N° 399

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SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 1 er juillet 2004

PROPOSITION DE

RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur les atteintes aux libertés résultant de l' accord donné par l' Union européenne à la transmission aux Etats-Unis des données personnelles relatives aux passagers des lignes aériennes.

Par M. Jean Louis MASSON,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Droits de l'homme et libertés publiques.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les Etats-Unis ont adopté, le 19 novembre 2001, une législation sur la sécurité de l'aviation et du transport (The Aviation and Transportation Security Act) et le 5 mai 2002, une loi renforçant les conditions d'entrée sur le territoire américain (Enhanced Border Security and Visa Entry Reform Act). Ainsi, depuis le 5 mars 2003, ces mesures imposent aux compagnies aériennes de communiquer aux services des douanes et de sécurité américains des informations personnelles relatives à leurs passagers à destination des Etats-Unis, sous peine de contrôles renforcés, d'amendes et du refus du droit d'atterrir. Ces informations sont stockées sous forme d'enregistrements standardisés dénommés PNR (Passenger Name Record).

Après avoir hésité, l'Union européenne vient de donner son accord pour que les compagnies aériennes transmettent aux Etats-Unis ces données personnelles dans le cas des voyageurs qui achètent un billet d'avion à destination de ce pays. Dorénavant, les agents américains du Bureau des douanes et de la protection des frontières auront automatiquement accès à ces informations recueillies par les agences de voyages et les compagnies aériennes. Le transfert des données personnelles sera en effet systématisé au départ de l'Europe, en vertu d'un accord signé en mai 2004 entre les Etats-Unis et l'Union européenne. Cette coopération renforcée s'inscrit dans le climat d'hystérie sécuritaire qui règne actuellement aux Etats-Unis et qui fait peu de cas des droits de l'Homme.

L'accord en cause porte d'autant plus atteinte aux libertés individuelles et au respect de la vie privée que les données recueillies à titre commercial sont utilisées à des fins sécuritaires, ce qui est contraire aux principes garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme. Certes, les exigences américaines peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme, mais les risques de dérapage sont importants. On en a déjà fait l'expérience avec la zone de non-droit de Guantanamo et avec le recours à la torture en Irak et en Afghanistan.

La plupart des groupes politiques du Parlement européen (à l'exception notable du Parti populaire européen) se sont d'ailleurs inquiétés des conséquences individuelles de cet accord. Le Parlement européen a même voté une résolution dans ce sens le 13 mars 2003. De plus en France, la Commission Nationale de l'Informatique et des Lubertés (CNIL) a elle aussi tiré la sonnette d'alarme (cf : 24 e rapport d'activité 2003, pages 46 et suivantes). Cependant, depuis lors, l'administration américaine a exercé des pressions sur les compagnies aériennes européennes en les menaçant de lourdes sanctions au cas où elles ne donneraient pas accès à ces données personnelles. L'Union européenne a malheureusement fini par céder.

Les dispositions de l'accord répertorient 34 catégories d'informations personnelles dont la transmission prend le contre-pied des législations européennes. En effet, parmi les données transmises, on aurait : le détail des vols effectués par le passé vers d'autres pays, les habitudes alimentaires (végétarien, consommation de porc ou d'alcool...), les problèmes de santé, l'adresse, l'état civil détaillé, le numéro de carte bancaire, des indications susceptibles de faire apparaître l'origine raciale ou l'orientation religieuse, le nom des personnes accompagnantes et la position de leurs sièges dans l'avion, l'adresse de facturation du billet, les contacts à terre du passager, l'historique des changements apportés dans le fichier voyageur...

En conséquence, j'ai l'honneur de vous proposer de créer une commission d'enquête qui serait chargée d'examiner les atteintes aux libertés publiques et au respect de la vie privée susceptibles de résulter de l'accord donné par l'Union européenne à la transmission aux Etats-Unis des données personnelles relatives aux passagers des lignes aériennes.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Une commission d'enquête composée de douze sénateurs est instituée en application de l'article 11 du Règlement du Sénat.

Cette commission sera chargée d'examiner les atteintes aux libertés publiques et au respect de la vie privée susceptibles de résulter de l' accord donné par l'Union européenne à la transmission aux Etats-Unis des données personnelles relatives aux passagers des lignes aériennes.

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