EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire que nous traversons constitue un choc sans précédent pour notre économie. Surtout, la pandémie a mis en lumière, de façon brutale, les faiblesses structurelles de notre modèle de développement. Alors que les chaînes d'approvisionnement étaient sévèrement perturbées par les différentes mesures de restrictions sanitaires, la France a soudainement pris conscience de sa très forte dépendance vis-à-vis de l'étranger dans de nombreux domaines, et singulièrement en matière d'industrie. Ce qui était une évidence pour certains s'est imposé comme une réalité pour tous : la souveraineté de la France dépend de son appareil productif.

Dès l'hiver 2020, le Gouvernement et le Parlement se sont mobilisés pour mettre en place les dispositifs de protection adaptés. Cette mobilisation s'est opérée en deux temps : d'abord un plan de sauvetage, afin de préserver nos entreprises face au choc sanitaire ; ensuite un plan de relance, afin de provoquer un fort rebond d'activité économique. Ces mesures, si elles ont fait l'objet d'un très large consensus politique, auront toutefois des conséquences durables sur nos finances publiques dont nous devons prendre la mesure en toute responsabilité : en un an, le taux d'endettement a bondi de plus 20 points, passant de près de 100% du PIB fin 2019 à plus de 120% fin 2020. Du jamais vu en temps de paix.

Mais cette crise nous offre également des opportunités sans précédent, qui tiennent précisément au double aspect de notre mobilisation face à la crise. Il nous appartient aujourd'hui de saisir ces opportunités pour engager le pays dans un élan de reconstruction.

D'une part, le plan de sauvetage de l'économie a permis la constitution d'une sur-épargne considérable. Et pour cause : si les restrictions sanitaires ont eu, et ont encore un impact très lourd sur la consommation, les mesures mises en place pour préserver les emplois, au premier rang desquelles le dispositif massif d'activité partielle, ont permis le maintien des revenus pour beaucoup de particuliers, alors même que la France connaissait une récession sans précédent depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Le montant de cette sur-épargne dépassait déjà les 100 milliards d'euros à fin 2020 ; il devrait atteindre les 200 milliards à la fin 2021. L'épargne a donc enflé en même temps que notre dette publique.

D'autre part, le plan de relance engagé par le Gouvernement prévoit l'injection, d'ici 2022, de 100 milliards d'euros dans l'économie, pour créer un choc de demande et stimuler l'activité des entreprises. La mobilisation d'un tel montant en deniers publics, dans le contexte actuel de forte diminution des recettes fiscales, a entraîné l'émission massive de nouveaux titres de dette, prouvant au passage que la signature de la France continue d'inspirer confiance sur les marchés. Surtout, ce plan de relance constitue une formidable opportunité de transformer le pays, en accélérant la transition écologique et la réindustrialisation des territoires. Il s'agit de faire de la nécessaire relance une opportunité de moderniser nos entreprises et nos infrastructures face aux défis de demain.

Mais le risque existe que ce plan de relance, comme toute politique publique élaborée et engagée depuis Paris, demeure hors-sol et ne trouve pas prise dans la réalité des territoires. La réussite de cette dynamique ambitieuse réside donc dans la capacité des acteurs du terrain, et singulièrement des collectivités locales, à s'y engager pleinement. À cet égard, il apparaît évidemment indispensable d'associer les élus locaux à la mise en oeuvre de « France Relance ». Mais il est aussi possible d'aller plus loin, en dotant les collectivités d'outils d'investissement ad hoc afin qu'elles prennent toute leur part à cet élan global. Surtout, de tels outils doivent leur permettre de prendre les décisions adaptées aux spécificités de leur territoire, en lien avec le tissu économique local et en cohérence avec les écosystèmes locaux.

C'est tout l'objet de cette proposition de loi, qui vise à créer des « Fonds souverains régionaux » pilotés par les acteurs locaux. L'objectif est de leur permettre d'investir dans la modernisation des infrastructures sur leur territoire afin d'accélérer la transition écologique et le développement économique. Dans le contexte actuel de forte dégradation des finances publiques, il est proposé de mobiliser à cette fin l'épargne des Français par la création d'un produit bancaire adapté, aussi sûr que le livret A et potentiellement plus rémunérateur dans le cas d'une épargne de long terme. L'ambition d'un tel dispositif est plurielle. Il vise tout à la fois à :

• Faire confiance aux élus locaux pour réaliser les investissements les plus adaptés à la réalité de leur territoire ;

• Accélérer la transition écologique en mobilisant des fonds importants dans un contexte de forte dégradation des finances publiques ;

• Dynamiser le tissu économique local, notamment industriel, en permettant à des très petites entreprises (TPE), des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) des territoires de participer à la réalisation de ces projets d'investissement ;

• Faire des Français des acteurs de la relance par la mobilisation de leur épargne au service de la modernisation des infrastructures dans les territoires.

Ainsi, l' article 1 er crée une nouvelle section dans le code monétaire et financier, intitulée « livret de développement des territoires ». Elle correspond à un nouveau produit d'épargne mis à la disposition des Français afin de leur permettre de placer leurs économies au service de la modernisation des infrastructures dans les territoires. Sur le modèle du livret A, le produit d'épargne serait collecté par les banques au niveau national. Il serait ensuite affecté entre les différentes régions selon une clé de répartition répondant à une logique de péréquation économique. Les Français pourraient placer et retirer leur épargne librement sur ces livrets ; cependant, la rémunération de ce livret deviendrait plus intéressante avec le temps, avec une majoration par rapport au taux de rémunération du livret A de 25% au terme de cinq années et de 50% au bout de neuf ans.

L' article 2 procède à un ajout de cohérence dans le code monétaire et financier correspondant à la création de ce nouveau livret d'épargne.

L' article 3 prévoit des conditions particulières de fiscalisation pour les versements qui viendraient abonder, durant l'année 2022, un livret de développement des territoires. Il s'agit de ne pas pénaliser les Français qui placeraient leur épargne dans ce nouveau produit afin d'amorcer au plus vite le financement des infrastructures par les collectivités locales.

L' article 4 crée une nouvelle section dans le code général des collectivités territoriales, intitulée « Fonds souverain régional ». Cette nouvelle section prévoit la création de ces fonds dans chaque région de métropole et d'outre-mer sous l'autorité des exécutifs régionaux. Les investissements réalisés par ce fonds sont définis par référence aux objectifs établis par les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Ainsi, dans les régions dotées d'un tel schéma, les emprunts contractés dans le cadre de l'épargne sur les livrets de développement des territoires concerneront nécessairement des opérations ayant donné lieu à une large concertation entre les parties prenantes ; dans les autres régions ou collectivités assimilées qui ne sont pas soumises à l'adoption d'un SRADDET, une concertation analogue devra être menée dans le cadre de chaque fonds avant le recours à un emprunt. Les fonds mobilisés par ces nouvelles structures sont donc ceux dont la collecte et l'affectation sont prévues par l'article 1 er de la présente proposition de loi.

L' article 5 gage le dispositif au plan financier.

L' article 6 prévoit que la loi entre en vigueur le 1 er janvier 2022.

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