SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Juin 2005)

SUISSE

Les mesures de protection des majeurs, actuellement régies par les articles 360 à 455 du code civil , n'ont que peu évolué depuis 1912, date de l'entrée en vigueur de ce code. Le code civil détermine les principes, car l'application de ces mesures relève de la compétence des cantons. L'organisation de la protection des majeurs varie donc d'un canton à l'autre.

Une révision du dispositif est en cours d'élaboration : après plusieurs années de réflexions, un avant-projet de loi a été mis en consultation au début de l'année 2004. Les résultats de la consultation ont été publiés en octobre 2004, et le projet de loi définitif devrait être présenté avant le début de l'année 2006.

La réforme vise notamment à promouvoir le droit à l' autodétermination , à renforcer la solidarité familiale et à substituer aux trois degrés de protection qui existent aujourd'hui, la tutelle, la curatelle et le conseil légal, des mesures adaptées à chaque cas particulier , tout en supprimant des textes tous les termes jugés stigmatisants.

1) Les mesures de protection

La législation actuelle

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La réforme envisagée

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Il existe trois dispositifs : la tutelle, la curatelle et le conseil légal.

a) La tutelle

C'est la mesure de protection la plus complète : elle est réservée aux personnes qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire d'interdiction . Une telle décision, qui prive les intéressés de la capacité d'exercice, ne peut être prise que dans les cas limitativement énumérés par le code civil (maladie mentale, déficience psychique, prodigalité, ivrognerie, inconduite, etc.).

Le tuteur joue le même rôle que le détenteur de l'autorité parentale.

b) La curatelle

Il s'agit d'une mesure limitée , instituée « en vue d'affaires déterminées ou pour une gestion de biens ». La curatelle vise à donner une aide passagère . Elle est motivée par des circonstances particulières, comme la maladie.

La curatelle revêt plusieurs formes : curatelle de représentation, de gestion, ou mixte.

c) Le conseil légal

C'est une mesure intermédiaire entre la tutelle et la curatelle. Le placement sous conseil légal n'entraîne de restrictions de la capacité civile que dans le domaine patrimonial.

Il existe trois formes de conseil légal :

- le conseil légal dit « coopérant », grâce auquel la personne protégée est assistée uniquement pour la conclusion de certains actes importants, énumérés par le code civil (emprunter, faire des donations, cautionner, plaider, acheter ou vendre des immeubles, etc.) ;

- le conseil légal dit « gérant », dans le cadre duquel la personne protégée est déchargée de la gestion de tous ses biens, mais conserve la libre disposition de ses revenus ;

- le conseil légal dit « combiné » consiste en l'addition des deux mesures précédentes.

L'avant-projet de loi prévoit une seule mesure de protection, la curatelle.

La curatelle est destinée à toute personne qui n'est plus à en mesure de pourvoir à ses intérêts « en raison d'une déficience mentale, d'un trouble psychique ou d'un autre état de faiblesse affectant sa condition personnelle », lorsque l'assistance fournie par ses proches ainsi que par les services d'aide à la personne, qu'ils soient publics ou privés, n'est plus suffisante et que l'intéressé n'a pas pris les dispositions nécessaires, notamment dans le cadre du « mandat pour cause d'inaptitude », dont la création est également prévue par l'avant-projet. La curatelle apparaît donc subsidiaire par rapport aux autres possibilités.

Il y a quatre catégories de curatelle :

- la curatelle « d'accompagnement », destinée aux personnes ayant seulement besoin d'être assistées pour accomplir certains actes et qui n'a pas d'équivalent dans la législation actuelle ;

- la curatelle « de représentation », proche des actuelles curatelles de représentation et de gestion, qui permet à une personne d'être représentée pour gérer son patrimoine, les actes du curateur liant la personne représentée ;

- la curatelle « de coopération », comparable au conseil légal coopérant et instituée lorsque certains actes de la personne à protéger doivent être soumis au consentement du curateur ;

- la curatelle « de portée générale », qui prive l'intéressé de l'exercice de ses droits civils et qui remplace l'actuelle tutelle.

Les trois premières formes de curatelle peuvent être combinées en fonction des besoins de la personne à protéger.

2) Le rôle des personnes protégées

a) Dans le choix de la personne chargée de leur protection

La législation actuelle

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La réforme envisagée

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La personne à protéger bénéficie , au même titre que son père et sa mère, du droit de proposer le nom de celui qui sera chargé de sa protection. Seuls, de « justes motifs » permettent à l'autorité compétente de désigner une autre personne.

L'autorité compétente (6 ( * )) désigne comme curateur celui qui a été choisi par la personne à protéger . Elle est liée par le choix de l'intéressé et ne peut s'y opposer que si la personne choisie ne semble pas apte à remplir les fonctions de curateur.

En l'absence de choix de la part de la personne à protéger, l'autorité compétente doit tenir compte des voeux des proches, qu'il s'agisse ou non de membres de la famille.

A contrario , les objections de la personne à protéger à la désignation d'un individu donné comme curateur doivent être respectées.

b) Dans l'exercice de leurs propres droits

La législation actuelle

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La réforme envisagée

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Si la mission du tuteur, analogue à celle du détenteur de l'autorité parentale, est universelle, les fonctions du curateur et du conseil légal dépendent respectivement de la forme de curatelle et de la nature du conseil légal. Conformément au principe de subsidiarité, l'autorité de tutelle adopte la mesure la plus légère possible.

La curatelle est personnalisée et répond aux besoins précis de chaque personne. En effet, sauf dans la curatelle de portée générale, où la personne protégée perd l'exercice de ses droits, les tâches du curateur sont déterminées au cas par cas en fonction des besoins par l'autorité de tutelle.

L'assistance doit être limitée au strict minimum, car la personne protégée doit, dans toute la mesure du possible, conserver l'exercice de ses droits. Ainsi, l'avant-projet dispose que la personne sous curatelle privée de l'exercice de ses droits, mais capable de discernement « peut exercer des droits strictement personnels ».

De plus, le curateur doit « établir une relation de confiance » et, dans l'exercice de sa mission, il « tient compte de son avis et respecte sa volonté d'organiser son existence comme elle l'entend . »

3) La durée des mesures de protection

La législation actuelle

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La réforme envisagée

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a) La tutelle

La tutelle est attribuée pour deux ans . Elle est renouvelable par période de deux ans , mais le tuteur peut refuser de continuer à l'exercer au bout de quatre ans.

b) La curatelle

Sa durée est fixée par l'autorité compétente.

Le curateur est nommé pour une durée adaptée aux besoins particuliers de la personne à protéger. Il peut être nommé pour une durée illimitée.

c) Le conseil légal

Sa durée est fixée par l'autorité compétente.

4) La professionnalisation des intervenants extérieurs à la famille

La législation actuelle

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La réforme envisagée

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Le code civil précise que l'autorité cantonale nomme de préférence un proche parent ou allié, et qu'elle doit tenir compte des « relations personnelles » et de la « proximité du domicile ». Un tiers ne peut être désigné que si de « justes motifs » s'opposent à la nomination d'un proche.

D'après l'avant-projet, la curatelle est exercée à titre privé (un membre de la famille par exemple) ou professionnel, ou par un collaborateur d'un service social. Il n'établit pas de hiérarchie entre ces diverses catégories , car il privilégie « l'aptitude et les connaissances adaptées aux tâches prévues » et précise que le curateur doit « disposer du temps nécessaire ».

5) L'organisation anticipée de la protection

La législation actuelle

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La réforme envisagée

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Elle n'est pas possible .

Le mandat pour cause d'inaptitude permet à toute personne d'organiser sa représentation pour le cas où elle deviendrait incapable de discernement.

Le mandat doit être écrit et définir aussi précisément que possible les compétences du mandataire (assistance personnelle ou gestion du patrimoine). Il peut prévoir les conditions de son exécution.

Le mandat est enregistré par un service administratif. Il a une durée de validité limitée à dix ans, mais peut être renouvelé.

* (6) Il s'agit en règle générale des tribunaux civils dans les cantons francophones et des conseils municipaux dans les cantons alémaniques.

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