SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Novembre 2004)

PAYS-BAS

L'article 15 de la Constitution , relatif à la liberté individuelle, énonce aux alinéas 2 et 3 :

« Celui qui a été privé de sa liberté autrement que sur ordonnance judiciaire peut demander sa libération au juge. Dans ce cas, il est entendu par le juge dans un délai fixé par la loi. Le juge ordonne la libération immédiate s'il estime illicite la privation de liberté.

» Le jugement de celui qui a été privé de sa liberté afin d'être jugé a lieu dans un délai raisonnable . »

Ces dispositions sont développées par les articles 63 à 93 du code de procédure pénale . Un projet de loi de modification du code de procédure pénale a été récemment déposé au Parlement. Il vise à alléger certaines des formalités entourant les décisions relatives à la détention provisoire.

En septembre 2003, le nombre des prévenus s'établissait à un peu moins de 6 000 , tandis que celui des condamnés était légèrement supérieur à 6 000 .

1) Lors du placement en détention provisoire

a) Le caractère contradictoire de la procédure

Le placement en détention provisoire ne peut pas être décidé sans que l'intéressé ait été entendu . Ce dernier peut se faire assister par un avocat , qui a la possibilité de faire toutes les observations qui lui semblent nécessaires.

Si cette audition préalable est impossible à organiser, la situation doit être régularisée rapidement : l'intéressé doit alors être entendu dans les vingt-quatre heures qui suivent sa mise en détention.

b) L'auteur de la décision

Le placement en détention provisoire est décidé par le juge d'instruction à la demande du parquet.

c) La motivation de la décision

La décision de placement en détention provisoire doit être motivée . Elle doit en particulier décrire aussi précisément que possible l'infraction dont l'intéressé est soupçonné, citer les faits et circonstances à l'origine des soupçons et exposer les conditions de fond justifiant la détention provisoire.

d) Le caractère subsidiaire de la détention provisoire

La loi n'affirme pas explicitement le caractère subsidiaire de la détention provisoire. Toutefois, quelles que soient les circonstances, la personnalité du suspect et la gravité des faits, le placement en détention provisoire est facultatif .

Le juge d'instruction dispose d'une totale liberté d'appréciation pour ordonner le placement en détention provisoire ou pour laisser l'intéressé en liberté conditionnelle. La liste des mesures qui peuvent être prises à ce titre n'est pas limitative. Bien que très utilisé, le régime de la liberté conditionnelle n'a pas permis de réduire le nombre des détentions provisoires.

e) Les recours

À la différence du ministère public, qui peut, dans le délai de quatorze jours, interjeter appel contre une décision de placement en détention provisoire, le suspect ne dispose pas d'un droit de recours stricto sensu , mais il peut demander l'annulation de la décision du juge d'instruction à la chambre du conseil du tribunal, organe collégial composé en règle générale de trois juges. À cette occasion, l'intéressé doit être entendu.

2) Pendant la détention provisoire

a) La durée de la détention provisoire

La durée de la première phase de la détention provisoire est limitée à dix jours. Le projet de loi prévoit de porter la durée de la première phase de la détention provisoire à quatorze jours.

Si les motifs du placement en détention provisoire persistent, le ministère public peut demander une décision de prolongation de la détention. Celle-ci est prise par le tribunal siégeant en chambre du conseil, et en principe en audience publique après que l'intéressé a été entendu (7 ( * )) . La deuxième phase de la détention provisoire s'ouvre alors. Sa durée est limitée à trente jours, mais elle peut être prolongée de trente jours à deux reprises, de sorte que la durée maximale de la détention provisoire est actuellement de cent jours, cette règle s'appliquant indépendamment de la gravité de l'infraction et du passé judiciaire de l'intéressé. Le projet de loi prévoit que la deuxième phase de la détention provisoire reste fixée à quatre-vingt-dix jours, mais que sa durée soit déterminée en une seule fois.

À l'issue de la deuxième phase de la détention provisoire, l'affaire doit être inscrite à l'audience du tribunal, qui peut, le cas échéant, ajourner le procès et prononcer le maintien de l'intéressé en détention provisoire. En principe, le procès ne peut être différé que d'un mois. Cependant, des « raisons pressantes » peuvent conduire le tribunal à décider d'un report d'une durée supérieure à un mois, mais limitée à trois mois. Le jugement doit alors indiquer les motifs du report, qui peut être renouvelé (8 ( * )) , de sorte que la durée de la détention provisoire n'est plus limitée que par le principe du jugement dans un « délai raisonnable », énoncé par la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

b) Les vérifications du bien-fondé de la détention provisoire

De telles vérifications ne sont pas prévues, mais les décisions de prolongation de la détention provisoire sont soumises à des règles de procédure plus strictes que les décisions initiales de placement :

- elles sont prises par le tribunal siégeant en chambre du conseil , (alors que la décision initiale de placement est prise par le juge d'instruction) ;

- l'intéressé peut faire appel de la décision du tribunal devant la cour d'appel. Toutefois, un seul appel est possible, de sorte que si l'appel a été interjeté contre la première prolongation de la détention provisoire, le prévenu ne peut plus faire appel contre les décisions suivantes. Cet appel doit être présenté dans le délai de trois jours.

Par ailleurs, pendant toute la durée de la détention provisoire, le prévenu peut demander au tribunal un réexamen de sa situation. Il n'est entendu qu'à l'occasion de sa première requête. Comme celle-ci est généralement consécutive à la décision initiale de placement en détention provisoire, les demandes suivantes de réexamen ne font l'objet que d'une procédure écrite.

3) L'indemnisation après une détention provisoire injustifiée

Le dédommagement consécutif à une détention provisoire injustifiée ne constitue pas un droit. Cependant, lorsque la procédure se termine sans condamnation ou lorsque le prévenu est condamné pour une infraction dont les auteurs ne peuvent pas être placés en détention provisoire (9 ( * )) , le juge peut dédommager le préjudice subi du fait de la détention. C'est le tribunal siégeant en audience publique en chambre du conseil qui décide de l'octroi d'une indemnité. La chambre du conseil qui statue sur la demande doit, dans la mesure du possible, avoir la même composition que celle qui s'est prononcée sur le maintien en détention provisoire. Sa décision est motivée et peut faire l'objet d'un appel.

L'indemnité est destinée à réparer les dommages matériels et le préjudice moral. Il n'existe aucun barème et la décision est prise en équité . L'association nationale des juges suggère toutefois d'accorder une somme comprise entre 50 et 100 € pour chaque journée de détention provisoire. Le code de procédure pénale précise que la réparation de la détention provisoire injustifiée peut être accordée sous forme d'une réduction de peine dans une autre affaire.

Les décisions relatives aux demandes de réparation peuvent faire l'objet d'un appel.

Au cours des dernières années 2000, environ 4 000 demandes d'indemnisation pour détention provisoire injustifiée ont été acceptées chaque année. Ces chiffres sont en forte augmentation depuis le début des années 90, comme le montre le tableau suivant :

Année

Demandes présentées

Demandes acceptées

Indemnisation moyenne
(en euros)

1990

1 349

973

2 053

1995

1 977

1 668

2 630

2000

4 660

3 839

3 087

2001

4 576

4 029

2 985

2002

4 254

3 705

3 974

2003

4 460

3 799

3 230

* (7) Le projet de loi prévoit que le suspect puisse renoncer être entendu. Il devrait le faire par écrit, mais le tribunal aurait la possibilité d'ordonner sa comparution.

* (8) L'assassin de Pim Fortuijn est ainsi resté en détention provisoire du début du mois de mai 2002 jusqu'au début de son procès, à la fin du mois de mars 2003.

* (9) C'est le cas pour la plupart des infractions punies d'un emprisonnement de moins de quatre ans.

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