NOTE DE SYNTHESE

Le projet de loi sur les successions, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 8 février 1995, a notamment pour objectif d'améliorer la situation du conjoint survivant.

En effet, la législation actuelle prévoit que, en présence de descendants, le conjoint survivant ne dispose que de l'usufruit du quart des biens du défunt. Comme la présence d'ascendants ou de collatéraux privilégiés dans les deux lignes prive également le conjoint survivant des droits en pleine propriété, ces derniers sont limités à des situations exceptionnelles.

Lorsque le défunt laisse des descendants, le projet de loi prévoit d'accorder au conjoint survivant une option entre l'usufruit de la totalité de la succession et la pleine propriété du quart de celle-ci. Cependant, afin d'éviter que le règlement de la succession ne soit bloqué, les héritiers pourront demander au conjoint survivant de choisir dans un certain délai au-delà duquel il sera réputé avoir opté pour l'usufruit.

Par ailleurs, lorsque le défunt a fait des donations ou des legs à d'autres personnes, le projet de loi reconnaît un " minimum successoral garanti " se traduisant par l'octroi, sur demande, d'une contribution au maintien des conditions d'existence et notamment du cadre de vie, c'est-à-dire du logement familial et de son mobilier.

Dans ce contexte, il a paru nécessaire de faire le point sur les droits successoraux du conjoint survivant chez quelques-uns de nos voisins.

Pour cela, on a retenu six pays : l' Allemagne , l' Angleterre et le Pays de Galles (1( * )) la Belgique , le Danemark , l' Espagne et l' Italie . Dans ces quatre derniers pays, la législation relative aux successions a d'ailleurs été modifiée au cours des vingt dernières années, notamment pour améliorer la situation du conjoint survivant. Ces réformes sont intervenues en 1975 en Italie, en 1981 en Belgique et en Espagne, et en 1986 au Danemark.

Pour chacun des six pays sous revue, trois points ont été analysés :

- les droits successoraux du conjoint survivant en l'absence de testament ;

- ses droits successoraux minimaux si le défunt a fait des dons ou des legs à d'autres personnes ou s'il a souhaité défavoriser son conjoint ;

- les droits successoraux étendus du fait d'un testament favorable au conjoint survivant.

Quatre des six pays étudiés, l'Allemagne, l'Angleterre, le Danemark et l'Italie, accordent automatiquement au conjoint survivant des droits en pleine propriété. En outre, à l'exception de l'Angleterre, tous reconnaissent au conjoint survivant la qualité d'héritier réservataire .

I. EN L'ABSENCE DE TESTAMENT, QUATRE DES SIX PAYS ETUDIES ACCORDENT AUTOMATIQUEMENT AU CONJOINT SURVIVANT DES DROITS EN PLEINE PROPRIETE.

1) L'Allemagne, l'Angleterre, le Danemark et l'Italie accordent automatiquement au conjoint survivant des droits en pleine propriété, dont l'étendue varie selon la qualité des héritiers avec lesquels il se trouve en concurrence.

a) En présence de descendants

La part du conjoint survivant dans la succession se monte à :

- un quart en Allemagne ;

- un tiers en Italie s'il y a plusieurs enfants, ainsi qu'au Danemark;

- la moitié en Italie si le défunt ne laisse qu'un enfant ;

- 75.000, soit environ 650.000F, en Angleterre.

En outre, en Allemagne, le conjoint survivant hérite des objets du ménage tandis qu'en Angleterre, les biens meubles et objets personnels du défunt ainsi que l'usufruit de la moitié restante de la succession (déduction faite des 75.000 et des biens meubles) lui reviennent.

Par ailleurs, en Allemagne, si les époux étaient mariés sous le régime légal de participation aux acquêts, le conjoint survivant reçoit, en plus de sa part, un quart de la succession prélevé sur la part des autres héritiers.

b) En présence d'autres héritiers

La part du conjoint survivant dans la succession représente :

- la moitié, complétée par les objets du ménage, en Allemagne s'il est en concurrence avec les héritiers les plus proches (parents, grands-parents, frères, soeurs et neveux), et la totalité sinon ;

- les deux tiers en Italie ;

- la totalité au Danemark ;

- 125.000, soit environ 1.000.000F, en Angleterre, auxquels s'ajoutent les biens meubles et objets personnels du défunt et la pleine propriété de la moitié restante de la succession.

2) La Belgique ne reconnaît de droits en pleine propriété au conjoint survivant que s'il n'est pas en concurrence avec des descendants.

En effet, en présence de descendants, le conjoint survivant ne recueille que l'usufruit de la totalité de la succession. Il peut certes réclamer la conversion de l'usufruit en pleine propriété, mais cette faculté peut être refusée.

En revanche, lorsque le conjoint survivant est en concurrence avec d'autres héritiers, il recueille la pleine propriété de la part du défunt dans la communauté ainsi que l'usufruit du patrimoine propre de celui-ci.

3) L'Espagne est la seule à ne pas octroyer au conjoint survivant des droits en pleine propriété.

En l'absence de testament favorable, la part du conjoint survivant correspond la plupart du temps seulement à sa réserve. Celle-ci est toujours constituée par l'usufruit d'une fraction de la succession, variant entre un tiers et deux tiers selon la qualité des autres héritiers.

C'est seulement dans l'hypothèse où il n'y a ni descendants ni ascendants que le conjoint survivant hérite de la totalité.

II. DANS TOUS LES PAYS SAUF EN ANGLETERRE, LE CONJOINT SURVIVANT EST HERITIER RESERVATAIRE.

1) Le conjoint survivant est héritier réservataire en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Espagne et en Italie.

a) Sa réserve constitue un droit en pleine propriété au Danemark, en Allemagne et en Italie.

Au Danemark, la réserve du conjoint survivant est fixe et se monte à un sixième de la succession, le conjoint survivant ne pouvant entrer en concurrence qu'avec les descendants.

En revanche, en Allemagne et en Italie, la réserve du conjoint survivant varie selon la qualité des autres héritiers : de la moitié à un huitième en Allemagne, et de la moitié à un quart en Italie.

En Allemagne, cette réserve est complétée par les objets du ménage, qui reviennent toujours au conjoint survivant et, le cas échéant, par la part supplémentaire liée au régime matrimonial légal.

b) En Belgique et en Espagne, la réserve du conjoint survivant ne correspond qu'à un usufruit.

En Belgique, il s'agit d'une réserve fixe : l'usufruit de la moitié de la succession, du logement familial et des meubles.

A l'opposé, en Espagne, la réserve du conjoint survivant, qui s'exprime toujours en usufruit, constitue une fraction variable : l'usufruit concerne le tiers, la moitié ou les deux tiers de la succession selon la qualité des autres héritiers

2) En Angleterre, la liberté testamentaire a été limitée pour pouvoir garantir au conjoint survivant une " provision financière nécessaire ".

Au même titre que tous les proches du défunt qui se trouvent dans une situation de dépendance financière à son égard, le conjoint survivant peut bénéficier de cette disposition si le défunt a choisi d'autres héritiers. Les tribunaux jouissent d'un pouvoir souverain pour apprécier le bien-fondé de la requête. Ils peuvent octroyer au demandeur un capital ou une rente dont le montant dépend de la situation financière du demandeur et de celle des héritiers testamentaires ainsi que de l'importance de la succession.

*

* *

Le projet de loi déposé devant le Parlement français ne fait pas du conjoint survivant l'héritier réservataire qu'il est chez la plupart de nos voisins. Il ne fait pas non plus passer la France au rang des pays précurseurs pour ce qui concerne les droits du conjoint survivant en l'absence de testament. Cependant, il permettra à notre pays de rapprocher sa législation de la moyenne européenne.

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