SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Juillet 2009)

ALLEMAGNE

La rémunération des inventeurs salariés fait l'objet d'une loi spécifique, la loi du 25 juillet 1957 .

Cette loi reprend les principes d'un texte de 1942, adopté pour favoriser les inventions dans le cadre de l'effort de guerre et qui prévoyait la rémunération des inventeurs salariés en contrepartie du transfert de leurs droits aux employeurs.

La loi de 1957 sur les inventions des salariés définit les « inventions de service », qu'elle oppose aux inventions « libres », et permet aux employeurs de revendiquer, en totalité ou en partie, l'attribution des inventions de service de leurs salariés . En cas de revendication totale, tous les droits de l'inventeur reviennent aux employeurs, qui doivent néanmoins respecter plusieurs obligations. Ils doivent en particulier déposer une demande de brevet et verser une compensation financière aux salariés. Cette double obligation correspond à la volonté du législateur d'encourager la créativité des salariés et d'inciter les entreprises à déposer les demandes de brevets correspondantes.

Les modalités de calcul de la compensation financière des inventeurs salariés sont définies par des directives du ministère de travail .

1) Les droits des salariés sur leurs inventions

La loi s'applique à toutes les inventions susceptibles de faire l'objet d'un dépôt de brevet ou de modèle d'utilité ainsi qu'aux améliorations techniques les plus importantes pour les entreprises.

La loi établit une distinction entre les inventions de service et les inventions libres . Les premières sont celles qui sont réalisées pendant la durée du contrat de travail et qui répondent à l'une des deux conditions suivantes :

- elles résultent de l'activité du salarié dans l'entreprise ;

- elles reposent principalement sur l'expérience ou sur l'activité de l'entreprise.

Les inventions de service correspondent donc non seulement aux inventions que la loi française considère comme « de mission », mais aussi à celles qu'elle qualifie de « hors mission attribuables », tandis que les autres inventions sont considérées comme libres.

Quelle que soit la nature de son invention, le salarié a l'obligation de prévenir par écrit son employeur, en indiquant dans quelle catégorie il range l'invention. Dans le cas d'une invention que le salarié considère comme libre, cette formalité permet de vérifier la qualification de l'invention. En pratique, la qualification de l'invention n'engendre que peu de conflits.

Après avoir été informé, l'employeur dispose d'un délai de quatre mois pour revendiquer le droit d'exploiter les inventions de service (1 ( * )) . La revendication résulte d'une déclaration écrite adressée au salarié. Elle peut être totale ou partielle. Dans le premier cas, tous les droits et devoirs de l'inventeur sont transférés à l'employeur tandis que, dans le second, l'employeur acquiert une licence d'utilisation non exclusive (2 ( * )) , l'inventeur restant alors propriétaire de son invention et ayant le droit de la protéger en déposant un brevet.

En cas de revendication totale, l'employeur doit, d'une part, déposer une demande nationale de brevet , faute de quoi le salarié est autorisé à le faire, et, d'autre part, rémunérer le salarié inventeur . Lorsque l'employeur s'abstient de revendiquer l'invention, le salarié en reste propriétaire et peut l'exploiter à sa guise, comme s'il s'agissait d'une invention libre.

Toutes les contestations entre les employeurs et leurs salariés inventeurs doivent être traitées par une commission arbitrale établie au niveau fédéral et qui s'efforce de trouver un accord amiable, lequel acquiert force obligatoire en l'absence d'objection des intéressés. En principe, c'est seulement en cas d'échec de la procédure de conciliation que la justice peut être saisie. La loi prévoit toutefois plusieurs exceptions à cette règle : notamment lorsque l'inventeur a quitté l'entreprise ou que les parties se sont mises d'accord pour ne pas soumettre leurs différends à la commission arbitrale. En général, les parties préfèrent saisir la commission non seulement parce que la procédure est gratuite, mais aussi parce qu'ils ont l'assurance que leur conflit sera traité par des spécialistes.

Présidée par un juriste de l'Office fédéral des brevets, la commission comprend également deux experts de l'office, choisis pour leur compétence dans la matière sur laquelle le litige porte. À la demande de l'une des parties, la commission peut être élargie et compter également un représentant des salariés et un délégué des employeurs.

Dans un souci de protection des inventeurs, la loi exclut que les dispositions conventionnelles soient moins favorables aux salariés que les dispositions législatives . Elle prévoit par ailleurs la nullité des accords qui ne seraient pas équitables.

2) La rémunération des inventeurs salariés

La loi fixe le principe d'une compensation financière « appropriée » , dont la nature et le montant doivent être établis par voie contractuelle entre les deux parties dans un délai « raisonnable » après que l'employeur a revendiqué l'attribution de l'invention (3 ( * )) .

La loi précise aussi que le montant de cette compensation doit tenir compte de trois éléments : l'intérêt économique de l'invention, les fonctions du salarié dans l'entreprise et le rôle de cette dernière dans le processus d'invention. Lorsque l'employeur et le salarié ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la compensation financière, c'est le premier qui en détermine le montant, le salarié ayant la faculté de faire opposition pendant deux mois.

La procédure d'établissement de la compensation financière résulte d'une modification apportée à la loi en 1994 pour limiter les difficultés rencontrées auparavant. En cas de revendication totale de l'invention de la part de l'employeur, la compensation doit être fixée au plus tard trois mois après la délivrance du brevet.

La loi renvoie à des directives ministérielles pour les modalités de calcul de la compensation financière . Ces directives ont été établies en 1959. Bien qu'elles n'aient aucun caractère normatif, elles sont utilisées aussi bien par les parties lors de la détermination du montant de la compensation que par la commission arbitrale et les tribunaux en cas de conflit.

D'après les directives, la compensation financière résulte de la multiplication de la valeur de l'invention par un facteur dit « de participation », c'est-à-dire un coefficient qui chiffre la contribution personnelle de l'inventeur et tient compte du fait que l'invention est rarement le fait d'un seul individu.

Les directives proposent plusieurs méthodes pour calculer la valeur de l'invention, parmi lesquelles l'analogie avec les licences et le profit pour l'entreprise. La première méthode est la plus utilisée : l'inventeur reçoit alors une redevance de licence, c'est-à-dire un certain pourcentage du chiffre d'affaires lié à l'invention. Ce pourcentage varie selon les secteurs d'activité. Il s'élève en moyenne à 0,075 %, en étant le plus souvent compris entre 0,005 % et 0,5 %.

Le facteur de participation est théoriquement compris entre 0,01 et 0,99. Il est calculé en fonction de plusieurs éléments, en particulier du poste et des fonctions de l'inventeur dans l'entreprise, des instructions reçues de la hiérarchie et des informations communiquées par l'entreprise. La plupart des inventions sont le fait de développeurs-chercheurs, pour lesquels le facteur de participation est le plus souvent compris entre 0,1 et 0,2.

En 1997, la Cour fédérale suprême a rendu un arrêt dans lequel elle reconnaissait au salarié le droit d'obtenir de son employeur des informations détaillées lui permettant de vérifier l'exactitude du montant de la compensation attribuée . Sur la base de l'article 242 du code civil, relatif à l'exécution des obligations et qui dispose que « Le débiteur est tenu de fournir la prestation comme l'exige la bonne foi eu égard aux usages admis en affaires », elle a précisé que l'employeur ne pouvait pas se contenter d'indiquer le chiffre d'affaires résultant de l'invention.

Dans les deux affaires jugées à l'époque, la compensation financière était calculée par analogie avec une licence, et les salariés revendiquaient le droit de connaître les quantités livrées, les délais de livraisons, les frais de commercialisation, les noms des clients, les prix de vente, etc. La Cour fédérale suprême leur a donné raison, ne fixant comme limite à la communication des renseignements que la nécessité de préserver le secret professionnel.

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Les employeurs critiquent la loi, en particulier l'obligation qui leur est faite de revendiquer l'attribution de l'invention . Ils souhaitent que cette revendication soit tacite. De même, ils considèrent les modalités de calcul des rémunérations comme trop complexes et plaident pour une moindre prise en compte du critère du succès commercial au profit d'une rémunération essentiellement forfaitaire. Ils demandent la suppression des directives. Celles-ci seraient alors remplacées par des dispositions conventionnelles négociées au niveau de la branche ou de l'entreprise. Plusieurs projets de réforme ont été élaborés au cours des dernières années, mais aucun projet de loi n'a été déposé .

* (1) Lorsqu'il est informé d'une invention libre, l'employeur dispose de trois mois pour contester la qualification de l'invention.

* (2) En pratique, l'employeur revendique presque toujours le transfert total des droits de l'inventeur, quitte à y renoncer ensuite.

* (3) En cas d'obtention d'une licence non exclusive, consécutive à une revendication partielle des droits de l'inventeur salarié, l'employeur paie à ce dernier des royalties.

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