LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
DES LOIS
Réunie le 5 octobre 2000 sous la présidence de
M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a
procédé, sur le rapport pour avis de M. Jean-Jacques Hyest,
à l'examen du projet de loi relatif aux nouvelles
régulations économiques adopté par
l'Assemblée nationale en première lecture après
déclaration d'urgence.
Après avoir regretté le recours à la
procédure d'urgence empêchant un débat parlementaire
approfondi et souligné le non-sens d'un tel choix alors que ce texte
allait venir en discussion au Sénat près de six mois après
son examen par l'Assemblée nationale, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur
pour avis, a rappelé que le champ de la saisine de la commission des
Lois correspondait au titre IV de la première partie du projet de loi
relative à la régulation financière, consacré au
renforcement de la lutte contre le blanchiment d'argent
provenant d'activités criminelles, et au titre premier de la
troisième partie relative à la régulation de l'entreprise,
traitant du droit des sociétés commerciales.
Il a en outre observé que ce dernier volet aurait pu
être considéré comme caduc, les dispositions
proposées venant modifier la loi du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales, récemment abrogée du fait de
sa codification par ordonnance dans le code de commerce, et a estimé que
les modifications résultant du présent projet de loi ne
devraient pas être considérées comme valant ratification
implicite de la totalité dudit code, ni même de l'ensemble du
livre II de ce code consacré aux sociétés
commerciales.
· Sur le premier volet consacré
à la lutte contre le blanchiment, le rapporteur a
observé que la France s'était dotée, par anticipation sur
l'adoption de la directive communautaire, d'un dispositif résultant de
la loi du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes
financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du
trafic des stupéfiants. Après avoir rappelé
l'économie du dispositif en vigueur et indiqué qu'une
modification de la directive de 1991 était en préparation, il a
observé que le projet de loi tendait successivement à
élargir la liste des personnes soumises à l'obligation de
soupçon, à modifier l'étendue de l'obligation de
déclaration à TRACFIN (Traitement du renseignement et action
contre les circuits financiers clandestins), à habiliter le Gouvernement
à étendre par décret l'obligation de déclaration
aux opérations faites avec des personnes domiciliées dans des
Etats ou territoires jugés non coopératifs par le GAFI (Groupe
d'action financière), à exiger l'immatriculation des
sociétés civiles créées avant 1978, à
étendre le champ d'application de l'infraction d'association de
malfaiteurs et à ajouter au nombre des peines complémentaires
encourues en cas de condamnation pour blanchiment la confiscation de tout ou
partie des biens du condamné.
Sur cette partie du projet de loi, la commission des lois a
adopté douze amendements qui, au-delà des
corrections formelles, ont pour objet de :
- préciser l'obligation pour les banques et les autres
organismes de déclarer les sommes qui " pourraient provenir "
d'activités criminelles en faisant référence à la
notion d'indices, conformément aux termes de la
directive de 1991 ;
- prévoir qu'un certain nombre de vérifications
définies par décret seraient imposées aux banques pour les
opérations effectuées avec des trusts, la
déclaration à TRACFIN n'intervenant qu'en cas d'échec
desdites vérifications ;
- supprimer la référence au
GAFI dans la loi, ce groupe d'experts informel n'ayant pas d'existence
juridique et de conférer ainsi au Gouvernement le soin d'arrêter
la liste des pays concernés par les restrictions ou les interdictions de
transactions financières ;
- réintroduire explicitement l'élément
intentionnel dans la définition du délit de
blanchiment, afin d'éviter des interprétations
contestables de la définition de ce délit ;
- préciser les éléments constitutifs
d'une infraction créée par l'Assemblée nationale afin
d'incriminer le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant
à son train de vie tout en étant en relation avec des personnes
ayant commis des infractions dans le cadre d'une association de
malfaiteurs.
· Sur le second volet consacré au
régime juridique des sociétés commerciales,
le rapporteur a regretté qu'à défaut de réforme
d'ensemble pourtant annoncée depuis longtemps, le projet de loi ne
propose qu'une série de modifications disparates
dépourvues de logique directrice. Sur la centaine
d'amendements adoptés par la commission des lois, un certain
nombre d'amendements étant de précision ou tendant à
insérer les dispositions en discussion dans le code de commerce
promulgué par l'ordonnance du 18 septembre 2000, les modifications
proposées ont essentiellement pour objet de :
- revenir sur l'attribution de droit d'une action au
comité d'entreprise dans toute société
commerciale, opération juridiquement difficile à concevoir et non
dénuée de risque pour le comité d'entreprise ;
- supprimer l'abaissement du nombre maximum de
membres susceptibles de composer un conseil d'administration ou un
conseil de surveillance d'une société anonyme ;
- clarifier la définition des missions dévolues
respectivement au conseil d'administration, au président du conseil
d'administration et au directeur général ;
- souligner le caractère optionnel du mode
d'organisation des organes dirigeants de la société, les
fonctions de président du conseil d'administration et de directeur
général pouvant soit être confondues, soit assumées
par des personnes différentes, sur décision du conseil
d'administration dans des conditions définies par les statuts ;
- préciser le caractère
discrétionnaire de la décision de révocation du directeur
général par le conseil d'administration ;
- supprimer la possibilité offerte au conseil de
surveillance seul de révoquer les membres du directoire, ce qui
consacrerait une prééminence du premier, contraire au principe
d'équilibre entre organe de gestion et organe de contrôle qui
caractérise la société duale ;
- assouplir les règles applicables en
matière de cumul des mandats sociaux afin de prendre en
considération les nécessités économiques
résultant de l'existence des groupes ;
- rétablir les 10 % prévus par le projet de loi
initial pour la fraction des droits de vote prise en compte pour l'application
du régime des conventions réglementées ;
- restaurer deux régimes juridiques distincts pour les
conventions réglementées et les
conventions portant sur des opérations courantes et
conclues à des conditions normales pour les sociétés par
actions simplifiées ;
- limiter aux seuls mandataires sociaux l'information
individualisée sur les
rémunérations et avantages ainsi que sur les
dotations en options de souscription d'actions qui leurs sont
attribuées ;
- rétablir la définition du
contrôle conjoint exercé dans le cadre d'une action de
concert adoptée par le Sénat en 1998 ;
- clarifier et sécuriser le dispositif
tendant à autoriser une libération progressive du capital
social de la SARL ;
- étendre aux professions libérales
soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont
le titre est protégé la possibilité d'exercer leur
activité sous forme d'une société par actions
simplifiée ;
- rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les
territoires d'outre-mer et à Mayotte les modifications relatives au
droit des sociétés commerciales qui résulteront du
présent projet de loi.
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