Colloque "Caucase, Asie centrale : la dynamique Caspienne" (10 avril 2008)



Sept années de croissance à deux chiffres consécutives :
analyse du dynamisme arménien

Maxime ZABALOUEFF,
Attaché commercial près l'Ambassade de France en Arménie

La vente d'énergie et l'exploitation de ressources minières ont été largement abordées ce matin. Elles justifient de regrouper ces huit Etats en un ensemble que nous appelons zone Caspienne, ces territoires ayant en commun de connaître une certaine dynamique, ce qui nous interroge sur la place de l'Arménie. Géographiquement proche de ces derniers, elle partage avec eux un certain enclavement, mais demeure tenue à l'écart des projets d'infrastructure de transport et de transit les concernant. Elle brille pourtant par un fort dynamisme économique.

Au cours des sept dernières années, son taux de croissance moyen a dépassé 12 %, ce qui est une bonne performance pour un pays dépourvu de ressources et de voies de transit d'importance.

La croissance arménienne s'accompagne d'une bonne maîtrise de l'inflation, d'une situation budgétaire assainie, avec des dépenses budgétaires en augmentation et un déficit maîtrisé. Toutefois, sa monnaie a tendance à s'apprécier par rapport à d'autres devises, ce qui la conduit à diversifier son économie. En sept ans, le PIB de l'Arménie a presque quintuplé pour avoisiner celui des pays voisins. Il s'élève cette année à 10 Mds $, signe de l'augmentation du niveau de vie et du dynamisme de la consommation interne, cette dernière tirant la croissance et favorisant la hausse des salaires. Ceux-ci croissent chaque année de 20% en moyenne depuis 2003. Aujourd'hui le revenu moyen atteint 250 $.

Son enclavement soumet le pays à une forte contrainte logistique, ce qui ne l'empêche pas, toutefois, d'exporter et d'importer des produits. Le moteur de sa croissance repose sur le soutien financier apporté par la diaspora et alimenté par l'émigration : 2 Mds $ auraient été injectés en 2007 en Arménie par les travailleurs émigrés. Le schéma économique du pays est classique. Il se caractérise par un déclin de l'industrie, un maintien de l'agriculture et un développement des secteurs des services et de la construction qui représentent 28 % de la croissance du PIB en 2007.

Le secteur des services représente, quant à lui, 36 % du PIB en 2007 ; une hausse s'expliquant notamment par le développement des services financiers et d'un secteur bancaire constitué de 22 banques majoritairement détenues par des entreprises étrangères. Les services bancaires évoluent et les taux de dépôt sont en plein essor, avec un commerce qui joue un rôle important dans l'économie. L'afflux de devises stimule les importations, aujourd'hui supérieures aux exportations. Le déficit de la banque commerciale du pays invite à la dynamisation du secteur productif pour permettre à l'économie arménienne d'écouler sa production sur place et à l'étranger.

La France a augmenté ses échanges avec l'Arménie. Ceux-ci demeurent faibles néanmoins, d'un niveau proche de 58 M€. L'Hexagone a vendu 56 M€ de biens et d'équipement à l'Arménie en 2007, soit une progression de 22 %. Malgré la taille modeste et l'accès difficile de ce marché, des opportunités restent à saisir cependant, notamment en raison de l'ancienne amitié que partagent ces deux pays, bénéfique aux entreprises telles que Pernod-Ricard présent sur place.

L'Arménie veut se diversifier et dynamiser les moteurs de sa croissance. Pour cela, elle souhaite développer une économie du savoir, axée sur les nouvelles technologies, et mettre l'accent sur le tourisme en direction de la diaspora, une activité en plein essor. L'objectif est d'atteindre les 500 000 touristes dès 2009, lequel exige des investissements majeurs. Le gouvernement élabore donc une stratégie pour accueillir des entreprises de ce secteur. Il souhaite aussi acquérir des cycles de production complets, allant du traitement des matières premières à l'exportation des produits. Le besoin de savoir et de transmission des technologies représente un véritable enjeu, offrant des opportunités d'investir pour des entreprises étrangères.

De la salle

Pourriez-vous revenir, Monsieur PATAT, sur l'évolution du secteur métallurgique au Kazakhstan et la lutte qui se joue entre ce pays et l'ENRC?

Daniel PATAT

Il s'agit d'un sujet très important, renvoyant à la volonté affirmée du pays de reprendre en main les secteurs économiques majeurs pour lui. Le rapprochement dont vous parlez pourrait faire naître un géant eurasiatique dans la production de matières minérales. Le rachat par Kazakhmys d'une partie d'AES laisse une impression mitigée, surtout au regard des difficultés rencontrées par ArcelorMittal, contrainte de multiplier les discussions avec les autorités.

Le gouvernement kazakh a la volonté de faire en sorte que les choses se déroulent du mieux possible et que les investisseurs consentent au maximum d'efforts pour assurer le développement de l'emploi et de l'économie. Cependant, il n'est pas à exclure que, dans cette économie ouverte caractérisée par des acteurs puissants relativement indépendants du gouvernement, certains souhaitent profiter des possibilités offertes par la situation actuelle. Il est possible que de nouvelles puissances apparaissent dans l'économie nationale, suite à la constitution de groupes gigantesques, notamment dans l'exploitation de matières minérales.