Table ronde

M. LE DEAUT - Je vais changer l'ordre des interventions après discussion avec certains d'entre vous. Nous entendons d'abord le Professeur WILL.

Pr WILL ( Western General Hospital d'Edimbourg, Directeur de l'Unité de Surveillance de la maladie de Creutzfeldt Jakob de Grande Bretagne) - Je suis très heureux d'avoir eu la possibilité de me rendre à cette réunion. Je vous prie de m'excuser de mon incapacité de vous parler en français. Il m'est très difficile de parler à la suite de Dominique DORMONT qui a si clairement posé les enjeux que je souhaiterais évoquer. Je serais donc plus bref que prévu.

Première chose que je souhaiterais dire, c'est que la variante MCJ a été identifiée pour la première fois en 1996, et ce n'était alors qu'une hypothèse que l'agent ESB soit la cause de la variante MCJ. Cependant, les preuves clairement indiquées par le Professeur DORMONT impliquent l'hypothèse que l'agent ESB est effectivement la cause de la variante MCJ.

Aujourd'hui, au Royaume-Uni, nous avons identifié 85 individus qui souffrent de la variante MCJ, dont l'immense majorité est morte, et la majorité de ces cas ont été confirmés comme souffrant de variante MCJ lors de l'examen post-mortem. Nous avons pu produire et valider un certain nombre de critères pour le diagnostic clinique de la variante MCJ chez les vivants et une faible proportion de ces patients est toujours en vie, mais ceux-ci souffrent de la variante MCJ sur la base des caractéristiques cliniques, y compris l'imagerie du cerveau.

Une question importante se pose au Royaume-Uni, c'est de savoir si le nombre de cas de variante MCJ augmente avec le temps. Depuis 1996, nous avons effectué des analyses trimestrielles du nombre de cas qui se sont présentés avec le temps ; cette analyse est menée en coopération avec des experts statisticiens à Londres et, jusqu'à cette année, il n'y avait pas de tendance globale à l'augmentation.

Cependant, dans l'analyse du 30 juin et la dernière analyse menée en septembre, il y a des preuves manifestes d'une augmentation du nombre cas de variante MCJ au Royaume-Uni avec le temps. D'un point de vue statistique, c'est significatif.

C'est préoccupant en ce qui nous concerne, mais cela ne nous permet pas de faire des prédictions quant au nombre de cas qui se présenteront à l'avenir. Le Professeur DORMONT a déjà évoqué les nombreuses incertitudes, y compris la barrière des espèces entre les bovins et l'homme, la période d'incubation que nous ne connaissons pas à l'heure qu'il est, et il n'y a pas d'autres facteurs de susceptibilité qui existent.

Les données britanniques ont été fournies, remises à des groupes mathématiques qui ont mené des analyses sur les limites de ce qui pourrait survenir à l'avenir, et ces analyses continuent de montrer des possibilités très larges d'une centaine de cas pouvant aller jusqu'à 250 000 cas. Notre position est qu'honnêtement nous ne savons tout simplement pas ce qui adviendra au Royaume-Uni.

L'âge de décès de personnes souffrant de la variante MCJ est remarquablement jeune par rapport à MCJ sporadique, et l'âge moyen de décès est seulement de 29 ans, la victime la plus jeune étant âgée de 12 ans au début de la maladie.

Ce qui a récemment changé au Royaume-Uni est l'identification d'un individu décédé à l'âge de 74 ans de la variante MCJ, ce qui a des conséquences importantes pour le système de surveillance au Royaume-Uni et ailleurs.

Il existe de nombreuses incertitudes concernant la variante MCJ ; l'un des principaux problèmes est de savoir pourquoi les patients sont jeunes et si cela reflète l'exposition à un régime alimentaire, à un facteur biologique, absorption de protéines, et l'efficacité de l'absorption protéinique. Il existe la possibilité également que des patients, de tous les âges, soient identifiés à l'avenir. Il se pourrait que, après l'identification du cas de 74 ans, des patients âgés entre 50 et 70 ans soient identifiés.

Une autre question essentielle, c'est si la variante MCJ est due à l'agent ESB, comment cet agent a-t-il été transmis à la population humaine ?

La vérité pour l'instant est que nous n'avons aucune preuve manifeste pour expliquer aux gens comment cela c'est produit. L'hypothèse la plus vraisemblable est que la population humaine a été exposée à du tissu bovin à haute infectivité du système nerveux central dans la chaîne alimentaire dans les années 80, la transmission se faisant probablement par l'ingestion d'aliments contaminés.

Nous avons cherché à obtenir des preuves de cela en menant une étude de contrôle de cas en comparant le régime alimentaire des différents individus ; nous n'avons pas trouvé de preuve manifeste de différents comportements alimentaires. Je dois souligner qu'on ne doit pas en tirer de conclusion majeure, car il y a trop de difficultés liées à de telles études. Nous faisons des enquêtes sur les comportements alimentaires à partir de témoins qui remontent à il y a plus de 10 ans ; notamment, il peut y avoir des problèmes pour ce qui est d'identifier des produits de régime alimentaire s'ils étaient contaminés de façon intermittente à différents niveaux dans toute une gamme de produits.

Nous pensons que l'EBS a été transmis par le régime alimentaire mais nous ne pouvons pas le prouver à l'heure qu'il est. Je tiens également à souligner que nous gardons un esprit ouvert et si d'autres hypothèses nous sont présentées, nous essayons de les examiner avec l'aide des familles dans le cadre de l'investigation de la variante MCJ.

Le Professeur DORMONT a évoqué la question d'homozygote. Dans 75 des 85 cas, nous avons une analyse génétique et tous ces cas étaient homozygotes. Il est possible que ce ne soit que ce sous-groupe de la population qui soit réceptif à l'agent ESB mais il y a aussi la possibilité que ce polymorphisme génétique influe sur la période d'incubation, et il se peut que d'autres cas se présentent à l'avenir. C'est bien entendu un autre facteur qui rend les analyses futures de cas très difficiles.

Autre question qui préoccupe grandement la santé publique au Royaume-Uni, c'est le fait que la distribution de la protéine dans les tissus périphériques était positive pour les protéines de prion dans tous les cas de variante MCJ à ce jour et pas dans d'autres formes de MCJ, y compris le MCJ sporadique. Il s'agit d'un nouvel agent infectieux et cela sous-tend qu'il peut y avoir un risque de transmission secondaire de la variante MCJ à d'autres personnes au cours d'un traitement médical, une transfusion sanguine par exemple.

Il s'agit là d'une question théorique mais qui a suscité une action s'agissant du nombre de cas de variante MCJ, et actuellement les produits de plasma au Royaume-Uni sont produit à partir de plasma importé pour l'essentiel des Etats-Unis, et dans tous les dons de sang, les globules blancs, sont supprimés.

On craint également que les instruments chirurgicaux posent un risque de transmission ultérieure, mais nous n'avons pas de preuve concrète l'attestant à l'heure qu'il est.

Enfin, par rapport à ce qui a été dit tout à l'heure, un des points importants pour nous dans le monde du MCJ a été le système de surveillance européen où dans un premier temps la France, l'Allemagne, l'Italie, Les Pays-Bas, la Slovaquie et le Royaume-Uni ont travaillé de concert sur un système de surveillance démarré en 1993, financé par l'Union Européenne.

Ce système a été élargi pour inclure d'autres états membres de l'Union Européenne et d'autres pays (la Suisse, l'Australie et le Canada). De mon point de vue, le fait d'avoir pu coopérer de manière étroite avec ces pays a été déterminante. En 1996, nous avons identifié ces 10 cas inhabituels, et il était indispensable de savoir si des cas semblables se présentaient dans d'autres pays et de savoir si l'hypothèse que ces cas étaient liés à l'ESB était correcte. Nous souhaitons poursuivre ce système de surveillance à l'avenir dans l'espoir d'identifier des cas de MCJ, et également des cas de la variante MCJ, si de tels cas devaient se produire en dehors du Royaume-Uni.

Mme ALPEROVITCH ( Responsable de l'Unité de Recherches épidémiologiques en neurologie de l'Institut National de la santé et de la recherche médicale ) - Je vais brièvement décrire le système qui a été mis en place en 1992 pour surveiller l'épidémiologie de la maladie de Creutzfeldt Jakob en France.

A l'époque, nous étions loin de 1996 et loin de la crise d'aujourd'hui, mais il semblait néanmoins important dès cette date de mettre sur pied les éléments qui permettraient éventuellement de détecter toute modification des caractéristiques épidémiologiques de cette maladie en relation avec l'épidémie d'ESB qui déjà à cette date était très importante.

Le système a évolué depuis 1992. Je vais résumer la façon dont les choses se passent aujourd'hui. Il existe en France un réseau de surveillance des maladies de Creutzfeldt Jakob. Ce réseau est coordonné par l'Institut National de la veille sanitaire et regroupe des unités d'épidémiologie, les relations avec les services cliniques, des laboratoires qui pratiquent les examens d'orientation, diagnostiquent dans cette maladie, un réseau de neuropathologie qui sera décrit tout à l'heure par le Professeur HAUW, et des laboratoires de recherche comme celui du Professeur DORMONT au CEA.

Chaque jour en France plusieurs patients sont hospitalisés avec comme l'un des diagnostics possibles celui de maladie de Creutzfeldt Jakob, et lorsqu'un neurologue évoque ce diagnostic, il prescrit un test qui consiste en la recherche d'une protéine dans le liquide céphalorachidien. C'est un test qui n'est pas spécifique de cette maladie, qui peut se trouver positif dans d'autres circonstances, mais qui permet d'avoir une bonne orientation diagnostique.

Il y a deux ou trois laboratoires en France qui pratiquent ce test, et la grande majorité de ces examens sont faits par le laboratoire de biochimie de l'hôpital de Lariboisière, et chaque fois que ce laboratoire reçoit une demande d'analyse de liquide céphalorachidien, le système de surveillance se met en place, cette demande nous est notifiée et nous suivons le cas jusqu'à obtention d'un diagnostic final qui, dans 85 % des cas, est autre chose que la maladie de Creutzfeldt Jakob et dans les 15 % restants s'avère être effectivement la maladie de Creutzfeldt Jakob.

La mise au point de ce test en 1997 a bouleversé la surveillance de cette maladie, tout au moins en France car je ne suis pas sûre que dans les autres pays européens la prescription de ces tests soit aussi large. Cependant, en France ce test est fait largement et donne une certaine assurance d'avoir une surveillance de grande qualité de la maladie. Nous avons plus de notifications qui s'avèrent être négatives que des notifications positives.

Depuis que la surveillance de la maladie de Creutzfeldt Jakob s'est mise en place en 1992, le nombre de cas annuels recensés a beaucoup augmenté ; il a pratiquement doublé. En 1992, la fréquence de la maladie sporadique, la plus fréquente, était de l'ordre de 0,7 cas par million d'habitants et il est aujourd'hui à 1,4, soit le double. 1,4 par million d'habitant, c'est encore très peu mais on pourrait s'interroger sur les raisons de cette augmentation.

Ce qu'il faut dire, c'est que l'augmentation observée en France pour les maladies sporadiques est observée dans tous les pays du réseau de recherche européen qu'a évoqué le Professeur WILL et dans tous ces pays, l'incidence de la maladie a pratiquement doublé depuis que nous la surveillons. La tranche de population qui contribue le plus à cette augmentation, ce sont les personnes de plus de 70 ans.

Avant de surveiller de manière aussi intensive la maladie de Creutzfeldt Jakob, il était souvent considéré que la maladie n'existait pas au-delà d'un certain âge, et la mise en route d'une surveillance intensive a montré que c'était inexact. Il y a des maladies de Creutzfeldt Jakob sporadiques assez fréquentes après 70 ans et lorsque l'on regarde la tendance évolutive en fonction de l'âge, on s'aperçoit que ce sont ces personnes les plus âgées - en France comme dans les autres pays - qui expliquent l'augmentation observée depuis 1992.

La plupart des cas sont des maladies sporadiques. En France, une proportion relativement importante de cas par rapport à nos collègues européens sont des maladies iatrogènes liées à l'hormone de croissance. La fréquence de cette maladie est plus élevée en France que dans les autres pays européens, et les 5 % restants sont des maladies génétiques. Depuis 1996, 3 cas de nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt Jakob ont été diagnostiqués en France.

Le premier cas est apparu de manière presque simultanée avec les cas anglais puisque les symptômes de ces patients ont commencé en 1995 et le diagnostic a été fait en 1996, soit en même temps que les tous premiers cas anglais. Puis, il y a eu 2 autres cas : 1 cas confirmé décédé en début d'année 2000 et 1 probable cas en phase terminale actuellement.

Il y a régulièrement en France des suspicions de nouveau variant de maladie de Creutzfeldt Jakob. Le test évoqué tout à l'heure que l'on peut faire sur l'amygdale est pratiqué régulièrement depuis qu'il a été mis au point il y a quelques mois, et jusqu'à présent dans tous les cas, sauf les 2 derniers dont je parlais pour lesquels ce test a été pratiqué, il s'est avéré négatif.

Dr DESENCLOS ( Chef du Département des Maladies Infectieuses à l'Institut de Veille Sanitaire ) - Intervenir après Annick ALPEROVITCH est très facile car la plupart des choses ont été dites sur l'organisation, le fondement, le mode de fonctionnement et les principaux résultats concernant cette surveillance en France. Il y a plusieurs choses qu'il faut souligner ; d'abord, cette surveillance qui existe depuis 1992 a été structurée dans un cadre européen en réponse au danger que pouvait faire peser sur l'homme l'épidémie de cette maladie. Ce système en France a permis de détecter un événement très rare, à savoir le premier variant de la maladie de Creutzfeldt Jacob au moment même des événements qui se passaient au Royaume-Uni et, malgré l'évolution des techniques et l'importance des suspicions, a permis de montrer depuis que c'était un élément qui restait rare en France sans montrer de tendance ni d'évolution particulière.

Ceci a aussi permis de montrer que la France était, après le Royaume-Uni, le deuxième pays en termes de nombre de cas dépistés alors que la France est le pays qui, par rapport aux autres pays européens, a importé le plus de produits bovins durant la période où ils étaient les plus infectés. Ce sont des éléments qui permettent d'avoir des informations, qui donnent des éléments de comparaison.

La question qu'on pourrait se poser et qui se pose est le devenir des cas de nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt Jakob. Pour la maladie sporadique, les tendances notées en France et dans les autres pays européens ne sont pas en faveur d'une augmentation et sont plus le fait de l'amélioration de la surveillance. Pour la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt Jakob, la question est de savoir si on peut savoir ce qui va se passer. Du fait des incertitudes qui pèsent, on ne peut pas dire grand-chose en particulier au Royaume-Uni, sachant qu'en France nous sommes dans la même situation.

L'évaluation devra de toute manière se baser sur le réseau de surveillance puisqu'il n'existe pas actuellement de méthode alternative permettant d'évaluer l'importance du problème à venir.

Il a été évoqué l'intérêt de disposer de tests de diagnostic. Quand bien même ces tests seraient mis au point dans un avenir encore incertain, l'utilisation de ces tests pour estimer à l'heure actuelle l'importance du problème, vu la rareté de la maladie, vu aussi le fait qu'on aura du mal à évaluer ces tests en tout cas chez l'homme sur de grandes séries puisqu'il n'y a pas un nombre de cas importants, posera des problèmes qui ne permettront pas de répondre de manière rapide en tout cas à l'importance du problème en termes d'incubation ou du nombre de personnes infectées.

Il est important d'assurer la promotion du réseau actuel, d'améliorer sa sensibilité en termes de capacité à détecter les nouveaux variants et les formes de nouveaux variants qui pourraient survenir chez des personnes plus âgées comme cela a été montré au Royaume-Uni, d'avoir la confirmation anatomopathologique le plus souvent possible sur les cas suspects pour pouvoir classer les malades. On classe certains problèmes en autres pathologies car ce sont des éléments qui permettent de réduire l'incertitude sur l'estimation du problème, et je pense que la seule manière de voir plus clair sera de voir comment évoluent ces cas.

Cela prendra un peu de temps avant de pouvoir en France réduire l'incertitude qui est importante.

M. LE DEAUT - Je vais donner la parole au professeur Jean-Jacques HAUW qui fait la détection des tests. Avant, je voudrais vous poser une question. Madame ALPEROVITCH vient de dire qu'on peut montrer aujourd'hui que ce ne sont pas des cas de nouveaux variants de la maladie de Creutzfeldt Jakob. Arrivez-vous à autopsier tous les cas avec les règles sur la bioéthique, puisque l'on a voté une loi en 1994, mais l'article 611-9 du Code de la Santé Publique qui était clair dans notre loi de 1994 n'est pas interprété ainsi ?

Pouvez-vous répondre à cette question,

Vous avez été optimiste tout à l'heure, mais je ne suis pas sûr qu'il faille être aussi optimiste.

Pr HAUW ( Chef du service de neuropathologie de l'Hôpital de la Salpêtrière ) - Le réseau français de neuropathologie a été constitué et mis en oeuvre très rapidement puisque dès 1996, à partir du moment où il a commencé à être financé, il a permis de faire l'examen post-mortem dans toute la France de 58 cas qui étaient suspectés d'avoir la maladie de Creutzfeldt Jakob, et il y a eu confirmation pour 27 cas. Puis, progressivement, la surveillance s'est améliorée ; cela a posé énormément de difficultés, et peu à peu un nombre croissant de cas ont été suspectés puis confirmés.

Au total, 330 cas ont subi une autopsie et 171 d'entre eux ont été confirmés comme étant une maladie de Creutzfeldt Jakob, de type soit sporadique, soit de nouveau variant.

En fait, vous avez un schéma qui vous résume ce que je viens de dire où l'on voit l'augmentation de la suspicion des cas et leur confirmation qui est assez parallèle.

Première question qui se pose : pour confirmer un cas, il faut qu'il y ait un examen du cerveau. Il y a deux manières de faire un examen du cerveau : le prélèvement in-vivo chez le malade, c'est la biopsie cérébrale, et le prélèvement post-mortem, à savoir l'autopsie.

On se pose la question de savoir pourquoi ne pas faire des biopsies plutôt que des autopsies. La biopsie a comme avantage d'être rapide et elle est bien supportée par l'entourage familial et soignant du patient.

En revanche, elle a un certain nombre d'inconvénients. D'abord, est-elle éthique ? Ceci est fort discuté dans de nombreux pays où on la considère comme non éthique car il s'agit d'un geste irréversible qui porte sur du tissu qui ne régénère pas. Elle est potentiellement dangereuse puisqu'il y a des incidents, voire des accidents. On ne peut pas obtenir le consentement éclairé du patient. On n'a pas a évoquer un diagnostic utile qui permettrait de faire cette autopsie, et on demande habituellement un traitement plus risqué que la biopsie nécessaire dans le cas présent ; et bien, on n'a pas cette alternative. La biopsie est éthiquement difficile à soutenir et est peu sensible, parfois négative, à tort, alors que plus tard la maladie se révèle. Elle ne permet pas de faire des recherches ou très peu car la quantité de tissus obtenus est faible ; elle est coûteuse et potentiellement dangereuse puisqu'il y a un risque de contamination par les instruments utilisés. Elle a de multiples inconvénients.

A contrario, quels sont les inconvénients et avantages de l'autopsie ?

L'inconvénient majeur de l'autopsie est qu'elle est tardive, on n'a pas les résultats immédiatement, et elle est mal supportée par l'entourage, qu'il soit familial ou soignant, du patient. Elle est chargée de fantasmes. Tout ceci rend l'autopsie difficile à prescrire. Enfin, il y a aussi d'innombrables difficultés pratiques administratives à la réalisation des autopsies.

Les avantages sont entre autres qu'elle est plus éthique. Ce sont des avantages en miroir des inconvénients de l'autopsie. C'est un dernier geste encore très utile, un dernier don d'un malade généreux pour la société, et ceci est très important car c'est ainsi que l'autopsie devrait être ressentie : sensible, utile, peu coûteuse, sans danger.

Nous avons eu beaucoup de difficultés à faire des autopsies de la maladie de Creutzfeldt Jakob et les différents réseaux de recherche épidémiologiques nous ont beaucoup aidé dans ce domaine. L'autopsie disparaît en France. Je vous montre ici de façon générale la courbe du pourcentage d'autopsies par décès effectuées à l'Hôpital de la Salpêtrière à Paris. Il est à noter une chute qui a tendance à ne pas aller vers zéro à cause de la maladie de Creutzfeldt Jacob et quelques autres raisons, mais qui chute fortement.

Pourquoi a-t-on des difficultés à obtenir l'autorisation de faire des autopsies, y compris dans les cas de maladie de Creutzfeldt Jakob ?

Ce sont des raisons techniques, financières, réglementaires, éthiques et sociologiques. Je ne développerai pas dans le détail, nous n'avons pas le temps. Simplement, un mot des difficultés d'ordre éthique et sociologique. Nous les avons évoquées, et je pense que là il est possible d'intervenir. L'autopsie est vécue comme une atteinte à l'intégrité de la personne humaine, c'est l'introduction même de la loi Ethique et Liberté qui le dit, ou comme un acharnement diagnostic.

Elle est comme l'ultime acte médical qui peut être utile pour la communauté. Le consentement est souvent demandé au cours de la période de deuil aigu par des soignants, des agents administratifs, des médecins, non préparés à cette tâche très difficile.

Il existe d'innombrables types d'autopsies. Les réglementations sont très compliquées ; je vous cite les types d'autopsies que l'on peut distinguer : médico-légal, médico-scientifique, le don du corps à la science, l'autopsie dite sanitaire. C'est en fait l'autopsie médico- scientifique dans laquelle on distingue deux types d'autopsie : celle qui est faite pour rechercher les causes de la mort ou pour effectuer des recherches scientifiques, qui sont utilisées pour faire des autopsies dans le cas de la maladie de Creutzfeldt Jakob.

Je vais donner un exemple des difficultés administratives que l'on peut rencontrer. Un patient meurt hors d'un CHU, il avait décidé de faire un don d'organes à la recherche scientifique. Actuellement, ce n'est pas possible. Tout ce qu'il peut faire, c'est faire un don pour un diagnostic, pour une recherche de la cause de la mort mais pas pour la recherche scientifique. Ceci va probablement être amélioré car je pense que les textes sont en cours de modification.

Lorsque ce sera possible, ce sera très simple. En 24 heures actuellement, peut-être 48 heures, là encore les textes sont en modification, à partir de l'heure de la mort, et quel que soit le jour en cause, il suffira que le médecin signe un certificat de décès autorisant le transport du corps sans mise en bière. La famille témoigne de la volonté du défunt, demande l'autorisation du fichier d'état civil. La famille trouve une compagnie de pompe funèbre agréée pour le transport du corps. Elle demande l'autorisation du CHU le plus proche ; celui-ci doit décider de payer lui-même le transport aller-retour ou d'obtenir que la famille ou un organisme de recherche le fasse.

L'administration du CHU, munie d'une pièce d'identité du défunt, faxe à l'Etablissement français des greffes qui répond dans un délai de 1 heure les jours ouvrables, qui ne comprend pas le samedi. Là-encore on peut obtenir exceptionnellement que cela s'améliore mais ce sont les textes qui aujourd'hui existent. Le prélèvement est alors réalisé et le transport de retour est effectué. Certains sont arrivés à le faire, et c'est remarquable. Il a fallu avoir la foi chevillée au corps pour le faire.

Je pense que l'on pourrait facilement améliorer un certain nombre de ces points et rendre possible de faire un don du corps, un don du cerveau à la science.

Simplification de la loi, amélioration ponctuelle de la réglementation, formation et information générale du personnel soignant et administratif, voire des médecins et de la population de façon plus générale, développement des banques de tissus, etc. Tout ceci sont des pistes à explorer, et je pense qu'il y a là des choses faciles à faire.

Dr DESLIS ( Responsable du Groupe de Recherche sur les prions de la Direction du Vivant du CEA ) - Vous avez vu l'étendue de ce que les scientifiques ne savent pas, ce qui n'est certes pas rassurant dans un contexte de crise avec une maladie pour laquelle nous avons des problèmes de diagnostic, qui est mortelle dans 100 % des cas et pour laquelle on soupçonne qu'un agent transmissible est passé dans l'alimentation en ayant pu ainsi contaminer l'ensemble de la population.

Je vais essayer de vous donner des bases de raisonnement scientifique et des éléments permettant de borner cette incertitude afin d'éliminer les fantasmes et les dérives actuelles. Le premier transparent correspond à un schéma que j'avais préparé en 1994 à la suite d'une question posée au sein de la Direction Générale de la Santé. Nos amis britanniques à l'époque faisaient le raisonnement suivant : " la maladie de la vache folle vient de la tremblante du mouton. Celle-ci n'étant pas dangereuse pour l'homme, la maladie de la vache folle n'est pas dangereuse pour l'homme. "

Ce raisonnement était faux, à présent nous le savons. Si on représente la transmission de la tremblante du mouton, celle-ci est transmissible par voie intracérébrale au vison et à la souris, par voie orale à la chèvre et à la vache et par voie intracérébrale au singe. J'insiste là-dessus. Cela signifie que si on s'amusait à inoculer à l'homme de la tremblante du mouton par voie intracérébrale on aurait des maladies de Creutzfeldt Jakob.

Cela signifie que dans les conditions naturelles de vie, l'inoculation directe par voie intracérébrale n'étant pas classique dans nos pays, par voie orale, tout le monde un jour ou l'autre a mangé du mouton atteint de tremblante, aux doses habituelles, et avec la virulence habituelle de ces souches, il n'y a pas de problème pour l'homme. C'est ce que cela veut dire.

En revanche, si on fait exactement la même chose avec le bovin, on se rend compte que le schéma de transmission est complètement différent. L'agent ESB est transmis par voie intracérébrale à toute une série de ruminants, de carnivores, par voie intracérébrale à la souris, au singe, au porc, et à l'époque je mettais un gros point d'interrogation s'agissant de la transmission par voie orale à l'homme. Or, vous savez désormais que malheureusement on ne se pose plus la question.

Madame LASMEZAS vous a donné les éléments ce matin. Le Professeur DORMONT vous les a rappelés. Vous avez les arguments épidémiologiques qui indiquent que c'est bien l'agent qui a contaminé l'homme, les arguments expérimentaux, ce que les journaux ont appelé la signature par le macaque, à savoir la transmission que nous avions effectuée en 1996, la signature biochimique et la signature lésionnelle. Ce sont les travaux de Madame LASMEZAS sur le premier patient français qui avait la même signature que les patients britanniques.

En clair, nous avons la preuve expérimentale que c'est bien le même agent qui a contaminé l'homme et les bovins. Effectivement on peut chipoter et dire : " oui, mais on n'est pas sûr, est-ce que l'homme a été bien contaminé ainsi ? Peut-être qu'on peut envisager autre chose . "

En pratique, soyons clairs, on ne voit aucune autre possibilité logique. Les scientifiques ont bien évidemment toujours des doutes et ils les émettent et en débattent, mais on peut quand même se faire une opinion à partir d'un certain nombre d'éléments.

Il y a des amalgames actuellement entre l'augmentation du cas de bovins actuellement en France et l'apparition de nouveaux variants. Ce qui fait que les gens paniquent en disant que tout est dangereux, la viande française est mauvaise, c'est dramatique ; il est important je crois de remettre en perspective. Le risque malheureusement pour nous est déjà passé ; le risque vient de la contamination des bovins britanniques qui a atteint des sommets dans les années passées, bovins qui étaient largement importés en France.

Je vous ai représenté sur un même graphique les chiffres britanniques et les chiffres français au cours des dernières années.

On peut voir que la masse de bovins contaminés venait de Grande-Bretagne, sachant qu'environ 10 % de la consommation française provenait de Grande-Bretagne. J'ai donc divisé les chiffres britanniques par 10, et on voit que l'énorme masse vient de Grande-Bretagne. Bien entendu, ceci s'est arrêté en 1996, si on imagine que l'embargo a été efficace. A partir de 1996, la population française a été protégée parce qu'il n'y avait plus d'importation massive de produits britanniques, et que, par ailleurs, notre population bovine était saine.

Nous reviendrons sur le problème des cas qui commencent à apparaître mais qui n'ont aucun rapport avec ce que j'expliquais précédemment non seulement en termes de quantité mais aussi en termes de précautions qui sont prises car il y a à présent l'élimination des abats à risque, notamment l'élimination de la moelle épinière et du cerveau qui sont les éléments qui contiennent le plus d'agents, donc les plus dangereux.

Pour aller plus loin dans l'analyse de ce risque, il faut comparer au problème des abats à risque. Comme on vous l'a dit, chez le bovin, c'est le cerveau et c'est la moelle épinière qui sont les plus dangereux. Chez les bovins qui développent une maladie naturelle, ce sont les seuls tissus dans lesquels on a retrouvé de l'infectiosité. Ce sont les seuls tissus qui ont été capables de rendre malades des souris lorsqu'on les a pris pour les injecter directement dans le cerveau de ces animaux. Ce sont les tissus les plus dangereux.

On peut imaginer qu'il pourrait y en avoir ailleurs mais commençons par nous préoccuper du principal, et si vous faites cela et que vous vous intéressez aux abats à risque, ils ont été interdits début 1990 pour l'importation en France. Ils avaient été interdits plus tôt en Grande-Bretagne, et quand on regarde les chiffres d'exportation des abats provenant d'Angleterre en France, il est à noter malheureusement une multiplication par un facteur 20 dans les années 1988-1989, en plus au moment où ils ne pouvaient plus être écoulés. Il se trouve que fin 1989 ils ont été interdits à la consommation humaine au Royaume-Uni, et étant donné qu'il était légalement permis de les exporter, on peut imaginer qu'il y a eu en France une entrée massive de produits très dangereux.

Ce sont les risques qui ont été courus.

Autre point inquiétant, c'est ce que l'on sait de ces maladies avec l'expérience que nous avons du Kuru qui est une maladie qui touchait des tribus en Nouvelle Guinée, des tribus qui vivaient encore à l'âge de pierre, maladie qui touchait des enfants et des femmes, qui était liée à des rites funéraires particuliers puisque c'étaient des rites cannibales. Ce que l'on sait de cette maladie avec le recul que nous en avons à présent, c'est que les enfants les plus jeunes qui ont développé cette maladie avaient 4 ans, et les derniers cas sont apparus en 1998, soit plus de 40 ans après la contamination, et on sait que la contamination est effective. Une maladie qui avec une souche humaine, donc très adaptée à l'homme, peut avoir une incubation qui peut s'étendre de 4 ans à 40 ans.

A présent, si vous prenez une souche bovine qui n'est pas adaptée à l'homme, on sait qu'il y a un ralentissement, ce qui fait que nous sommes dans l'incapacité de dire actuellement quelle est la durée de la période d'incubation. Ceci explique pourquoi vous avez des incertitudes sur le nombre de cas à venir et que les fourchettes suivant les modélisations - la précédente c'était entre 70 cas et 500 000, la dernière entre 63 cas et 136 000 - et en fait le Professeur WILL vous dit très franchement qu'on ne peut pas dire quel sera le nombre futur de cas, même si on espère qu'il sera le plus faible possible. Raisonnablement, on peut éliminer les fourchettes hautes et basses.

Le troisième élément de réflexion porte sur la physiopathologie de ces maladies. Après une contamination par voie orale, les premiers sites de réplication se font dans les tissus lymphoïdes directement associés à l'intestin. Ce sont des formations lymphoïdes un peu particulières, donc des sites où il y a des globules blancs. Ces sites sont les endroits où l'agent se réplique et classiquement dans un modèle de souris, on représente cela, réplication d'abord dans les organes lymphoïdes, ici c'est la rate, ici dans le sang tout au long de la maladie, et tardivement, une neuroinvasion. En fait, ce modèle qui est classique varie en fonction de la souche et de l'hôte.

Ceci est parfaitement vrai pour l'ovin et la tremblante, on retrouve des taux importants en périphérie, et si l'on prend le bovin qui nous préoccupe le plus pour le moment, on est incapable d'en détecter dans la rate, dans les organes lymphoïdes. On ne détecte cet agent dans aucun tissu périphérique ; cela ne veut pas dire qu'il n'y est pas, mais il est à des taux tellement faibles qu'il est impossible de le détecter. Ensuite, il progresse par neuroinvasion jusqu'à la moelle épinière et au cerveau, et là il atteint des taux très importants qui évoluent de manière exponentielle jusqu'à la mort de l'animal, et c'est cela qui est dangereux.

Je vous ai dit que chez le bovin les tissus périphériques ne sont pas retrouvés comme infectieux dans les formes naturelles mais simplement dans les formes expérimentales. A présent, si on regarde chez l'homme, malheureusement pour nous, cette protéine anormale est trouvée dans les tissus périphériques et notamment dans les amygdales. C'est ce qui s'est passé avec les patients français dont on vous a parlé tout à l'heure. On détecte cette protéine anormale chez le deuxième et le troisième patient français dont vous savez par les médias que ce jeune homme n'est pas encore décédé.

Bien entendu, cela pose un problème pour la transfusion sanguine potentielle puisque, comme vous l'a rappelé le Professeur WILL, dans les formes habituelles de Creutzfeldt Jakob dont on sait qu'elles ne semblent pas être dangereuses pour la transfusion sanguine, vous n'avez pas de taux détectable. Là, vous êtes avec une souche plus virulente qui a un marqueur qui s'accumule dans les tissus périphériques, d'où un risque supérieur dans la transfusion sanguine qu'on ne sait pas encore quantifier.

Vous avez vu que jusqu'à présent il n'y avait pas de problème avec les bovins français, sachant que via les journaux vous voyez quand même apparaître des cas. On se demande pourquoi il y a de plus en plus de cas alors que les farines sont interdites.

Je vous ai fait une petite représentation où vous voyez apparaître 155 cas au 16 octobre. Il y a un pic en 1988-1989 sachant que j'ai superposé deux courbes : celle que j'avais tracée en mai 2000 et celle tracée en octobre 2000, simplement pour vous montrer que sur la courbe rose où vous pourriez croire qu'il y a une belle décroissance, en fait ce n'est pas exact, cela continue de monter mais simplement vous n'avez pas un recul suffisant car il y a 5 ans d'incubation en moyenne, et donc les derniers cas vont apparaître dans les mois à venir.

Si vous faites la même représentation par année d'apparition, et là vous avez l'âge des animaux, vous avez le même phénomène exponentiel entre 1996-1998 et 1999-2000, et là ma courbe est déjà dépassée, mais le second point ennuyeux, ce sont les bovins de 4 ans. C'est anormalement jeune et on s'explique mal pourquoi, quand on a importé de manière importante des farines britanniques entre 1988 et 1989 on n'a eu qu'un nombre limité de cas et qu'ensuite cela augmente. Incontestablement, quelque chose est passé dans l'alimentation ; les farines sont les premières suspectes mais il faut s'interroger s'il n'y a pas une autre possibilité.

Ce n'est pas de la recherche scientifique mais de l'enquête policière pour essayer de comprendre par où ce type d'agent a pu passer sachant que l'on sait d'où il vient. Il vient du cerveau et de la moelle épinière de bovins contaminés. Le fait que vous ayez des bovins anormalement jeunes laisse suspecter qu'ils ont été contaminés très tôt au début de leur vie mais nous n'avons pas de preuve. Nous avons des éléments qui font suspecter des choses et qui appellent des investigations mais qui ne sont pas de ressort des scientifiques. Nous n'avons aucune possibilité d'investigation.

Il s'agit là de bovins qui ont eu la maladie à 4 ans, leurs petits frères la feront à 5 ans et les autres la feront à 6 ans. Il y a un décalage.

Face à cette situation, pour protéger l'homme, il y a différentes mesures : les mesures globales, à savoir l'élimination des abats à risque, notamment l'élimination de la cervelle et de la moelle épinière. Les autres abats, c'est par mesure de précaution, sachant qu'enlever la moelle épinière pose des soucis car la découpe à l'abattoir implique que vous coupiez la carcasse en deux en passant par la moelle épinière, ce qui signifie que vous contaminez les tissus adjacents. Le second point, c'est que vous laissez les gros nerfs sur le reste de la carcasse, vous éliminez 90 à 95 %, voire 99 % si c'est très bien fait, mais vous aurez du mal à aller plus loin.

Vous avez l'élimination de l'ensemble du troupeau dès l'apparition d'un cas clinique. Vous avez l'embargo sur les produits bovins britanniques ; tant que la situation n'est pas régularisée, on prend du temps. Il y a également des mesures qui sont appliquées en Grande-Bretagne qui consistent à dire que chez tous les bovins de plus d'un certain âge - en l'occurrence, ils ont pris ceux âgés de 30 mois - il y a une neuroinvasion, que le système nerveux central est dangereux et donc qu'il faut éliminer tous les bovins au-dessus de cet âge.

Il s'agit d'une mesure globale très lourde, aussi lourde pour eux qu'un embargo total, c'est parce que nous sommes dans la situation où, faute de moyen de détecter ces bovins, il faut éliminer tout le monde. C'est l'approche globale avec des mesures de protection très lourdes.

Les mesures spécifiques théoriques de protection consistent en une élimination ciblée en utilisant des tests rapides à l'abattoir. C'est pourquoi l'Union Européenne avait lancé ce type d'évaluation en 1998 qui a été réalisée en 1999, dont les résultats vous ont été présentés tout à l'heure. Je vais essayer de vous faire un raisonnement pour voir si on peut aller plus loin dans l'appréciation de ce que ce type d'approche pourrait apporter. Tous ces tests sont basés sur la détection du marqueur spécifique de ces maladies, cette fameuse protéine anormale. C'est une protéine normale de l'hôte qui se transforme en une forme anormale ; elle a tendance à changer de conformation et elle s'agrège et, en s'agrégeant, elle résiste à la dégradation.

Voici la protéine chez une souris saine. Lorsque vous faites agir une protéase elle est détruite ; chez un animal infecté, elle s'accumule et résiste à la dégradation. C'est parce qu'elle résiste à la dégradation que la cellule n'arrive pas à s'en débarrasser. Cette protéine est intimement liée à l'agent infectieux. Vous avez toute une série de tests, les tests qui ont déjà été évalués par la Commission Européenne étaient au nombre de 4. Un n'a pas été retenu car il n'était pas assez sensible ; il n'arrivait pas à détecter tous les bovins positifs alors que c'étaient des bovins cliniques, donc vus par l'oeil humain. Par ailleurs, il donnait de faux positifs.

En revanche, trois tests ont été validés ; c'est ce qui vous a été présenté ce matin avec des sensibilités différentes. Puis, vous avez derrière de nouveaux tests car, malheureusement, concernant la transfusion sanguine, tous ces tests ont une sensibilité insuffisante. En effet, on n'est pas actuellement capable pour le sang d'avoir un test suffisamment sensible pour y détecter la présence de cet agent et garantir une sécurité.

De nouveaux tests apparaissent donc, dont vous avez peut-être entendu par les journaux : l'électrophorèse capillaire, un test américain qui utilise les différentes conformations de la Prp, le test britannique qui avait été recalé la première fois mais amélioré depuis qui normalement est très sensible désormais, Prionics qui a développé un nouveau test qui devrait lui permettre de produire beaucoup d'échantillons, et le test que nous-mêmes développons pour essayer d'aller plus loin dans la sensibilité, dans l'efficacité et dans la rapidité.

Je vous rappelle rapidement les résultats entre les tests A et B dont la sensibilité varie d'un facteur 1 à 300, le test le plus mauvais correspondant à l'oeil du vétérinaire. Actuellement, nous avons des tests qui, lorsqu'on prend le plus performant, sont 3 fois plus sensibles, mais la question est la suivante : qu'est-ce qu'un test très sensible peut apporter ?

Là, on arrive au problème de la dose infectieuse dangereuse pour l'homme par voie orale. Il vous a été dit qu'on ignorait quelle est cette dose infectieuse par voie orale. Si on le prend dans ce sens, c'est vrai. Cela dit, on connaît la hiérarchie et on sait ce qui est dangereux pour l'animal et, par comparaison, ce qui est dangereux pour l'homme. On sait que la souris par voie intracérébrale est sensible à ces agents et si vous prenez 1 gramme d'un cerveau d'un bovin pré-contaminé, vous avez de quoi tuer 1 000 à 100 000 souris si ce gramme est inoculé par voie intracérébrale.

Si vous faites la même chose par voie orale à bovin, on estime qu'avec 1  gramme de cerveau vous avez de quoi tuer 10 bovins. C'est ce que l'on sait d'après les expériences de transmissions expérimentales. J'ai rappelé hier nos amis britanniques pour avoir davantage de détails pour savoir où ils en étaient. Ils estiment qu'avec 1 gramme de cerveau contaminé, ils transmettent la maladie en 69 mois en moyenne (entre 46 et plus de 106), c'est-à-dire qu'avec 1 gramme de cerveau, vous avez une efficacité qui ressemble étrangement à ce que l'on observe chez les bovins qui sont malades en 5 ans chez nous.

Ainsi, avec 1 gramme de cerveau, on contamine 10 bovins, mais il y a aussi des estimations plus pessimistes qui ont été faites dans lesquelles on pense qu'avec 1 gramme on peut contaminer 1 000 bovins par voie orale.

Il faut savoir qu'un bovin contient 700 grammes de système nerveux central (500 grammes de cervelle, 200 grammes de moelle épinière). Je rappelle que tout ceci rentrait massivement dans l'alimentation avant l'interdiction de ces abats à risque. Donc, avec 700 grammes, si on suit ce raisonnement, vous avez de quoi tuer entre 700 000 et 70 millions de souris, et entre 7 000 et 700 000 bovins.

Si on prend les modélisations, dans l'hypothèse actuelle retenue (63 - 136 000 cas) on estime que 1 bovin est capable de tuer 2 hommes. Vous voyez le différentiel gigantesque entre l'homme et la souris.

Il y avait des hypothèses plus pessimistes qui avaient été faites en disant qu'avec 1 bovin on pouvait tuer 100 personnes dans notre population.

Je vais prendre à présent une hypothèse intermédiaire et prendre 10 grammes. Pourquoi 10 grammes ? Parce que c'est la dose que l'on retrouve dans un certain nombre d'aliments comme une saucisse de 100 grammes où il peut y avoir 10 grammes de cerveau.

Vous avez de quoi tuer en théorie, 10 000 souris, 100 bovins et 1 homme. Si vous prenez 10 grammes, vous avez de quoi tuer 1,4 homme.

Nous allons à présent faire le raisonnement dans l'autre sens. Si on prend un bovin qui présente des signes cliniques, n'importe quel test fonctionnera, y compris l'oeil du vétérinaire. Vous identifiez facilement le bovin qui va vous fournir les 10 grammes.

On se moque un peu du moment où les signes cliniques vont apparaître, ce qui compte c'est d'être en dessous de la dose qui est dangereuse pour l'homme. C'est une question de dose de la quantité de prions et d'agents infectieux qui sera dangereuse pour l'homme. Si cette quantité est contenue dans 10 grammes, un bovin qui tremble de tous ses membres, ce sera détecté par tous. Le problème est si cette quantité est plus diluée, c'est-à-dire diluée dans plus de cerveau, plus de moelle épinière. En ce cas, votre test sensible ne va pas la détecter, et pourtant si vous mangez 100 grammes de cerveau vous avez la dose mortelle.

En revanche, si vous prenez le modèle souris qui est plus sensible que les autres modèles, en ce cas vous pouvez diluer cette même dose infectieuse 10 fois, 100 fois, 1 000 fois, et si vous injectez la souris, vous ne vous rendez pas compte qu'il y a une dose mortelle dedans. Pour avoir votre dose mortelle, il faut 10 kilos de cerveau ou de moelle épinière. En général, on s'en rend compte avant de les manger et vous avez de fortes chances de mourir d'une indigestion avant de mourir d'autre chose vu les quantités en jeu.

A présent, vous allez me dire que, s'agissant de la souris, il faut attendre 2 ans pour avoir ce type d'information ; on ne peut pas abattre un animal, injecter une souris et attendre 2 ans pour avoir le résultat.

Justement, depuis 1996, les choses ont changé. La recherche scientifique a fait des progrès, les progrès techniques sont là aussi et dans les tests évalués, vous avez vu que le test le plus sensible avait le niveau de sensibilité d'une souris. Si vous appliquez votre test le plus sensible, vous éliminez la quantité dangereuse pour l'homme même si elle est diluée dans beaucoup plus. Je suis parti d'hypothèse que 10 grammes était une dose mortelle, mais on peut aller plus loin en disant que 1 gramme suffit ; vous continuerez quand même à protéger de manière efficace. Ceci est une autre façon de voir le problème.

Dernier point : une critique avait été faite au moment où on a développé ce genre de tests. Il nous a été dit que c'était très joli, que nous avions fait un test très sensible mais c'est tellement sensible que derrière, il y aura de nombreux faux positifs et on va bloquer les abattoirs. Comme on attend peu de bovins positifs, on sait que tout test, s'il est appliqué à très grande échelle, donnera des faux positifs ; cela existe partout en biologie.

Face à cette critique, justifiée, nous avons développé un test de confirmation. Vous avez toujours le test de dépistage à très grande échelle qui, lui, est fait pour balayer tous les cas. Sur un bovin, en détectant le cerveau 3 000 fois, vous continuez à avoir le signal et vous le perdez en détectant le cerveau 10 000 fois. Cela correspond à l'ordre de sensibilité habituelle.

Qu'a de particulier le " Western Blot " correspondant ? Le test est composé d'une première partie qui est une méthode de purification, qui permet de concentrer. Si vous partez de quelque chose de très dilué, même si derrière vous avez quelque chose de sensible, vous passez à côté. Là, en concentrant et en ayant derrière une méthode avec des anticorps sensibles, vous arrivez à détecter. Vous avez la même chose avec le " Western Blot " et vous avez confirmation du même niveau de sensibilité. Ceci est pour éliminer les craintes justifiées de blocage du système.

Pour terminer, on ne connaît pas la nature de l'agent, on ne sait pas si c'est l'hypothèse du prion qui est la bonne, si cette protéine anormale est l'agent lui-même, si cette protéine anormale est intimement liée à un agent qui se protège, sachant que cette protéine lui donne ses capacités de résistance à la dégradation ou, hypothèse qui semble moins probable, si c'est juste un produit sans rapport et qui est lié à une multiplication virale.

Cependant, peu importe, les scientifiques auront toujours des doutes, c'est dans notre nature, c'est notre métier de nous poser des questions, l'important est de donner des bornes aux limites de notre incertitude et voir ce que nous pouvons faire pour protéger la population en attendant.

Je terminerai par une anecdote : le père de cette hypothèse, un expert dans ce domaine, pensait jusqu'à fin 1999 que l'agent ESB n'était pas responsable du nouveau variant. Si on avait attendu que tous les experts soient d'accord, nous n'aurions pas commencé à prendre des mesures en 1996 mais en 1999, voire en 2000.

Mme DOKHELAR ( Conseiller adjoint à la Direction de la Recherche en charge du programme " prions " ) - Merci de me donner l'occasion de présenter de façon générale le cadre dans lequel nous travaillons au Ministère de la Recherche et en particulier sur ce programme " prions " dont je suis responsable au Ministère.

Pour définir le travail de recherche de son Gouvernement, le Premier Ministre s'est investi personnellement dans cette définition de politique de recherche et il l'a fait avec les ministres concernés au travers de deux comités interministériels pour la recherche scientifique et technique : l'un qui s'est réunit en juillet 1998, le second en juin 1999 et qui, tous deux, ont fixé le cadre dans lequel nous travaillons au Ministère de la Recherche.

Lors de ce premier Comité Interministériel sur la Recherche, celui de juillet 1998, ont été définis d'une part les méthodes de recherche du Ministère, d'autre part les outils sur lesquels le Ministère s'appuie pour mettre en oeuvre la politique du gouvernement. Nous nous appuyons notamment sur des comités ; vous avez certainement entendu parlé du Comité National de la Science.

Nous nous appuyons également sur des comités plus spécifiques ; quatre d'entre eux nous conseillent en matière de prion, notamment le Comité Consultatif des Sciences du Vivant duquel nous recevons des conseils et qui réfléchit à la mise en oeuvre de la politique du gouvernement. Nous avons également un outil qui est le Fonds National de la Science ; c'est un fonds qui finance des recherches sans partenariat avec les industriels, qui sont des recherches aussi bien fondamentales que des recherches appliquées.

Le second Comité Interministériel, celui de juin 1999, a fixé les grandes priorités du gouvernement en matière de recherche, et la première d'entre elles qui a été défini comme étant une science du vivant. C'est dans ce cadre que se situe notre action au Ministère.

Dans ce cadre des sciences du vivant, nous sommes conseillés par le Comité Consultatif des Sciences du Vivant qui, dès qu'il a été mis en place, a conseillé au Ministère de la Recherche d'intervenir de façon incitative en matière d'agents infectieux, ce qui a conduit le Ministère de la Recherche à mettre en place un certain nombre d'actions incitatives dans le champ des agents infectieux. Vous avez dû entendre parlé des actions incitatives en matière de microbiologie et maladies infectieuses. Nous intervenons également dans ce champ-là dans les pays en voie de développement avec une action qui concerne toutes les maladies infectieuses dans ces pays.

Nous avons également un troisième programme dans le champ des maladies infectieuses qui est un programme qui concerne les agents transmissibles non conventionnels et les prions. Ces actions incitatives du Ministère sont financées par le Fonds National de la Science et elles visent à compléter et à renforcer l'action des organismes de recherche. Il s'agit de travailler en concertation et de renforcer les actions propres des organismes qui par ailleurs peuvent également financer des recherches sur les prions notamment.

Quelles sont les modalités d'organisation au sein du Ministère du programme " prions "?

Nous avons un pilotage concerté pour définir les grandes options de recherche. Ce pilotage concerté met ensemble les administrations concernées pour les recherches sur les prions, la recherche bien entendu mais aussi la santé, et le Ministère en charge de l'agriculture qui nous aide à piloter ce programme de recherche. Elles mettent ensemble avec ces administrations les organismes de recherche qui sont concernés par ces recherches (l'INSERN, le CNRS, le CEA, l'INRA et l'Institut Pasteur très certainement).

Les administrations centrales, les organismes de recherche, nous aident à définir ces grandes options de recherche mais aussi - et c'est une volonté depuis l'origine - l'AFSSA (l'Agence de Sécurité Sanitaire des Aliments) a été associée à ce pilotage. Récemment, nous avons souhaité étendre ce pilotage aux autres agences qui ont été ouvertes en matière de sécurité sanitaire ; donc, l'AFSSPS nous aide également ainsi que l'Institut National de Veille Sanitaire qui va nous rejoindre dans les jours qui viennent pour piloter et définir ces grandes actions de recherche.

Deuxièmement, nous avons des orientations scientifiques qui sont définies au meilleur niveau. Vous savez que ce programme s'appuie pour la définition des orientations scientifiques sur le comité d'expert que dirige le Professeur DORMONT, qui est à la fois un comité qui fournit des expertises pour le gouvernement mais aussi un comité qui définit pour nous les grandes orientations scientifiques qui nous permettent de mettre en oeuvre les financements du Ministère en matière de recherche sur les prions.

Nous avons également des modalités d'intervention que nous avons voulu diversifier au travers d'actions incitatives. Nous avons mis en place des recherches en réseau qui ont permis notamment de doter la communauté scientifique française de nombreux outils qui lui faisaient défaut en 1996. Ces actions incitatives sont décidées sur l'initiative du comité d'experts. Nous avons également des appels d'offres. Nous demandons à la communauté scientifique, à travers des thématiques que nous définissons comme prioritaires, de nous proposer des projets. C'est depuis la communauté que remontent vers le Ministère des projets qui sont ensuite évalués, et ces appels d'offres sont publics ; ils sont publiés sur le web du Ministère, et je vous invite à vous y rendre pour en voir le contenu spécifique.

Outre ces actions incitatives et ces appels d'offres, nous répondons dans la mesure du possible à des demandes plus particulières, notamment la mise aux normes de laboratoires, la constitution de banques, de façon à avoir une diversification de nos actions et de nos interventions la plus large possible.

Enfin - et je voudrais en profiter pour remercier Dominique DORMONT qui est à l'origine de cette évaluation - nous avons également une évaluation rigoureuse des projets soumis aux appels d'offres car Dominique DORMONT a tenu à ce que ce soient des experts extérieurs eux-mêmes non financés qui évaluent ces projets, et c'est grâce à son Comité que nous nous appuyons sur ces experts extérieurs. Ils ne sont pas tout à fait extérieurs, car quand nous avons défini un thème prioritaire qui concerne l'immunologie nous faisons appel à des immunologistes mais qui, dans la mesure du possible, ne sont pas eux-même financés au travers du programme de façon à ce qu'ils restent les plus objectifs possibles par rapport aux projets qui leur sont soumis.

Nous avons donc un pilotage concerné, des orientations scientifiques précisées au meilleur niveau, des modalités d'intervention diversifiées et une évaluation rigoureuse des projets.

Monsieur le Ministre de la Recherche a évoqué ce matin les résultats scientifiques que nous avons obtenus au travers de ce programme et au travers des organismes et de leurs efforts en matière de recherche sur les prions. Il nous a été fourni récemment des données importantes concernant le rôle de la procédure normale. La mise en réseau des laboratoires que j'évoquais tout à l'heure a permis de doter la communauté scientifique d'outils, et notamment de ces tests.

Vous avez entendu dire que la recherche thérapeutique s'amorce, que les activités de surveillance et de recherche épidémiologique sur la maladie Creutzfeldt Jakob donne une image très précise de la situation française.

Enfin - c'est un point qu'on a moins évoqué aujourd'hui - nous finançons des recherches en science humaine et sociale qui nous permettent de mieux répondre à la perception du risque, et de mieux comprendre les raisons de cette crise à laquelle nous faisons face aujourd'hui.

Sur ces recherches, je ne conclurai pas sur le plan scientifique, je pense que Dominique DORMONT a largement évoqué les questions qui restent ouvertes pour les chercheurs et sur lesquelles ils devront travailler dans les années à venir. Je voudrais mettre l'accent sur la nécessité de cette démarche concertée non seulement au plan français mais aussi communautaire, voire même au niveau transatlantique. Nous réfléchissons à la façon de travailler entre la Communauté Européenne et les USA, notamment pour standardiser les outils dont nous avons besoin pour mieux travailler dans le domaine des prions.

Cette nécessité de concertation est réelle pour définir les besoins de la recherche. C'est pourquoi nous avons associé les agences à notre réflexion. Cette concertation est nécessaire pour fournir les outils et pour les standardiser ; c'est le problème des banques d'échantillons humains, bovins, dont les chercheurs auront besoin pour mieux comprendre ces maladies à prions. Ils en auront besoin également lorsque de nouveaux tests seront disponibles. Nous sommes en train de constituer ces banques au travers du programme, et notamment des banques d'échantillons humains.

Enfin, et c'est une des préoccupations importantes du Ministère, cette concertation est nécessaire pour utiliser au mieux les ressources disponibles dans le cadre des efforts majeurs qui vont être consentis par le gouvernement pour ces recherches sur les prions.

Le dernier point sur lequel je voudrais insister qui a été évoqué par Dominique DORMONT et le professeur Mc CONNELL, c'est le fait que cette démarche de recherche est un processus long. Il faudra du temps avant que ces recherches n'aboutissent ; il nous faut nous appuyer sur la recherche fondamentale et il est important de financer ce type de recherche, en amont des recherches plus appliquées qui intéressent peut-être plus les médias, qui sont indispensables pour que nous comprenions cette maladie.

Dernier point, et c'est un élément qui doit être entendu ici, nous avons besoin de pérenniser ces efforts. S'ils demandent du temps, il nous faudra des financements pendant longtemps pour aboutir dans ces recherches.

Je vous remercie.

M. GATIGNOL - Je voudrais revenir sur cette notion de transmission à l'homme qui inquiète tout le monde et savoir, puisque nous avons la présence du Professeur WILL et celle de nos chercheurs, s'il y a un dénominateur commun dans ce village de Queens Borough où il est apparu plusieurs cas humains ? Est-il possible de donner une explication sur ce dénominateur commun ?

Pr WILL - La répartition géographique des cas de la variante de la maladie de Creutzfeldt Jakob a été étudiée de très près depuis plusieurs années. Il y avait des doutes dans le Kent mais sans trouver de lien entre les cas. A présent, il y a des preuves significatives et c'est étudié en détail par nous-mêmes et en particulier par les médecins locaux. C'est une enquête en cours mais pour le moment nous n'avons pas vraiment de preuve définitive de lien entre ces cas.

Les difficultés de ces études au plan local ne doivent pas être sous-estimées. Si vous essayez de comparer par exemple des achats de produits alimentaires entre les cas de personnes qui habitent au même endroit, il y a peut-être des chevauchements, c'est un problème difficile qui s'est déjà posé dans le passé pour des cas de maladie Creutzfeldt Jakob sporadique. Les enquêtes sur ces cas se sont révélées négatives bien qu'on puisse trouver curieux qu'il y ait 5 cas aussi proches géographiquement les uns les autres. Il ne faut pas perdre de vue que c'est peut-être un hasard.

Pr MC CONNELL - Je voudrais faire un commentaire lorsque tous les parlementaires auront posé leurs questions.

M. LE DEAUT - Je voudrais poser plusieurs questions. Nous avons eu une journée où à partir du problème de la contamination animale, nous avons abordé le problème des tests, puis le problème de la contamination à l'homme. C'est un sujet qui intéresse nos compatriotes qui cherchent à ce que nous leur apportions des réponses claires. Et comme vous avez dit, Madame, que la science avance lentement, nous n'avons pas de réponses qui soient sûres, mais le cheminement scientifique fait qu'on arrive, petit à petit, à apporter des réponses. Néanmoins, en entendant ce matin le Professeur Mc CONNELL, j'ai compris que ce qui s'est passé en Grande-Bretagne n'est en rien comparable à ce qui s'est passé en France en nombre de cas et qu'il y avait une sorte de parallélisme entre le nombre de cas bovins et le nombre de cas humains auquel on peut s'attendre.

La première question est celle que nos compatriotes nous posent dans nos circonscriptions : est-ce qu'il y a un risque de développement important de la maladie chez nous ?

Deuxièmement, mais je crois que vous avez ce matin, Madame, répondu à cette question, en l'état actuel des connaissances scientifiques, vous avez tous dit qu'il n'y a pas de contamination par la viande rouge avérée qui ait été prouvée. Peut-on l'affirmer de manière claire ? Avec la décision qui a été prise de ne plus servir de viande dans les cantines scolaires, peut-on rassurer nos compatriotes ou pas ?

Quand on demande cela à un scientifique - je l'ai été avant d'être parlementaire - il répond toujours avec une incertitude et on le comprend très bien, mais ces questions sont attendues. Je voudrais, en fin de cette table ronde, que vous puissiez répondre à cette question.

J'aurai quelques autres questions par la suite.

Madame ALPEROVITCH, j'ai lu votre article récent dans la presse dans lequel vous abordez ce sujet.

Mme ALPEROVITCH - Je vais essayer de répondre à cette question. Cela pourra peut-être vous étonner car aussi bien le Professeur DORMONT tout à l'heure que le professeur WILL ont dit qu'on ne connaissait rien à rien. Or, je vais quand même vous dire que nous savons un peu et que le problème est d'utiliser au mieux le peu que nous connaissons pour essayer de donner des limites à l'incertitude.

Nous savons par exemple combien de cas sont survenus en Grande-Bretagne, quelle est l'allure de l'épidémie de variant de la maladie de Creutzfeldt Jakob, quel âge avaient ces cas. Nous connaissons la date de début de l'épidémie d'ESB en Grande-Bretagne. Nous savons quelle a été l'allure de l'épidémie, comment le nombre de cas a augmenté. Nous connaissons la date à laquelle certaines mesures ont été prises ; nous pouvons faire des hypothèses sur la date à laquelle elles ont été appliquées. Nous pouvons aussi faire des hypothèses sur l'efficacité de ces mesures. Jean-Philippe DESLIS vous a dressé un tableau très complet mais on peut faire des hypothèses. Les mesures prises sont-elles efficaces à 80 %, à 90 % ou à 100 % ?

Nous pouvons faire des scénarios en simulant la variabilité de paramètres que nous ne connaissons pas bien, C'est un exercice classique qui a été fait dans d'autres maladies que celle qui nous préoccupe aujourd'hui. Par exemple, l'équipe britannique qui a fait la modélisation de l'importance possible de l'épidémie de variant en Grande-Bretagne est une équipe de modélisateurs qui a travaillé précédemment dans d'autres maladies infectieuses et, en particulier, qui a fait dans le domaine du Sida des travaux qui ont fait date. On peut donc modéliser en situation d'incertitude. La question est d'interpréter de manière raisonnable les résultats de cette modélisation.

Le plus récent travail qui a abouti à une prédiction, qui a donné l'incertitude sur le nombre de cas à venir de variant en Grande-Bretagne a examiné 5 millions de scénarios de combinaisons de paramètres. Ils sont partis du peu que nous savions et ils ont donné au peu que nous savions une très grande possibilité de variations qui a abouti à envisager 5 millions de scénarios.

Il est clair je pense pour tout le monde ici que ces 5 millions de scénarios ne sont pas également probables. Parmi les scénarios qui ont été envisagés par cette équipe d'Oxford, certains sont plus raisonnables que d'autres. Les scénarios extrêmes vont d'un très grand optimiste qui, dans le papier publié cet été, donnait un nombre de cas minimum qui déjà aujourd'hui est dépassé, donc c'était très optimiste, à un très grand pessimiste en particulier concernant la durée d'incubation qui est une durée d'incubation moyenne de plus de 60 ans.

Jean-Philippe DESLIS vous a dit, en prenant l'exemple du Kuru que la période d'incubation pouvait aller de 4 ans à 40 ans ; ce ne sont pas des moyennes mais des durées extrêmes. Une durée d'incubation moyenne de 60 ans, qui fait pour certaines personnes une durée d'incubation de 100 ans, ce n'est peut-être pas dans l'état actuel de nos connaissances l'hypothèse la plus raisonnable.

Sur les 5 millions de scénarios envisagés, ceux qui correspondent aux extrêmes représentent peut-être une dizaine de 1000 sur ces 5 millions, et on peut raisonnablement, en l'état actuel des connaissances, les écarter, ce qui donne alors, pour des durées d'incubation qui iraient de 20 à 60 ans, un nombre de cas attendus en Grande-Bretagne qui se situeraient dans une fourchette entre 100 ou 150 et 6 000.

Bien sûr, c'est encore une très grande incertitude, mais c'est mieux que de 100 à 136 000.

Ceci est un éventail de scénarios, c'est plusieurs millions de scénarios dans cet intervalle. J'ai le sentiment que c'est l'incertitude qu'il est raisonnable de prendre en considération aujourd'hui s'agissant de la situation en Grande-Bretagne.

Peut-on essayer, à partir de cet intervalle, de faire une certaine prédiction sur la situation en France ?

D'abord, il y a quelque chose qui a été dit plusieurs fois aujourd'hui : le meilleur indicateur du rapport d'exposition de la Grande-Bretagne et de la France, c'est le rapport du nombre de cas. Aujourd'hui, il y a 3 cas de variant en France, il y en a à la même date 85 cas en Grande-Bretagne. Ce qui nous donne aujourd'hui une meilleure idée de l'exposition entre les deux pays, c'est ce rapport de 3 à 85 qui est situé entre 20 et 30.

A partir de ce rapport, on peut considérer - et cette estimation est recoupée par des données d'autre nature en particulier sur les importations - que la population française a été entre 20 et 30 fois moins exposée que la population anglaise. Si on donne pour la Grande-Bretagne une fourchette allant de 100 à 6 000, il faut réduire cette fourchette très large de 20 à 30 fois moins pour avoir quelque chose pouvant correspondre à l'incertitude de ce qui va passer en France. Ceci en soulignant que la valeur extrême correspondrait malgré tout à une durée d'incubation moyenne/longue et que cette épidémie de l'ordre d'une dizaine, voire de 100 à 300 cas, serait une épidémie qui s'étalerait sur plusieurs dizaines d'années, soit un tout petit nombre de cas par an.

Ce qu'il faut souligner - et c'est peut-être aussi un moyen de répondre bien que je ne sois pas la plus qualifiée pour répondre à votre deuxième question - c'est que s'agissant des cas qui surviennent en France aujourd'hui, compte tenu de l'épidémie ESB en France dans les années 85-90, l'hypothèse est qu'ils ont été infectés par des importations venant de Grande-Bretagne. En Grande-Bretagne, en 1988 et 1989, il y a eu au total plus de 10 000 cas d'ESB, et à l'époque aucune mesure de retrait de matériaux à risque n'avait encore été prise.

Aujourd'hui, on sait quel est le nombre de cas en France avec des mesures prises pour enlever les matériaux à risque. Mon sentiment est que si la situation épidémiologique française vis-à-vis de l'ESB représentait un risque pour la population française, il y aurait actuellement beaucoup plus de cas de variant de Creutzfeldt Jakob en Grande-Bretagne qu'il n'y en a si on compare ce qu'était l'épidémie en Grande-Bretagne en 1988-1989 et ce qu'elle est en France aujourd'hui.

Je crois qu'il y aura d'autres cas de variant de Creutzfeldt Jakob en France, également en Grande-Bretagne, et il ne serait pas étonnant qu'en Grande-Bretagne la tendance à l'augmentation qu'a soulignée le Professeur WILL continue encore pendant quelques années. Cependant, je crois qu'en Grande-Bretagne, et a fortiori pour la France, nous sommes loin des scénarios catastrophes qui ont été faits en 1996 et encore récemment.

M. LE DEAUT - Merci beaucoup. Est-ce que d'autres collègues souhaitent poser des questions ?

Je voudrais simplement poser une question qui a déjà été abordée ce matin ; je profite de la présence de Martin HIRCH, Directeur général de l'AFSSA, pour la poser. Nous avons eu l'impression qu'entre les chercheurs et les vétérinaires, il n'y avait pas les mêmes stratégies. Je ne sais pas si nous avons bien perçu mais nous avons eu le sentiment à un moment donné que sur des stratégies très importantes, notamment comme celle d'enlever les matériaux à risque spécifié, ce qui se fait obligatoirement maintenant, dès l'instant qu'on le faisait, certains ont dit qu'il n'était plus obligatoire de faire des tests.

Cela n'a pas été dit de cette manière mais c'est ainsi que nous l'avons ressenti, et quand on demandait de faire des tests aléatoires sur des bêtes non malades à l'entrée des abattoirs pour le vérifier, ce n'est pas ce qui apparaissait comme le plus urgent.

Par ailleurs, Monsieur DESLIS nous a dit que les méthodes de découpe aujourd'hui ne sont pas des méthodes qui permettent de garantir qu'il n'y a pas, au moment de la découpe, des contaminations possibles.

Celui qui regarde le problème de manière plus populaire se dit que la meilleure des sécurités serait de retirer les matériaux à risque, ceci est déjà fait, mais en même temps de compléter par certaines autres mesures qui pourraient être des mesures de tests, et en tout cas de le vérifier dans la population actuelle de notre cheptel, surtout ceux âgés de plus de 30 mois, par des tests.

Est-ce qu'une double stratégie ne serait pas la meilleure ? Peut-être que Martin HIRSH peut y répondre. C'est en tout cas ce que disent certains députés et sénateurs lorsqu'on en discute. Aujourd'hui, on fait les tests pour les cas suspects, et on le fait pour un certain nombre de cas, on va en voir le résultat bientôt, mais ne faut-il pas aller plus loin sur cette question de tests ?

M. HIRSH - Je peux donner un élément de réponse. La stratégie de prévention de l'ESB a toujours reposé sur une combinaison de mesures, qui est la manière de répondre à des incertitudes qui ont été soulevées et qui sont persistantes. On n'attend pas de voir les certitudes scientifiques arriver avant de prendre des mesures.

Elle repose d'autre part sur un deuxième élément qui est de ne jamais considérer comme un postulat que les mesures prises sont à 100 % efficaces, et c'est parce qu'on ne considère pas cela comme un postulat qu'il y a des combinaisons de mesures qui, selon qu'on les regarde, peuvent apparaître redondantes à certains. Effectivement, à partir du moment où on a enlevé les matériaux à risque spécifié, il peut apparaître à certains inutile de prendre d'autres mesures. Au contraire, toute la stratégie qui a été recommandée par les scientifiques, bien avant que l'agent existe, et dans laquelle nous nous sommes résolument inscrits, c'est d'indiquer qu'il fallait raisonner comme si les mesures ne fonctionnaient pas à 100 % et donc avoir plusieurs filets de sécurité pour le faire.

Récemment, nous nous sommes efforcés de fournir au gouvernement et aux consommateurs, puisque nos avis sont rendus publiques, une mise en perspective des différentes mesures actuelles et mesures de renforcement envisageables en tenant compte à chaque fois de ce que chacune d'entre elles pouvait apporter comme impact sur la sécurité du consommateur. Quel pouvait être leur effet combiné, quel pouvait être leur délai de mise en oeuvre, quelles pouvaient être les difficultés d'application pour que justement - alors que nous sommes dans une phase où on se pose d'abord des questions et ensuite on a une nouvelle photographie du paysage épidémiologique à travers la première phase du programme de tests, et par conséquent cela peut appeler un renforcement de mesures - on puisse avoir une mise en perspective non pas en se focalisant sur une mesure car on a vu ces derniers temps que si on prenait une mesure, on pouvait ne pas avoir la vision dans laquelle elle s'inscrit pour augmenter le niveau de sécurité mais comment, sur l'utilisation des tests de dépistage compte tenu de leur performance actuelle, sur l'identification de certains catégories de bovins à risque, sur toute une série de mesures fondamentales, on pouvait les utiliser ensemble ou de manière séquentielle pour le faire.

C'est le premier travail que nous avons rendu ces jours derniers et pour nous la phase suivante sera, à la lumière de l'analyse des 15 000 tests que nous ferons dans quelques jours ou quelques semaines, de pouvoir proposer les stratégies qui paraîtront les plus adaptées sur un plan scientifique pour continuer à renforcer la sécurité.

M. CHEVALLIER - Je voudrais faire trois remarques, la première sous forme de question. J'ai été intéressé et frappé à la fois dans l'exposé du Professeur WILL par le point qui consiste à prendre en considération l'âge des individus qui développent la maladie de Creutzfeldt Jakob nouveau variant. Je constate que ce sont des individus relativement jeunes, et l'explication qui a été donnée, si j'ai bien compris, est que c'est lié certainement à leur métabolisme ; peut-être que leur métabolisme protéique est plus actif que chez une personne âgée, encore que je ne sais pas si on a la possibilité de répondre à cette question, mais peut-on apporter des précisions en la matière ?

Ma seconde question serait de savoir si on pense qu'il existe ou qu'on redoute qu'il y ait d'autres sources de protéines anormales. Par exemple, sait-on ce qui déclenche la tremblante du mouton ? La tremblante du mouton est une maladie quasiment ancestrale, qu'on connaît dans les pays d'élevage et dont on a dit aujourd'hui que c'était une maladie à prions. Connaît-on le facteur déclenchant, la source, l'origine de la tremblante du mouton ?

Pr WILL - L'observation selon laquelle les patients sont jeunes est tout à fait juste, et l'explication quant à cette tranche d'âge n'est pas bien appréhendée. Un certain nombre d'hypothèses ont été avancées ; certaines laissent entendre que l'âge jeune des patients pourrait être le résultat de leur comportement alimentaire plusieurs années auparavant.

Il y a peut-être une possibilité qu'il y ait aussi des facteurs biologiques non identifiés à ce jour qui rendent les jeunes plus réceptifs ou écourtent la période d'incubation chez les jeunes par rapport à des sujets plus âgés. Cette question de savoir pourquoi les patients sont jeunes est une question à laquelle il a toujours été très difficile de répondre depuis les tous premiers jours de la déclaration de la variante MCJ. A l'heure qu'il est, je n'ai pas de réponse adéquate.

Les experts avec qui nous travaillons sont peu satisfaits de cette réponse de possibilité d'exposition car ils pensent que la classe d'âge des patients est très difficile à mettre en correspondance avec une période d'exposition. Au début, on pensait qu'il y avait un problème d'évaluation en ce sens que la raison pour laquelle les patients étaient plus jeunes, c'est que nous étions plus forts à identifier les patients jeunes. Cependant, aujourd'hui, nous avons un cas de 74 ans et je pense que l'âge évoluera à l'avenir.

Je suis dans l'incapacité de répondre précisément à votre question car c'est une question difficile.

Dr DESLIS - La tremblante appartient à la même famille de maladies mais on parle de souches différentes. Ces agents peuvent être transmis à un même hôte, la souris en l'occurrence, mais ont des caractéristiques différentes, ils ne se répartissent pas de la même manière dans le cerveau. Cependant, il y a d'autres caractéristiques, ils n'ont pas le même tropisme pour différents hôtes et on sait que la tremblante, avec le recul que nous avons, n'est pas dangereuse pour l'homme ou en tout cas pas dans la limite de nos systèmes de détection. Les bergers, les vétérinaires, les bouchers ne font pas plus de maladie de Creutzfeldt Jakob que les autres.

M. LE DEAUT - Une question n'a pas été abordée mais j'ai lu un certain nombre d'articles de recherche qui traitaient de la question des animaux sains, d'éventuels animaux sains sur lesquels on ne détectait pas de signe de la maladie. Est-ce que ces animaux peuvent être contaminant ?

Mme LASMEZAS - Les expériences auxquelles vous faites allusion sont des expériences qui ont consisté à inoculer à des souris l'agent de la tremblante du hamster qui n'est pas pathogène pour la souris. Les dites souris mourraient de leur belle mort au bout de 800 jours, et quand les chercheurs ont prélevé les organes de ces souris (le cerveau et la rate), ils ont trouvé de l'infectuosité et, dans un certain nombre de cas, de la protéine du prion pathologique chez ces animaux. Cela a poussé en avant le concept de la possibilité qu'un agent infectieux se réplique dans un organisme sans provoquer de maladie et donc des cas d'infection dits " sub-clinique ".

Cependant, je voudrais ajouter qu'il s'agissait d'une espèce naturellement sensible à ces maladies, puisque les souris ont leur propre souche d'agents pathogènes. Nous sommes dans une situation différente de celle du porc ou de la volaille chez lesquels on n'a jamais réussi à transmettre par voie alimentaire la maladie. Cependant, ces données sont néanmoins à prendre en compte dans les estimations scientifiques.

Pr MC DONNELL - J'ai écouté beaucoup de choses très intéressantes et beaucoup de choses déjà vues. Je voudrais émettre des remarques précises et d'ordre plus général. J'ai écouté le docteur DESLIS lorsqu'il a parlé de l'âge des animaux atteints d'ESB en France, animaux âgés entre 4 et 8 ans ce qui donnent à penser que la contamination a pu survenir il y a 8 ans, voire moins ; ceci est très important.

Vous avez évoqué une politique de farines animales, mais la mise en place d'une telle politique est une chose, c'en est une autre de la faire aboutir. Il est clair qu'au Royaume-Uni, lorsque cette politique a été annoncée, il a fallu 6 à 8 ans avant de s'assurer que tous les éléments de farines animales avaient été éradiqués. Il faut être draconien : une fois que vous décidez du retrait d'un produit, il faut s'y tenir.

Si par exemple Mercedes a un système de freinage défectueux, il y a un rappel du produit et cela se fait en l'espace d'une ou deux semaines. Il faut donc être très rigoureux et s'assurer que ces exigences sont respectées sur les farines animales.

Quant à l'approche globale visant à abattre tous les animaux d'un troupeau, cela doit être traité avec prudence car il y a un risque. Si un agriculteur a un cas, il se peut qu'il ne souhaite pas déclarer ce cas sous peine de voir tout le troupeau abattu ; il faut être sensible à cela. Cela dit, la politique est dure mais importante.

S'agissant de la règle dite OTMS, nous avons une règle pour les bovins âgés de plus de 30 mois qui n'existe pas en France, et vous pourriez éventuellement, avec les dosages de tests évoqués ce matin, décider de dépister les bêtes plus âgées qui passent par l'abattoir qui ont plus de 4 ans, 5 ans ou 6 ans car avec une bonne traçabilité, si un animal est positif, il peut être retiré pendant une période de 15 jours où les carcasses sont détenues à l'abattoir. On se demande si cela ne pourrait pas être une règle de substitution pour rassurer le public. Les bêtes les plus âgés ne passent pas par les abattoirs, mais tester les bêtes plus jeunes globalement ne s'avérera pas praticable comme nous l'avons vu ce matin.

Pour ce qui est de réagir à la perception de l'opinion publique, il y a trois enjeux qui ressortent clairement de la problématique britannique. On communique sur le risque avec le public ; nous sommes tous des membres de l'opinion publique et c'est une question d'évaluation du risque, de réduction du risque et de communication du risque. Les stratégies de réduction du risque évoquées sont importantes. Il y a un certain nombre de stratégies de réductions qu'on peut mettre en place (farines animales, les abats et une surveillance très active), et un troisième élément de cette stratégie est la politique d'abattage globale.

On peut viser - cela a toujours été l'objectif - de réduire le risque mais malheureusement nous ne vivons pas dans un monde de risque zéro. Lorsqu'on prend l'avion, on ne dit pas au pilote : démontrez-moi que cet avion ne va pas s'écraser. On accepte le risque.

Pour en revenir aux remarques qui ont été faites l'échelle de cette épidémie, au Royaume-Uni nous sommes passés par là et les chiffres les plus censés se trouvent entre 100 et 500 000. Si vous êtes un optimiste, vous dites 2 à 300 ; si vous êtes un pessimiste, vous dites plus.

Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'il faut tenir compte du poids de l'infection. Avec 170 000 cas au Royaume-Uni, si on accepte qu'il y ait un lien entre l'ESB et la variante MCJ comme cela a été clairement démontré, il faut tenir compte du poids de l'infection, du degré d'infection. Avec 170 000 cas dans les cheptels et 85 cas de MCJ, cela vous donne une idée, mais il serait dangereux de trop extraire à partir de ces chiffres.

Cependant, en France, vous n'avez pas vu ce degré d'infection dans les cheptels et on peut s'interroger. Vos chiffres et votre projection seront bien moins élevés que ce que nous voyons actuellement au Royaume-Uni.

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