EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'économie mixte locale constitue depuis le XIXème siècle un atout majeur pour les collectivités territoriales dans un contexte de décentralisation assumée. Très tôt, les élus des territoires se sont en effet saisis des sociétés d'économie mixtes locales (Sem), puis, plus récemment, des sociétés publiques locales (Spl) et enfin des sociétés d'économie mixte à opération unique (SemOp), regroupées sous le nom d'entreprises publiques locales.

Pleinement consacrés par les lois du 7 juillet 1983, du 28 mai 2010 et du 1 er juillet 2014, ces outils au service de l'intérêt général des territoires ont permis d'apporter des solutions de terrain à de nombreux élus en proie à un contexte socio-économique complexe qui multiplie les enjeux pour les collectivités.

Les nombreuses modifications territoriales, de compétences et de moyens ont conduit les collectivités à trouver dans le modèle « entreprise publique locale » un vecteur de leurs projets communs qui se complexifiaient et requéraient une compétence technique particulière ainsi qu'une impérative réactivité et une robustesse à tout épreuve.

Plus récemment, les Sem, Spl et SemOp ont par exemple affiché un très haut degré de résilience, hier au cours de la crise sanitaire et aujourd'hui dans la crise énergétique et mondiale. Cette résilience accrue a notamment permis aux services publics locaux de continuer à offrir un accompagnement de qualité aux citoyens en temps de crise, alors que de nombreuses perturbations venaient fragiliser voire remettre en cause des pans entiers du tissu socio-économique local.

Les entreprises publiques locales se trouvent être les fers de lances des territoires dans ce contexte particulier, parfois incertain, et c'est à ce titre qu'il apparait nécessaire de sécuriser leur environnement juridique, lui-même quelques fois incertain, dans le but que ces dernières puissent déployer sereinement leurs atouts pour les collectivités : souplesse, réactivité et transparence.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

L'article 1 er vise à la création d'une société publique locale hospitalière, venant renforcer la gamme des entreprises publiques locales. Cet article propose à cet effet d'ajouter un nouvel article L. 6141-1-1 au Code la santé publique permettant à un ou plusieurs établissements publics de santé, avec une ou plusieurs collectivités territoriales, de créer une société publique locale dédiée à la réalisation des missions annexes aux soins, tels que la gestion, la construction et la maintenance du parc immobilier, le stationnement, les crèches et la petite enfance, la restauration collective, les réseaux de chaleurs ou encore l'exploitation des services de blanchisserie.

Elles n'ont pas vocation à gérer les activités liées aux soins, au socio-médical ou au paramédical, et seules les fonctions logistiques et supports entrent dans leur champ de compétence. Il s'agit d'un nouvel outil attendu de coopération territoriale sous la forme d'une société publique locale. Le besoin d'association entre les hôpitaux et les collectivités via une structure souple se fait en effet grandissant et l'article L. 6141-1 du code de la santé publique mentionne que « Les collectivités territoriales participent à [la] gouvernance [des établissements publics de santé]. Elles sont étroitement associées à la définition de leurs stratégies afin de garantir le meilleur accès aux soins et la prise en compte des problématiques de santé dans les politiques locales. »

Ayant un actionnariat intégralement composé de collectivités territoriales et de groupements de collectivités territoriales, exerçant leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires, les sociétés publiques locales constituent des opérateurs économiques qui, tout en bénéficiant de la souplesse de fonctionnement des sociétés anonymes, sont pleinement soumises au contrôle de leurs actionnaires.

Une telle structure de coopération territoriale renforcera assurément la possibilité de mutualiser les ressources entre les collectivités et les établissements publics de santé, de porter une ingénierie logistique des services annexes aux soins dans le respect des prérogatives reconnues à chaque instance composant la gouvernance des hôpitaux. En outre, la capacité de cette société publique locale à porter une ingénierie d'aménagement et patrimoniale permettra d'intégrer encore plus l'hôpital dans la ville et concourra à l'objectif de sobriété foncière et de cohérence du bâti urbain.

Cet outil nourrira in fine les buts d'amélioration des conditions de travail du personnel soignant et de renforcement de la qualité de l'accompagnement des patients. Par ailleurs, cette nouvelle forme de société publique locale pourrait d'ailleurs constituer l'occasion idoine pour mettre en oeuvre les recommandations de la Cour des Comptes émises dans ses rapports de 2012 et de 2013 relatifs à la gestion du patrimoine immobilier des hôpitaux.

Au regard du rôle joué par les hôpitaux dans les territoires, largement reconnu dans le cadre de la crise sanitaire liée à la COVID-19, de l'enjeu des parties prenantes du plan de relance d'optimiser leur patrimoine et sa rénovation énergétique, et de l'engagement pris par le Président de la République de doter l'hôpital public de moyens conséquents, il est donc proposé d'offrir aux établissements publics de santé et aux collectivités territoriales le moyen de créer des sociétés publiques locales hospitalières.

L'article 2 vise à éviter le déport des élus concernés lorsque ces derniers se prononce au sein de leur assemblée délibérante sur l'octroi d'une garantie d'emprunt à une société d'économie mixte, une société publique locale ou une société d'économie mixte à opération unique, ce qui est notamment déjà possible concernant les avances en comptes courant d'associés.

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 portant déconcentration, décentralisation, différenciation et simplification de l'action publique (dite « loi 3 DS ») a apporté une première réponse à une attente prioritaire des élus locaux, en clarifiant et en sécurisant le statut de l'élu représentant de sa collectivité territoriale dans les organes de gouvernance d'une personne morale de droit public ou privé. Le nouveau cadre juridique prévoit un dispositif de déport des élus pour certaines délibérations de leur collectivité.

Toutefois, il convient d'éviter que le régime de déport prévu par cette loi ne s'applique pour les actes courants entre une collectivité et toute personne morale de droit public ou privé au sein de laquelle des élus représentent leur collectivité en application de la loi.

Cet article de sécurisation prévoit donc que les élus concernés peuvent participer aux décisions relatives à l'attribution d'une garantie d'emprunt par leur collectivité, acte courant et régulier entre une collectivité et ses opérateurs. Il convient de préciser que les conditions dans lesquelles interviennent les garanties d'emprunt sont par ailleurs précisément encadrées par le code général des collectivités territoriales.

L'article 2 permet en outre de concilier l'exigence déontologique et le bon fonctionnement des collectivités, en précisant le dispositif de déport prévu par le code général des collectivités territoriales. Il permet expressément aux élus concernés par une obligation de déport de demeurer en séance, c'est-à-dire de rester dans la salle sans prendre part ni au débat ni au vote. Cette disposition adapte le dispositif de déport à la réalité du fonctionnement des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et apporte une réelle sécurité juridique aux élus.

En effet, la simple mention dans les articles L.1111-6 et L.1524-5 du code général des collectivités territoriales d'une  « absence de participation » aux décisions ou aux délibérations de la collectivité introduit à ce jour une incertitude sur la présence physique des élus concernés en assemblée lors des débats et du vote. Or la pratique quotidienne des collectivités peut conduire à ce qu'une telle sortie n'ait pas lieu ou ne soit pas enregistrée par le compte-rendu de la séance, alors que l'élu n'aurait pas pris part au vote ni aux débats.

L'article 2 sécurise donc ces dispositions en précisant leurs modalités pratiques.

Enfin, cet article propose de ne plus soumettre à obligation de déport par un élu sa simple nomination en tant que représentant de la collectivité dans un organisme extérieur, le déport s'imposerait toujours pour toute rémunération éventuelle des fonctions en cause.

Si ce régime précédemment évoqué prévoit avec justesse un déport sur les votes autorisant les élus à être rémunérés dans ces structures, il n'est pas évident que les élus disposent toujours d'un intérêt personnel à représenter la collectivité indépendamment de toute rémunération spécifique. L'intérêt moral qu'ils peuvent en retirer ne justifie pas la mise en place d'une procédure stricte de gestion des conflits d'intérêts, les intérêts de la collectivité n'étant pas susceptibles d'être impactés.

Au contraire, cette procédure de déport peut rendre très fastidieuses les séances de désignation. En particulier, les assemblées se tenant à la suite des élections sont largement consacrées à un ensemble de nominations dans des organismes et partenaires extérieurs qui peuvent être très nombreuses. Ceci se traduirait par des entrées et sorties des élus concernés permanentes. Pour des raisons similaires, la loi a prévu d'exclure le vote du budget de toute obligation de déport, au vu de l'ensemble des éléments susceptibles d'être concernés dans une discussion budgétaire. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans son rapport sur l'année 2021, fait le même constat et appelle à une réflexion sur la nécessité de soumettre à déport les désignations sans rémunération.

L'article 3 assure que les élus qui exercent une représentation obligatoire au sein des filiales de Sem bénéficient du régime de protection indispensable de l'économie mixte locale.

La loi « 3 DS » a prévu une représentation de principe des sociétés d'économie mixte locales au sein de l'assemblée des associés ou des actionnaires, et du conseil d'administration ou de surveillance de leurs filiales société anonyme, par un ou plusieurs élus membres de leur conseil d'administration ou de surveillance.

Toutefois, à la suite d'un amendement de coordination incomplet dans la discussion du texte, le code général des collectivités (CGCT) n'accorde pas expressément aux élus concernés le bénéfice du dispositif de protection prévu pour les élus représentant leur collectivité dans une personne morale de droit public ou privé, mettant ainsi ces élus dans une insécurité juridique forte.

L'article 3 prévoit en outre que les élus qui exercent un mandat optionnel dans tout type de filiale ou de participation de Sem, sont désignés pour ce faire par le conseil d'administration ou de surveillance de cette Sem et sont soumis à l'ensemble du régime de protection et de contrôle de l'économie mixte locale dans le cadre de l'article L.1524-5-3 du CGCT.

L'article L. 1524-5-3 prévoit également la possibilité pour les élus membres d'un conseil d'administration ou de surveillance d'une société d'économie mixte locale de se voir rémunérer pour occuper divers mandats au sein de tout type de filiale ou de participation de la Sem.

Toutefois, le code général des collectivités n'accorde pas aux élus concernés le bénéfice du dispositif de protection prévu pour les élus représentant leur collectivité dans une personne morale de droit public ou privé, mettant ainsi les élus dans une insécurité juridique forte.

L'article 4 sécurise l'intervention des sociétés d'économie mixte locale en indiquant que seule la collectivité actionnaire de référence doit donner son accord exprès pour la création des filiales spécifiquement dédiées à un projet.

La volonté d'un meilleur contrôle des groupes d'économie mixte locale par leurs collectivités actionnaires a conduit dans la loi dite 3DS du 21 février 2022 à un renforcement important du dispositif d'autorisation exprès des prises de participations par ces dernières, en l'étendant aux participations indirectes et aux sociétés civiles. Une telle extension met cependant en péril l'activité de sociétés d'économie mixte notamment dans les domaines des énergies renouvelables et de l'immobilier, où chaque opération est conclue sous la forme d'une société de projet commerciale ou civile très réactive.

En effet ces dispositions conduisent à alourdir très considérablement les délais et les procédures du partage du risque de cette opération avec d'autres investisseurs à travers la technique contractuelle de la société de projet, dès lors que toutes les collectivités territoriales présentes au conseil d'administration doivent donner leur accord.

Ainsi, il est précisé dans le code général des collectivités territoriales que seule la collectivité territoriale actionnaire de référence de la Sem donne son accord pour la création de telles sociétés dédiées, et non plus l'ensemble des collectivités ayant un siège au conseil d'administration de la Sem.

L'article 5 permet aux collectivités territoriales de soutenir les projets d'énergies renouvelables (EnR) en garantissent l'intégralité des emprunts contractés par une société d'économie mixte, une société publique locale ou une société d'économie mixte à opération unique dans l'optique de mettre en oeuvre un projet EnR.

Le financement des énergies renouvelables constitue un enjeu majeur des collectivités territoriales. Nombre d'entre elles s'appuient sur des entreprises publiques locales pour mettre en oeuvre cette politique publique impérative en temps de sobriété énergétique et de décarbonation des énergies.

Les projets portés par les Epl d'énergies renouvelables sont majoritairement financés par le recours aux prêts bancaires, que les collectivités actionnaires peuvent garantir à hauteur de 50 % en application du droit commun. Pourtant, ces projets EnR (construction d'une éolienne, installation de panneaux photovoltaïques etc.) disposent d'un risque bien plus identifié et circonscrit que des projets d'aménagement ou de logement social, pour lesquels le seuil de la garantie d'emprunt des collectivités peut respectivement atteindre 80% et 100% de l'emprunt contracté.

Permettre aux collectivités de garantir la totalité de l'emprunt d'une Epl d'énergies renouvelables est un moyen supplémentaire de faciliter le financement de projets essentiels dont chaque territoire a aujourd'hui impérativement besoin.

Dans cette même optique, l'article 5 permet par ailleurs que l'avance en compte courant d'associé octroyée par les collectivités actionnaires d'une Sem, Spl ou SemOp exerçant une activité d'EnR ne soit remboursable ou intégrée au capital qu'à l'issue d'un délai de 7 ans renouvelable une fois.

Les articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 CGCT prévoient de manière dérogatoire que la durée des avances en compte courant données par une collectivité peut être de sept ans renouvelable une fois au lieu de deux, lorsque l'objet social de la société concernée est uniquement la production d'énergies renouvelables ou d'hydrogène renouvelable ou bas-carbone définis à l'article L. 811-1 du code de l'énergie par des installations situées sur leur territoire, et qui bénéficient d'un soutien public.

Or nombre de territoires passent par l'intermédiaire d'une entreprise publique locale d'énergie pour développer les projets locaux, qui d'une part n'ont pas pour seul objet l'investissement dans des sociétés de projet de production mais peuvent également développer des réseaux (bornes de recharge, etc...) tandis que d'autres ne se contentent pas en général de porter les investissements mais assurent pour partie l'ingénierie du projet de manière à en garantir le caractère d'intérêt général.

L'article 5 prévoit donc dans un second temps d'allonger pour les Sem, Spl et SemOp la durée des avances en compte courant à sept ans lorsque leur objet social prévoit notamment la production d'énergies renouvelables.

L'article 6 porte l'objectif de rétablir l'égalité de traitement entre les différents concessionnaires d'aménagement dans le cadre du régime de passation de leurs contrats conclus en exécution d'une concession d'aménagement.

L'exécution d'un contrat de concession d'aménagement implique la conclusion par le concessionnaire de nombreux contrats, appelés communément « sous-contrats ». Il s'agit de marchés de maîtrise d'oeuvre, d'assistance à maitrise d'ouvrage, et surtout de travaux (démolition, désamiantage, VRD...).

À ce jour, le code de l'urbanisme prévoit deux régimes distincts de passation des « sous-contrats ». Lorsque le concessionnaire est un pouvoir adjudicateur, la passation des sous-contrats doit répondre aux dispositions du code de la commande publique alors que lorsque ce n'est pas le cas, leur passation est soumise à une procédure ad hoc qu'il définit librement en application du code de l'urbanisme.

Cette différence de traitement induit une inégalité entre les candidats à l'attribution d'une concession d'aménagement puisque certains se prévalent à l'égard de la collectivité concédante d'un moindre formalisme dans la passation de leurs sous-contrats, c'est-à-dire de plus de souplesse dans l'exécution de la concession.

L'objectif de la présente disposition est de rétablir l'égalité entre les entreprises qui sont concessionnaires d'aménagement en soumettant systématiquement la passation des sous-contrats aux dispositions du code de la commande publique. Cette évolution présente de surcroît l'avantage de développer la transparence et l'accès à la commande publique pour des opérations très souvent financées par les collectivités concédantes.

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