Quelles opportunités au Mexique ?

Nasser EL MAMOUNE
Directeur Mexique, Mission économique Ubifrance

Nous essayons d'organiser cette réunion depuis plusieurs mois. Pour les raisons que vous connaissez, nous n'avons pas pu le faire plus tôt. Je remercie tous nos partenaires et tous nos amis mexicains qui ont fait le déplacement pour être parmi nous aujourd'hui.

Mon ambition est de donner envie aux entreprises françaises d'aller au Mexique. Les conditions y sont favorables pour réaliser des investissements et, ce qui est très important, le pays dispose d'un marché intérieur dynamique.

Le Mexique recèle de nombreuses opportunités. Pourquoi les entreprises françaises, en particulier les PME, s'y intéressent si peu ? Il faut certainement remettre en cause des idées reçues.

Nous entendons souvent que le Mexique est un pays de crises. Certes, il en a connues mais la dernière remonte à 1994. Cette date est d'ailleurs charnière dans son histoire, puisqu'elle correspond également à son entrée dans l'OCDE et à la mise en place de l'ALENA. Aujourd'hui, la gestion économique et financière du pays est rigoureuse. L'inflation est contrôlée, comme l'endettement.

Le Mexique a l'image d'un « poids plume » parmi les émergents, parce qu'il ne fait pas partie des BRICS. Pourtant, il s'agit de la première puissance commerciale d'Amérique Latine. Il réalise, à lui seul, environ 600 milliards de dollars d'échanges. Il constitue une plateforme à la fois vers le Nord et vers le Sud.

Le Mexique ne se résume pas à la Corona et aux plages. Plus de 80 % de ses exportations sont manufacturières. Il dispose d'un socle industriel comparable à celui de pays du « premier monde ». Certains groupes ont une dimension internationale.

Le Mexique ne regarde pas que vers les Etats-Unis, même s'il s'agit évidemment d'un débouché logique pour ses exportations. Il est regrettable que les entreprises ne soient pas davantage informées du traité de libre échange signé avec l'Union européenne. L'ouverture est néanmoins de plus en plus grande.

Céline KAJOULIS, Chef du service Economie, Radio Classique

Le pays a néanmoins des défis à relever, quels sont-ils ?

Nasser EL MAMOUNE

Des réformes structurelles restent à mettre en oeuvre, notamment dans l'énergie et la fiscalité.

Malgré un PIB par habitant relativement élevé, les inégalités restent très marquées. Des programmes de lutte contre la pauvreté ont été mis en oeuvre mais beaucoup de progrès doivent encore être faits dans ce domaine.

Le pays doit préserver sa compétitivité, surtout face à la Chine. Cette dernière est devenue le premier fournisseur des Etats-Unis, à la place du Mexique, et l'écart commence à se creuser. La proximité donne des atouts sur les flux courts mais cela n'est pas suffisant.

L'un des points qui doit certainement être mieux mis en valeur est celui de la propriété intellectuelle. La Chine offre des coûts de main d'oeuvre inférieurs mais ne propose pas les mêmes garanties. De plus en plus de groupes ont également compris que le Mexique disposait d'une main d'oeuvre qualifiée.

Des efforts doivent probablement être faits pour développer l'épargne interne.

Nous sommes aussi obligés d'aborder les problèmes d'insécurité.

Céline KAJOULIS, Chef du service Economie, Radio Classique

Pouvez-vous nous donner des précisions sur les opportunités pour les entreprises françaises ?

Nasser EL MAMOUNE

La présence française est insuffisante au Mexique. Si de plus en plus de PME manifestent de l'intérêt pour ce pays, les entreprises qui s'y sont installées sont souvent de grande taille. Nous en avons recensées environ 400. Certaines ont des positions très fortes.

Les TIC sont un secteur prioritaire pour le gouvernement mexicain. Le chiffre d'affaires devrait dépasser les 35 milliards de dollars. Il est en pleine expansion. Les opportunités y sont très nombreuses. Même si certains acteurs conservent des positions très fortes, l'autorité de régulation a permis d'ouvrir le marché.

Le commerce de détail est très important au Mexique. La plupart des grands groupes étrangers sont nord-américains. Il existe néanmoins des opportunités, notamment sur la sécurisation des ventes en ligne.

Le Mexique est un grand acteur de l'automobile, avec principalement la production de pièces détachées. Les entreprises sont très intéressées par des coopérations avec les sous-traitants européens.

L'aéronautique est un secteur assez jeune mais en plein essor. Beaucoup d'entreprises françaises sont déjà installées.

Le secteur de l'énergie a commencé à s'ouvrir. Il existe des besoins en particulier sur l'amélioration de la productivité des installations et sur la rédaction de l'impact environnemental.

Le modèle économique a été construit au détriment des ressources naturelles et de l'environnement. Ce dernier est toutefois devenu une préoccupation depuis plusieurs années. Les grandes sociétés ont mis en place des politiques spécifiques. Des projets nationaux sont assez ambitieux, notamment en ce qui concerne l'eau. Le potentiel est très important. Les spécialistes français de ce domaine sont déjà installés au Mexique mais il faudrait que les PME soient plus nombreuses.

Le Mexique voudrait, compte tenu de sa situation géographique, devenir un centre de logistique. Certains projets ont été freinés par la crise mondiale mais pourraient être reportés. Il existe également des opportunités dans les transports urbains - secteur dans lequel le savoir-faire français est important - ou les infrastructures aéroportuaires.

Au Mexique, environ 25 millions de personnes ont un pouvoir d'achat au moins équivalent à la moyenne de l'OCDE. Beaucoup de marques françaises sont implantées mais elles pourraient renforcer leurs positions sur les segments moyens, où les espagnols sont très présents.

La construction durable est devenue une vraie préoccupation.

Le Mexique est un grand pays touristique, avec la volonté de devenir la 5 ème destination mondiale. L'hôtellerie française a peu investi. Il existe des opportunités pour les PME, particulièrement sur la formation et les équipements. Les spas se développent massivement.

Les biotechnologies restent embryonnaires mais se développent.

La cosmétique est également un marché dynamique, qui peut être très intéressant pour des PME françaises.

Beaucoup d'investissements sont réalisés dans le domaine de la santé. Tous les grands laboratoires sont installés au Mexique. Des coopérations pourraient être renforcées, notamment sur les dispositifs médicaux.

Le Mexique a doublé sa consommation de vins, même si elle reste très faible. La concurrence est rude. Il ne faut pas hésiter à aller dans d'autres régions que la zone de Mexico. Il existe également des opportunités sur la cuisine (plats préparés, etc.). Le pays est également demandeur d'expertises dans le domaine de l'agroalimentaire.

Comme vous pouvez le constater, le potentiel est riche. Il faut réellement dépasser le déficit d'image du Mexique et ne pas hésiter à s'y implanter.