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N° 531

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 mai 2014

PROPOSITION DE LOI

visant à modifier l' article 11 de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l' accueil et à la protection de l' enfance ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Colette GIUDICELLI, MM. Philippe BAS, Christophe BÉCHU, Jean BIZET, Pierre BORDIER, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, Christian CAMBON, Jean-Noël CARDOUX, Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Marcel-Pierre CLÉACH, Christian COINTAT, Raymond COUDERC, Mme Isabelle DEBRÉ, M. Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, André DULAIT, Louis DUVERNOIS, Mme Jacqueline FARREYROL, M. Alain FOUCHÉ, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, François GROSDIDIER, Michel HOUEL, Mlle Sophie JOISSAINS, MM. Robert LAUFOAULU, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Jean-Pierre LELEUX, Philippe LEROY, Michel MAGRAS, Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, Mme Catherine PROCACCIA, MM. Charles REVET, Michel SAVIN, Mme Esther SITTLER, MM. François TRUCY, Hugues PORTELLI, Bernard SAUGEY, Roger KAROUTCHI, Bruno SIDO, Bruno GILLES, Mme Natacha BOUCHART et M. Jean-Pierre VIAL,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, dans notre pays, de nombreux enfants et adolescents sont victimes de violences perpétrées par des adultes, qu'elles soient psychologiques, physiques et/ou sexuelles. Statistiquement, aucune étude épidémiologique d'ampleur ne permet en France de dénombrer les mineurs qui subissent ces sévices. Plus de 100 000 enfants seraient en danger.

Selon l'Ordre national des médecins, la maltraitance est responsable du décès de 700 à 800 mineurs tous les ans.

Comme le soulignait en 2012 le rapport de Mme Muguette DINI sur la proposition de loi relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations (n° 370, 2011-2012) : « Malgré les progrès accomplis en matière de repérage des enfants en danger, des drames récents de la maltraitance largement médiatisés et les informations relayées par les professionnels de terrain montrent que des failles existent. »

Au cours du colloque national sur les violences faites aux enfants qui s'est déroulé au Sénat le 14 juin 2013, il a été rappelé que les signalements des médecins ne seraient à l'origine que de 5 % du nombre total des signalements, alors même que tous les enfants maltraités passent un jour ou l'autre par le système de santé.

Les médecins ont un rôle vital de dépistage et de signalement. Ceux-ci sont bien souvent les premiers à déceler les signes de maltraitance et lorsque l'enfant révèle des violences, il demande à son médecin que « ça » s'arrête.

Or, depuis 1997, environ deux cents médecins (qu'ils soient psychiatres d'enfants, médecins généralistes, pédiatres ou encore gynécologues) ont fait l'objet de poursuites pénales et/ou de sanctions disciplinaires à l'initiative du ou des auteurs présumés des agressions. L'accumulation de ces poursuites a entrainé un climat de stress et un malaise profond au sein du monde médical.

La loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, qui a interdit les sanctions disciplinaires, n'a malheureusement pas été suffisante pour protéger les victimes mineures et encourager les médecins à signaler les violences.

De nombreux pays ont introduit une obligation de signalement, laquelle est assortie d'une protection de responsabilité juridique. Suivant les recommandations du Conseil de l'Europe, plusieurs pays européens ont ainsi inséré cette « obligation de signaler » dans leur législation, tels la Suède, la Norvège, la Finlande, le Danemark, l'Espagne, l'Italie et l'Autriche.

Aujourd'hui, en France, seuls les médecins fonctionnaires ont l'obligation de signaler les actes de maltraitance en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale. Tous les autres médecins, y compris les médecins hospitaliers, y sont autorisés, sans obligation.

Ces derniers sont ainsi confrontés à un dilemme éthique : soit ils signalent leurs soupçons de violence en vertu de l'article 226-14 du code pénal qui, par dérogation, délie le médecin du secret professionnel, et s'exposent ainsi à des risques de poursuites, de sanctions disciplinaires et pénales, soit ils choisissent de se taire et exposent non seulement leurs jeunes patients à un risque de répétition des violences, mais s'exposent aussi à des poursuites pénales en vertu des articles 223-6, 434-1 et 434-3 du code pénal pour non assistance à enfant en péril ou entrave à la saisine de la justice si les violations de ces articles sont démontrées.

La rédaction actuelle du 2° de l'article 226-14 du code pénal prévoit que le secret médical n'est pas applicable « au médecin qui, (...) porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés ».

La présente proposition de loi prévoit désormais que le secret médical n'est pas applicable « Au médecin tenu, (...) de porter sans délai à la connaissance du procureur de la République les constatations personnellement effectuées dans l'exercice de sa profession ».

La caractérisation de l'infraction, qui ne relève pas de la compétence du médecin, reste à l'appréciation du procureur de la République recevant le signalement.

Le dernier alinéa de l'article 226-14 du code pénal dans sa rédaction actuelle précise que « le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire . »

Une nouvelle rédaction du 2° de l'article 226-14 du code pénal considère désormais que « le signalement effectué dans ces conditions ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire, du praticien, à moins que sa mauvaise foi n'ait été judiciairement établie ».

Il apparait ainsi indispensable de protéger l'ensemble des médecins des poursuites qui pourraient leur être intentées et, de ce fait, de renforcer et encourager leur mission de protection des mineurs faisant l'objet de violences. Cet objectif nécessite de modifier l'article 226-14 du code pénal, d'une part en introduisant une obligation de signalement, pour tous les médecins, des violences de toute nature et, d'autre part, en introduisant la notion de mauvaise foi, pouvant seule engager leur responsabilité civile, pénale ou disciplinaire.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L'article 226-14 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Au médecin tenu, sans avoir à recueillir l'accord de quiconque, de porter sans délai à la connaissance du procureur de la République les constatations personnellement effectuées dans l'exercice de sa profession, quand elles lui ont permis de présumer, sans même avoir à caractériser une infraction, que des violences physiques, sexuelles ou psychologiques, auraient été imposées à un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

« Le signalement effectué dans ces conditions ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire, du praticien, à moins que sa mauvaise foi n'ait été judiciairement établie. » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

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