EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le préambule de la Constitution de 1946 dispose : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ».

Cette phrase, empruntée à la Révolution de 1848, traduit le rôle central du Travail dans notre société véritable lien social qui inscrit les individus dans une communauté, révèle une forme d'utilité et de reconnaissance sociale. C'est surtout le moyen d'obtenir les ressources nécessaires à leur survie, à leur subsistance et de vivre dans la dignité.

Aujourd'hui, le Travail n'est plus accessible à tous les citoyens. Bon nombre d'entre eux en sont exclus et ne touchent plus l'Assurance chômage. On compte deux millions de personnes bénéficiaires du RSA - Revenu de Solidarité Active et 450000 jeunes en situation précaire, selon les statistiques de Pôle Emploi et de l'INSEE.

De nouveaux dispositifs visant à instaurer un Revenu minimum garanti ou Revenu universel, dissocié du Travail, sont à l'étude depuis plusieurs années se heurtant à de solides objections philosophiques et financières.

Quant au RSA, depuis son instauration par la loi n o 2008-998-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion , il a montré son efficacité en tant que filet social de sécurité. En revanche, il a démontré ses limites concernant le retour à l'emploi, enfermant certains individus dans une situation de dépendance vis-à-vis des minima sociaux, qualifiés parfois de « handicaps sociaux », bien loin de l'objectif recherché d'engager une dynamique de tremplin vers l'emploi. En outre, ce revenu, de l'ordre de 550 euros, ne permet pas de vivre dignement.

Cette situation est dégradante pour les individus, coûteuse pour les collectivités départementales et pour l'État. Force est de constater que les départements font face à une augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA qui les place dans une situation financière fragile, certains ayant même été contraints de faire appel à l'aide de l'État. Ce dernier a d'ailleurs d'ores et déjà repris à sa charge, dans certains territoires, la gestion et le financement du RSA. Plutôt que de laisser les finances des départements se dégrader lentement, avec des aides au cas par cas, il semblerait préférable d'entamer une réforme d'ampleur nationale. Quant aux autres collectivités territoriales, elles sont confrontées à de multiples problèmes sur leurs territoires dus, notamment, au manque de personnel.

Dans un tel contexte, il est urgent de trouver une solution durable contre cette précarité et de faire la démonstration de la solidarité nationale et de son idéal de fraternité, c'est tout l'objectif de cette proposition de loi. La devise de la République ne peut pas demeurer lettre morte sur les frontons des mairies. Elle doit trouver sa traduction concrète dans les politiques publiques. C'est un devoir de l'État, au vu de son engagement constitutionnel, que celui de garantir un travail pour chacun.

La précarité sociale engendrée par la perte d'emploi représente un coût immense, y compris en termes de santé publique. Entraînant des conditions de vie dégradées, elle favorise l'apparition de maladies parfois graves, de désordres psychologiques à l'origine de maladies mentales ou encore de pensées ou même d'actes suicidaires et parfois de tensions en raison des incivilités.

Le coût social qui en résulte se mesure, non seulement, en nombre de vies humaines, perdues ou en danger, mais aussi, en lignes budgétaires consacrées aux cotisations sociales de l'assurance maladie utilisées pour soigner des pathologies engendrées par l'exclusion sociale liée à la perte du travail.

A ces dépenses induites s'ajoutent les diverses pertes de recettes, en termes de taxes et de TVA, qui ne renflouent pas les caisses de l'État, faute de consommation de la part des personnes exclues du marché du travail et de l'emploi.

Ce texte propose d'instaurer le Contrat solidaire d'utilité républicaine (CSUR), un contrat de travail avec comme fondement trois principaux objectifs :

- Le premier est de redonner une dignité à ceux qui l'ont perdue , en facilitant leur réinsertion par l'accès à un emploi, le plus rapidement possible. Ce faisant, ils évitent un éloignement prolongé du monde du travail dont les conséquences sont délétères et accèdent à des ressources suffisantes pour vivre dignement, avec un revenu supérieur à celui des minimas sociaux.

- Le deuxième est de répondre aux besoins des collectivités territoriales qui manquent de personnels pour assurer certaines missions d'intérêt général qu'elles ne sont pas en mesure d'accomplir pleinement pour raisons budgétaires, par exemple, l'entretien du cadre de vie ou le soutien aux personnes âgées .

- Enfin, la présente proposition de loi entend recréer du lien social , notamment dans les zones dites sensibles et rurales, en permettant d'associer la personne à un emploi au service du bien commun.

Les Contrats solidaires d'utilité républicaine sont destinés à se substituer au RSA et aux contrats de travail aidés dits PEC, Parcours Emploi Compétences. Il s'agit bien de créer de vrais emplois et postes de travail d'intérêt général, dans le cadre et à l'initiative des collectivités locales, rémunérés au plus près du SMIC et non par une indemnité finançant une activité aléatoire ou une formation. L'accès au travail serait ainsi garanti par l'État, pour toutes et tous, grâce à ce dispositif financé :

- à hauteur de 80% par l'État en ce qui concerne les Fonctions publiques territoriale et hospitalière,

- à 100% en ce qui concerne la Fonction publique d'État.

Les bénéficiaires du Contrat Solidaire d'Utilité Républicaine sont les bénéficiaires actuels du RSA ainsi que les jeunes âgés de 18 à 25 ans, justifiant des conditions de ressources et administratives.

Le dispositif prévoit une rémunération au SMIC , soit 8, 11 euros nets de l'heure depuis le premier avril 2021, sur une durée de référence de 28 heures par semaine, soit un salaire mensuel de 908, 32 euros nets par mois. Il est complété par un Plan d'accompagnement vers l'emploi , déjà existant dans le cadre du RSA ou des contrats PEC, qui serait prolongé par une possibilité de suivre une formation, en vue d'une évolution professionnelle à long terme.

Toute collectivité territoriale, administration d'État ou établissement hospitalier est en mesure d'établir la liste de ses besoins non satisfaits en termes d'emploi et de postes de travail, en fonction de ses perspectives de développement ou encore de ses difficultés.

Chaque travailleur en Contrat solidaire d'utilité républicaine se voit confier des tâches relevant de missions d'intérêt général en tenant compte, dans la mesure du possible, de ses compétences.

Afin d'éviter les abus, les effets d'aubaine ou encore la substitution de ces contrats à des emplois publics de titulaires , des limitations ont été formulées concernant :

- les collectivités territoriales, administrations d'État et établissements hospitaliers. Pour éviter de substituer les CSUR aux emplois titulaires des fonctions publiques, seraient exclus du dispositif les services qui réduiraient de plus de 5% la ligne budgétaire de rémunération des personnels titulaires.

- les associations . Elles sont exclues du bénéfice de ce dispositif afin de privilégier l'utilisation des financements publics pour créer des emplois dans la sphère publique, en premier lieu les collectivités territoriales. Ces dernières peuvent mettre à disposition des associations des travailleurs en CSUR.

- les chômeurs et les personnes qui perçoivent le minimum d'assurance chômage ne sont pas concernés par ce dispositif.

Si cette réforme devait s'appliquer aux deux millions de bénéficiaires actuels du RSA et aux jeunes en situation de précarité et sans emploi, le paiement des 3.2 millions de travailleurs en CSUR représenterait une somme de 35 617 483 467 d'euros, montant maximal dans l'hypothèse où l'intégralité de ces personnes venait à souscrire ce type de contrats. Le coût réel serait moindre. On peut considérer, d'une part, que la totalité des 3,2 millions de personnes ne souscrira pas à ce type de contrat. D'autre part, le nombre de jeunes précaires étant exceptionnellement élevé depuis 2020 en raison de la pandémie, on peut prévoir que la reprise économique entraîne un retour vers l'emploi d'une partie de ces jeunes précaires. Le coût réel de ce dispositif pourrait donc être inférieur de 50% soit environ 18 milliards d'euros par an.

Pour les travailleurs sortant du dispositif du RSA :

- De cette somme serait déduit le montant du RSA qui serait supprimé : soit 10 milliards d'euros, moins 1.5 milliards d'euros alloués à l'insertion et à la formation des Travailleurs en CSUR.

- De cela, il faut déduire le bénéfice, non négligeable sur le long terme du retour à l'emploi. Ces nouvelles ressources permettront aux travailleurs de consommer plus, réinjectant une partie de leurs revenus dans les caisses de l'État via la TVA et autres taxes.

Ces montants sont reversés par le Département, pour financer les postes de travail créés pour remplir des missions d'intérêt général, le complément étant fourni par l'État et issu de taxes additionnelles.

De surcroît, un retour vers l'emploi entraînerait une meilleure hygiène de vie, donc un risque moindre en termes de santé publique, faisant chuter les dépenses de l'assurance maladie et développerait le vivre ensemble. De manière générale, tous les coûts liés à la précarité seraient diminués.

Afin de faciliter la transition entre ces deux dispositifs, à la fois pour les personnes concernées et aussi pour les organismes qui en assurent la gestion administrative, il est prévu une sortie progressive des dispositifs du RSA et des contrats PEC, aux articles 14 et 15.

Compte tenu de l'effort budgétaire fait depuis mars 2020 pour financer et compenser les mesures de lutte contre la pandémie de covid-19, il est nécessaire d'envisager un effort en faveur de l'aide au retour à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées.

Réaffecter à l'objectif d'un Droit au Travail les sommes actuellement consacrées au financement et aux dépenses passives liées au RSA est un argument novateur.

Les dispositions prévues par cette proposition de loi entrent en vigueur 6 mois après sa promulgation.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page