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N° 748

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 août 2012

PROPOSITION DE LOI

relative à un meilleur encadrement du crédit à la consommation et au traitement du surendettement des particuliers ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Muguette DINI, MM. Jean-Paul AMOUDRY, Vincent CAPO-CANELLAS, Yves DÉTRAIGNE, Daniel DUBOIS, Mme Françoise FÉRAT, MM. Joël GUERRIAU, Hervé MAUREY, Jean-Claude MERCERON, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, MM. Gérard ROCHE et François ZOCCHETTO,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans le cadre d'un récent rapport 1 ( * ) , mesdames Muguette DINI et Anne-Marie ESCOFFIER ont procédé au nom de la commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois à une évaluation de la loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.

Cette loi est sans nul doute la plus structurante en matière de crédit à la consommation depuis la « loi Neiertz » 2 ( * ) .

Elle avait pour objectif que :

- l'emprunteur soit mieux éclairé,

- l'emprunteur soit mieux protégé,

- le prêteur soit davantage responsabilisé.

La loi du 1 er juillet 2010 n'a que partiellement rempli ce triple objectif. Le rapport précité souligne, en effet, des avancées importantes mais aussi des limites persistantes, qui entravent le développement d'un véritable crédit responsable.

1. Les avancées importantes de la loi du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation

a) En matière de crédit à la consommation

La loi a entraîné une restructuration profonde du crédit à la consommation, au travers principalement d'un encadrement des publicités, d'une refonte des contrats, d'une formation des vendeurs et de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur.

L'encadrement des publicités passe par le renforcement des mentions obligatoires qui doivent figurer dans une police de taille plus importante que les autres éléments publicitaires. Il s'agit des principales données du crédit, illustrées par un exemple représentatif, ainsi que de la mention « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager ». La loi interdit également aux publicités d'indiquer ou de sous-entendre que le crédit améliore la situation financière ou le budget de l'emprunteur.

La loi a entraîné une refonte des modèles de contrats diffusés par les établissements de crédit.

- Elle parle de « crédit renouvelable  et non plus de « crédit permanent », de « crédit revolving » ou de « réserve d'argent ».

- Le texte de loi a mis fin au « crédit qui ne se rembourse jamais », du fait des mensualités faibles remboursant principalement les intérêts. C'est pourquoi elle a limité dans le temps la durée de remboursement du crédit renouvelable, en instaurant une durée maximale de remboursement et en prévoyant que chaque échéance comprend obligatoirement un remboursement minimum de capital restant dû (36 mois la durée maximale de remboursement et 60 mois pour les montants supérieurs à 3 000 euros).

- Les offres de crédit doivent être plus lisibles, intégrant un encadré résumant les caractéristiques essentielles du crédit.

- Celles-ci doivent être plus complètes et se présentent en de véritables liasses contractuelles.

- La loi a plafonnée le montant des cadeaux et des offres promotionnelles associées à la conclusion d'un crédit.

La loi a imposé la formation des responsables de vente, des vendeurs de crédit et des vendeurs en magasins .

La loi du 1 er juillet 2010 a introduit la vérification de la solvabilité de l'emprunteur . Cette vérification passe par une consultation obligatoire du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). Elle prévoit surtout, pour tout crédit sur le lieu de vente ou conclu par Internet, l'obligation d'établir une fiche de dialogue, qui doit permettre d'évaluer la situation de l'emprunteur (niveau d'endettement, revenus, etc.). À partir de 1 000 euros, des pièces justificatives sont nécessaires pour corroborer cette fiche de dialogue.

b) En matière de traitement du surendettement des particuliers

La loi a souhaité accélérer les procédures afin d'éviter que la dette ne progresse durant le traitement du dossier de surendettement.

- La loi a donc imposé un délai d'examen de la recevabilité du dossier de 3 mois, contre 6 auparavant, disposition bien appliquée.

- Surtout, les commissions de surendettement peuvent décider directement un rééchelonnement de la dette ou un effacement des intérêts, sans passer par une procédure judiciaire.

- Enfin, une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été créée, lorsque la situation de la personne surendettée est « irrémédiablement compromise ». Celle-ci rend possible, de façon plus efficace, un effacement des dettes après une homologation par le juge.

La loi a voulu mieux protéger le débiteur dès lors que son dossier est déclaré recevable .

Cela passe par :

- la suspension des mesures d'exécution et le rétablissement le plus rapidement possible du droit aux allocations personnalisées au logement ;

- la réduction à cinq ans de la durée maximale d'inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) tenu par la Banque de France et à huit ans celle des mesures de redressement ;

- l'harmonisation, au plan national, du mode de calcul du budget « vie courante » ;

- un accompagnement social.

2. En dépit de ces avancées, la loi du 1 er juillet 2010 doit être complétée et améliorée.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi, qui reprend les préconisations du rapport d'information susvisé.

Le titre I er comprend des dispositions relatives au crédit à la consommation.

L'article 1 er propose de permettre aux services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de procéder à des contrôles de façon anonyme à la recherche d'infractions ou de manquements aux dispositions du livre III du code de la consommation, relatif à l'endettement.

L'article 2 interdit dans toute publicité, de proposer sous quelque forme que ce soit, des lots promotionnels et/ou des remises de prix liés à l'acceptation d'une offre de crédit.

L'article 3 interdit le démarchage commercial pour un crédit renouvelable. En effet, les sollicitations commerciales restent trop nombreuses, les établissements de crédit relançant leurs clients afin de les inciter à atteindre leur plafond de crédit.

L'article 4 interdit les cartes dites « confuses », qui sont des cartes de fidélité associées à des crédits renouvelables. Du fait de l'adossement à une carte de fidélité, les souscriptions de crédit renouvelable sont parfois liées à la simple volonté de disposer d'une carte de fidélité du magasin. Il convient de recentrer la carte de fidélité sur ce qu'elle doit récompenser : la fidélité d'un client à son magasin.

L'article 5 interdit toute rémunération du vendeur d'un bien en fonction des modalités de paiement choisies par l'acheteur. La loi a interdit que le vendeur soit rémunéré en fonction du type de crédit souscrit . Le présent texte propose d'aller plus loin et de délier efficacement le vendeur et le crédit. La souscription d'un crédit, amortissable ou renouvelable, ne doit pas être le résultat d'une pratique commerciale; elle doit être la solution proposée, par défaut, par le vendeur, lorsque le consommateur ne peut ou ne veut pas acheter au comptant .

L'article 6 renforce la vérification de la solvabilité de l'emprunteur et impose la présentation par ce dernier de justificatifs précisant la situation de ses ressources et de ses charges.

L'article 7 limite la durée des regroupements de crédit à huit ans, pour l'aligner sur celle des plans de redressement dans le cadre des procédures de surendettement.

L'article 8 propose de prolonger de deux à cinq ans la durée d'existence du comité de suivi et d'élargir sa compétence au suivi de l'évolution des utilisations de découverts bancaires. La diminution des utilisations de crédits renouvelables est en effet compensée par un report sur les utilisations des découverts bancaires. Cette évolution fait l'objet d'un suivi attentif des services du Trésor et de la Banque de France, en particulier dans le cadre du comité de suivi de la réforme de l'usure.

Le titre II comprend des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement.

Ainsi, l'article 9 prévoit que le Conseil général et la Caisse d'allocations familiales sont systématiquement représentés au sein des commissions de surendettement.

L'article 10 prévoit que le montant des créances figurant dans l'état définitif du passif comprendra les intérêts échus entre la décision de recevabilité et la date d'arrêt du passif.

Cette disposition garantira un apurement global des dettes du débiteur et complétera celles déjà prises dans le cadre de la du 1 er juillet 2010 qui, pour éviter que ne soient réclamés au débiteur, à l'issue des plans ou mesures de redressement, des intérêts ou des pénalités ayant couru entre la date d'arrêt du passif et celle de la mise en oeuvre des mesures d'apurement, dispose que les créances figurant dans le passif ne produisent pas d'intérêts et ne génèrent pas de pénalités pendant ce délai.

L'article 11 propose d'allonger à 18 mois la durée maximale de suspension des mesures d'exécution après la déclaration de recevabilité. En effet, ladite suspension est limitée, aux termes de la loi du 1 er juillet 2010, à un an. Toutefois, ce délai s'avère parfois trop court, en particulier lorsque plusieurs recours judiciaires ont été formés contre les décisions successives.

L'article 12 prévoit de fixer un délai pour la négociation du plan conventionnel, afin d'accélérer le traitement des situations de surendettement.

L'article 13 aligne dans tous les cas la durée maximale d'inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) sur celle des mesures de redressement. La possibilité, dans certains cas, de limiter à cinq ans l'inscription au FICP peut en effet inciter les débiteurs à souscrire de nouveaux crédits.

L'article 14 vise à mieux articuler la procédure de surendettement et le droit au logement.

Aujourd'hui, des ménages sont expulsés faute de n'avoir pas payé leurs loyers alors que la commission de surendettement leur interdit le paiement des dettes.

L'article 14 permet donc au juge d'autoriser le débiteur à payer ses dettes de loyer, ou les charges afférentes au remboursement de prêts contractés pour l'achat de son logement, malgré la décision de recevabilité et/ou l'ouverture d'une procédure de redressement personnel, dès lors que ce paiement permet le maintien dans le logement.

Cette disposition permet de tenir compte d'une autre réalité, celle des propriétaires, souvent des retraités modestes, qui ont besoin des loyers pour vivre.

L'article 15 prévoit un module d'éducation à la gestion du budget familial dans les programmes scolaires des premier et second degrés.

PROPOSITION DE LOI

TITRE I ER :

DISPOSITIONS RELATIVES AU CREDIT À LA CONSOMMATION

Article 1 er

Après le V de l'article L. 141-1 du code de la consommation, il est inséré un V bis ainsi rédigé :

« V bis . -  Lorsque la preuve de l'infraction ou du manquement ne peut être rapportée par un autre moyen, les agents habilités peuvent ne pas décliner leur qualité lorsqu'ils recherchent et constatent une infraction ou un manquement aux obligations mentionnées aux 4° à 8° du I, au plus tard jusqu'à la notification à la personne concernée de la constatation du manquement ou de l'infraction. »

Article 2

Au cinquième alinéa de l'article L. 311-5 du même code, après les mots : « lots promotionnels », sont insérés les mots : « ou remises de prix ».

Article 3

L'article L. 341-10 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Les opérations de crédit définies au premier alinéa de l'article L. 311-16 du code de la consommation. »

Article 4

L'article L. 311-17 du code de la consommation est ainsi rédigé :

« Art. L. 311-17 . - L'association d'une carte ouvrant droit à des avantages commerciaux et promotionnels à un crédit renouvelable mentionné à l'article L. 311-16 est interdite. »

Article 5

L'article L. 313-11 du même code est ainsi rédigé :

« Le vendeur d'un bien, personne physique, salarié ou non, ne peut en aucun cas être rémunéré en fonction des modalités de paiement choisies par l'acheteur. ».

Article 6

L'article L. 311-10 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les justificatifs fournis doivent notamment permettre de préciser la situation des ressources et des charges de l'emprunteur. »

Article 7

Le premier alinéa de l'article L. 313-15 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La durée de ce contrat ne peut excéder huit années. »

Article 8

Le septième alinéa de l'article L. 313-3 du même code est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots : « , ainsi que le niveau et l'évolution des taux d'intérêt des autorisations de découvert remboursable » ;

2° À la quatrième phrase, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « cinq ans ».

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU TRAITEMENT DES SITUATIONS DE SURENDETTEMENT

Article 9

L'article L. 331-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Une personne désignée par le président du conseil général ; » ;

2° Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Le directeur de la caisse d'allocations familiales. » ;

3° Au septième alinéa, les références : « 1°, 2° et 3° » sont remplacées par les références : « 1°, 1° bis , 2°, 3° et 4° ».

Article 10

L'article L. 331-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les créances figurant dans l'état du passif définitivement arrêté sont évaluées au montant qu'elles avaient atteint à la date de la décision de recevabilité, complété le cas échéant par les intérêts d'emprunt mentionnés au I de l'article L. 331-3 échus avant la date d'arrêt définitif du passif. »

Article 11

À la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 331-3-1 du même code, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « dix-huit mois ».

Article 12

Le début du premier alinéa de l'article L. 331-7 du code de la consommation est ainsi rédigé :

« Lorsque sa mission de conciliation n'a pas abouti dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, ... (le reste sans changement) ».

Article 13

La première phrase du quatrième alinéa du III de l'article L. 333-4 du même code est supprimée.

Article 14

Le troisième alinéa de l'article L. 331-3-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La commission peut également saisir le juge pour lui demander d'autoriser le débiteur à payer, en tout ou partie, ses dettes locatives ou les charges afférentes au remboursement de prêts contractés pour l'achat de sa résidence principale. »

Article 15

Après l'article L. 312-15 du code de l'éducation, il est inséré une section 8 bis ainsi rédigée :

« SECTION 8 BIS

« L'enseignement de la gestion du budget familial

« Art. L. 312-15-1. -  La formation à la gestion du budget familial est obligatoire et est incluse dans les programmes d'enseignement des premier et second degrés. »


* 1 Crédit à la consommation et surendettement : une réforme ambitieuse à compléter - Rapport d'information n° 602 (2011-2012) de Mesdames Muguette DINI et Anne-Marie ESCOFFIER

* 2 Loi 89-1010 du 31 décembre 1989 relative à, la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles

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