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N° 565

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 mai 2012

PROPOSITION DE LOI

relative au délit de harcèlement sexuel ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Chantal JOUANNO, M. Alain GOURNAC, Mmes Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Marie-Thérèse BRUGUIÈRE et M. Antoine LEFÈVRE,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article 222-33 du code pénal relatif au délit de harcèlement sexuel , dans une décision rendue le 4 mai 2012, suite à sa saisie par la Cour de cassation, le 29 février 2012, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Gérard D.

Le délit de harcèlement sexuel a été introduit dans le code pénal en 1992 et défini alors comme « le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ».

La loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs avait ajouté les « pressions graves » à la liste des actes au moyen desquels le harcèlement pouvait être commis.

Or, la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale avait modifié cette définition pour élargir le champ de l'incrimination, en supprimant toutes les précisions relatives aux actes par lesquels le harcèlement pouvait être constitué ainsi qu'à la circonstance relative à l'abus d'autorité.

Cette définition ainsi épurée du harcèlement sexuel, caractérisé par le seul « fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle (...) » , permettait que le harcèlement sexuel puisse intervenir dans tout rapport humain, en dehors de toute relation hiérarchique, comme le législateur l'avait proposé pour le harcèlement moral qui était l'objet même du texte de modernisation sociale.

Par cohérence, l e législateur ne s'était pas contenté de supprimer la référence à l'abus d'autorité, mais avait également abrogé les précisions relatives aux moyens par lesquels le harcèlement sexuel pouvait être réalisé : la référence aux « ordres », « menaces », « contraintes » ou « pressions graves » avait depuis disparu. De tels agissements pouvaient pourtant tout à fait être réalisés par des personnes qui ne sont pas en situation de supériorité hiérarchique.

Rappelons que la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, définit le harcèlement et le harcèlement sexuel en ces termes :

« «Harcèlement» : la situation dans laquelle un comportement non désiré lié au sexe d'une personne survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

«  «Harcèlement sexuel» : la situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Afin de conformer notre législation à la décision du Conseil constitutionnel et au droit européen, nous souhaitons revenir à une définition plus claire du harcèlement sexuel.

Cette proposition de loi ne revient pas uniquement sur la définition du harcèlement sexuel mais va plus loin, en traitant cette infraction de façon rigoureuse.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article 222-33 du code pénal est ainsi rétabli :

« Art. 222-33 . - Constitue un harcèlement sexuel tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant. Le harcèlement sexuel est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. »

Article 2

Au premier alinéa de l'article 222-33-1 du code pénal, la référence : « 222-31 » est remplacée par la référence : « 222-33 ».

Article 3

Après l'article 222-33-1 du code pénal, il est inséré un article 222-33-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-33-1-1 . - L'infraction définie à l'article 222-33 est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende :

« - lorsque la personne exerçant le harcèlement est en position de pouvoir par rapport à la personne harcelée ;

« - lorsque qu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

« - lorsqu'elle est commise sous la menace d'une arme ou d'un animal ;

« - lorsque l'auteur ou les auteurs profitent de l'état de vulnérabilité notamment économique ou de sa déficience physique ou psychique. »

Article 4

L'article L. 1153-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant, à son profit ou au profit d'un tiers, est interdit. »

Article 5

Aux articles L. 1153-2, L. 1153-3, L. 1153-5 et L. 1153-6 du code du travail, les mots : « de harcèlement sexuel » sont remplacés par les mots : « interdits par l'article L. 1153-1 ».

Article 6

L'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun fonctionnaire ne doit subir tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant. »

2° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement sexuel visés au premier alinéa ; » ;

3° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorité hiérarchique prend toutes ses dispositions en vue de prévenir les actes visés au premier alinéa. »

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