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N° 167

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de l' accord sur la création d'un espace aérien commun entre l' Union européenne et ses États membres et la République de Moldavie ,

PRÉSENTÉ

au nom de M. Jean-Marc AYRAULT,

Premier ministre

Par M. Laurent FABIUS,

ministre des affaires étrangères

(Envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'Union européenne, ses États membres et la République de Moldavie ont signé le 26 juin 2012 un accord sur la création d'un espace aérien commun.

I - Contexte de l'accord avec la République de Moldavie

L'accord sur la création d'un espace aérien commun avec la République de Moldavie s'inscrit dans le cadre de la « feuille de route » adoptée par le Conseil de l'Union européenne en juin 2005 qui vise à développer la politique extérieure de l'Union européenne dans le domaine de l'aviation civile.

Un des objectifs de cette politique est la création d'espaces aériens communs avec les pays de la politique européenne de voisinage afin, d'une part, de faciliter les déplacements et favoriser les échanges et, d'autre part, d'harmoniser les règles applicables au transport aérien sur la base de la législation européenne.

Dans ce cadre de la politique européenne de voisinage, des accords de transport aérien ont d'ores et déjà été signés avec les pays des Balkans occidentaux, l'Islande et la Norvège 1 ( * ) et avec le Maroc 2 ( * ) en 2006, puis avec la Géorgie 3 ( * ) et la Jordanie 4 ( * ) en 2010.

Une distinction est opérée parmi les pays du voisinage entre les partenaires orientaux de l'Union européenne, généralement engagés de longue date dans une coopération paneuropéenne dans le domaine du transport aérien et avec lesquels une intégration plus poussée peut être envisagée à moyen terme, et les autres partenaires du pourtour méditerranéen. À plus long terme, la Commission européenne ambitionne de fusionner les accords passés avec chacun de ces pays en vue de créer un vaste espace aérien unique à l'intérieur duquel les normes européennes s'appliqueront aux services de transport aérien de passagers et de marchandises.

La Commission européenne a négocié, pour le compte de l'Union européenne et de ses États membres, les termes de cet accord avec la République de Moldavie en vertu d'une décision du Conseil de l'Union européenne du 16 juin 2011. Débutées en juillet 2011, les discussions ont rapidement abouti à la finalisation d'un projet d'accord paraphé le 26 octobre 2011 à Chisinau. Le texte signé avec la République de Moldavie reprend les principes et l'architecture des accords de voisinage précédemment conclus avec le Maroc, la Géorgie et la Jordanie.

Se substituant aux accords bilatéraux entre les États membres et la République de Moldavie, cet accord assure un cadre juridique unique pour l'exploitation des services aériens entre l'Union européenne et le territoire moldave.

L'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres et la République de Moldavie sécurise les opérations de transport aérien entre la France et la Moldavie, le projet d'accord bilatéral relatif aux transports aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie négocié en juillet 1999 n'ayant pas été signé.

II - Portée de l'accord avec la République de Moldavie

Sur le fond, cet accord met en place les conditions d'une ouverture progressive des relations aériennes entre l'Union européenne et la République de Moldavie corrélée à la reprise et à l'application par la République de Moldavie d'une part substantielle de l'acquis communautaire en matière de transport aérien.

L'harmonisation des réglementations sur les normes européennes garantit aux usagers du transport aérien l'application de normes parmi les plus exigeantes, notamment dans des domaines comme la sécurité ou la sûreté, assure la mise en oeuvre de réglementations protectrices dans le domaine des droits des passagers et participe à la mise en place d'un environnement concurrentiel équitable au profit des opérateurs, corollaire indispensable de l'ouverture des marchés.

L'accord comporte vingt-neuf articles ainsi que quatre annexes parties intégrantes de l'accord.

L' article 1 er définit les termes employés dans l'accord.

Le titre I er est consacré aux dispositions économiques (articles 2
à 13) :

Les droits commerciaux des transporteurs aériens pour l'exploitation des services aériens internationaux sont fixés à l' article 2 ; les entreprises de transport aérien d'une Partie peuvent survoler le territoire de l'autre Partie, y faire des escales non commerciales et embarquer ou débarquer des passagers, des bagages, du fret et du courrier dans les limites permises à l'annexe I alors que l'annexe II, relative aux dispositions transitoires, organise la progressivité de l'ouverture du marché.

Les droits de cabotage (droits commerciaux entre deux points du territoire d'un État) sont explicitement exclus du champ des droits ouverts.

Les articles 3 et 5 établissent les conditions selon lesquelles les Parties contractantes délivrent les autorisations d'exploiter des services aériens aux transporteurs (article 3) et refusent, révoquent, suspendent ou limitent lesdites autorisations (article 5).

L' article 4 pose le principe de la reconnaissance mutuelle des déclarations des autorités compétentes relatives, d'une part, à l'aptitude des transporteurs aériens (c'est-à-dire leur capacité à exploiter des services aériens internationaux compte tenu notamment de leur solidité financière) et, d'autre part, à la nationalité économique des transporteurs aériens ( i.e. nationalité des intérêts détenant et contrôlant ces entreprises).

L' article 6 pose le principe d'une ouverture asymétrique de l'investissement dans les transporteurs aériens. Nonobstant les dispositions des articles 3 et 5, les compagnies aériennes moldaves pourront être détenues et contrôlées par des intérêts européens ; en revanche, l'ouverture de l'investissement dans les transporteurs européens aux intérêts moldaves est conditionnée à une décision du comité mixte, permettant à la partie européenne d'avaliser ce type d'opération.

L' article 7 confirme l'applicabilité des dispositions législatives et réglementaires d'une Partie contractante aux aéronefs, aux passagers, aux membres d'équipage et au fret, y compris au courrier, de l'autre Partie lorsqu'ils entrent, séjournent ou quittent leur territoire.

L'objectif de mettre en place les conditions d'une concurrence loyale pour l'exploitation des services aériens, notamment par l'absence de subventions publiques non justifiées, est affirmé à l' article 8 qui préserve toutefois la possibilité de subventionner certains services aériens dans le cadre des obligations de service public.

L' article 9 , relatif aux activités commerciales, vise à garantir aux entreprises de transport aérien le bénéfice effectif des avantages prévus par l'accord en éliminant les entraves à la conduite des affaires. À cet effet, l'article 9 précise les conditions applicables à certains aspects de l'activité des compagnies aériennes, notamment les garanties qui s'appliquent aux représentants des transporteurs aériens de l'une des Parties sur le territoire de l'autre Partie, ou les règles qui encadrent les services d'assistance en escale, la coopération interentreprises ou les opérations de location d'aéronefs.

L' article 10 , relatif aux droits de douane et taxes, prévoit les exemptions en matière de droits de douane et de taxes que s'accordent mutuellement les Parties contractantes. Il préserve cependant le droit pour chacune des Parties de mettre en place des impôts, droits, taxes ou redevances sur le carburant fourni sur son territoire en vue de l'exploitation d'une liaison entre deux points de son territoire.

L' article 11 , relatif aux redevances imposées pour l'usage des aéroports, des infrastructures et des services aéronautiques, définit les principes auxquels doivent satisfaire les redevances d'usage, notamment l'égalité de traitement. L'article 11 prévoit également les modalités de consultation et d'information des utilisateurs, spécialement lorsque des modifications de ces redevances sont envisagées.

La liberté de fixation des tarifs des services aériens est un principe énoncé à l' article 12 . Le dépôt des tarifs ou leur notification ne peuvent être imposés, ce qui participe à l'allègement des procédures auxquelles sont soumises les compagnies aériennes.

L' article 13 organise l'échange de données statistiques.

Le titre II (articles 14 à 20) traduit la volonté d'harmoniser les normes applicables au transport aérien sur les règles européennes :

En application des articles 14 à 20 , les Parties contractantes s'engagent à se conformer aux dispositions du droit européen régissant certains domaines du transport aérien comme la sécurité et la sûreté aériennes, la gestion du trafic aérien, l'environnement, la protection des consommateurs, les systèmes informatisés de réservation et les aspects sociaux. L'inventaire du droit applicable est dressé à l'annexe III « Règles applicables à l'aviation civile » de l'accord.

Plus spécialement :

- l' article 14 , relatif à la sécurité aérienne, prévoit une coopération renforcée avec la République de Moldavie qui sera associée, dans un premier temps en qualité d'observateur, aux travaux de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) ;

- s'agissant de la sûreté aérienne, l' article 15 autorise la Commission européenne à mener des inspections sur le territoire moldave conformément à la législation ad hoc de l'Union européenne ; les dispositions habituelles visant à garantir la sûreté de l'aviation civile, notamment le respect des différents traités internationaux relatifs à la sûreté, sont reprises dans l'article 15 ;

- une coopération spécifique dans le domaine de la gestion du trafic aérien est prévue à l' article 16 en vue d'élargir les bénéfices du « Ciel unique européen » à la République de Moldavie ; celle-ci sera associée en qualité d'observateur aux travaux du comité du « Ciel unique européen » chargé d'assister la Commission européenne dans la gestion du ciel unique et de veiller à ce qu'il soit tenu dûment compte des intérêts de toutes les catégories d'usagers de l'espace aérien.

Les coopérations prévues dans ces différents domaines doivent faciliter la reprise et l'application de l'acquis communautaire par la République de Moldavie.

- L'importance de protéger l'environnement dans le cadre du développement et de la mise en oeuvre des politiques relatives à l'aviation est un principe énoncé à l' article 17 ; la nécessité de prendre des mesures afin de réduire les incidences de l'aviation civile sur l'environnement est également affirmée, la possibilité d'imposer unilatéralement de telles mesures étant prévue sous certaines conditions.

Le titre III est consacré aux dispositions institutionnelles (articles 21 à 29) :

En vertu de l' article 21 , relatif à l'interprétation et au contrôle de l'application de l'accord, les dispositions de l'accord et des actes énumérés à son annexe III sont interprétées conformément aux actes pertinents de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Commission. Les principes essentiels concourant à la mise en oeuvre de l'accord sont également énoncés à l'article 21.

Un comité mixte est créé par l' article 22 . Composé de représentants des Parties, il est responsable de l'administration de l'accord et de sa mise en oeuvre. Le comité mixte est également chargé de surveiller le retrait progressif du registre des immatriculations de la République de Moldavie des aéronefs ne répondant pas aux exigences européennes en termes de certification. Lieu de concertation, le comité mixte est également la première étape dans la procédure de règlement de conflits pouvant potentiellement survenir à l'occasion de l'interprétation ou de l'application de l'accord.

L' article 23 , relatif au règlement des différends et à la procédure d'arbitrage, prévoit, dans le cas où un différend n'a pas trouvé de solution au niveau du comité mixte, la possibilité de recourir à un tribunal arbitral.

Sous certaines conditions, une Partie peut recourir à des mesures de sauvegarde conformément aux conditions posées à l' article 24 .

En vertu de l' article 25 , relatif aux relations avec d'autres accords, les dispositions de l'accord sur la création d'un espace aérien commun avec la République de Moldavie prévalent sur les dispositions des accords bilatéraux conclus entre les États membres et la République de Moldavie. Toutefois, les droits commerciaux desdits accords bilatéraux qui seraient plus favorables sont maintenus. L'article 25 ouvre également la voie d'une adhésion de la République de Moldavie à l'accord multilatéral signé en mai 2006 avec les pays des Balkans occidentaux, l'Islande et la Norvège sur la création d'un espace aérien commun européen (EACE).

Les articles 26 à 29 reprennent les éléments habituels du droit des traités relatifs aux amendements, à la dénonciation, à l'enregistrement et à l'entrée en vigueur d'un accord international.

De surcroît :

- l' article 26 , relatif aux amendements, attribue au comité mixte la mission d'évaluer la compatibilité des modifications survenues dans la législation des Parties contractantes dans le domaine du transport aérien avec les dispositions de l'accord et d'adopter en conséquence les décisions ou recommandations nécessaires pour préserver le bon fonctionnement de l'accord ;

- l' article 29 , paragraphe 2, prévoit l'application provisoire de cet accord avec la République de Moldavie sous réserve du respect du droit interne des Parties. En ce qui concerne la France, une telle application provisoire sera possible dès que la procédure de ratification aura été accomplie.

Les quatre annexes:

L' annexe I , relative aux services agréés et aux routes spécifiées, précise les possibilités d'exploitation offertes aux entreprises de transport aérien et, dans ce cadre, pose le principe de l'absence de restriction sur l'offre de services.

Les transporteurs aériens européens pourront desservir librement, au départ de tout aéroport de l'Union européenne, tout aéroport sur le territoire moldave (droits dits de troisième et de quatrième libertés) ; dans un second temps, en fonction du degré d'harmonisation des réglementations, ils pourront également exploiter des services via un point intermédiaire dans une liste définie de pays tiers 5 ( * ) , ou au-delà du territoire moldave vers n'importe quel pays tiers, avec la possibilité d'embarquer et de débarquer des passagers et du fret dans ces pays (droits dits de cinquième liberté). Les transporteurs moldaves bénéficieront des mêmes opportunités, l'exercice des droits de cinquième liberté étant toutefois limité aux points intermédiaires.

L'annexe I dresse également la liste des souplesses d'exploitation dont bénéficient les transporteurs aériens pour optimiser les services qu'ils exploitent.

L' annexe II , relative aux dispositions transitoires, établit un lien entre la reprise de l'acquis communautaire par la République de Moldavie et le degré d'ouverture du marché. Ainsi, l'extension des opportunités commerciales aux vols dits de cinquième liberté est subordonnée à une décision du comité mixte validant la reprise et l'application de l'acquis communautaire par la République de Moldavie. L'acquis en matière de sûreté aérienne fait l'objet d'une procédure distincte.

L'annexe II organise également la sortie progressive du registre des immatriculations de la République de Moldavie des aéronefs qui ne détiennent pas de certificat de type délivré par l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA). Sans cette disposition, les opérateurs moldaves auraient été privés, dès l'application de la réglementation européenne concernée, de l'usage d'une part substantielle de leur flotte d'aéronefs.

L' annexe III , relative aux règles applicables à l'aviation civile, dresse la liste des règles communautaires en matière d'accès au marché, de gestion du trafic aérien, de sécurité aérienne, de sûreté aérienne, d'environnement, de temps de travail pour certaines catégories de personnel du secteur aérien, de protection des consommateurs et de systèmes informatisés de réservation que la République de Moldavie s'engage à reprendre progressivement et à appliquer dans le cadre de cet accord. En application de l'article 26 « Amendements », le comité mixte peut décider de la modification de l'annexe III, ce qui autorise la mise à jour du droit européen applicable.

L' annexe IV énumère les quatre États (la République d'Islande, la Principauté de Liechtenstein, le Royaume de Norvège et la Confédération suisse) auxquels il est fait référence à l'article 3 « Autorisation » et à l'article 5 « Refus, révocation, suspension ou limitation d'autorisation » de l'accord. En vertu de l'accord sur l'Espace économique européen et de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien, les transporteurs aériens européens peuvent être détenus et contrôlés par ces quatre États ou des ressortissants de ces États.

La République d'Islande, la Principauté de Liechtenstein, le Royaume de Norvège et la Confédération suisse sont également des pays inscrits aux routes spécifiées de l'annexe I.

Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres et la République de Moldavie qui, pouvant être regardé comme un accord de commerce et comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres et la République de Moldavie, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres et la République de Moldavie (ensemble quatre annexes), signé à Bruxelles le 26 juin 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 20 novembre 2013

Signé : JEAN-MARC AYRAULT

Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,

Signé : LAURENT FABIUS


* 1 Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, la République d'Albanie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-et-Herzégovine, la République de Bulgarie, la République de Croatie, la République d'Islande, la République de Monténégro, le Royaume de Norvège, la République de Serbie et la Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo sur la création d'un espace aérien commun européen (accord EACE).

* 2 Accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part.

* 3 Accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part.

* 4 Accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part.

* 5 Les points intermédiaires prévus à l'accord sont : les pays de la politique européenne de voisinage (l'Algérie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, le Belarus, l'Egypte, la Géorgie, Israël, la Jordanie, le Liban, la Lybie, le Maroc, les territoires palestiniens occupés, la Syrie, la Tunisie et l'Ukraine), les pays de l'accord EACE, le Liechtenstein et la Suisse.

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