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N° 287

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 janvier 2016

PROPOSITION DE LOI

tendant à introduire davantage d' équité dans la répression des dépassements inférieurs ou égaux de 10 km/h à la vitesse maximale autorisée ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Alain FOUCHÉ, Christian CAMBON, Jean-Claude CARLE, Mme Corinne IMBERT, M. Louis DUVERNOIS, Mme Caroline CAYEUX, MM. Bruno GILLES, Michel HOUEL, Alain CHATILLON, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. François COMMEINHES, Daniel LAURENT, Hubert FALCO, Jackie PIERRE, Jean-Pierre CANTEGRIT, Alain HOUPERT, Mme Élisabeth LAMURE, MM. René DANESI, Michel FONTAINE, Patrick MASCLET, Mmes Christiane HUMMEL, Catherine PROCACCIA, Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Gérard CÉSAR, Bernard SAUGEY, Gilbert BOUCHET, François PILLET, Michel SAVIN, Joël GUERRIAU et Alain GOURNAC,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Appliqué en France depuis le 1 er juillet 1992, le dispositif du permis à points est un élément essentiel de la politique de lutte contre l'insécurité routière, qui s'ajoute à la répression pénale plus traditionnelle des infractions au code de la route.

Depuis 2002, en soutien d'une action renforcée dans le domaine du contrôle et de la sanction des infractions routières, il a contribué de manière éminente au changement de comportement des conducteurs, et ainsi à la réduction du nombre de victimes.

Cependant les principes de répression des infractions au code de la route (retrait de point + contravention pénale) sont restés quasiment inchangés depuis l'origine, alors que les contrôles grâce notamment à leur automatisation sont désormais une autre réalité qu'en 1992.

Bien plus qu'un outil de sécurité routière, le contrôle automatisé est devenu une véritable source de recettes pour l'État.

En 2013, les radars automatiques ont généré 579 millions d'euros de recettes pour les seules amendes forfaitaires payées dans les 45 jours (129 millions d'euros d'amendes forfaitaires majorées payées hors délais), dont seuls 239 millions ont été directement affectés à la répression des infractions au code de la route (source : ministère de l'intérieur).

En 2014, alors que les contraventions liées à la vitesse relevées par les dispositifs de contrôles automatisés représentaient déjà 49,4 % du volume total des contraventions, les recettes liées aux seules amendes forfaitaires issues de ce type de contrôles progressaient de 6 ?%, pour atteindre 672 millions d'euros de recettes. Le projet de loi de finances pour 2016, qui ne comporte aucune annexe liée à la sécurité routière, prévoit une autorisation d'engagement d'un montant de 1,358 milliards d'euros pour la seule mission de contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

Or, si la politique de développement rapide des radars automatiques et de la tolérance zéro pratiquée vis-à-vis des dépassements de vitesse a démontré son efficacité en termes de sécurité routière, les sanctions pécuniaires attachées à ce système de répression, qui ne distinguent pas suffisamment les petits des grands excès de vitesse, pèsent de plus en plus lourd dans le quotidien des Français, créant ainsi une rupture entre les automobilistes et les Pouvoirs publics.

En 2004, première année pleine d'exercice du système de contrôle-sanction automatisé, un premier assouplissement s'était déjà avéré indispensable : il s'était alors agi de ne plus sanctionner d'une amende de quatrième catégorie (135 euros) mais d'une amende de troisième catégorie (68 euros) le « dépassement inférieur à 20 km/h [lorsque] la vitesse maximale autorisée est supérieure à 50 km/h » (art. R.413-14 du code de la route). 90 % des infractions constatées pour excès de vitesse proviennent en effet d'excès de moins de 20 km/h.

En distinguant les petits des grands excès de vitesse - potentiellement dangereux en termes de sécurité routière -, le décret n°2004-1330 du 6 décembre 2004 a constitué un premier pas vers davantage de justice et d'équité, l'objectif étant de sauver des vies par un meilleur respect des règles et non d'augmenter des recettes tirées des amendes par l'État .

Preuve que plus d'indulgence envers certaines infractions n'emporte pas une inexorable recrudescence des comportements dangereux, cette première mesure est restée sans conséquence sur le comportement des automobilistes, puisque le taux de dépassement de plus de 20 km/h de la vitesse maximale autorisée n'a cessé de diminuer depuis 2003.

De manière générale, l'on constate une amélioration significative du comportement des automobilistes, qui se traduit par une baisse régulière de l'accidentalité routière (-51,1 % de personnes tuées sur les routes entre 2000 et 2010 et -15,2 % entre 2010 et 2014).

Face à la prolifération des contrôles automatisés et à la baisse du pouvoir d'achat des Français, on assiste aujourd'hui à une remise en cause par les usagers de ce système de contrôle-sanction automatisé, ressenti comme un moyen mis en place par l'État pour financer les dépenses publiques, jusqu'à devenir le symbole de la taxe et non comme une mesure de « sécurité routière ».

Dans ce contexte, il devient urgent de réconcilier les Français avec les Pouvoirs publics en envoyant un message positif aux automobilistes, pour les encourager à poursuivre les efforts engagés ces dernières années.

Il s'agit donc pour nous, élus de la République, de prouver que nous ne cherchons pas la rentabilité financière du système, mais bel et bien à promouvoir des comportements raisonnables et responsables sur la route, pour toujours plus de sécurité. Et cela passe par l'adhésion à l'idée que les radars ne sont pas seulement des « tirelires », mais avant tout un véritable outil de sécurité routière.

Le système des contrôles automatiques ne sera en effet pleinement accepté que pour autant qu'il soit équitable et que le ratio entre les recettes et les dépenses reste raisonnable.

Or, il apparait parfaitement inéquitable qu'une amende d'un même montant soit due pour un dépassement de 1 jusqu'à 19 km/h.

C'est pourquoi, il est proposé de faire une distinction entre les excès de vitesse compris entre 10 et 20 km/h, qui continueraient à constituer une contravention pénale et resteraient sanctionnés par une amende de troisième classe (68 euros) (lorsque la vitesse maximale autorisée est supérieure à 50 km/h) ou de quatrième classe (135 euros) (lorsque la vitesse maximale autorisée est inférieure à 50 km/h) et le retrait d'un point du permis de conduire, et les dépassements inférieurs à 10 km/h, pour lesquels l'unique sanction serait administrative et consisterait désormais en le retrait d'un point sur le permis de conduire.

Certains pays européens, mieux classés que la France, font déjà cette distinction : en Allemagne, aucune sanction n'est appliquée pour un dépassement de moins de 5 km/h. En Espagne, aucune sanction pour les excès de vitesse inférieurs à 10 km/h. De son côté, l'Angleterre a recours à une « marge de tolérance » de 10 % plus 2 mph (contre une « marge technique » de seulement 5 % en France), ce qui revient à ne verbaliser les automobilistes qu'à partir de 110 km/h pour les routes limitées à 97 km/h (réseau secondaire hors agglomération).

On soulignera enfin qu'en Angleterre où le système de sanction/radar est pleinement accepté des usagers de la route, le ratio entre les recettes et les dépenses est équilibré. En 2007, les recettes perçues au titre des amendes-radars s'élevaient à 104,6 millions de livres sterling (environ 144,7 millions d'euros) alors que le montant des dépenses engagées par le ministère des transports britannique pour maintenir opérationnel le système de contrôle-sanction par radars automatisés était de 97,5 millions de livres sterling (environ 134,9 millions d'euros).

Il ne s'agit donc pas d'aller, à l'instar de certains de nos voisins européens, vers une impunité totale de certaines infractions, mais cette distinction entre les différents seuils retenus pour les excès de vitesse serait le meilleur argument des pouvoirs publics pour prouver aux usagers de la route qu'ils se préoccupent avant tout de leur sécurité et non de la manne financière qu'ils pourraient en tirer.

Tel est le sens de la proposition de loi suivante que nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le 2° de l'article L. 223-8 du code de la route est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le dépassement de la vitesse maximale autorisée inférieur ou égal à 10 kilomètres par heure, par un conducteur d'un véhicule à moteur ne peut donner lieu qu'à une sanction administrative consistant en un retrait de points ; ».

Article 2

Après l'avant-dernier alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'infraction ne donne pas lieu à sanction pénale mais uniquement à une sanction administrative consistant en un retrait de points, sa réalité est établie par la non contestation devant la juridiction administrative de l'avis de retrait de point porté à la connaissance de l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par une décision de justice devenue définitive. »

Article 3

Au II de l'article L. 223-2 du code de la route, après le mot : « contraventions », sont insérés les mots : « et les manquements au présent code ne donnant lieu qu'à sanction administrative ».

Article 4

Au premier alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, après les mots : « à compter de la date », sont insérés les mots : « de la décision de retrait de points devenue définitive ou ».

Article 5

Au dernier alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, après les mots : « au présent code », sont insérés les mots : « ou d'une sanction administrative ne donnant pas lieu à contravention pénale. »

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