Interventions des Ministres

Anne-Marie IDRAC,
Secrétaire d'État chargée du Commerce extérieur

Je suis heureuse de participer à cette nouvelle édition des rencontres France-Russie organisées par Ubifrance et le Sénat, et je remercie mon homologue russe d'honorer de sa présence ce séminaire.

Tout au long de cette année croisée 2010, le lien entre nos deux pays n'aura cessé de se renforcer. Nos exportations à destination de la Russie ont ainsi augmenté de 30 % sur les huit premiers mois de l'année 2010, ce qui est évidemment colossal ; plusieurs dizaines d'accords et de grands contrats ont en outre été signés entre les entreprises de nos deux pays

Ces derniers mois ont également été marqués par une densification sans précédent des rencontres politiques au plus haut sommet. Le Président Medvedev s'est ainsi exprimé devant le MEDEF en mars dernier, tandis que le Président Sarkozy a participé au forum international de Saint-Pétersbourg qui s'est tenu en juin. Christine Lagarde et moi-même sommes déjà allées deux fois en Russie cette année et j'aurai tout à l'heure, avec Mme Nabiullina ici présente, une rencontre de travail qui sera évidemment très constructive.

Cette année croisée n'est pas terminée et nous n'avons bien évidemment nullement l'intention de relâcher nos efforts à l'aube de l'année 2011. Nous entendons, bien au contraire, poursuivre sur cette lancée, dans la dynamique créée par l'organisation du forum d'affaires multisectoriel de Moscou, les 8 et 9 décembre prochains et par la tenue, en parallèle, d'un séminaire intergouvernemental, co-présidé par nos deux Premiers ministres.

Au-delà de cette année croisée, nous nous sommes ainsi fixé quelques axes de travail pour renforcer la coopération entre nos deux pays, au premier rang desquels la diversification géographique. Nos entreprises doivent en effet sortir des centres habituels de Moscou et de Saint-Pétersbourg pour tenter leurs chances dans des villes intermédiaires telles qu'Ekaterinbourg, Kazan, Mourmansk ou Sotchi, lesquelles représentent, à n'en pas douter, un réel potentiel pour les investisseurs français. Cette diversification géographique a d'ailleurs déjà commencé à porter ses fruits, comme en attestent le contrat remporté par Freyssinet pour la construction du plus long pont à haubans du monde, dans la région de Saint-Pétersbourg, ou le contrat pour la construction du gazoduc Nord Stream.

Le deuxième axe de travail que nous nous sommes fixé n'est autre que celui d'une diversification thématique de nos échanges, en renforçant notamment les secteurs de l'efficacité énergétique, de la finance et, de manière plus transverse, de l'innovation.

L'efficacité énergétique représente un marché colossal en Russie, et nous avons donc faire le choix d'en faire l'un des sujets phare de notre coopération bilatérale. Un centre franco-russe spécialisé dans ce secteur est ainsi en cours de construction et commencera à fonctionner l'année prochaine. A noter que la promotion de l'efficacité énergétique ne se limite pas aux nouveaux projets mais a vocation à s'appliquer également aux usines et aux logements existants.

Le secteur de la finance, sur lequel nous souhaitons également faire porter nos efforts, est un domaine de coopération plus ancien entre nos deux pays. Les banques françaises sont en effet particulièrement bien implantées en Russie et se développent également dans le secteur de l'assurance. Des accords ont en outre été signés entre les autorités de supervision de nos deux pays.

S'agissant de l'innovation et des nouvelles technologies, la participation de la France au développement de la « Silicon Valley » russe, située à Skolkovo à proximité de Moscou, est vivement souhaitée par les autorités. La question de l'innovation sera en outre au coeur de notre dialogue sur la promotion des investissements. Nous ferons en effet en sorte de promouvoir l'investissement français en Russie et l'investissement russe en France dans tous les secteurs d'activité innovants.

Je me réjouis de constater que l'année croisée marquera le début d'un nouveau cycle de relations entre nos deux pays, lequel sera marqué par la conclusion de partenariats franco-russes toujours plus nombreux. A cet égard, la France aura un rôle moteur à jouer dans la mise en oeuvre, à plus large échelle, d'une coopération fructueuse entre la Russie et l'Union européenne. Notre pays devra favoriser en outre l'adhésion de la Russie à l'OMC.

Elvira NABIULLINA,
Ministre du Développement économique de la Fédération de Russie

C'est un grand plaisir pour moi d'être présente parmi vous aujourd'hui pour évoquer les relations économiques entre nos deux pays, lesquelles ont été particulièrement dynamisées par l'organisation de l'année croisée, et dont nous avons pu constater la solidité à l'épreuve de la crise économique que nous venons de traverser.

Cette crise nous a contraints à rechercher de nouvelles perspectives de coopérations entre nos deux pays, sans marquer pour autant un coup d'arrêt aux projets en cours. Forts de la grande résistance dont nous avons fait montre, dans un contexte aussi difficile, nous espérons enregistrer, en 2011, une croissance de notre PIB de l'ordre de 4 %. Les chiffres de l'année 2010 démontrent d'ailleurs que nous avons su nous reconstruire de manière dynamique. Nous avons en effet enregistré une croissance de 9 % de notre production industrielle durant les dix premiers mois de l'année et nous pouvons nous prévaloir d'indicateurs macro-économiques assez stables. Notre dette s'établit en effet à 11 % du PIB seulement et notre déficit, de l'ordre de 5 % du PIB, devrait s'établir à 3,6 % l'année prochaine. Nous disposons par ailleurs d'une réserve en devises de 500 milliards de dollars, ce qui constitue une base de stabilité suffisante pour notre économie et nous permet de ne pas trop faire peser la dette sur les ménages.

Notre système bancaire a quant à lui traversé la crise en conservant une certaine stabilité, grâce à une intervention mesurée de l'État, qui a profité tout à la fois aux banques russes et aux banques étrangères.

Nous comptons nous appuyer sur cette relative stabilité pour promouvoir la modernisation de notre économie, laquelle devra s'appuyer sur un certain nombre de réformes structurelles. Ce processus de modernisation devra concerner tous les secteurs, qu'il s'agisse de secteurs purement industriels comme celui de l'énergie, par exemple, ou de secteurs d'activités présentant un potentiel humain de développement particulièrement important. L'accent sera ainsi notamment mis sur les secteurs de l'aéronautique ou de l'automobile. Le marché russe de l'automobile est en effet très prometteur et devrait croître de près de 4 millions d'unités par an, dans les prochaines années.

Nous disposons par ailleurs d'un bon carnet de commandes dans le secteur de la construction navale et l'agriculture reste un secteur tout à fait prometteur, où le volume d'investissements étrangers se développe. Le secteur pharmaceutique est également envisagé comme un domaine prioritaire de développement par notre gouvernement. Nous souhaitons permettre l'émergence d'innovations technologiques sur notre sol, ainsi que l'implantation de centres de fabrication.

L'accent devra également être mis sur la promotion des secteurs de l'éducation et de la santé, qui restent pour nous primordiaux. A cet égard, nous favoriserons les investissements privés dans ces deux domaines, en exonérant notamment de l'impôt sur les bénéfices les entreprises qui contribueront au développement de ces deux secteurs.

La modernisation de notre économie passera en outre par une attention accrue portée à tous les processus d'innovations, dans des domaines aussi divers que ceux de l'efficacité énergétique, les technologies nucléaires, les technologies de communication, l'espace et la pharmaceutique. A cet égard, le nouveau centre d'innovations que nous sommes en train de mettre en place à Skolkovo ne manquera pas de donner une impulsion à la recherche, dans tous ces domaines. L'un des principes fondateurs de ce centre est que tous les projets y seront menés en coopération avec des partenaires étrangers, que nous choisirons parmi les plus brillants et les plus dynamiques. En promouvant ce type d'initiatives, l'État russe cherche à créer un climat d'affaires propice aux investissements sur le sol national.

Dans ce même esprit, nous avons pris des mesures d'urgence pour que les hommes d'affaires puissent travailler en Russie dans des conditions confortables. A cet égard, l'impôt sur les entreprises pratiqué en Russie est le plus bas de tous les pays du BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine). Outre ces avantages fiscaux certains, nous faisons en sorte de réduire les barrières administratives pouvant entraver le business, via l'adoption de lois adaptées. Nous réduisons également le nombre de licences et oeuvrons à la modernisation de nos infrastructures. Nous comptons par ailleurs faciliter les opérations d'import-export grâce à la promulgation d'une nouvelle loi sur les droits de douane.

Notre action ne devra pas se limiter à la promotion des échanges entre grandes entreprises. Il conviendra en effet de faciliter également la coopération entre les PME de nos deux pays. Cette catégorie d'entreprises a en effet sensiblement accru son activité dans le contexte de crise que nous venons de traverser et un quart de la population active travaille dorénavant dans ce type de structures.

Ce processus de modernisation de notre économie passera en outre par une intensification des privatisations, dans les cinq années à venir. Le secteur privé gère à l'heure actuelle 65 % de notre économie et cette proportion pourrait croître encore, dans un très proche avenir, via une réduction des participations étatiques dans nos grandes entreprises et nos grandes banques, et un recours ciblé à des experts internationaux. Le programme de privatisations que nous entendons mettre en oeuvre devrait toucher un nombre important de secteur.

L'état du marché russe, qui repose sur les revenus dont notre population dispose, est actuellement d'une qualité telle, qu'il peut absorber beaucoup. Une telle situation est là encore propice au développement de relations économiques fructueuses avec d'autres pays du globe. Tout comme l'est la bonne tenue des relations politiques entretenues, au plus haut niveau, par les dirigeants de nos deux États.