Service des études juridiques (octobre 2008)

NOTE DE SYNTHÈSE

En France, d'après l'article 24 de la Constitution, les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder 577, sont élus au suffrage universel direct, tandis que les sénateurs, dont le nombre est limité à 348, sont élus au suffrage universel indirect.

Les circonscriptions électorales retenues pour les élections sénatoriales sont les départements . L'élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne ou au scrutin majoritaire à deux tours selon que le nombre de sièges attribués au département dépasse ou non trois, le nombre de sénateurs par département étant déterminé par le tableau annexé à l'article L. 279 du code électoral . La modification de ce tableau permet donc d'adapter la répartition géographique des sièges aux évolutions démographiques. Elle est réalisée par voie législative, sans qu'aucun texte n'impose qu'elle ait lieu à intervalles réguliers. La dernière révision d'ensemble résulte de l'adoption de la loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 portant réforme de l'élection des sénateurs. La précédente, issue de la loi n° 76-645 du 16 juillet 1976, était consécutive au recensement général de la population de 1975.

En revanche, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans le cadre de circonscriptions électorales définies à ce seul effet à l'intérieur des limites départementales.

Les circonscriptions pour l'élection des députés sont actuellement déterminées conformément au tableau annexé à l'article L. 125 du code électoral . Le tableau actuel résulte de la loi n° 86-1197 du 24 novembre 1986 relative à la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. Il a été établi par ordonnance, conformément à la loi n°86-825 du 11 juillet 1986 relative à l'élection des députés et autorisant le gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales.

La loi d'habilitation de 1986 contenait un tableau précisant le nombre de circonscriptions créées dans chaque département de la France métropolitaine et fixait les principes généraux auxquels la délimitation des circonscriptions devait obéir. Son article 5 déclarait ainsi : « Sauf en ce qui concerne les départements dont le territoire comporte des parties insulaires ou enclavées, les circonscriptions sont constituées par un territoire continu. En outre, [...] la délimitation des circonscriptions respecte les limites cantonales. Les écarts de la population entre les circonscriptions ont pour objet de permettre la prise en compte d'impératifs d'intérêt général ; en aucun cas la population d'une circonscription ne peut s'écarter de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département . »

Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel , la délimitation des circonscriptions électorales doit reposer « sur des bases essentiellement démographiques ». En pratique, les circonscriptions de 1986 avaient été découpées à partir de la règle selon laquelle un député devait représenter 108 000 habitants. La tradition qui veut que chaque département ait au moins deux députés, quelle que soit sa population, atténue le principe d'équilibre démographique entre les circonscriptions.

L'article L. 125 du code électoral énonce qu'« il est procédé à la révision des limites des circonscriptions, en fonction de l'évolution démographique, après le deuxième recensement général de la population suivant la dernière délimitation ». De plus, dans ses observations sur les élections législatives de 2002 et de 2007, le Conseil constitutionnel a souligné la nécessité d'une telle révision pour garantir le respect du principe d'égalité devant le suffrage. Toutefois, le découpage de 1986, établi à partir du recensement de 1982, est toujours en vigueur.

Par ailleurs, la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 a modifié l'article 25 de la Constitution en instituant une commission indépendante qui se « prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs ». Le législateur doit fixer la composition ainsi que les règles de fonctionnement de cette commission. Une telle commission, prévue par la loi d'habilitation de 1986, s'était prononcée sur le projet de découpage de 1986. Elle était composée de deux conseillers d'État, de deux conseillers à la Cour de cassation et de deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes, désignés par leurs pairs.

Pour appliquer les observations du Conseil constitutionnel et mettre en oeuvre les articles 24 et 25 de la Constitution, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire ont été déposés à l'Assemblée nationale le 17 septembre 2008. Le second contient une demande au Parlement d' habiliter le gouvernement à procéder par voie d'ordonnances pour, d'une part, arrêter une nouvelle répartition des sièges de députés qui tienne notamment compte des évolutions démographiques enregistrées depuis la dernière révision de la carte électorale et, d'autre part, réviser la délimitation des circonscriptions législatives. Il prévoit également des dispositions relatives à la commission indépendante mentionnée à l'article 25 de la Constitution. Cette commission devrait comprendre trois magistrats issus du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, élus par leurs pairs, ainsi que trois personnalités nommées respectivement par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Cette commission serait présidée par la personnalité désignée par le président de la République et ses membres, renouvelables par moitié tous les trois ans, exerceraient leur mandat pendant six ans.

Le prochain examen parlementaire de ces deux textes justifie l'analyse de la façon dont les autres pays européens adaptent la répartition géographique des sièges parlementaires et délimitent les circonscriptions électorales correspondantes en fonction des évolutions démographiques.

Les pays suivants ont été retenus : l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suisse.

Pour chacun d'eux, après un bref rappel des principales caractéristiques du système électoral , trois sujets ont été traités :

- l'instance responsable de l'adaptation de la répartition géographique des sièges et de la délimitation des circonscriptions électorales ;

- les critères selon lesquels ces modifications sont réalisées ;

- la périodicité des révisions .

À l'exception du Portugal, tous les pays examinés ont un Parlement national bicaméral. L'analyse porte donc sur les deux assemblées. Les cas particuliers que constitue notamment la représentation des citoyens résidant à l'étranger ou dans les îles dotées de statuts spécifiques n'ont pas été étudiés.

Avant d'analyser comment la répartition géographique des sièges est modifiée en fonction des évolutions démographiques, il convient de souligner que :

- trois assemblées , la Chambre basse néerlandaise, la Chambre des lords et la Chambre haute suisse, ont une composition indépendante de tout élément démographique ;

- dans trois assemblées, seule, une partie des sièges est attribuée en fonction de critères démographiques . C'est le cas des deux assemblées espagnoles, où toute province bénéficie d'une représentation minimale, ainsi que du Sénat italien, où il existe une règle similaire pour les régions.

Lorsque la composition d'une assemblée dépend - en totalité ou en partie - de la répartition de la population sur le territoire, l'analyse des exemples étrangers montre que les éléments démographiques peuvent être pris en compte selon trois modalités :

- par la révision des limites territoriales des circonscriptions lorsque les parlementaires sont élus dans le cadre de circonscriptions définies à ce seul effet comme en France (la moitié des députés du Bundestag, les membres de la Chambre des communes) ;

- en modifiant le nombre de sièges revenant aux circonscriptions , lorsque la circonscription coïncide avec une collectivité territoriale ou avec une circonscription administrative (les députés italiens, portugais et suisse, et une partie des membres des deux assemblées espagnoles ainsi qu'une partie des sénateurs italiens) ;

- pour les élections au suffrage universel indirect, grâce à la pondération des voix des membres du corps électoral proportionnellement à la population (Chambre haute néerlandaise).

Plus précisément, l'étude des législations allemande, espagnole, italienne, néerlandaise, portugaise, britannique et suisse montre que :

- en Allemagne et au Royaume-Uni, le législateur réexamine périodiquement les limites des circonscriptions électorales dans lesquelles les membres de la chambre basse sont élus, en s'appuyant sur les travaux de commissions indépendantes ;

- en Espagne, en Italie, au Portugal et en Suisse, le nombre de sièges affectés aux circonscriptions est périodiquement modifié ;

- pour l'élection des membres de la chambre haute néerlandaise, les voix des conseillers provinciaux sont pondérées afin de refléter l'importance démographique de la province.

1) En Allemagne et au Royaume-Uni, la carte électorale est réexaminée de façon régulière par le législateur, qui peut s'appuyer sur les travaux d'une commission indépendante

En Allemagne, la carte électorale est examinée une fois par législature , c'est-à-dire en principe une fois tous les quatre ans, mais elle n'est pas nécessairement modifiée .

En effet, le Parlement, qui définit les circonscriptions électorales dans le cadre desquelles la moitié des députés sont élus, n'est pas tenu de donner suite aux recommandations de la commission indépendante que le Président fédéral désigne en début de législature et qui est chargée de veiller à l'adéquation entre le découpage des circonscriptions et la répartition de la population de nationalité allemande. C'est seulement lorsque l'écart entre la population d'une circonscription et la population moyenne de l'ensemble des circonscriptions dépasse 25 % que le législateur a l'obligation d'intervenir.

Au Royaume-Uni, le territoire des circonscriptions est défini par des règlements du ministre de l'intérieur, qui doivent être approuvés par le Parlement. La délimitation est effectuée à partir des recommandations émises par des commissions indépendantes instituées à ce seul effet et qui vérifient en permanence que la répartition des sièges sur leur territoire respectif obéit au principe d'équilibre démographique prescrit par la loi. Chacune des quatre commissions (Angleterre, pays de Galles, Écosse et Irlande) s'appuie sur le nombre d'électeurs inscrits pour proposer les redécoupages.

La loi anglaise sur les circonscriptions parlementaires dispose également que les commissions ont l'obligation de procéder à une révision générale de toutes les circonscriptions tous les huit à douze ans et qu'elles peuvent proposer des révisions intermédiaires dans une aire limitée.

2) En Espagne, en Italie, au Portugal et en Suisse, le nombre de sièges affectés aux circonscriptions est modifié périodiquement

Dans ces quatre pays, les circonscriptions électorales correspondent à des collectivités territoriales ou à des circonscriptions administratives, de sorte que la question de leur délimitation ne se pose pas.

En revanche, le nombre de sièges qui est attribué à chaque circonscription est révisé régulièrement . Ainsi, en Espagne, avant tout renouvellement général du Congrès des députés, le décret de convocation des électeurs établit le nombre de sièges revenant à chaque province. De même, le nombre de sénateurs désignés par les différentes communautés autonomes, variable en fonction de la population, est établi pour chaque législature. En Italie avant chaque renouvellement général des deux assemblées, un texte réglementaire détermine le nombre de sièges octroyés à chaque circonscription. La Suisse a retenu la même formule pour la Chambre basse, tandis que, au Portugal, cette mission est remplie par un organe indépendant, la Commission nationale des élections, qui fixe deux mois avant les élections le nombre de sièges attribués à chaque circonscription.

Le nombre de sièges accordé à chaque circonscription n'est pas nécessairement modifié lors de chaque renouvellement. Il l'est en Espagne, où la centralisation des fichiers municipaux de population permet de connaître en permanence les chiffres de population. Il l'est aussi au Portugal, où l'attribution des sièges aux districts s'effectue sur la base du nombre d'électeurs inscrits. En revanche, il ne l'est ni en Italie ni en Suisse, où l'on se fonde sur les résultats du dernier recensement général de la population pour déterminer le nombre de sièges représentant les circonscriptions. Or, les recensements sont organisés tous les dix ans, c'est-à-dire moins fréquemment que les élections générales. En Suisse, le principe du recensement décennal a été abandonné, si bien qu'à partir de 2011, l'attribution des sièges aux cantons sera revue à l'occasion de chaque renouvellement intégral de la chambre basse.

3) Lors de l'élection des membres de la Chambre haute néerlandaise, les voix des membres du corps électoral sont pondérées pour refléter l'importance démographique de la province

Les membres de la Chambre haute sont élus par les membres des assemblées provinciales, eux-mêmes élus au suffrage universel direct.

Tous les membres des assemblées provinciales sont électeurs, mais leurs voix sont pondérées, de façon à ce que la somme des voix des électeurs d'une province donnée reflète exactement la population de cette province.

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Quel que soit le moyen retenu, les dispositions législatives adoptées pour que la répartition géographique des sièges corresponde à celle de la population sont plus contraignantes dans les autres pays qu'en France, et les révisions plus fréquentes.

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