Service des études juridiques (octobre 2007)

ESPAGNE

La constitution du 27 décembre 1978 ne reconnaît pas l'amnistie (2 ( * )) , mais elle attribue au Roi le droit de grâce individuelle, en précisant que ce droit est exercé dans le cadre de la loi.

La grâce

a) Les effets

Elle peut dispenser le condamné d'exécuter tout ou partie de sa peine ou réduire cette peine, mais n'efface pas la condamnation. La grâce concerne généralement la peine principale et les peines accessoires, à l'exception de l'interdiction d'exercer une charge publique, de la privation des droits politiques et de l'obligation de se conformer à des mesures de surveillance. Le décret de grâce peut toutefois inclure ces dispositions. Il peut aussi ne concerner que les peines accessoires, mais non les peines principales, et inversement.

La grâce peut également être accordée sous conditions.

b) Le champ d'application

C'est toujours une mesure individuelle , car la constitution interdit au Roi d'octroyer des grâces collectives . La mesure de grâce ne peut concerner que des personnes ayant fait l'objet d'une condamnation définitive.

L'obtention de la grâce est subordonnée au fait que la mesure n'est pas susceptible de causer de préjudices ou de léser les droits de tierces personnes. Dans certains cas, (par exemple dans les affaires de calomnie), il faut en outre que la partie adverse ait été entendue.

c) Le titulaire

La grâce est prise à la demande du condamné ou de toute autre personne agissant en son nom, du tribunal, du Tribunal suprême (3 ( * )) , du parquet ou du gouvernement. Elle est octroyée par un décret royal motivé , pris après délibération en conseil des ministres et publié au journal officiel.

Conformément à la loi du 18 juin 1870 qui fixe les règles applicables au droit de grâce, les demandes font l'objet d'un rapport du tribunal qui est transmis au ministre de la justice. La décision d'accorder ou non la grâce est prise en conseil des ministres. Après transmission au Roi pour signature, le décret est contresigné, généralement par le ministre de la justice.

d) La pratique

Les grâces sont accordées tout au long de l'année : presque chaque semaine, un décret de grâce paraît au journal officiel, de sorte que le nombre annuel des grâces varie depuis quelques années entre 250 et 500.

ITALIE

Depuis la révision constitutionnelle de mars 1992, les mesures collectives de clémence, l'amnistie et la remise de peine, ne sont plus prises par le président de la République, mais par le Parlement.

La grâce, toujours individuelle, demeure une prérogative du président de la République.

1) L'amnistie parlementaire

a) Les effets

Prévue par la constitution et régie par l'article 151 du code pénal, l'amnistie efface le caractère délictueux de certains faits. Elle éteint donc l'action publique, l'État renonçant à poursuivre les auteurs des infractions qui entrent dans le champ d'application de la mesure.

D'après le code pénal, l'amnistie peut également bénéficier à une personne déjà condamnée. Dans ce cas, elle est qualifiée d'« impropre ». Elle dispense alors l'intéressé de l'exécution de la peine principale et des peines complémentaires, mais elle ne supprime pas les autres effets de la condamnation. Cette disposition a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle en 1971, parce qu'elle exclut que les bénéficiaires puissent renoncer à l'amnistie, afin d'être jugés et de voir, le cas échéant, leur innocence reconnue.

L'octroi de l'amnistie peut être subordonné au respect de certaines conditions ou obligations (dédommagement des victimes par exemple).

b) Le champ d'application

Il est limité à la fois par les normes générales relatives à l'amnistie et par chaque loi d'amnistie.

Le code pénal exclut du champ d'application de l'amnistie les auteurs des infractions commises après le dépôt du projet de loi d'amnistie ainsi que les récidivistes .

Chaque loi portant amnistie doit définir les bénéficiaires de la mesure : en principe, ces derniers sont identifiés par les peines maximales qu'ils encourent.

c) Le titulaire

Depuis l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 6 mars 1992 portant réforme de l'article 79 de la Constitution, l'amnistie résulte du vote d'une loi. Les lois d'amnistie doivent être adoptées à la majorité des deux tiers dans chacune des deux assemblées .

Auparavant, c'était le président de la République qui accordait l'amnistie après y avoir été autorisé par le Parlement.

d) La pratique

Depuis la révision constitutionnelle de mars 1992, aucune loi d'amnistie n'a été votée. La dernière amnistie, accordée en 1990, résultait d'une décision du président de la République . Elle avait bénéficié à environ 2 000 personnes, qui encouraient des peines de prison d'au plus quatre années.

2) La remise de peine d'origine parlementaire

a) Les effets

À la différence de l'amnistie, la remise de peine laisse subsister la condamnation. Régie par l'article 174 du code pénal, elle entraîne seulement l'annulation ou la réduction de la peine principale . Elle est sans effet sur les peines complémentaires - à moins que le Parlement n'en décide autrement - ainsi que sur les autres conséquences de la condamnation, en particulier l'inscription au casier judiciaire.

b) Le champ d'application

Comme pour l'amnistie, il est général et concerne toutes les personnes qui se trouvent dans une situation donnée. Les récidivistes ne peuvent pas bénéficier de cette mesure.

c) Le titulaire

Auparavant prérogative du président de la République, depuis 1992, la remise de peine résulte, comme l'amnistie, de l'adoption d'une loi à la majorité des deux tiers dans chacune des deux assemblées.

d) La pratique

Depuis la révision constitutionnelle de 1992, le Parlement a fait usage une seule fois de la possibilité d'accorder des remises de peine.

La loi du 31 juillet 2006 sur la remise de peine a bénéficié aux auteurs des infractions commises avant le 2 mai 2006. Elle s'est traduite par une réduction de trois ans des peines privatives de liberté et par une diminution de 10 000 euros du montant des amendes. Certaines infractions étaient exclues du champ d'application de la mesure (terrorisme, prostitution de mineurs, violences sexuelles, production, trafic et détention de stupéfiants, etc.). En outre, la loi prévoyait l'annulation de la remise de peine si le bénéficiaire commettait dans les cinq ans une infraction punissable d'une peine de prison d'au moins deux ans. Quelque 17 000 personnes ont profité de la mesure, dont l'adoption était motivée par la nécessité de réduire la population carcérale.

La précédente remise de peine collective avait été octroyée en 1990, en vertu d'un décret présidentiel. Elle avait bénéficié à environ 10 000 personnes.

3) La grâce présidentielle

a) Les effets

Prévue par l'article 87 de la constitution , la grâce s'applique à la peine principale , qu'elle annule ou qu'elle commue en une peine plus légère. La grâce est sans effet sur la décision de condamnation, dont elle laisse en principe subsister les autres conséquences, en particulier les peines complémentaires. Toutefois, le décret de grâce peut également prévoir que celles-ci sont supprimées.

b) Le champ d'application

La grâce est une mesure individuelle . Elle est prise à la demande du condamné, de l'un de ses proches, de son avocat ou du ministre de la justice. Son champ d'application n'est pas limité a priori .

c) Le titulaire

La grâce résulte d'un décret du président de la République contresigné par le ministre de la justice. Le droit de grâce est une prérogative personnelle du président de la République , sur laquelle le ministre de la justice ne peut exercer aucun contrôle. La Cour constitutionnelle , interrogée par le président Ciampi, à l'occasion d'un conflit l'opposant au ministre de la justice de l'époque, qui refusait de contresigner le décret de grâce présidentiel, l'a réaffirmé en mai 2006.

Le recours en grâce est instruit par le juge de l'application des peines ou par le ministère public selon que l'intéressé est ou non détenu. Ensuite, le dossier est transmis au ministère de la justice.

d) La pratique

Les présidents de la République qui se sont succédé ont fait de moins en moins usage de leur droit de grâce, comme en témoigne le tableau ci-dessous :

Président de la République

Nombre de grâces accordées

Giuseppe Saragat
(du 29 décembre 1964 au 29 décembre 1971)

8 282

Giovanni Leone
(du 29 décembre1971 au 15 juin 1978)

7 261

Alessandro Pertini
(du 9 juillet 1978 au 29 juin 1985)

2 805

Francesco Cossiga
(du 3 juillet 1985 au 28 avril 1992)

1 241

Oscar Luigi Scalfaro
(du 28 mai 1992 au 15 mai 1999)

303

Au cours des dernières années, sous les présidences de Carlo Azeglio Ciampi (du 18 mai 1999 au 15 mai 2006) et de Giorgio Napolitano (depuis le 15 mai 2006), on observe la même tendance :

Année

Nombre de grâces accordées

2000

9

2001

11

2002

6

2003

9

2004

10

2005

23

2006

17

* (2) Après la dictature franquiste, une loi d'amnistie avait été votée par le Parlement le 15 octobre 1977.

* (3) Le Tribunal suprême est la plus haute instance judiciaire du pays.

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