N° 182

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

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Annexe au procès-verbal de la séance du 9 février 2005

PROPOSITION DE

RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT,

sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (E 2520),

Par M. Jean BIZET,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Union européenne.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil (Com 2004/2 final, 13/01/2004) relative aux services dans le marché intérieur a été adoptée en Collège des Commissaires le 13 janvier 2004. Ce texte s'inscrit dans le processus de réformes économiques lancé par le Conseil européen de Lisbonne pour faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde à l'horizon 2010.

L'objectif de la directive est la réalisation d'un véritable marché intérieur des services. Elle prévoit d'établir un cadre juridique qui supprime les obstacles à la liberté d'établissement des prestataires de services et à la libre prestation de services entre les Etats membres. La réforme du cadre juridique des services permettrait, par ailleurs, de simplifier les démarches des entreprises et d'encourager les initiatives économiques. Ces simplifications passeraient, en particulier, par la mise en place de guichets uniques, par le développement de l'administration électronique, par la réduction du nombre de régimes d'autorisation en place dans les Etats membres et par le recours au principe du pays d'origine, selon lequel le prestataire de services est soumis à la loi du pays dans lequel il est établi.

Souscrivant au principe d'un tel texte, dès lors qu'il se donne pour objectif de renforcer la croissance économique et la cohésion sociale de l'Union européenne, il est toutefois permis de s'interroger sur la mise en oeuvre de certaines de ces dispositions.

Cette directive relève d'une dynamique essentielle pour l'Union, du point de vue à la fois de la compétitivité, de la réforme de l'Etat et de l'approfondissement du marché intérieur. Aussi, et compte tenu de l'intérêt en terme de compétitivité pour les entreprises françaises de prestation de services, nous sommes favorables, sur le principe, à l'adoption d'une directive-cadre favorisant le développement des services au sein du marché intérieur et qui s'inscrit dans la perspective d'une réforme structurelle de l'économie européenne. En ce sens, nous estimons que les démarches de simplification des procédures administratives prévues par la directive sont des facteurs importants de développement de la compétitivité des entreprises, et de renforcement de l'attractivité du territoire et du marché européen. Ils correspondent pleinement à la politique de simplification engagée par la France.

Cependant, de nombreuses difficultés demeurent.

Les quatre principales sont :

I. Un champ d'application trop large.

L'exclusion du champ d'application de la directive des activités suivantes est demandée :

• Les professions juridiques réglementées à l'exception de celles couvertes par la directive 77/249 CE ;

• Les services audiovisuels et les services de presse ;

• Les services de gestion collective des droits d'auteur et droits voisins ;

• Les services de santé, d'aide sociale et médico-sociale ;

• Les jeux d'argent ;

• Les services de transports dans leur intégralité.

II. L'application du principe du pays d'origine.

L'application de ce principe, telle qu'aujourd'hui prévue par la proposition de directive, pose des problèmes très importants.

L'actuelle formulation du principe du pays d'origine peut conduire à une application simultanée de plusieurs droits nationaux, placés en concurrence, sur un même territoire et soulève plusieurs questions au regard des principes fondamentaux de valeur constitutionnelle telles que la souveraineté nationale, l'égalité devant la loi et la légalité des délits et des peines.

Le principe du pays d'origine, tel que prévu dans la proposition de directive, sous une apparente simplicité, suscite également de nombreuses incertitudes pour les prestataires et les bénéficiaires de la prestation. Ces incertitudes pourraient se traduire par une multiplication des actions contentieuses qui ne serait pas de nature à favoriser l'achèvement recherché du marché intérieur.

Enfin, pour assurer la confiance des consommateurs, indispensable au développement du marché intérieur, l'application du droit du pays d'origine, dans des domaines où il n'y a pas harmonisation préalable de la législation des Etats membres, doit être conçue de façon à prévenir toute harmonisation par le bas, avec alignement sur la législation de l'Etat-membre le moins disant et/ou délocalisation des prestataires dans cet Etat-membre.

Nous estimons donc indispensable l'abandon pur et simple du principe du pays d'origine qui, en l'absence d'un niveau d'harmonisation suffisant des secteurs concernés, et compte tenu des disparités de l'Europe élargie, présente un risque réel de distorsion de concurrence et une source d'insécurité juridique.

III. La suppression de la déclaration préalable au détachement des travailleurs

La suppression de la déclaration préalable au détachement de travailleurs est de nature à rendre totalement impossible le contrôle du respect des règles légales et conventionnelles de l'Etat d'accueil constitutives au sens de la directive CE 96/71 « d'un noyau dur de dispositions d'ordre public de protection minimale : durée du travail, congés payés, repos hebdomadaire, salaire minimum, conditions de travail, hygiène et sécurité ».

En effet, le contrôle de l'application de ces dispositions ne peut être opéré sans une connaissance en temps utile des situations de travail, par le moyen de la déclaration préalable auprès de l'inspecteur du travail, des entreprises qui détachent des salariés pour effectuer une prestation. Nous insistons pour que cette obligation de déclaration soit réintroduite en raison des risques et des responsabilités encourues par les salariés détachés ou les destinataires de la prestation de services.

IV. L'articulation de la directive « service » avec l'encadrement des services d'intérêt économique général mérite en parallèle un examen plus approfondi.

La Commission a clairement indiqué que les services d'intérêt économique général rentraient, a priori , dans le champ d'application de la directive. La France a rappelé à ce stade son souhait d'une articulation entre les travaux sur la directive « services » et ceux sur les suites du livre blanc sur les Services d'Intérêt.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM 2004/2 final, document E 2520) :

Demande l'exclusion du champ d'application de la directive des activités suivantes :

• Les professions juridiques réglementées à l'exception de celles couvertes par la directive 77/249 CE ;

• Les services audiovisuels et les services de presse ;

• Les services de gestion collective des droits d'auteur et droits voisins ;

• Les services de santé, d'aide sociale et médico-sociale ;

• Les jeux d'argent ;

• Les services de transports dans leur intégralité.

Demande l'abandon pur et simple du principe du pays d'origine qui, en l'absence d'un niveau d'harmonisation suffisant des secteurs concernés, et compte tenu des disparités de l'Europe élargie, présente un risque réel de distorsion de concurrence et une source importante d'insécurité juridique.

Demande la réintroduction de l'obligation de déclaration préalable au détachement des travailleurs afin de conserver le contrôle, par l'Etat d'accueil, des conditions de détachement et de réalisation de l'activité.

Demande un examen approfondi de l'articulation de la directive « service » avec l'encadrement des services d'intérêt économique général.

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