EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi Climat-résilience a prévu de faire entrer la politique de l'urbanisme dans une nouvelle ère : celle de la « zéro artificialisation nette ». Elle a en effet consacré deux nouveaux objectifs quantitatifs : d'une part, la réduction de moitié, en dix ans (2021-2031) du rythme d'artificialisation en France ; de l'autre, l'atteinte, d'ici 2050 d'un rythme de « zéro artificialisation nette ».

La lutte contre l'artificialisation des sols est désormais bien identifiée, au niveau tant européen que français, comme un enjeu prioritaire pour la préservation de l'environnement et de la biodiversité. Il est primordial de préserver les sols, au vu de leur rôle dans le cycle de l'eau, en tant qu'habitat écologique, afin de lutter plus efficacement contre les îlots de chaleur dans les espaces urbains, ou encore au regard de leur importance pour l'autonomie alimentaire du pays.

En France, entre 6 et 9% du territoire environ est considéré comme artificialisé, c'est-à-dire que ces sols ont connu, en raison d'activités humaines, une altération de leurs fonctions naturelles. Entre 20 000 et 30 000 hectares ont été artificialisés en moyenne chaque année au cours de la dernière décennie, principalement au détriment de surface agricoles, et au profit de surfaces consacrées à l'habitat. Grâce aux efforts de sobriété foncière menés par les collectivités territoriales, en particulier grâce à une meilleure maîtrise de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers au sein des documents d'urbanisme locaux, a décennie 2010-2020 ont marqué une diminution progressive des surfaces artificialisées, passant d'environ 31 000 hectares à 20 000 hectares annuels environ. Les objectifs fixés par la loi Climat-Résilience prévoient d'accélérer ce déclin dès 2021, jusqu'à atteindre un solde net d'artificialisation (c'est-à-dire qui prenne en compte les efforts de « renaturation ») proche de zéro en 2050.

Pour cela, la loi Climat-résilience a fixé aux collectivités territoriales d'ambitieux objectifs individuels : chaque Région devra ainsi se fixer, par le biais de son document de planification (SRADDET, SAR, SDRIF, PADDUC), un objectif de réduction de l'artificialisation d'au moins 50% d'ici 2031 ; puis des objectifs décennaux successifs, jusqu'à atteindre le « zéro artificialisation nette » (ZAN) en 2050. Les Régions se voient confier la tâche de « territorialiser » cet objectif de -50%, c'est-à-dire de répartir et d'adapter l'effort de réduction entre les différentes zones de son périmètre régional, par la modification de leurs documents de planification d'ici février 2024.

En cascade, les documents d'urbanisme territoriaux et locaux, c'est-à-dire les schémas de cohérence territoriale (SCoT), plans locaux d'urbanisme (PLU) et cartes communales, devront à leur tour décliner ces objectifs régionaux, afin de fixer des objectifs à chaque commune, EPCI ou groupement d'EPCI, d'ici 2026 et 2027.

Cette déclinaison des objectifs de -50% et de « ZAN » au sein des documents d'urbanisme locaux vise à piloter plus fortement et plus précisément l'artificialisation au niveau de chaque commune ou de chaque EPCI : elle impliquera en effet un contrôle accru sur la constructibilité et sur les ouvertures à l'urbanisation, afin de tenir les objectifs fixés par la loi et les documents de planification de l'échelon supérieur.

La mobilisation générale en faveur de l'application des objectifs « ZAN » de la loi Climat-résilience, dont l'importance et la légitimité sont unanimement partagées, a débuté. Depuis la promulgation de la loi en août 2021, les « conférences des SCoT » se sont réunies, dans chaque région, pour formuler des observations et propositions avant que les Régions ne modifient leurs documents de planification en vue d'y inscrire des objectifs chiffrés. Au coeur des territoires, les élus locaux se rassemblent déjà pour évaluer le potentiel foncier de leurs territoires, établir leurs priorités d'aménagement, évoquer les projets communs, pour modifier bientôt leurs documents d'urbanisme et préparer l'intensification de leur effort de sobriété foncière.

Dans cette période de travail et de dialogue intense en faveur de la mise en oeuvre du « ZAN », les collectivités se heurtent toutefois à plusieurs difficultés.

D'abord, une partie des décrets d'application, pris à compter du mois d'avril 2022, se révèlent au mieux incomplets ou inadaptés, au pire incohérents avec les dispositions prévues par la loi Climat-résilience. C'est le cas notamment du rôle et de la portée des documents régionaux, considérablement renforcé par les textes réglementaires. C'est également le cas de la nomenclature des sols artificialisés, qui suscite de nombreuses interrogations et serait, en l'état, inapplicable par les collectivités. Les imprécisions des décrets génèrent en outre un vrai risque juridique pour l'ensemble des actions qui seraient entreprises sur leur base au cours des prochains mois, en particulier par les collectivités territoriales, d'autant qu'ils ont fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État dont l'issue n'est pas encore connue.

Ensuite, tant le calendrier que « l'architecture » institutionnelle de la mise en oeuvre du « ZAN » apparaissent devoir être ajustés. D'abord, l'échéance de révision des SRADDET et autres documents régionaux avant février 2024 implique une finalisation du travail concret sur le projet de document d'ici le printemps 2023 (au regard des exigences procédurales du code de l'urbanisme) - délai intenable si l'on considère que les conférences des SCoT n'ont rendu leurs propositions qu'à la fin du mois d'octobre 2022. Le dialogue qualitatif, indispensable pour parvenir à un consensus territorial autour du ZAN, ne doit pas être sacrifié à un calendrier trop serré. Ensuite, le « chef de filat » confié à la Région en matière d'établissement d'objectifs de réduction de l'artificialisation peut laisser craindre, dans certains territoires, une association insuffisante des communes et intercommunalités, à qui la loi confie pourtant à titre premier la compétence en matière d'urbanisme. Il apparaît indispensable de prévoir une forme de gouvernance partagée du « ZAN », avec une association renforcée du bloc communal notamment, puisque le « ZAN » impactera l'ensemble des collectivités et de leurs compétences.

Enfin, certains outils manquent pour que les collectivités puissent appliquer la loi, et réellement « faire le ZAN ». Cette révolution de l'urbanisme et de l'aménagement aura des conséquences profondes, sur la disponibilité foncière et donc les prix fonciers, sur la construction de logement, sur le financement des opérations d'aménagement portées par les pouvoirs publics, ou même sur la fiscalité locale. À ce stade, si la loi Climat-résilience a prévu de nombreuses obligations à l'endroit des collectivités territoriales, elle n'a prévu que peu d'outils concrets permettant à ces collectivités de répondre à ces enjeux nouveaux. En particulier, il faudra faciliter la réutilisation du foncier bâti, mais aussi les opérations de renaturation. Il convient également de donner aux collectivités de nouveaux outils réglementaires, pour qu'elles puissent préserver le foncier à forts enjeux de la spéculation et de la captation, au service de leurs projets d'intérêt général. La période transitoire qui sépare le début des « compteurs d'artificialisation », en 2021, et la modification des documents d'urbanisme, sera charnière, car les collectivités seront tenues de limiter l'artificialisation nouvelle alors même qu'elles n'ont aujourd'hui que peu d'outils pour s'opposer aux projets, même fortement consommateurs d'espaces naturels, agricoles et forestiers.

Ces nombreuses difficultés ont amené le Sénat à conduire, depuis la promulgation de la loi Climat-Résilience, de nombreux travaux sur la mise en application du « ZAN ». Ainsi, en mars 2022, la commission des affaires économiques s'alarmait du contenu des décrets d'application. En mai 2022, la commission des affaires économiques et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable lançaient, via la plateforme en ligne du Sénat, une consultation des élus locaux sur le sujet des difficultés d'application des objectifs « ZAN » de la loi Climat-résilience, qui a recueilli plus de 1200 témoignages issus de tous les territoires français. En juin 2022 enfin, la commission des finances présentait son rapport relatif aux outils financiers pour soutenir l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette.

En septembre 2022, quatre commissions permanentes du Sénat (la commission des affaires économiques, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, la commission des finances et la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale) ont constitué une mission conjointe de contrôle, chargée de réaliser une synthèse de l'ensemble de ces travaux et de formuler des pistes d'évolutions concrètes du cadre juridique de la mise en oeuvre du « ZAN ».

Rassemblant des sénateurs représentant l'ensemble des groupes politiques du Sénat et des quatre commissions permanentes, la mission conjointe de contrôle a conduit entre octobre et décembre 2022 près de quarante auditions et consultations, auprès de l'ensemble des parties prenantes au « ZAN ».

En réponse à la mobilisation du Sénat et de l'ensemble des acteurs concernés, le Gouvernement a récemment admis que le cadre juridique du « ZAN » nécessitait des évolutions. Il a multiplié les annonces en ce sens depuis plusieurs mois, sans toutefois qu'aucune modification législative ni réglementaire concrète ne soit engagée. Ce positionnement ambigu n'envoie pas le bon signal aux territoires, qui se voient tenus à des obligations dont les contours mêmes restent à ce jour très flous et mouvants. Il convient de dépasser les positions dogmatiques pour apporter rapidement des solutions concrètes.

La mission conjointe de contrôle a donc souhaité exercer son initiative législative sur ce sujet de premier ordre. En conclusion de ses travaux, elle présente une proposition de loi d'initiative sénatoriale, partagée par de nombreux groupes politiques et avançant 25 mesures visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « ZAN » de la loi Climat-résilience.

Les travaux de la mission se sont concentrés sur le volet relatif aux règles de l'urbanisme et à l'architecte globale du « ZAN », car il s'agit des mesures les plus nécessaires et les plus urgentes au regard du calendrier et des obligations fixées par la loi « Climat-résilience ». Les sujets de financement et de fiscalité, qui seront essentiels pour la réussite de la politique de lutte contre l'artificialisation des sols, devront faire prochainement l'objet de travaux complémentaires.

Ce texte vise à apporter souplesse, pragmatisme et efficacité à l'application du « ZAN » dans les territoires, afin que celui-ci emporte l'adhésion de l'ensemble des parties prenantes et ne se heurte pas à des obstacles juridiques ou pratiques. Il est naturel qu'une loi apportant des évolutions aussi structurantes et novatrices que les objectifs de « ZAN » nécessite des retouches, tenant compte des retours de terrain et de l'expérience de premier ordre des élus locaux.

Les propositions formulées par la mission ne remettent en cause ni les grands objectifs du ZAN (c'est-à-dire l'objectif de réduction de 50% de l'artificialisation en 2031 et l'atteinte de « zéro artificialisation nette » en 2050), ni son application à l'ensemble du territoire et des politiques publiques. Le « ZAN » répond en effet à une urgence climatique et environnementale incontestable, qui doit engager l'ensemble de la Nation dans une démarche commune de sobriété foncière.

Les propositions d'ordre législatif portées par la mission conjointe de contrôle s'organisent ainsi autour de quatre axes : favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée ; accompagner les projets structurants de demain ; mieux prendre en compte les spécificités des territoires ; et prévoir les outils pour faciliter la transition vers le « ZAN ».

Le chapitre I er vise à favoriser le dialogue territorial autour de l'application du « ZAN » et à renforcer la gouvernance décentralisée de la politique de lutte contre l'artificialisation.

L'article 1 er définit un calendrier plus réaliste pour l'évolution des documents de planification et d'urbanisme de la Région, des intercommunalités et des communes en application des objectifs du « ZAN ». Il détend ainsi les délais de modification des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), des schémas d'aménagement régional (SAR), du plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) et du schéma directeur de la région d'Île-de-France (SDRIF) en repoussant d'un an la date avant laquelle les documents modifiés devront entrer en vigueur. En conséquence, il décale également d'un an les délais qui s'imposeront à la modification « en cascade » des schémas de cohérence territoriale (SCoT), des plans locaux d'urbanisme (PLU) et des cartes communales. Pour laisser davantage de temps au dialogue territorial et à la concertation entre Région et bloc communal, il accélère en parallèle la procédure qui encadre la modification des SRADDET, en réduisant de trois à un mois le délai laissé au préfet pour approuver le document et en autorisant la tenue simultanée de la consultation du public et celle des personnes publiques associées.

L'article 2 restaure l'esprit de la loi « Climat-résilience » votée par l'Assemblée nationale et le Sénat en juillet 2021, en rendant aux collectivités territoriales la souplesse nécessaire à l'application différenciée des objectifs régionaux de réduction de l'artificialisation. Il précise ainsi de manière explicite que les dispositions des règles du fascicule du SRADDET ou du SAR relatives à la lutte contre l'artificialisation s'appliquent aux SCoT, aux PLU et aux cartes communales dans un rapport de prise en compte et non de compatibilité. En outre, l'article 2 garantit la qualité du dialogue entre collectivités territoriales dans le cadre d'une gouvernance partagée du « ZAN », et l'effectivité du « droit de proposition » prévu par le Sénat dans le cadre de la loi « Climat-résilience ». Il propose que, dans les cas où les « conférences des SCoT » instaurées par la loi « Climat-résilience » et qui se sont réunies entre août 2021 et octobre 2022, ont transmis des propositions relatives à la territorialisation des objectifs de réduction de l'artificialisation à la Région, cette dernière justifie, avant de mener à bien la modification du SRADDET, de la manière dont il a été tenu compte des observations et propositions des communes et intercommunalités.

L'article 3 instaure une gouvernance décentralisée du « ZAN ». Il est proposé de renforcer la composition des « conférences des SCoT » déjà prévues par la loi, pour y améliorer la représentation des élus communaux et des intercommunalités, y compris n'appartenant pas au périmètre d'un schéma de cohérence territoriale, ainsi que des départements. Ce nouveau format de « conférence régionale de gouvernance » se verra confier quatre missions principales dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique de réduction de l'artificialisation des sols :

- effectuer un suivi régulier de la mise en application des objectifs de réduction de l'artificialisation au sein du périmètre régional, via un rendez-vous annuel examinant les trajectoires constatées et appréciant le respect des objectifs fixés, pouvant aboutir, le cas échéant, à une adaptation de ceux-ci ;

- animer la gouvernance de la territorialisation régionale, en formulant des propositions à destination de la Région dans le cadre de toute évolution des objectifs régionaux de réduction de l'artificialisation des sols et de leur répartition territoriale ;

- participer à l'identification des grands projets d'ampleur nationale ou européenne et d'intérêt majeur, qui pourront être comptabilisés au sein d'une enveloppe nationale (voir article 4) ;

- participer à l'identification des projets d'ampleur régionale, qui pourront être mutualisés au sein de l'enveloppe régionale afin de mieux répartir leur impact entre les différents établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes (voir article 5).

Le chapitre II vise à accompagner la réalisation des projets structurants de demain.

L'article 4 vise à préserver la capacité de notre pays à réaliser les grands projets de demain, qu'ils relèvent de la décarbonation de notre économie et de nos transports, de notre souveraineté industrielle ou de besoins essentiels de notre société. Il prévoit de comptabiliser séparément, au sein d'une « enveloppe nationale », ces grands projets d'envergure nationale ou européenne, afin que leur impact en termes d'artificialisation ne soit pas imputé à la Région qui l'accueille et qu'ils ne se réalisent pas au détriment des autres besoins des collectivités de la région. Les projets concernés feront l'objet d'une inscription au sein du document régional, après avis de la conférence régionale de gouvernance prévue par l'article 4 de la présente proposition de loi, et feront l'objet d'un rapport périodique du Gouvernement au Parlement.

L'article 5 précise les conditions de mutualisation des projets d'ampleur régionale. Il permet aux communes et aux EPCI compétents, aux départements, ainsi qu'à leurs groupements, d'être force de proposition pour l'identification de ces projets. Leur mutualisation sera décidée par la Région, après avis de la conférence de gouvernance prévue par l'article 4 de la présente proposition de loi, et inscrite au sein du document régional. L'article 5 précise également que la fixation des objectifs de réduction de l'artificialisation à l'échelle d'un EPCI doit prendre en compte des projets d'intérêt intercommunal porté par les communes membres et les identifier au sein du PLUi - cette prise en compte étant déjà prévue, hors PLUi, au sein du SCoT.

Le chapitre III vise à mieux prendre en compte les spécificités des territoires.

L'article 6 améliore la prise en compte des efforts déjà réalisés par les collectivités territoriales pour réduire leur rythme d'artificialisation. Avant l'adoption de la loi « Climat-Résilience », de nombreuses collectivités avaient déjà fixé, dans leurs documents de planification, des objectifs très ambitieux de réduction de la consommation d'espace ; tandis que les territoires soumis à des règles d'urbanisme particulièrement strictes, comme les communes soumises à la loi Montagne, ont également connu un rythme d'artificialisation moindre. L'article 8 prévoit donc une meilleure prise en compte de ces efforts passés dans le cadre de la répartition de l'effort de réduction de l'artificialisation qui sera établie pour les décennies à venir. Il offre également une base légale à la mise en oeuvre future, le cas échéant, de « reports de droit » entre périodes décennales, pour les collectivités qui auraient réduit leur artificialisation davantage qu'il ne le leur était imposé.

L'article 7 offre à chaque commune la garantie que la mise en oeuvre du « ZAN » ne se traduira pas par une absence totale de droits à construire ou par un gel de son développement. Il impose la définition d'une « surface minimale de développement communal », c'est-à-dire d'une enveloppe de droits minimale garantie à chaque commune, qui devra être d'au moins 1 hectare. Ni la territorialisation opérée par le document régional et par le SCoT, ni les objectifs fixés par le PLUi, ni l'application « par défaut » de l'objectif de -50%, ne pourront résulter en ce qu'une commune dispose d'une enveloppe d'artificialisation moindre que ce plancher minimal. Cette disposition constitue une garantie forte pour les communes ayant consommé très peu de foncier au cours des dernières périodes, en particulier les petites communes et les communes rurales. L'article 7 prévoit également une meilleure prise en compte des spécificités de la ruralité à chaque étape de territorialisation des objectifs de réduction de l'artificialisation.

L'article 8 prévoit la définition d'une « part réservée au développement rural » au sein des enveloppes fixées par les documents régionaux, les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux. Afin de prendre en compte les projets importants pour les territoires ruraux, qui ne pourraient être réalisés parce qu'ils impliqueraient un dépassement des objectifs de réduction de l'artificialisation, une partie de l'enveloppe régionale, territoriale ou intercommunale serait mise en réserve avant que n'intervienne la répartition de l'enveloppe. Cette « réserve à projets » pourrait ensuite être appelée, au fil de l'eau, par les communes et EPCI porteurs de projet d'intérêt pour le territoire, afin de complémenter leurs droits propres, le tout en assurant l'absence de dépassement des objectifs globaux fixés par le SCoT ou le PLUi. Cette « part réservée » n'inclut pas l'enveloppe correspondant à la surface minimale de développement communale qui sera garantie à chaque commune en application de l'article 7.

L'article 9 propose, dans l'esprit de la loi « Climat-Résilience » promulguée en août 2021, de concilier l'objectif de préservation de la nature en ville et du cadre de vie avec l'objectif de densification du tissu urbain existant et de recyclage foncier, sans lequel la « zéro artificialisation nette » ne pourra être atteinte. Il prévoit ainsi explicitement que les surfaces végétalisées à usage résidentiel, secondaire ou tertiaire (jardins particuliers, parcs, pelouses...) soient considérées comme non artificialisés, dans le double objectif d'inciter les constructeurs à préserver des îlots végétaux au sein de leurs projets futurs, et de ne pas pénaliser la renaturation. En parallèle, l'article permet aux communes et aux EPCI de délimiter, via leurs documents d'urbanisme et au sein des espaces urbanisés, des « périmètres de densification et de recyclage foncier ». Dans ces périmètres, l'utilisation des espaces végétalisés à fins de densification ne sera pas regardée comme de l'artificialisation : cela pourra servir, par exemple, la densification des lotissements, le recyclage des friches, ou le remplissage des dents creuses au sein des hameaux.

L'article 10 vise à ne pas faire subir une double peine aux territoires littoraux frappés par le recul du trait de côte. Il prévoit de décompter les parcelles rendues inutilisables en raison de l'érosion côtière de l'artificialisation constatée sur le périmètre de la commune, et de les considérer comme de la renaturation. En parallèle, les projets visant à relocaliser dans de nouvelles zones les aménagements et constructions des parcelles touchées par le recul du trait de côte ne seront pas comptabilisés au regard de l'artificialisation. Il s'agit d'une mesure d'équité au bénéfice de territoires particulièrement vulnérables au changement climatique, où les contraintes d'urbanisme sont par ailleurs déjà fortes du fait de l'application de la « loi Littoral ». L'article 10 prévoit par ailleurs une meilleure prise en compte des spécificités des communes littorales et des zones de montagne dans le cadre de la territorialisation des objectifs de réduction de l'artificialisation. D'autre part, ce même article 10 prévoit la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement relatif à l'application des objectifs « ZAN » aux territoires ultramarins. Les spécificités liées à leur insularité, à l'existence d'habitat informel, au cumul des législations protectrices du littoral et de la montagne, et aux enjeux de développement économique et touristique doivent être mieux prises en compte. Bien que les schémas d'aménagement régionaux (SAR) des territoires ultramarins ne soient pas tenus au même objectif de réduction de 50% du rythme d'artificialisation que les SRADDET, il importe toutefois de mieux anticiper l'existence d'enjeux spécifiques aux Outre-mer en vue d'atteindre l'objectif de « zéro artificialisation nette » à l'échéance 2050.

Le chapitre IV prévoit les outils pour faciliter la transition vers le « ZAN ».

L'article 11 incite l'État à établir et transmettre rapidement aux collectivités territoriales des données fiables et complètes sur l'artificialisation des sols et la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers. Ces données sont indispensables à la tenue d'un débat sincère et informé sur les objectifs de réduction qui seront fixés par les documents de planification, puis territorialisés. Les délais fixés par la loi pour procéder à ces arbitrages étant très courts, il est nécessaire que l'État soit plus diligent dans la mise à disposition des données de base, sous peine de contraindre les collectivités à un débat aveugle ou partiel. L'article 11 prévoit qu'à défaut de mise à disposition numérique et gratuite de ces données dans un délai de six mois, les collectivités territoriales soient autorisées à utiliser les données locales dont elles disposent pour mesurer l'atteinte de leurs objectifs de réduction de l'artificialisation. Nombre d'entre elles ont en effet établi de longue date des dispositifs locaux d'observation foncière.

L'article 12 met à disposition des élus communaux et intercommunaux qui en expriment le besoin deux outils visant à faire obstacle au phénomène de « ruée vers le foncier » qu'ils constatent déjà dans certains territoires, en anticipation de la mise en oeuvre du « ZAN ». Avant que les documents d'urbanisme locaux ne puissent être modifiés, les élus sont contraints d'octroyer les permis conformes, même lorsque ceux-ci les conduisent à dépasser d'ores et déjà les objectifs de réduction de l'artificialisation qui viendront s'imposer à eux. L'article instaure donc un sursis à statuer spécifique, permettant à la commune ou à l'EPCI compétent de suspendre l'octroi d'un permis qui contreviendrait aux objectifs « ZAN ». Une fois que ces objectifs auront été intégrés aux documents d'urbanisme, il est aussi prévu que l'autorité compétente puisse refuser tout projet de nature à compromettre directement l'atteinte de ces cibles chiffrées. Enfin, l'article 12 prévoit également la possibilité pour ces communes et EPCI de préempter des terrains présentant de forts enjeux en matière de recyclage foncier ou de renaturation. Cela permettra aux collectivités du bloc communal de faire obstacle à la spéculation foncière ou à la captation par des acteurs privés du foncier revêtant une importance particulière pour les projets locaux.

L'article 13 prévoit enfin que les efforts de renaturation conduits par les collectivités territoriales dès l'adoption de la loi « Climat-résilience » seront pris en compte pour évaluer l'atteinte de leurs objectifs « ZAN ». En l'état du droit, la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers sera comptabilisée, sans que n'en soient déduites les surfaces renaturées. Pour mettre en oeuvre dès aujourd'hui la logique de bilan « net », et de ne pas désinciter aux efforts de renaturation, il est important de modifier dès que possible le cadre juridique de la première période décennale sur ce point.

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