SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Mai 2008)

QUÉBEC

En 2006, selon les données d'Eco-Santé Québec 2007, il y avait 7 707 médecins omnipraticiens et 8 161 médecins spécialistes, soit 101 médecins omnipraticiens et 107 médecins spécialistes pour 100 000 habitants . Le Québec connaît une importante pénurie de médecins, qui est aggravée dans les régions qualifiées d'« éloignées » et d'« isolées », dont la liste est dressée par arrêté ministériel.

Les mesures de régulation démographique de la profession visent, d'une part, à augmenter le nombre d'étudiants en médecine et, d'autre part, à organiser la répartition géographique des médecins conventionnés . À cet effet, les besoins sont planifiés par région socio-sanitaire , l'installation des professionnels est subordonnée à l'obtention d'une autorisation , et des avantages financiers sont offerts aux médecins qui s'installent dans les zones sous-médicalisées.

1) La limitation du nombre de médecins

Elle résulte essentiellement du fait que l'accès aux études de médecine est contingenté.

a) L'accès aux études de médecine

Chaque année, le gouvernement fixe par décret le nombre d'étudiants en première année de médecine ainsi que leur répartition dans les diverses facultés de médecine.

Conformément à la politique triennale des nouvelles inscriptions dans les programmes de formation doctorale en médecine , ces chiffres résultent d'un plan établi pour trois ans et révisé chaque année. Ce plan est établi en fonction de la demande présumée d'offre de soins après que les trois instances suivantes ont donné leur avis :

- la Table de concertation permanente sur la planification de l'effectif médical au Québec ;

- le Comité de gestion des effectifs médicaux en omnipratique ;

- le Comité de gestion des effectifs médicaux spécialisés.

La Table de concertation permanente sur la planification de l'effectif médical au Québec est une instance de concertation chargée d'émettre des avis sur les politiques relatives aux ressources humaines médicales. Elle est animée par un comité de suivi composé de représentants de tous les protagonistes (ministères, médecins, établissements de santé, enseignants des facultés de médecine, étudiants en médecine, etc.).

Les deux comités de gestion des effectifs médicaux ont pour objet principal l'évaluation des besoins et l'amélioration de la répartition géographique des médecins. Ils sont composés de représentants des ministères de la santé et des fédérations de médecins (Fédération des médecins omnipraticiens du Québec pour le premier et la Fédération des médecins spécialistes du Québec pour le second). La Fédération des médecins résidents du Québec, c'est-à-dire l'organe représentatif des internes des hôpitaux, est invitée à participer aux travaux de ces comités.

Le Québec est confronté à une pénurie de médecins dont le gouvernement a véritablement pris conscience entre 1996 et 1999 à la suite de nombreux départs en retraite de médecins. Depuis l'exercice 1999-2000, le nombre d'étudiants a été progressivement augmenté. Il est ainsi passé de 512 en 1999-2000 à 810 en 2006-2007.

b) L'accès à une spécialité

Chaque année, conformément à la politique triennale des inscriptions dans les programmes de formation postdoctorale , un décret gouvernemental fixe le nombre de places de formation postdoctorale en médecine, ainsi que leur répartition entre les différents programmes de spécialité et le programme de médecine familiale . Ces données sont déterminées selon une procédure similaire à celle qui sert à établir le nombre des étudiants en première année de médecine.

Le nombre total de places est ensuite réparti entre les universités québécoises, qui se sont préalablement entendues sur les règles de partage.

Le décret 1170-2006 du 18 décembre 2006 fixe les priorités de recrutement pour l'exercice 2007-2008, selon les recommandations de la Table de concertation permanente sur la planification de l'effectif médical au Québec : sur un total de 420 places, il en accorde 212 à dix spécialités qualifiées de « prioritaires », parce que particulièrement déficitaires.

2) La régulation de la répartition géographique des médecins

a) Les restrictions à la liberté d'installation

Les restrictions à la liberté d'installation touchent essentiellement les médecins généralistes conventionnés .

Les médecins non conventionnés sont peu nombreux et le gouvernement essaie de limiter leur développement afin de protéger le régime public d'assurance maladie. À cet effet, le champ d'application de l'assurance maladie privée est encadré de manière très stricte (14 ( * )) .

Avant de s'installer, les médecins généralistes conventionnés doivent obtenir un avis de conformité au Plan régional d'effectifs médicaux (PREM) de l'une des dix-huit régions socio-sanitaires dans laquelle ils veulent exercer. Pour ceux qui souhaitent avoir une activité en milieu hospitalier, il faut en outre que des places soient prévues dans le Plan d'effectifs médicaux (PEM) de l'établissement qui doit les engager. Les postes à pourvoir font l'objet d'une publicité et d'une procédure de sélection s'il y a plusieurs candidats.

Les PREM sont élaborés par les agences de la santé, qui sont instituées par le gouvernement dans chaque région pour exercer les fonctions nécessaires à la coordination des services de santé locaux. Lors de cette élaboration, les agences doivent tenir compte des objectifs de croissance et des politiques fixés par le ministère de la santé, des plans d'organisation des établissements, des personnels existants et des besoins, ainsi que des propositions du Réseau universitaire intégré de santé. Ces PREM ainsi que les plans d'organisation des établissements sont soumis au ministre, qui peut les modifier. Les PREM sont révisés tous les trois ans. Les agences veillent à leur exécution.

Les médecins généralistes conventionnés qui exercent sans avis de conformité dans une région donnée voient leur rémunération réduite de 30 % pour chaque trimestre d'activité dans ces conditions. De plus, ils ne sont pas autorisés à déposer une demande d'installation dans la même région avant l'écoulement d'un certain délai.

En revanche, les médecins spécialistes conventionnés qui pratiquent exclusivement en cabinet (15 ( * )) n'ont pas besoin d'un avis de conformité, seuls les postes en hôpitaux étant comptabilisés au PREM.

b) Les mesures d'incitation à l'installation dans les régions sous-médicalisées

L'arrêté ministériel 96-07 dresse la liste des territoires insuffisamment pourvus de professionnels de santé et dans lesquels des mesures incitatives s'appliquent. Ces territoires sont qualifiés d'« éloignés » quand ils sont situés loin des grands centres urbains et d'« isolés » quand l'insuffisance des voies de communication les rend difficilement accessibles. Onze des dix-huit régions socio-sanitaires comprennent de tels territoires, qui sont en général peuplés de communautés dispersées dont les membres sont titulaires de faibles ressources et bénéficient d'un accès limité aux services de santé et, d'une manière plus générale, à tous les services (commerces notamment).

Les mesures d'incitation diffèrent quelque peu selon qu'elles sont destinées aux généralistes ou aux spécialistes. Seules, les principales ont été recensées dans le texte ci-après.


Les médecins généralistes

Les médecins qui s'installent dans des territoires éloignés ou isolés perçoivent une rémunération majorée. Les territoires concernés sont divisés en six groupes. Le taux de majoration de la rémunération est compris entre 105 et 140 %. Il varie en fonction du groupe auquel le territoire appartient ainsi que de l'ancienneté du bénéficiaire. Il varie aussi selon que les soins sont effectués par un médecin exerçant en hôpital ou en cabinet.

Ces médecins peuvent également bénéficier d'une prime d'installation et de maintien s'ils s'engagent par écrit, avant la perception de chaque prime, à exercer leur activité à plein temps pendant un an. Ces primes sont accordées par les agences de développement des réseaux locaux des services de santé en fonction de leur budget et des besoins sanitaires figurant dans le PREM. La prime d'installation varie entre 10 000  et 25 000 dollars (soit entre 6 500 € et 16 000 €). Quant au montant de la prime annuelle de maintien, il peut évoluer au fil des années, mais ne peut être supérieur à celui de la prime d'installation.

Les intéressés ont aussi droit à un congé de formation d'au plus 20 jours par an. Les droits relatifs à plusieurs années sont cumulables dans la limite de 80 jours pour une année donnée. Lorsqu'ils effectuent une formation, les bénéficiaires reçoivent une indemnité de 371 dollars par jour (soit environ 240 €) et un complément de 180 dollars (soit environ 115 €) pour compenser les frais de séjour.

Les médecins qui exercent dans des territoires isolés ont des avantages supplémentaires.

Ils reçoivent une prime annuelle d'éloignement. Le montant de celle-ci dépend du lieu d'exercice, du nombre de patients ainsi que de la situation de famille de l'intéressé. Il varie entre 4 774 et 16 295 dollars (soit entre 3 000 € et 10 500 €).

Ils bénéficient du remboursement de certains frais. Selon leur lieu d'installation et leur situation de famille, ces médecins ont droit au remboursement de trois ou quatre billets d'avion aller-retour en classe économique entre leur lieu de travail et Montréal. Ils peuvent également obtenir le remboursement des frais de transport de nourriture jusqu'à 727 kilos par année et par adulte s'il n'y a pas de possibilité d'approvisionnement à proximité.


Les médecins spécialistes

La rémunération des spécialistes est affectée d'un coefficient de majoration différent selon que le spécialiste exerce dans un territoire éloigné ou dans un territoire isolé. Les territoires éloignés sont divisés en cinq catégories affectées des coefficients de majoration suivants : 107 %, 115 %, 125 %, 130 % et 145 %. Ces coefficients s'appliquent dès lors que le spécialiste exerce à titre principal dans ce territoire et de manière régulière et continue dans un établissement de ce territoire. En territoire isolé, le spécialiste perçoit 145 % de la rémunération de base, quelles que soient ses modalités d'exercice.

Selon un dispositif analogue à celui des généralistes, les spécialistes qui s'installent dans les territoires éloignés ou isolés peuvent recevoir une prime d'installation et de maintien . La prime d'installation varie entre 15 000 et 30 000 dollars (soit entre 9 500 € et de 19 000 €) selon le lieu d'exercice.

Des primes supplémentaires peuvent être octroyées aux médecins installés de façon durable dans des secteurs et des spécialités particulièrement touchés par la pénurie.

Comme les généralistes, ils bénéficient d'un droit à formation .

Par ailleurs, les spécialistes qui exercent dans des territoires isolés ont des avantages supplémentaires. Comme leurs confrères généralistes, ils perçoivent une prime annuelle d'éloignement et peuvent obtenir le remboursement d'un certain nombre de billets d'avion. Ils sont également dédommagés de leurs frais de déménagement.

c) Les autres mesures

Lors de l'inscription en faculté de médecine , un petit nombre de places sont réservées aux étudiants originaires des territoires éloignés ou isolés. Les intéressés bénéficient de points de bonification dans la procédure de sélection et peuvent se voir accorder une bourse contre l'engagement d'exercer la médecine à temps plein dans leur région d'origine à l'issue de leur formation.

Par ailleurs, le ministère de la santé offre aux étudiants des deux dernières années des bourses d'études d'un montant annuel de 15 000 ou 20 000 dollars (soit environ 9 500 € ou 12 500 €) en contrepartie de l'engagement d'exercer la médecine dans un territoire désigné par le ministère et pour un nombre d'années égal au nombre de bourses reçues (au plus quatre). Dans le cas de certains secteurs particulièrement isolés, l'engagement est d'un an pour la première bourse reçue, mais de six mois pour les suivantes.

Pour les étudiants en fin de spécialisation, le ministère offre une bourse de formation spécialisée moyennant l'engagement d'exercer à temps plein, dans un secteur sous-médicalisé désigné, pendant une durée d'un an par tranche de 10 000 dollars (soit environ 6 500 €), le montant maximal étant de 20 000 dollars (soit environ 12 500 €).

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Ces mesures, qui ont été progressivement mises en place depuis les années 80, n'ont pas permis à ce jour de résoudre les problèmes de pénurie et de répartition territoriale.

* (14) Le commerce de l'assurance médicale privée a été très longtemps interdit par la loi québécoise. Cette interdiction n'a commencé à être remise en cause qu'à partir d'un arrêt de la Cour suprême du Canada rendu dans l'affaire Chaoulli en juin 2005.

* (15) La plupart des médecins spécialistes exercent à l'hôpital.

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