N° 205

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 février 2006

PROJET DE LOI

relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives,

PRÉSENTÉ

au nom de M. DOMINIQUE DE VILLEPIN,

Premier ministre,

par MME MICHÈLE ALLIOT-MARIE,

ministre de la défense

( Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Justice.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans sa résolution 1196 (1998) adoptée le 16 septembre 1998, le Conseil de sécurité des Nations Unies a encouragé chaque État membre à envisager d'adopter, pour s'acquitter de leurs obligations de respecter les embargos imposés par le Conseil, des mesures législatives érigeant en infraction pénale leur violation.

On dénombre de nombreux embargos ou autres mesures restrictives, édictés soit par le Conseil de sécurité des Nations Unies soit par le Conseil de l'Union européenne, qui portent sur des interdictions ou des restrictions qui ne se bornent plus exclusivement aux matériels de guerre.

Par cet élargissement des embargos ou d'autres mesures restrictives à des activités de nature commerciale, économique ou financière, mais aussi à des actions de formation, de conseil ou d'assistance technique avec un État, une entité, des personnes physiques ou morales, les dispositions répressives prévues au code de la défense ou au code des douanes, pertinentes s'agissant de matériels de guerre, ne peuvent pas s'appliquer.

Le présent projet vise donc à créer une nouvelle incrimination insérée dans le code pénal, qui donne une définition à la fois de ce qu'il faut entendre en droit interne par « embargo ou autres mesures restrictives » et des sources, nationales ou internationales, dans lesquelles elles trouvent leur fondement.

En ce qui concerne un embargo ou une autre mesure restrictive pour lesquelles les interdictions ou restrictions sont énoncés dans une norme de droit positif, telle que la loi, un règlement communautaire ou un accord international régulièrement ratifié ou approuvé et qui serait d'effet direct, toute violation des interdictions ou restrictions ainsi énoncées entraînera les pénalités prévues à l'article 437-1 du code pénal.

S'agissant d'un embargo ou d'une autre mesure restrictive pour lesquelles les interdictions ou restrictions sont énoncées par un acte qui n'est pas directement applicable, par exemple une décision du Conseil de sécurité des Nations Unies non reprise dans un règlement communautaire, l'autorité administrative compétente fixera les conditions nécessaires à l'application des mesures d'interdiction ou de restriction pour les rendre applicables et passibles des sanctions prévues à l'article 437-1 du code pénal.

La mise en oeuvre effective d'un dispositif de sanction en matière de violation d'embargos est susceptible de se heurter au principe de rétroactivité in mitius , qui fait appliquer la nouvelle loi pénale plus douce dès son entrée en vigueur aux crimes et délits commis antérieurement à son adoption. En l'espèce, ce n'est pas l'incrimination de violation d'embargo qui aura disparu lorsqu'un embargo aura été levé, mais la seule norme d'appui mettant en oeuvre un embargo particulier. En conséquence, le principe de rétroactivité in mitius ne s'applique pas. Toutefois, pour éclairer le juge, il a paru nécessaire de préciser que les délinquants pourraient être poursuivis et jugés même après la fin d'un embargo pour des faits commis lorsque cet embargo était en vigueur. Ceci est indiqué à l'article 437-1 du code pénal et dans un article 440-1 du code des douanes, afin d'assurer une sanction effective des infractions résultant en grande partie des engagements internationaux de la France.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de la défense,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre de la défense, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

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Article 1 er

Il est créé au titre III du livre quatrième du code pénal un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« DE LA VIOLATION DES EMBARGOS ET AUTRES MESURES RESTRICTIVES

« Art. 437-1. - I. - Constitue un embargo ou une mesure restrictive au sens du présent chapitre le fait d'interdire ou de restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d'assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne, en application, soit :

« 1° De la loi ;

« 2° D'un acte pris sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne ou du traité sur l'Union européenne ;

« 3° D'un accord international régulièrement ratifié ou approuvé ;

« 4° D'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.

« II. - Le fait de ne pas respecter un embargo, une mesure restrictive est puni d'une peine de sept ans d'emprisonnement et de 750 000 € d'amende.

« Toutefois, la peine d'amende peut être fixée au double de la somme sur laquelle a porté l'infraction.

« La tentative des infractions prévues au présent article est punie des mêmes peines.

« III. - L'abrogation, la suspension ou l'expiration d'un embargo ou d'une mesure restrictive ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l'exécution de la peine prononcée ».

Article 2

À l'article 414-2 du code pénal, les mots : « 411-9 et 412-1 » sont remplacés par les mots : « 411-9, 412-1 et 437-1 ».

Article 3

La section 3 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complétée par un paragraphe 4 ainsi rédigé :

« Paragraphe 4

« De la violation des embargos et autres mesures restrictives

« Art. 440-1 . - L'abrogation, la suspension ou l'expiration d'un embargo ou d'une mesure restrictive tels qu'ils sont définis par l'article 437-1 du code pénal, ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions prévues par le présent code qui ont été commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l'exécution de la peine prononcée. »

Article 4

Les articles 1 er et 2 de la présente loi, outre leur application à Mayotte, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Wallis et Futuna.

Fait à Paris, le 15 février 2006

Signé : DOMINIQUE DE VILLEPIN

Par le Premier ministre :

Le ministre de la défense,

Signé : MICHÈLE ALLIOT-MARIE

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