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N° 724

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 septembre 2017

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 34-1 DE LA CONSTITUTION,

relative à la simplification des normes entravant la vie économique ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Élisabeth LAMURE, MM. Olivier CADIC, Philippe ADNOT, Mme Annick BILLON, MM. Gilbert BOUCHET, René DANESI, Michel FORISSIER, Jean-Marc GABOUTY, Alain JOYANDET, Antoine KARAM, Guy-Dominique KENNEL, Mmes Anne-Catherine LOISIER, Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Claude NOUGEIN, Michel VASPART et Philippe DOMINATI,

Sénateurs

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La question du poids croissant des normes et d'une nécessaire simplification fait l'objet de débats récurrents depuis les années 2000. Si le rapport du Conseil d'État de 2016 consacré à la simplification et à la qualité du droit constate une absence de consensus sur le chiffrage de cette évolution et même sur la méthode de calcul, l'on peut toutefois constater un allongement de la longueur moyenne des textes et, de manière générale, un sentiment partagé d'alourdissement et d'instabilité du droit. Il ne s'agit pas de rejeter la faute sur tel ou tel, mais plutôt de prendre conscience de la nécessité d'un effort collectif pour enrayer cette dérive.

Aujourd'hui, le poids des charges administratives est considéré comme l'un des premiers freins au développement des entreprises, comme la délégation aux entreprises a pu le constater lors de ses déplacements depuis 2014. L'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2010 avait d'ailleurs estimé que les charges administratives supportées par les entreprises représentaient 3 % du PIB. Plus parlant encore, la France est classée 115 ème sur 138 pays par le forum économique mondial sur le critère du poids de la réglementation.

Les raisons en sont nombreuses. On peut tout d'abord évoquer l'instabilité de la norme. Ainsi, le rapport d'information de la délégation aux entreprises n° 433 (2016-2017) du 20 février 2017 intitulé Simplifier efficacement pour libérer les entreprises relève les huit modifications successives qu'a connues depuis 2012 la législation relative au régime des contrats aidés. Cette instabilité participe à un sentiment croissant d'insécurité juridique, renforcé par le caractère rétroactif de certaines décisions.

En outre, les obligations pesant sur les entreprises françaises sont souvent plus strictes que celles de leurs concurrents, même européens. Cela s'explique notamment par une surtransposition des directives européennes. Les exemples sont nombreux : à l'occasion d'un déplacement en Saône-et-Loire, la délégation aux entreprises a ainsi été alertée sur le fait que la réglementation applicable en France en matière de poussière de bois était cinq fois plus exigeante que la réglementation européenne. Cette surtransposition prend des formes multiples : absence de transposition des dérogations permises par la directive, notamment au bénéfice des petites et moyennes entreprises, entrée en vigueur de nouvelles normes avant la date fixée par l'Union européenne, maintien de réglementations allant au-delà des exigences européennes.

Certes, les initiatives ont été nombreuses pour tenter de simplifier la réglementation, sans toutefois apporter des effets notoires. Les causes de cet échec sont connues : un défaut de pilotage stratégique et interministériel, une consultation trop irrégulière des chefs d'entreprise, et de manière générale, une absence de véritable travail collaboratif.

Le pacte de simplification lancé par le Président Hollande en 2013 devait être mis en oeuvre grâce à une simplification coproduite avec les entreprises. À cet effet, avait été mis en place pour trois ans un Conseil de la simplification pour les entreprises. Toutefois, l'élan ainsi engagé a été rapidement contrarié et dilué : les résultats ont été minimes pour les entreprises, souvent pointillistes et privilégiant les mesures d'affichage. En outre, et surtout, ils ont été noyés dans l'afflux de nouvelles normes imposées aux entreprises dans le même laps de temps. Enfin, la France, à la différence de ses voisins européens, n'a jusqu'à présent pas réussi à trouver une méthode efficace de simplification, s'appuyant sur une volonté politique durable et transpartisane.

La récente circulaire du Premier Ministre « relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact », en date du 26 juillet 2017, affiche un certain volontarisme en la matière en visant la suppression ou la simplification de deux normes pour toute nouvelle norme réglementaire. Or cette circulaire ne rompt pas avec les six précédentes consacrées à la simplification et à la qualité du droit en seulement sept ans :

- la règle de compensation vise seulement à stabiliser la « charge administrative », mais non pas la charge financière que chaque norme représente pour les entreprises ;

- les textes réglementaires d'application des lois nationales et directives européennes ne sont pas inclus dans cette règle imposant la suppression de deux normes supprimées pour une norme nouvelle, ce qui signifie que 90 % de la production réglementaire y échappe, si l'on retient les chiffres fournis par le Secrétariat général du Gouvernement à la délégation sénatoriale aux entreprises.

Cette circulaire modifiant peu l'existant, les résultats de sa mise en oeuvre risquent fort d'être à la hauteur de ceux des circulaires précédentes.

Aussi, la présente proposition de résolution appelle à de profonds changements dans la production de la norme réglementaire, afin de favoriser réellement la simplification des normes et d'encourager pleinement la vie économique du pays.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1 er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu le chapitre VIII bis du Règlement du Sénat,

Vu la circulaire du Premier Ministre relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact en date du 26 juillet 2017,

Considérant que le poids et la complexité des normes constituent un frein au développement des entreprises, et donc à la croissance et à l'emploi ;

Souligne la nécessité d'inscrire cette action dans la durée, de manière transversale, notamment en créant un réseau interministériel dédié à la simplification, supervisé par le Premier Ministre pour veiller à ce que chaque ministère ne crée pas de normes engendrant des coûts pour les entreprises sans supprimer de normes représentant un coût au moins équivalent ;

Souhaite la mise en place d'un référentiel fiable et partagé, à partir d'un chiffrage de la charge administrative actuellement supportée par les entreprises, afin de fixer des objectifs de réduction nette de cette charge ;

Juge nécessaire de procéder à une réévaluation de certaines règles de procédure particulièrement opaques et sources de complexité pour les entreprises, en matière d'autorisation ou de déclaration par exemple, à la lumière des règles en vigueur dans les pays voisins, qui peuvent être plus simples et plus efficaces en termes de sécurité, de santé et de protection de l'environnement ;

Invite à veiller à l'applicabilité des règles prises sur le fondement des expertises des agences nationales, en favorisant l'intégration d'experts représentant les partenaires sociaux dans les groupes de travail de ces agences et en confrontant leurs avis avec ceux de leurs homologues européennes ;

Appelle à orienter l'administration vers le service aux entreprises, notamment en donnant la priorité à la simplification, et à privilégier une approche tendant à fixer seulement les exigences essentielles dans la réglementation et à laisser aux entreprises le choix des moyens pour parvenir aux résultats attendus ;

Dès lors, estime important de passer d'une logique reposant sur la défiance et la nécessaire obtention d'autorisations à une logique fondée sur la confiance et le respect d'interdictions sous peine de sanctions ;

Souhaite le recours systématique aux « tests PME » trop rarement expérimentés par le précédent gouvernement et permettant d'évaluer directement avec les entreprises les conséquences d'un projet de réglementation, ainsi que la publication des résultats de ces tests.

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