale mondiale du livre en 2011. L'industrie du cinéma connaît également un grand moment de grande créativité depuis dix ans.

Les infrastructures et les transports sont très développés, avec un réseau ferroviaire parmi les plus étendus du monde et 58 aéroports, dont 23 internationaux. Quant à l'investissement, il bénéfice d'aides publiques.

Depuis dix ans, l'Argentine a décidé d'augmenter sa participation au commerce mondial. Aujourd'hui, plus de 1 500 entreprises argentines participent activement à des foires et à des expositions dans le monde entier.

En outre, le pays s'en tient à une grande discipline fiscale. La dette totale est passée à 48,8 % du PIB en 2009. Sur les cinq premiers mois de l'année 2010, l'excédent fiscal primaire atteint 11 milliards de pesos et l'excédent financier dépasse les 3,2 milliards de pesos.

L'Argentine est une destination touristique de premier ordre.

12 % de l'énergie électrique du pays est aujourd'hui nucléaire. L'objectif consiste à atteindre 22 % à la fin de la décennie.

Plus de 200 entreprises françaises sont installées en Argentine dans l'industrie chimique, la pétrochimie, le commerce de produits agricoles, l'électricité, l'automobile, la défense, les transports aériens ou encore l'hôtellerie.

Enfin, l'Argentine est une démocratie moderne qui présente une économie dynamique. Il s'agit également d'une société intégrée qui régit ses conflits par des moyens démocratiques et pacifiques.

II. L'Argentine économique d'aujourd'hui : promesses et risques

Yves de RICAUD,
Chef du Service Économique Régional pour le Cône Sud,
Ministre Conseiller à l'Ambassade de France en Argentine

Je voudrais d'abord remercier les parlementaires qui ont bien voulu nous recevoir et nous accompagner pour cette journée.

Clairement, la croissance de l'Argentine s'est accélérée à partir de 2002-2003 jusqu'en 2009. Officiellement, il n'y a pas eu de récession par la suite, mais pour notre part, nous pensons que l'Argentine a connu une récession en 2009.

La croissance argentine est très dépendante de l'insertion internationale du pays. Elle est très dépendante de l'amélioration structurelle des termes de l'échange que l'Argentine a connue depuis vingt ans. D'ailleurs, la forte inflexion constatée à partir de 2002 s'explique par l'augmentation des prix des matières premières exportées par l'Argentine. Historiquement, les finances publiques étaient déficitaires en Argentine, mais elles sont devenues excédentaires à partir de la sortie de crise de 2003. L'accélération de l'inflation a un impact extrêmement fort sur les recettes publiques.

Conséquence de ce qui vient d'être dit, le chômage est en forte décrue, même si un léger retournement s'est opéré en 2009.

Les échanges commerciaux entre la France et l'Argentine se sont réduits pendant la crise de 2001-2002, avant de reprendre en 2003. Le volume des échanges a ensuite ralenti en 2009, mais les premiers chiffres de 2010 montrent une accélération. Certes, la France est excédentaire vis-à-vis de l'Argentine, mais cet excédent a tendance à se réduire.

Il existe des disproportions entre la part de marché de la France dans les importations argentines et celles des grands pays partenaires que sont le Brésil et les Etats-Unis. Notre part de marché évolue plutôt à la baisse. Celle de la Chine augmente. La part de marché de l'Allemagne a également tendance à augmenter.

La majorité des ventes argentines à la France est composée de produits alimentaires et agro-alimentaires, tandis que les ventes françaises à l'Argentine sont plus diversifiées, avec notamment des produits automobiles, d'autres biens d'équipement, des produits intermédiaires et un peu de produits de consommation. Il est à noter que le poids de l'automobile est considérable, puisque ce secteur représente environ un tiers des exportations françaises en Argentine.

La période post-crise a été marquée par une décrue assez forte du stock d'investissements des entreprises français en Argentine. La reprise est progressive et relativement lente, à des niveaux très inférieurs à ceux qui avaient été atteints durant la décennie 1990.

L'économie argentine est maintenant repartie sur un trend de croissance. Il est tout à fait possible que cette croissance atteigne 6 % en 2010. Le commerce extérieur est également en forte croissance.

Malgré tout cela, trois sujets importants restent posés. Le premier concerne la forte augmentation des dépenses publiques depuis 2003. Les subventions ont été accrues de manière considérable. Il est clair que cette évolution des dépenses publiques de 30 à 40 % par an depuis sept ans ne pourra pas se poursuivre éternellement.

Le deuxième sujet important est celui de l'inflation. L'accélération actuelle se double d'un problème de mesure. Clairement, il faut de la sincérité sur ce sujet. L'accélération de l'inflation est auto-entretenue par les négociations salariales. Il s'agit d'un sujet vraiment important, même s'il ne figure pas au premier plan des préoccupations du gouvernement actuel.

Enfin, le troisième sujet a trait à l'insertion économique internationale du pays.

Sur le plan commercial, les échanges franco-argentins ont fortement baissé en 2009. Inversement, ils augmentent en 2010. Tout cela est lié à la crise. Néanmoins, il existe des difficultés commerciales à l'entrée.

Au-delà de l'automobile et du secteur agro-alimentaire, l'énergie est un autre secteur porteur de l'économie argentine. En la matière, il existe des niches intéressantes - transport du gaz, regazéification. La relance du programme nucléaire est clairement un objectif du gouvernement actuel. Aujourd'hui, l'Argentine rencontre des problèmes de disponibilité du gaz. Il faudra donc accélérer la construction de nouvelles capacités. Enfin, l'économie argentine est mure dans sa diversité et son système de distribution.

Le 1 er janvier 2011, Ubifrance ouvrira un bureau économique en Argentine. Cette structure sera consacrée spécifiquement à l'information sur les marchés et à la promotion des entreprises, des techniques et des produits français.

Madame Idrac, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, se rendra en visite en Argentine du 22 au 24 juillet prochain. Une délégation d'entreprises françaises l'accompagnera. Deux coups de projecteurs seront donnés sur les secteurs de l'automobile et de l'agro-alimentaire. Je ne peux qu'inciter les entreprises intéressées à d'ores et déjà se manifester. Nous aurons l'occasion de leur ménager les meilleurs contacts et de leur offrir les meilleures informations.

Pour finir, je voudrais vous dire à quel point l'Argentine est accueillante. Il serait dommage de s'en priver. Avec la communauté française des affaires et nos amis argentins, nous nous sommes organisés pour accueillir les nouveaux arrivants au sein de différentes associations.

Jean-Bernard LEMIRE,
Président de la section Argentine des CCEF

Mon propos concernera les contentieux qu'ont pu connaître les entreprises françaises en Argentine. Les grands litiges impliquant Suez et Total continuent. Heureusement, cela n'empêche pas les autres entreprises françaises de faire des affaires.

Deux secteurs ont quitté l'Argentine : celui de la banque et celui des opérateurs de service public. Le Crédit Agricole a mis fin à ses affaires du jour au lendemain. La Société Générale est ensuite partie en 2005. La BNP Paribas a mis fin à ses activités de dépôt en début d'année. Dans le secteur des services publics, les entreprises ont d'abord crû que le gel des tarifs décidé par le gouvernement argentin serait une mesure provisoire. Cela n'a pas été le cas.

Depuis 2001, l'essentiel des banques et des opérateurs de service public français ont donc quitté l'Argentine. A l'inverse, les Espagnols sont restés. Par ailleurs, le gouvernement argentin a instauré un mode de gouvernance ad hoc dans lequel la raison d'Etat s'impose. Jusqu'à maintenant, l'Argentine a refusé d'exécuter les arbitrages internationaux qui ont été rendus.

Des entreprises comme Renault, Total et Carrefour sont restées en Argentine. D'autres les ont rejointes. Ces entreprises sont confrontées à deux types de difficulté : l'inflation et le mode de gouvernance, ce dernier conduisant parfois à la mise en oeuvre de règles non-écrites. Pour autant, aucune entreprise n'envisage de quitter l'Argentine. Ce pays est une plate-forme à partir de laquelle il est possible d'attaquer les marchés locaux, régionaux et mondiaux. De plus, ces entreprises ont réussi à conduire des équipes de management extrêmement solides qui savent réagir avec rapidité aux grandes turbulences que connaît parfois l'Argentine.

Ce pays, comme beaucoup d'autres, traverse des difficultés, avec des tensions sociales et salariales qui s'exacerbent et une élection présidentielle qui approche. Pour autant, les fondamentaux de l'Argentine sont infiniment meilleurs que par le passé.

Peu d'entreprise françaises se sont installées en Argentine ces dernières années, mais celles qui l'ont fait ont réussi à développer leur business de manière satisfaisante. Dans le domaine énergétique, les cadres réglementaires sont trop volatiles pour financer des investissements privés.

Au final, l'Argentine a vécu un mouvement pendulaire extrêmement intéressant entre le libéralisme des années 90 et le national-populisme de ces dernières années.

III. Echanges

Philippe LECAPLAIN, journaliste

Un certain nombre d'entreprises françaises agissent en justice ou sollicitent des arbitrages internationaux. Que font les autorités argentines pour donner envie aux entreprises françaises de faire des affaires dans leur pays ?

Jean-Bernard LEMIRE, Président de la section Argentine des CCEF

Dans le secteur des services publics, que j'ai bien connus, des décisions politiques font que l'Etat considère que dans certains secteurs, c'est lui qui doit intervenir.

Philippe LECAPLAIN

Quels secteurs sont devenus les moins rentables ?

Jean-Bernard LEMIRE, Président de la section Argentine des CCEF

Les années 90 sont très critiquées aujourd'hui, mais elles s'étaient pourtant caractérisées par la mise en place de cadres régulatoires extrêmement clairs. Ces cadres ont été démantelés. Aujourd'hui, il me semble que le secteur industriel prend sa revanche sur le secteur public.

Son Exc. Jean-Pierre ASVAZADOURIAN, Ambassadeur de France en Argentine

Dans le domaine du transport urbain, une conférence internationale se tiendra au mois d'octobre. Ce moment devrait permettre d'évaluer les potentialités et les possibilités du pays.

De la salle

Je suis à la direction générale d'une PME française. Nous sommes en Argentine depuis les années 70, à présent à partir d'une plate-forme industrielle basée au Chili. Aujourd'hui, l'Argentine exporte très peu son vin. Il existe un projet commun absolument exceptionnel entre les viticulteurs français et leurs homologues argentins. Ce lien doit être renforcé. Or ce qui a été dit sur le secteur bancaire fragilise les entreprises argentines qui souhaitent exporter.

Son Exc. Jean-Pierre ASVAZADOURIAN, Ambassadeur de France en Argentine

Il existe une tradition viticole très ancienne dans ce pays. Depuis dix ans, le secteur viticole est en pleine expansion. Des contacts se développent avec les collectivités locales françaises.

De la salle

Je travaille pour Alstom, mais je ne suis pas du tout un spécialiste de l'Argentine. Ce pays est-il compétitif pour l' offshoring de services partagés ?

Jean-Bernard LEMIRE, Président de la section Argentine des CCEF

Une étude réalisée l'an dernier démontre que l'impact de 15 postes administratifs délocalisés de la France vers l'Argentine est de 1 million d'euros en bottom line . Il est de 1 million de dollars des Etats-Unis vers l'Argentine. L'inflation des salaires, à taux de change fixe, fait que cet avantage s'érode.

IV. La situation économique et la présence française au Paraguay et en Uruguay

Son Exc. Gilles BIENVENU,
Ambassadeur de France au Paraguay

Vu de France, le Paraguay est quasiment invisible. Il s'agit pourtant d'un pays grand comme l'Espagne. Aujourd'hui, le Paraguay est davantage dans la mouvance du Brésil que dans celle de l'Argentine. Il est souvent vu comme une puissance agricole. Pourtant, 45 % de son activité relève du secteur des services. Le Paraguay est le principal exportateur d'énergie électrique du continent latino-américain. Sa monnaie est stable, son inflation contrôlée et sa dette publique parmi les plus faibles.

Le Président paraguayen a très vite été catalogué comme un alter-ego de Chavez. Il a été porté au pouvoir par une coalition extrêmement vaste, mais minoritaire au Congrès, ce qui l'empêche de passer un certain nombre de réformes. Le gouvernement actuel est sans expérience de gouvernement, et l'opposition sans expérience d'opposition. Cela explique que les deux premières années aient été difficiles.

En tout cas, le Président paraguayen n'a pas rejoint la mouvance chaviste en Amérique du Sud. D'ailleurs, Chavez a placé une véritable bombe à retardement sous ses pieds quinze jours avant qu'il n'arrive au pouvoir avec la renégociation à la hausse d'une dette. Le nouveau régime est peut-être populiste, mais il n'est pas dans la mouvance chaviste. Il s'évertue à mettre en phase le Paraguay avec son époque.

La présence de la France au Paraguay n'est pas anecdotique. De nombreux véhicules français circulent à Asunción. Les parfums français sont très présents. Les secteurs de la pharmacie et des services aux hôpitaux sont également en vue.

Le volume des exportations françaises au Paraguay est extrêmement modeste, mais il est en forte croissance. La hausse a atteint 35,5 % en 2008. L'année 2009 a été une année de récession, non pas en raison de la crise financière, mais à cause de la sécheresse. Malgré cela, les exportations françaises ont continué de croître.

Les investissements français au Paraguay sont probablement d'environ 150 millions d'euros. Les perspectives sont liées au retard que connaît le Paraguay en matière d'infrastructures. Il existe un grand projet de construction d'une ligne électrique financé par le Brésil. Il existe également des projets dans les domaines de l'eau, du traitement des déchets ou du transport ferroviaire.

Le Ministre de la Défense du Paraguay s'est récemment rendu en France. La Direction Générale de l'Armement s'est rendu à plusieurs reprises à Asunción. Des entreprises françaises s'intéressent aux secteurs des mines et du pétrole. Plus anecdotique, un hôtel Ibis doit bientôt ouvrir à Asunción.

Les obstacles restent importants. Il s'agit notamment de l'instabilité juridique, de la corruption ou encore de la lenteur des processus de décision dans l'attribution des marchés publics. Les difficultés de mise à disposition de l'énergie électrique sont un frein quotidien au développement industriel. Néanmoins, le Paraguay devrait afficher un taux de croissance de 6 % en 2010.

La France et le Paraguay coopèrent dans le domaine scientifique, dans l'éducation, dans la coopération militaire, dans l'agriculture et dans la justice.

Philippe CRISTELLI,
Conseiller financier,
Service Économique Régional pour le Cône Sud

L'économie brésilienne est devenue de plus en plus importante dans le Mercosur. L'Argentine a une dimension moyenne. Le Paraguay et l'Uruguay présentent deux économies de dimension plus réduite. Néanmoins, le PIB par habitant de l'Uruguay est supérieur à celui de l'Argentine.

Les perspectives de croissance sont relativement bonnes, tant au Paraguay qu'en Uruguay. De 2005 à 2009, la croissance de l'Uruguay avait été importante.

Les indicateurs sociaux sont très bons en Uruguay et moins bons au Paraguay. Les inégalités sont moins marquées en Argentine et en Uruguay, pays qui possèdent des classes moyennes importantes.

Le Paraguay et l'Uruguay ont des niveaux d'inflation limités. En Argentine, le fort niveau d'inflation s'explique d'une part par l'inadéquation entre l'offre et la demande et d'autre part par une forte croissance des dépenses publiques.

Le soja, l'énergie hydroélectrique et les activités de réexportation sont les trois principes sources d'exportation du Paraguay. Le déficit du commerce extérieur ne représente donc pas la réalité. L'Uruguay a accompli des efforts de diversification très importants dans le domaine de la cellulose. De plus, le tourisme compense largement le déficit commercial.

Les finances publiques du Paraguay ont été considérablement assainies depuis 2003. Le budget est en relatif équilibre. La dette externe totale est égale à 24 % du PIB. En Uruguay, le poids de l'Etat est plus important. Le déficit des finances publiques est limité. La dette publique a été ramenée à 65 % du PIB.

Les investissements directs étrangers sont plus limités en Argentine, en Uruguay et au Paraguay qu'au Brésil ou au Mexique. Les IDE représentent 8 % des investissements en Uruguay et 19 % au Paraguay.

L'Uruguay est bien classé à l'indice de perception de la corruption. Les autres pays de la zone sont moins bien classés.

Enfin, la France est le 23 e client et le 8 e fournisseur en Argentine, ainsi que le 6 e client et le 4 e fournisseur au Paraguay.