B. UN TEXTE EN DÉFINITIVE DÉCEVANT

Pour autant, la proximité apparente entre le projet de loi et le texte adopté par le Sénat ne peut occulter l'essentiel. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui se révèle décevant.

A côté de mesures techniques parfois utiles, se trouvent de véritables " usines à gaz " (plans d'épargne interentreprises, PPESV, fonds d'épargne solidaire) qui, loin de simplifier les dispositifs existants, ne font que brouiller la lisibilité d'ensemble du système.

Mais le plus grave n'est pas là.

Le texte du Gouvernement se caractérise en effet avant tout par des ambiguïtés dangereuses et une lacune évidente.

1. Des ambiguïtés dangereuses

En réalité, les similitudes apparentes entre le projet de loi et le texte adopté au Sénat restent insuffisantes pour ne pas mettre en lumière une différence d'approche fondamentale .

Pour le Sénat, il s'agissait finalement d'adapter l'ensemble des dispositifs de participation pour favoriser le développement de l'actionnariat salarié dans le sens du progrès social.

L'épargne salariale et a fortiori l'actionnariat salarié ne peuvent se résumer à une simple " coquille vide " servant simplement à fournir un complément de rémunération. Ils doivent au contraire se traduire par une participation croissante du salarié actionnaire à la marche de l'entreprise et surtout aux décisions qui engagent le destin de l'entreprise. C'est pour cela qu'ils doivent être fidélisés et organisés afin de permettre l'émergence d'un pôle d'actionnariat stable et collectif, seul capable de fournir un contrepoids suffisant à la puissance des autres pôles d'actionnariat de l'entreprise.

C'est à ces conditions seulement que l'épargne salariale et l'actionnariat salarié pourront réellement constituer une " révolution sociale " pour reprendre l'expression chère au Président Poncelet.

A l'inverse, le texte du Gouvernement s'inscrit lui dans une perspective qui, en dépit de certains faux-semblants, tend à privilégier l'approche financière.

Il est en effet à craindre que le Gouvernement ne cherche ici à apporter une réponse à deux questions très éloignées de cette problématique sociale : le financement des retraites et la stagnation du pouvoir d'achat.

Les PPESV, du moins dans leur version originale, apparaissent en effet comme des ersatz à la mise en place de réels fonds de pension et de plans d'épargne retraite. Il semble bien que, reportant continuellement la nécessaire réforme des retraites, le Gouvernement ait voulu permettre aux salariés de se constituer une épargne longue pouvant leur servir de complément de retraite. L'épargne salariale deviendrait alors un pis-aller à l'épargne retraite.

Le débat à l'Assemblée nationale a cependant permis d'éclaircir en partie cette question. Par la suppression de la sortie en rente et par la possibilité d'une sortie " glissante ", le PPESV se rapproche d'un plan d'épargne à long terme même s'il constitue toujours un " produit hybride ". A ce propos, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que ni le Gouvernement, ni l'Assemblée nationale n'aient choisi la solution la plus simple qu'il avait d'ailleurs proposée dans son rapport d'information : moduler les aides financières de l'entreprise (abondement et décote pour les actions) en fonction de la durée d'immobilisation des sommes dans le PEE, cette durée d'immobilisation pouvant alors dépasser cinq ans, lorsqu'un accord collectif le prévoit.

La seconde ambiguïté concerne la nature même de l'épargne salariale. Il n'est pas exclus que, conscient de l'impact défavorable de la mise en place des 35 heures pour l'évolution des salaires, le Gouvernement ait souhaité favoriser l'extension des compléments de rémunération afin de compenser la stagnation du pouvoir d'achat.

Votre rapporteur s'inquiète d'une telle dérive si elle devait se confirmer. Les dispositifs d'épargne salariale n'ont en effet ni vocation à se substituer aux rémunérations, ni vocation à compenser la stagnation des salaires. Leur logique est tout autre : ils visent à une meilleure association du salarié et de l'entreprise.

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