SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Novembre 2004)

ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES

La détention provisoire n'est pas définie en tant que telle, mais elle est comprise par opposition au droit à la liberté, corollaire de la présomption d'innocence.

D'après le Bail Act de 1976 , la liberté avant jugement est un droit. La détention provisoire constituant une exception à ce droit, elle n'est applicable que dans certains cas limitativement énumérés par la loi.

Le Bail Act de 1976 a été modifié à plusieurs reprises et les exceptions au droit à la liberté avant jugement se sont multipliées. Ainsi, ce droit est a priori exclu pour les personnes poursuivies pour certaines infractions très graves, comme l'homicide ou le viol, lorsqu'elles ont déjà été condamnées pour de telles infractions.

En 2000, les prévenus représentaient un peu plus de 17 % de la population carcérale.

1) Lors du placement en détention provisoire

a) Le caractère contradictoire de la procédure

Lorsque la police arrête un suspect, elle peut le mettre en garde à vue si les besoins de la procédure l'exigent. Une fois la durée maximale de la garde à vue écoulée (en principe vingt-quatre heures), si la police estime que l'intéressé ne peut pas être remis en liberté, elle doit le présenter à la magistrates' court sans délai. En pratique, cette comparution a lieu dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures.

Les magistrates' courts sont composées de juges non professionnels. Elles ne jugent que les infractions les moins graves. Toutefois, la procédure pénale commence presque toujours dans une magistrates' court , même pour les infractions les plus graves, qui relèvent de la compétence de la Crown Court . Les infractions violentes dont sont victimes les enfants constituent la principale exception à cette règle : la Crown Court est alors directement saisie.

Si la magistrates' court ne juge pas l'affaire immédiatement, par exemple parce qu'elle est incompétente compte tenu de la gravité de l'infraction ou parce que le procès est ajourné, elle doit décider si le suspect peut être remis en liberté et, le cas échéant, dans quelles conditions il peut l'être. Pour prendre sa décision, elle entend l'intéressé ou son avocat, ainsi que le représentant du Crown Prosecution Service (CPS), service public chargé des poursuites et qui, au vu des informations transmises par la police, fait des recommandations sur la nécessité d'un placement en détention provisoire.

b) L'auteur de la décision

En règle générale, la décision relative au placement en détention provisoire est prise par la magistrates' court , qui n'a aucun lien avec l'enquête. En pareil cas, la magistrates' court siège en audience publique en formation collégiale de trois juges. Si le suspect est finalement jugé par la magistrates' court , les juges qui ont participé à la décision de mise en liberté ou de placement en détention provisoire ne peuvent pas siéger à l'audience de jugement.

C'est seulement dans les cas exceptionnels où la procédure commence directement devant la Crown Court que celle-ci, également étrangère à l'investigation, prend la décision de placement en détention provisoire.

c) La motivation de la décision

D'après l'article 5 du Bail Act , le refus de laisser un suspect en liberté doit être motivé. Ces motifs doivent être mentionnés dans une note mise au dossier et ils doivent être communiqués à l'intéressé ou à son avocat.

Comme les décisions de refus revêtent, par principe, un caractère exceptionnel par rapport au droit général à la liberté, elles doivent se fonder sur l'un des motifs de détention provisoire, qui sont explicitement énoncés par le Bail Act. Ces motifs (risque de fuite, de récidive, de pression sur les témoins...) varient selon que la personne est ou non passible d'une peine de prison, les conditions de placement en détention provisoire étant particulièrement strictes dans le second cas.

Le tribunal doit donc préciser l'exception fondant son refus de liberté provisoire, ainsi que les raisons pour lesquelles cette exception s'applique au cas particulier qui lui est soumis.

Lorsqu'il envisage de placer en détention provisoire une personne passible d'une peine de prison, le tribunal doit prendre en considération les éléments suivants :

- la nature et la gravité de l'infraction, ainsi que la manière selon laquelle le suspect a probablement agi ;

- le caractère, les antécédents et l'environnement social de l'intéressé ;

- le cas échéant, la façon dont il a rempli ses obligations lors d'une précédente liberté provisoire ;

- le poids des charges réunies contre lui.

Par ailleurs, la loi de 1994 relative à la justice pénale et à l'ordre public écarte a priori la possibilité de laisser en liberté les personnes poursuivies pour certaines infractions très graves (comme l'homicide, le viol ou les infractions sexuelles les plus graves commises sur des mineurs) et qui ont déjà été condamnées pour de telles infractions. En pareil cas, c'est le maintien en liberté qui revêt un caractère exceptionnel et qui doit être motivé.

d) Le caractère subsidiaire de la détention provisoire

La détention provisoire constitue une exception au principe de liberté . Du reste, après que le tribunal a décidé de ne pas laisser un suspect en liberté, il doit, lors de chaque audition de l'intéressé, s'interroger sur la nécessité du maintien en détention provisoire.

e) Les recours

La personne à qui le maintien en liberté a été refusé peut adresser une nouvelle demande de mise en liberté au tribunal ( 2 ( * ) ) lors de sa première comparution . À cette occasion, elle peut mettre en avant n'importe quel argument, de fait ou de droit.

En revanche, ses requêtes suivantes doivent reposer sur des éléments nouveaux.

Par ailleurs, il est possible de faire appel des décisions de la magistrates' court devant la Crown Court ou, lorsque le recours se fonde uniquement sur des questions de droit, devant la High Court .

Enfin, une personne qui s'estime détenue sans motif légitime peut requérir une ordonnance d' habeas corpus contre celui qui la détient.

2) Pendant la détention provisoire

a) La durée de la détention provisoire

Traditionnellement, les décisions de placement en détention provisoire sont prises pour huit jours et sont reconductibles par période de huit jours jusqu'à ce que le procès puisse commencer. La rigueur de cette règle a suscité des aménagements, de sorte que, dans certaines circonstances, le placement en détention provisoire peut désormais être décidé pour vingt-huit jours (voir page suivante).

La durée maximale de la détention provisoire , définie comme le délai séparant la première comparution devant la magistrates' court du début de l'audience de jugement et qui doit permettre aux autorités responsables des poursuites d'achever la phase préliminaire de la procédure, est fixée par un règlement de 1987 pris pour l'application de la loi de 1985 sur la poursuite des infractions.

Elle varie en fonction de la catégorie à laquelle appartient l'infraction que l'intéressé est suspecté avoir commise, mais est en principe inférieure à six mois :

- 56 jours pour une infraction mineure relevant de la compétence exclusive des magistrates' courts ;

- 56 jours pour une infraction intermédiaire (3 ( * )) jugée par une magistrates' court lorsque la décision de soumettre l'affaire à une magistrates' court est prise avant l'expiration de ce délai ;

- 70 jours pour une infraction intermédiaire jugée par une magistrates' court lorsque la décision de soumettre l'affaire à une magistrates' court est prise au-delà du délai de 56 jours ;

- 182 jours pour une infraction jugée par la Crown Court , qu'il s'agisse d'une infraction relevant de la compétence exclusive de la Crown Court ou d'une infraction intermédiaire . Ce délai se subdivise en deux parties : 70 jours entre la première comparution devant la magistrates' court et le renvoi en jugement devant la Crown Court et 112 jours entre le renvoi en jugement et le début du jugement.

Le CPS peut demander au tribunal compétent de prolonger la durée de la détention provisoire au-delà de ces limites.

D'après le règlement de 1987, une telle prolongation est accordée seulement si elle est strictement nécessaire et si le CPS a agi avec la rapidité et la diligence requise. La loi indique plusieurs motifs susceptibles de justifier une prolongation (comme la maladie de l'accusé ou l'absence d'un témoin essentiel) et prévoit que le CPS peut mettre en avant une « raison valable et suffisante ». Cette dernière notion n'est pas définie par la loi, mais est appréciée strictement par la jurisprudence, qui considère par exemple que le manque de moyens mis à la disposition de la police ou du CPS ne constitue pas un motif de prolongation valable.

b) Les vérifications du bien-fondé de la détention provisoire

Lors de chaque audition du suspect, le tribunal doit s'interroger sur la nécessité du maintien en détention provisoire. Or, d'après la loi de 1980 sur les magistrates' courts , le placement en détention provisoire est prononcé pour une période de huit jours, à l'issue de laquelle le prévenu doit à nouveau comparaître devant le tribunal.

Pour éviter les comparutions successives ayant pour seul objet la prolongation de la détention provisoire, la loi permet d'obtenir, lors de la première comparution, l'accord de l'intéressé pour qu'il ne se déplace de son lieu de détention au tribunal qu'une fois sur quatre et que les demandes relatives à sa détention provisoire soient entre-temps examinées sans lui. Par ailleurs, lorsque l'intéressé se trouve déjà en détention provisoire, la même loi permet au tribunal de prolonger la durée de celle-ci d'au plus vingt-huit jours, à condition que la date de l'étape suivante de la procédure soit connue. Le tribunal ne peut prendre une telle décision qu'en présence de l'intéressé.

3) L'indemnisation après une détention provisoire injustifiée

Il n'existe aucune disposition législative ou réglementaire.

Toutefois, conformément à un engagement pris le 29 novembre 1985 devant la Chambre des communes par le ministre de l'intérieur de l'époque , une indemnité peut être versée à une personne ayant subi une détention provisoire abusive et qui en fait la demande, pour autant que des circonstances exceptionnelles le justifient. C'est le cas par exemple lorsque des charges ont été portées à tort du fait d'un manquement grave des services de police.

En pratique, les cas d'indemnisation sont rares. Depuis plusieurs années, certains réclament une indemnisation automatique.

* (2) Magistrates' court ou Crown Court selon les cas.

* (3) Les infractions intermédiaires peuvent être jugée par une magistrates' court ou par la Crown Court . Traditionnellement, l'accusé pouvait exiger d'être jugé par la Crown Court . Depuis 1997, c'est seulement s'il plaide non coupable qu'il peut formuler une telle exigence.

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