Avis n° 93 (2000-2001) de M. Jean-Paul HUGOT , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 23 novembre 2000

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N° 93

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME X

COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Par M. Jean-Paul HUGOT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Roger Karoutchi, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar,
Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 et 92 (annexe n° 9 ) (2000-2001).

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les crédits de l'audiovisuel public augmenteront globalement de 6,25 % en 2001. Cette évolution a été présentée par la ministre de la culture et de la communication comme la traduction concrète des engagements pris à l'occasion de la réorganisation de la télévision publique dans le cadre de la loi du 1er août 2000.

Votre commission est allée un peu plus loin que cette référence comptable : elle a examiné les crédits de 2001 en fonction des promesses et des ambitions exprimées par le législateur au début de l'été 2000. Elle a voulu vérifier, au delà de la satisfaction que peut provoquer l'augmentation des crédits, si le projet de budget porte vraiment ces ambitions, où s'il ne traduit pas simplement quelques annonces à courte vue faites effectivement à l'occasion de la révision de la loi de 1986 sur la liberté de communication, sans prendre la mesure de défis plus significatifs.

Votre commission a alors constaté que le lancement du pôle industriel de l'audiovisuel public dont le Sénat avait souhaité l'émergence sera vraisemblablement compromis, spécialement dans le domaine du numérique de terre, par les contraintes financières que la loi du 1er août 2000 porte en germe et dont rien n'annonce le desserrement dans le projet de budget.

Elle a aussi constaté que l'appui public à l'industrie française des programmes, auquel le législateur a manifesté son appui en insérant dans la loi des mesures détaillées pour renforcer la position des producteurs audiovisuels face aux diffuseurs ainsi que pour favoriser la circulation des oeuvres et la fluidité du marché, pourrait être mis en péril par l'évolution du contexte européen, alors que le gouvernement ne montre guère le souci que la présidence française de l'Union européenne soit l'occasion de faire des industries culturelles de l'Europe un des soubassements de l'Union.

Elle a donc estimé les enjeux les plus importants mal perçus, et les réponses du gouvernement mal conçues, et c'est pourquoi elle a été amenée à donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la communication audiovisuelle pour 2001.

I. LES CRÉDITS DE 2001

A. LES RESSOURCES

1. L'augmentation globale des ressources

Les crédits de l'audiovisuel public augmentent globalement de 6,25 % en 2001, ce qui représente un surplus de 1,183 milliard de francs par rapport au budget de 2000. Après l'augmentation de 4,8 % enregistrée en 2000 (équivalente à un surplus de 883 millions de francs), ce nouveau progrès, le plus fort depuis 1996, accompagne la réorganisation des structures de la télévision publique opérée par la loi du 1 er août 2000.

Le tableau suivant trace l'évolution du budget global de l'audiovisuel public depuis 1995 (sont pris en compte les budgets des organismes, affectations de la redevance : INA, France 2, France 3, Sept-Arte, RFO, Radio France, RFI et La Cinquième).

En MF

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Budget global

16 713,8

17 192,8

17 429,7

18 004,2

18 538,0

19 421,0

20 604,1

Évolution en  %

9,6 %

2,9 %

1,4 %

3,3 %

3,0 %

4,8 %

6,1 %

Redevance

10 239,5

10 743,6

10 922,0

11 681,5

12 250,7

12 988,5

13 222,8

Concours du budget

2 099,6

1 790

1 119,8

741,1

572,0

1 333,5

2 571,7

Publicité + parrainage

3 306,3

3 622,3

4 473,9

4 690,3

4 795,4

4 247,0

3 991,7

Autres

1 068,4

1 036,4

914,0

891,3

919,9

852,0

817,9

2. L'évolution de la structure des ressources

L'augmentation globale des ressources de 6,1 % résulte d'une forte diminution des prévisions de ressources propres (-268,5 millions de francs) consécutive à la diminution législative de la durée horaire des écrans publicitaires, plus que compensée par une augmentation de 1 472,5 millions de francs des ressources publiques (on peut ainsi considérer que l'effort fait du côté des ressources publiques est en partie annulé par la décision politique de diminuer les recettes publicitaires).

a) Les ressources publiques

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES RESSOURCES PUBLIQUES

Loi de finances pour 2000

Projet de loi de finances pour 2001

Encaissements de redevance

13 602,2

13 982,9

Financement du service de la redevance


- 482,4


- 482,4

Encaissements de redevance nets du coût du service


13 119,8


13 500,5

Affectation d'excédents de collecte des années antérieures


+ 141,4


0

Total des recettes de redevance disponibles


13 261,2


13 500,5

Crédits budgétaires affectés au titre du remboursement des exonérations


+ 900


+ 2 164,2

Total TTC disponible

13 870

15 342,5

Subventions du ministère des affaires étrangères versée directement à RFI


452


452

TOTAL HT des ressources publiques


14 322


15 794,5

(+ 10,3 % par rapport à 2000)

(en millions de francs)

EVOLUTION DE LA STRUCTURE DE FINANCEMENT
DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC DEPUIS 1995 (en pourcentage)

1995

1996

1997

1998

1999

2000
PLF

2001
PLF

Budget global

100

100

100

100

100

100

100

dont :

Redevance

61,3

62,5

62,7

64,9

66,1

66,9

64,2

Concours du budget de l'Etat

12,6

10,44

6,4

4,1

3,1

6,9

12,5

Remboursement d'exonérations

8,8

8,2

3,9

1,6

0,6

4,5

10,3

Dotations + privatisation TF1

1,0

0

2,6

2,5

2,4

2,3

2,2

Subventions

2,7

2,2

2,6

2,5

2,4

2,3

2,2

Publicité + parrainage

19,8

21,1

25,7

26,1

25,9

21,9

19,4

Autres

6,4

6,0

5,2

5,0

5,0

4,4

4,0

Observations préliminaires

Il serait utile de distinguer les modes de financement public des organismes en fonction des deux grandes missions du secteur public.

Lors de la discussion de la loi du 1 er août 2000, le Sénat avait souhaité confier à l'audiovisuel public la mise en oeuvre d'un objectif crucial, inventer et diffuser la " culture pour tous ", indispensable à la solidité d'un lien social fondé sur les valeurs de liberté et d'égalité comme à la vitalité de la culture française face à la mondialisation. Deux missions se profilent derrière cette définition : une mission socioculturelle, traditionnelle, de télévision généraliste et une mission plus nouvelle liée à la nécessité de plus en plus impérieuse de contribuer au rayonnement international de la culture française.

La redevance doit financer la mission généraliste de l'audiovisuel public, sans entraver par des taux excessifs la possibilité pour les auditeurs de consacrer une part de leur " budget audiovisuel " à l'offre nouvelle de programmes payants.

Les crédits budgétaires à l'audiovisuel public, seconde source de financement public doivent être fixés en fonction du niveau des objectifs que les pouvoirs publics assignent à l'audiovisuel public en tant qu'instrument du rayonnement international de la culture française. En effet, comme les fonctions traditionnelles de souveraineté de l'Etat, telles que la fonction diplomatique, cette mission doit être financée par des dotations budgétaires et non par les assujettis à la redevance. Les crédits budgétaires doivent alors atteindre un niveau suffisamment élevé pour que les développements liés à la mise en oeuvre de cette mission soient assurés dans les meilleures conditions. Il convient en particulier que le pôle industriel public soit convenablement financé afin que le groupe France Télévision puisse investir le numérique de terre avec un véritable dynamisme, et pour que la télévision publique soit en mesure de " tirer " l'industrie française des programmes. Ajoutons qu'il y a non seulement un enjeu culturel-politique à favoriser le rayonnement de nos programmes grâce à l'action du pôle industriel public, mais que l'on a en outre du mal à comprendre qu'avec la mondialisation, un groupe industriel puisse avoir des ambitions limitées au territoire national.

Il est regrettable, de ce point de vue, que les crédits budgétaires à l'audiovisuel public soient fixés par référence aux exonérations de redevance. Le financement des nouvelles chaînes numériques publiques, non prévu par le budget de 2000, est en effet très incertain. Le coût du projet numérique de France télévision serait de 1,6 à 1,8 milliard de francs par an au terme de la période de lancement et le gouvernement a annoncé une dotation en capital de 1 milliard de francs. Or, alors qu'en Grande-Bretagne 200 millions de livres seront levés chaque année pour financer le projet numérique, les crédits budgétaires de l'audiovisuel public n'iront sans doute pas au delà des 2,16 milliards de francs accordés en 2001 au titre de la compensation des exonérations de redevance.

La redevance

EVOLUTION DU MONTANT DE LA REDEVANCE DEPUIS 1996
PERSPECTIVES POUR 2001

ANNEES

TELEVISION
NOIR ET BLANC

Evolution (%)

TELEVISION COULEUR

Evolution (%)

1/01/1996

449

+ 4,42

700 F

+ 4,48

1/01/1997

449

-

700

-

1/01/1998

471

+ 4,9

735

+ 5

1/01/1999

475

+ 0,85

744

+ 1,22

1/01/2000

479

+ 0,84

751

+ 0,94

1/01/2001

479

-

751

-

On constate, au vu du tableau précédent, que le taux de la redevance demeure inchangé en 2001, après la stabilisation en francs constant décidée en 1999 et 2000.

Le gel des taux est conforme à la position prise antérieurement par votre commission sur ce point. Compte tenu des critiques portées contre cette ressources et des doutes soulevés à l'égard de sa pérennité (cf. II du présent rapport), il est en effet souhaitable de maintenir le taux à leur niveau, éventuellement révisé en fonction du taux d'inflation. En attendant qu'un système plus moderne de financement puisse être imaginé et mis en place, la redevance est pratiquement le seul lien tangible actuel entre le public et le service public et l'unique titre des téléspectateurs à une " citoyenneté audiovisuelle ", qui suppose de ne pas " préempter " avec la redevance la totalité du budget audiovisuel des téléspectateurs. Il convient donc pour cette raison et pour les raisons financières évoquées plus loin, de ne pas engager un démantèlement prématuré de la redevance. C'est pourquoi d'ailleurs, une correction symbolique des taux au niveau de l'inflation prévue en 2001 n'aurait pas été inopportune.

Notons encore que le produit attendu des encaissements de redevance audiovisuelle en 2001 s'élèvera à 13 982,9 MF et augmentera de 380,7 MF par rapport à l'année 2000 en raison de la progression du nombre de comptes payants.

Ainsi, le total net des ressources de redevance sera-t-il une fois le versement pour frais d'assiette et de la perception effectué, de 13 500,5 MF TTC.

Les crédits budgétaires

La loi du 1 er août 2000 a posé le principe de la compensation intégrale des exonérations de redevance par le budget général de l'Etat.

Le montant de ces crédits, calculé à partir du nombre prévisionnel de comptes exonérés en 2001, soit 3 461 000 comptes, s'établira à 2 164 MF TTC.

Les ressources propres

Les objectifs de recettes de publicité et de parrainage pour l'ensemble du secteur se caractérisent par une forte diminution (-522,3 MF, soit -6 %) conformément au choix de renforcer la part des ressources publiques dans le financement du secteur public de l'audiovisuel.

Les autres ressources propres sont en diminution, de 34,1 MF, ce qui s'explique notamment par une diminution des recettes commerciales prévisionnelles de France 3. En effet, depuis plusieurs exercices, les recettes diverses de France 3 étaient inférieures aux objectifs retenus.

B. LES CHARGES

1. Une priorité affichée en faveur des programmes

La somme des charges inscrites aux budgets prévisionnels des organismes du secteur s'élève à 20 604,1 MF en augmentation de 6,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.

Le budget 2001 inclut ainsi une enveloppe de moyens nouveaux qui s'élève à 1 183,1 MF correspondant à 1 090,4 MF hors effets induits (versements au titre des droits d'auteurs et COSIP notamment). Ce montant a été prioritairement affecté aux budgets de programmes des entreprises du secteur (4876,4 MF, soit 44,6 %). La répartition détaillée des moyens supplémentaires alloués au secteur est reprise dans le tableau ci-après :

en MF

en  %

Programmes

486,4

44,6

Mesures salariales

311,5

28,6

Diffusion

18,3

1,7

Impôts et taxes

29,2

2,7

Amortissements

49,6

4,5

Autres charges

195,3

17,9

2. Un arrière-plan contrasté

Le tableau suivant présente un état comparatif des dépenses de programmes dans le secteur public et dans le secteur privé en 1999.

Dépenses de programmes (en MF)

Evolution des dépenses par rapport à 98

en  % du CA

Service public

France 2

3 667,6

- 1,2 %

64,3 %

France 3

3 874,3

+ 4,5 %

65,3 %

La Cinquième

417,7

- 5,1 %

50,6 %

Secteur privé

TF1

4 749

+ 1,3 %

56,3 %

M6

1 061

+ 7,2 %

35,9 %

Canal +

4 323

+ 7 %

40 %

On constate que le secteur public affecte aux programmes une part de ses ressources en moyenne plus élevée que le secteur privé ne le fait.

Cette constatation est conforme aux conclusions d'une étude, commandée par l'Union européenne de radiodiffusion, qui constatait qu'en 1996 quelque 60 % du revenu total de la télévision européenne étaient destinés aux programmes. Ce chiffre s'étant élevé à 70 % en 1990, on explique sa diminution par les progrès de la télévision privée. Entre 1990 et 1996, la moyenne se serait établie en France à 50 %, chiffre résultant d'une légère augmentation du pourcentage réalisé par les chaînes publiques face à la montée d'un secteur privé plus regardant à l'évolution des budgets de programmes.

Faut-il être préoccupé de ces chiffres compte tenu du fait que la télévision numérique appelle un approvisionnement accru en programmes ? Il conviendrait, pour se prononcer, de disposer d'études plus poussées permettant d'interpréter les raisons de la tendance divergente du secteur public et secteur privé, et la nature des évolutions en cours.

On ne contentera donc ici de présenter à titre d'indices quelques explications sommaires de l'évolution des dépenses de programmes des chaînes publiques et privées en 1999.

France 2

En 1999, les dépenses de programmes s'élèvent à 3 667,6 MF, soit une légère réduction de +45,6 MF par rapport à 1998. Une progression est observée sur les coûts liés aux programmes d'information compensée par la réduction des dépenses relatives aux événements sportifs de cette année, bien inférieurs à ceux de l'année 1998 (-70,7 MF).

France 3

Pour cet exercice, les dépenses de programmes s'élèvent à 3 874,3 MF (dont 1 639,7 MF consacrés au grilles régionales), soit une augmentation de + 248,2 MF par rapport à 1998. Cette progression est essentiellement due à la croissance des coûts liés aux unités de programmes au détriment des coûts liés aux événements sportifs (-58 %) absents de la grille de la chaîne en 1999. On observe également un accroissement des dépenses pour la grille régionales résultant de la hausse des objectifs de diffusion (+ 544 heures).

La Cinquième

En 1999, les dépenses de programmes poursuivent leur baisse puisqu'ils s'établissent à 417,7 MF contre 440,3 MF en 1998 et 449 MF en 1997.

Ces dépenses sont ainsi réparties :

- 86 % des crédits de programmes ont été investis dans les coproductions, préachats ou façonnages de nouveaux programmes dont 78 % sont dédiés au financement de magazines et de documentaires.

Les 14 % restants ont été consacrés à de l'achat de droits.

TF1

L'effort financier de TF1 a porté sur les programmes de fiction qui avec 1 334 MF représentent plus de 28 % des dépenses de programmes ainsi que sur le sport (803 MF), sur l'information (750 MF) et dans une moindre mesure sur les films de cinéma (565 MF), au détriment des jeux, variétés, magazines et documentaires qui ont connu une régression.

M6

Alors qu'au cours du précédent exercice l'effort de la chaîne s'était porté sur les fictions, ce poste est néanmoins en légère diminution (- 2,1 %) au bénéfice des investissements dans les magazines et les programmes musicaux (+ 25 %). Enfin, les dépenses relatives à l'information et les décrochages locaux s'accroissent de 4 %.

Canal +

Les dépenses de programmes de Canal + ont atteint 4 323 MF en 1999 en augmentation de 7 % par rapport à 1998. Il représente 46 % des charges d'exploitation de la chaîne, soit un peu moins qu'en 1998 où elles s'établissaient à 51,2 %. L'effort financier de la chaîne s'est porté sur les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles (+ 8 %) qui représentent 44 % des dépenses de la grille, et sur le sport (33 %) avec la couverture de la Coupe du monde de rugby et de la Champions' League.

C. LES ORGANISMES

1. France Télévision

L'exercice 2001 sera le premier exercice budgétaire complet du groupe France Télévision créé par la loi du 1 er août 2000 afin de regrouper France 2, France 3 et La Cinquième.

L'article 15 de la loi, qui a modifié la rédaction de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986, prévoit l'affectation à la holding France télévision de l'ensemble des ressources publiques allouées au groupe, à charge pour France Télévision de reverser intégralement ces ressources à France 2, France 3, La Cinquième ainsi qu'aux filiales numériques de service public à créer. Le conseil d'administration de France Télévision approuve pour chaque exercice, un état prévisionnel des recettes et des dépenses de la holding et de ses filiales.

La loi prévoit que les conseils d'administration des filiales sont consultées sur les modifications apportées en cours d'exercice par le conseil d'administration de France Télévision à la répartition des ressources publiques entre les chaînes.

La holding France Télévision exerce donc un contrôle étroit sur les finances des chaînes. Rappelant la portée politique des choix effectués en ce qui concerne la répartition des ressources entre les chaînes, compte tenu de la différence des missions de chacune, et du caractère d'intérêt public de chacune de ces missions, il a été décidé à l'initiative du Sénat, lors de l'élaboration de la loi du 1 er août 2000, que le " jaune budgétaire " annexé au projet de loi de finances fournirait les prévisions de recettes et de dépenses de France 2, France 3 et La Cinquième, en précisant notamment le produit attendu des recettes propres de chaque société. Le Parlement sera ainsi en mesure de distinguer, derrière l'entité France Télévision, les moyens affectés aux missions spécifiques prises en charge par chaque filiale. Il importe en particulier à votre commission d'être en mesure de vérifier que La Cinquième au lancement de laquelle le Sénat a pris la part que l'on sait, ne soit pas réduite à la portion congrue.

En tenant compte de ces observations, on notera que le budget du groupe France Télévision s'établira en 2001 comme il est indiqué dans les tableaux suivants :

RECETTES

LFI 2000

Budget 2000

PLF 2001

CAS n° 902-15 (1)

8 262,6

8 270,1

9 356,0

Publicité

3 790,2

3 677,2

3 508,4

Autres ressources propres

698,2

695,6

669,4

TOTAL RECETTES

12 751,0

12 642,9

13 533,8

CHARGES

LFI 2000

Budget 2000

PLF 2001

Personnel CDD & CDI

2 624,9

2 628,1

2 777,0

Personnel cachets et piges

372,0

373,5

373,5

Diffusion

1 114,6

1 114,4

1 119,5

Impôts, taxes et prél. Div.

809,3

809,2

904,5

Dotations aux amortissements

262,3

259,3

289,3

Programmes

6 213,7

6 221,6

6 672,0

Autres charges

1 354,2

1 362,8

1 397,9

TOTAL CHARGES

12 751,0

12 768,9

13 533,8

(1) L'ensemble des ressources publiques est désormais affecté au compte d'affectation spécial 902-15 qui recevait auparavant les seuls recettes de redevance.

La progression des crédits est de 6,1 %, égale à la hausse moyenne des crédits de l'audiovisuel public.

On notera aussi que la part des ressources publiques progresse de 64,7 % en 2000 à 69,1 % en 2001 et que les objectifs prévisionnels de recettes publicitaires pour le groupe France Télévision sont ramenés à 3 508,4 MF, en recul de 281,8 MF, soit de 7,4 % par rapport à la loi de finances pour 2000.

Arte

La progression du budget d'Arte-France sera de 9,1 % en 2001.Les mesures nouvelles, s'élevant à 90,7 millions de francs, seront utilisées entre autres pour la construction du siège de Strasbourg (23,9 MF) et pour le budget de programmes.

Votre commission souhaite que le traitement privilégié réservé à ARTE soit mis à profit par la chaîne pour accentuer son ouverture vers le sud de l'Europe et préparer son accession à un véritable statut de chaîne culturelle européenne.

RFO

Le budget de RFO augmentera de 8,1 % en 2001 par rapport à la loi de finances initiale de 2000. La société espère parvenir à l'équilibre budgétaire après deux exercices 1999 et 2000 en déséquilibre. Le projet de loi de finances 2001 devant résorber cet écart négatif, un retour à l'équilibre devrait donc être possible même si le budget restera très tendu en l'absence de moyens supplémentaires. Pour y parvenir la société entend obtenir une maîtrise rigoureuse de l'emploi non-permanent.

En ce qui concerne les projets de développement, l'objectif sera, pour la branche télévision de RFO de développer " l'effet réseau ", c'est-à-dire la reprise de programmes produits par une station régionale par d'autres stations régionales afin de valoriser au mieux la production propre de la société et d'enrichir la grille à moindre coût.

S'agissant de l'exposition de ses programmes en métropole, RFO tentera de profiter de son nouveau créneau d'information (6' quotidiennes sur France 3 à 13 h 35 du lundi au samedi) pour valoriser au mieux l'outre-mer. Votre commission se félicite de cette possibilité dont elle avait plusieurs fois souhaité l'accentuation les années précédentes.

En radio, une réflexion sera engagée sur l'utilisation du second canal, actuellement consacré à la diffusion 24h/24 de France Inter, qui recueille des audiences très faibles. De nouveaux programmes seront également créés, notamment un journal des habitants des Antilles en métropole. A l'instar de la télévision, des programmes seront échangés dans le cadre de partenariats avec des pays environnants.

2001 sera également l'année du développement d'Internet avec la diffusion des 9 radios de pays en ligne 24h/24 et la refonte totale du site RFO.

Radio France

Le budget de Radio France augmentera de 6,1 % en 2001. Les moyens nouveaux dégagés lui permettront notamment de poursuivre la numérisation de ses antennes, le développement des projets stratégiques de renforcement de ses antennes de proximité et la politique de modernisation de sa gestion salariale vis-à-vis de ses personnels.

RFI

Il convient de rappeler que le ministère des affaires étrangères avait demandé à RFI en 1999 de mener son développement à effectifs constants, estimant que les investissements consentis en matière de numérisation des processus de production devraient conduire à des économies sur la masse salariale. Après l'effort de redéploiement réalisé en 1999 avec une économie annuelle pérenne de 90 MF sur les contrats passés avec TDF pour la diffusion en ondes courtes, RFI a aujourd'hui du mal à poursuivre cet effort, ce qui obère sa capacité à financer les développements indispensables à sa modernisation et à son adaptation à l'environnement géostratégique.

Les conséquences financières des accords signés début 2000 sur la réduction du temps de travail et la résorption des disparités salariales au sein de l'audiovisuel public (coût en année pleine : 25,7 millions de francs ; coût sur le budget 2000 : 19,1 millions de francs) ne pouvaient pas être prises en compte sur le budget de base 2000 de RFI. Le ministère de la culture et de la communication s'est donc engagé auprès de l'entreprise et du ministère des affaires étrangères à couvrir en totalité ces dépenses nouvelles par une dotation complémentaire en fin d'année.

La forte augmentation de la masse salariale enregistrée en 2000 du fait de la réduction du temps de travail et de l'accord sur les résorptions de disparités salariales dans l'audiovisuel public n'est que partiellement prise en compte dans la dotation allouée à RFI par le budget de 2001.

Le PLF 2001 prévoit en effet une augmentation de la dotation en redevance de 25,6 millions de francs. Sa dotation globale connaît la plus faible évolution parmi les sociétés nationales de programmes (+ 3,4 %, contre + 6,1 %, soit 169 millions de francs, à Radio France et + 6,1 %, soit 783 millions de francs, à France Télévision), alors que RFI doit faire face à des glissements salariaux automatiques analogues. En réalité, l'augmentation accordée correspond au surcoût annuel des deux mesures sociales mentionnées ci-dessus et ne permet pas de financer les glissements et ajustements liés à l'évolution du coût de la vie. A fortiori, RFI ne disposera en 2001 d'aucun moyen financier lui permettant de mettre en oeuvre des activités nouvelles et devra théoriquement pour ce faire compter sur d'éventuels redéploiements.

II. L'AVENIR DE LA REDEVANCE

On a vu ci-dessus que la redevance représentait en 2001 64,2 % des ressources de l'audiovisuel public. Cette proportion est en légère décroissance par rapport à 1999 (66,1 %) et 2000 (66,9 %) en raison de l'augmentation de la part des crédits budgétaires due à l'adoption du principe du remboursement total des exonérations. Ces remboursements, liés à l'existence de la redevance, représentent en 2001 10,3 % des ressources de l'audiovisuel public. Directement ou non, la redevance assure donc 74,5 % du financement de l'audiovisuel public. C'est dire la portée des questions régulièrement soulevées à l'égard de sa pérennité. Ce débat a été relancé avec éclat par la parution en juillet dernier d'un rapport d'information 1 ( * ) de M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée générale, qui se livre à une critique en règle de ce prélèvement et présente des propositions de remplacement.

Dans son rapport sur l'état des lieux de la communication audiovisuelle en 1998, votre rapporteur avait résumé de façon lapidaire la problématique de la redevance : " en ce qui concerne les problèmes de l'avenir, on notera simplement les doutes que l'on peut avoir sur la pérennité d'un prélèvement qui finance une part de plus en plus étroite de l'offre audiovisuelle, une part plus étroite encore de l'offre effectivement consommée, et qui s'analysera de plus en plus comme la rémunération arbitraire d'une consommation virtuelle forcée. A plus long terme, la possibilité de recevoir des émissions de télévision sur les écrans d'ordinateur, non taxés, aura les mêmes conséquences déstabilisatrices sur cette ressource. Si un jour le financement du secteur public devenait entièrement budgétaire, et l'on ne peut manifestement pas négliger cette hypothèse, il est probable que l'époque des objectifs publicitaires excessivement hardis que nous avons l'habitude de dénoncer aujourd'hui apparaîtrait comme un temps béni de vaches grasses et de créativité ".

Un problème pas encore posé, une légitimité décroissante, une sécurité supérieure à celle des crédits budgétaires : telle était l'analyse de votre rapporteur, qui notait en conclusion le caractère inopportun d'une baisse autoritaire des recettes publicitaires exposant simultanément l'audiovisuel public au risque d'un délitement progressif de la redevance et à celui du recours compensatoire aux crédits budgétaires.

C'est une démarche bien différente que la commission des finances de l'Assemblée nationale a adoptée, en condamnant sans sursis la redevance au terme d'une analyse sans nuance de ses inconvénients.

A. CRITIQUE DE LA REDEVANCE

Le rapport de M. Didier Migaud décrit la redevance comme un impôt archaïque, injuste, fraudé, coûteux.

• L'archaïsme de la redevance est lié au fait qu'elle taxe la détention des récepteurs de télévision, produit d'usage courant donnant accès à des services dépourvus de tout caractère de monopole public et de plus en plus concurrencés par des services privés financés par la publicité et par l'abonnement.

Pourquoi, dès lors, maintenir une taxation sur cette base, demande le rapport de M. Didier Migaud, si l'audiovisuel public peut trouver d'autres sources de financement ?

• La redevance est ainsi, selon le rapport de M. Didier Migaud, un impôt injuste car non progressif tout en portant sur un produit d'usage courant. Il est vrai que le système d'exonération est complexe et peu précis et par conséquent arbitraire, comme votre rapporteur le relevait en signalant dans son avis sur le projet de budget de 1998 une discrimination qui se perpétue " il semble que les établissements d'enseignement public soient dispensés du paiement de la redevance sur simple demande adressée au centre régional compétent, les établissements privés la payant en revanche pour tout récepteur à finalité pédagogique installé dans leur enceinte. Cette discrimination institue une inégalité devant la loi d'autant plus choquante qu'elle affecte un instrument pédagogique qui jouera un rôle de plus en plus important pour l'accès au savoir. "

L'administration des finances justifie cette situation avec d'étranges arguments comme le montre la lecture des réponses apportées en février 1995 puis en février 1996 à deux questions écrites identiques de M. Claude Huriet.

Première réponse : " La réflexion sur l'harmonisation des conditions d'assujettissement à la redevance de l'audiovisuel des établissements d'enseignement a été menée mais n'a pu aboutir à une modification de la réglementation en vigueur. Accorder un régime plus favorable aux établissements d'enseignement privés sous contrat d'association conduirait à diminuer le produit de la redevance. Or, en raison des besoins financiers de l'audiovisuel public, accrus avec l'arrivée de la télévision de la formation, du savoir et de l'emploi, il n'a pu être envisagé d'étendre les cas d'exonération ".

Seconde réponse : " Les frais de fonctionnement des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association sont prix en charge par l'Etat pour le personnel et par les collectivités locales collectivités territoriales pour le matériel. La contribution de ces dernières est calculée sur la base d'un coût moyen d'un élève de l'enseignement public majoré de 5 % pour couvrir les charges diverses qui s'imposent spécifiquement aux établissements privés sous contrat. Les dépenses au titre de la redevance audiovisuelle sont prises en considération dans ce forfait. Par conséquent, si les conditions d'assujettissement à la redevance de l'audiovisuel sont différentes pour les établissements publics d'enseignement et les établissements privés, il ne semble pas pour autant qu'il en résulte une disparité financière au détriment des établissements privés.

La première réponse assume avec un certain cynisme les vraies raisons de la discrimination maintenue. La seconde réponse entoure le même refus d'accorder un traitement égal aux deux catégories d'établissements de faux prétextes tirés des modalités de prise en charge par les collectivités territoriales des frais de fonctionnement en matériel des établissements privés sous contrat d'association. On ne saurait assimiler une taxe à un frais de fonctionnement en matériel ! Votre rapporteur considère donc indispensable la correction de cette discrimination illégitime et dont la légalité est à tout le moins douteuse au regard du principe d'égalité devant la loi.

Le rapport de l'Assemblée nationale observe de son côté que ce régime ne profite pas à des redevables qui pourraient en bénéficier justement : les bénéficiaires du RMI ne sont pas exonérés, bien que leurs demandes de remise gracieuse soient " souvent satisfaites " (étrange conception de la justice sociale et de l'égalité devant la loi !).

Injuste, le système est aussi d'une complexité " source d'incompréhension pour les personnes âgées ". Il est vrai que le régime des exonérations évolue de façon empirique au gré de la fluctuation des préoccupations sociales et financières des gouvernements, ce qui écarte simplicité et lisibilité comme le montre le tableau récapitulatif ci-dessous.

Conditions d'exonération de la redevance définies par le décret n° 92-304 du 30 mars 1992 modifié

• Les personnes âgées de soixante-cinq ans au 1 er janvier de l'année exigibilité sont exonérées aux conditions suivantes :

- être titulaire de l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse (cette condition a été institué à partir du 1 er janvier 1998) ;

- vivre seul ou avec son conjoint et, le cas échéant, avec des personnes à charge ou avec des personnes bénéficiant, l'année précédente, d'un montant de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-1 du code général des impôts, en matière de dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'habitation.

• Les mutilés et invalides civils ou militaires atteints d'une infirmité ou d'une invalidité au taux maximum de 80 % sont exonérées aux conditions suivantes :

- bénéficier l'année précédente d'un montant de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-1 du code général des impôts ;

- ne pas être passible de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

- vivre seul ou avec son conjoint et, le cas échéant, avec des personnes à charge, ou avec des personnes bénéficiant, l'année précédente, d'un montant de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-1 du code général des impôts, avec une tierce personne chargée d'une assistance permanente, ou avec ses parents en ligne directe si ceux-ci bénéficient, eux-mêmes, l'année précédente, d'un montant de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-1 du code général des impôts.

Au cours de la discussion du projet de budget de 2001, l'Assemblée nationale a prévu en outre d'exonérer les personnes âgées de soixante-dix ans au 1 er janvier de l'année d'exigibilité de la redevance, non imposées à l'impôt sur le revenu au titre de l'avant-dernière année précédant l'année d'exigibilité ni passibles de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Ce retour de balancier inversera la tendance à la diminution du nombre des comptes payants des personnes âgées. De 2 907 000 au 31 décembre 1999, celui-ci était estimé à 2 821 0200 pour le 31 décembre 2000 devait se situer autour de 2 716 000 pour le 31 décembre 2001.

• L'archaïsme et l'injustice couplée à la complexité aboutissent à la fraude. Un rapport de l'inspection générale des finances évaluait celle-ci à 15 % du total potentiel des résidences équipées, le service de la redevance ne concédant qu'un taux de 7,6 %. La fraude concernerait 65,9 % des résidences secondaires. Le même rapport, cité par M. Didier Migaud, note que " le droit de communication d'information dont dispose le service de la redevance est limité, et que, faute de pouvoir procéder à des perquisitions en l'absence de disposition législative, l'accès des agents du service au domicile des particuliers est impossible sans l'accord de ces derniers. On peut même s'interroger sur la légalité des investigations entreprises dans les parties communes des immeubles d'habitation (enquêtes auprès des gardiens, relevés de boîtes à lettres, questionnements des voisins du redevable par exemple) ".

On conçoit, de fait, que le financement de l'audiovisuel public par une taxe parafiscale aussi contestée dans sa légitimité ne justifie pas l'atteinte aux libertés publiques que représenterait l'ouverture des domiciles aux agents du service de la redevance.

Les récalcitrants semblent du reste bien camper sur leur position de refus, puisque, toujours selon l'inspection générale des finances, seuls 60 % des comptes ouverts en 1996 à la suite d'un contrôle à domicile étaient encore payants en 1998, ce pourcentage étant susceptible de tomber à 25 % d'une année à l'autre dans des " quartiers difficiles ".

• Le même rapport de l'inspection générale des finances tente par ailleurs d'évaluer le coût réel de gestion de la redevance, qu'il évolue à 7,06 % des encaissements alors que le taux moyen d'intervention des services fiscaux serait en France de 1,6 %.

Ce taux de 7,06 % résulte de la prise en compte, à côté de la dotation de 488,4 millions de francs allouée au service en 1998, d'un certain nombre d'autres résultant du fonctionnement du service : 94,4 millions de francs de frais de personnel ; 4 millions de francs de coût immobilier ; 303,7 millions de francs de coût de recouvrement contentieux et 5,6 millions de francs au titre de quote-part des frais de structure de l'administration centrale, ce qui représente un total de quelque 407,8 millions de francs le coût global du service s'élevant en conséquence à 896,2 millions de francs en 1998.

Il convient de relativiser ce résultat en observant que les efforts de productivité accomplis par le service de la redevance et une recherche constante de maîtrise des coûts a permis le maintien du budget de fonctionnement du service à 488,4 millions de francs en 1998 et 1999 et sa diminution à 482,4 millions de francs en 2000, ce chiffre étant reconduit en 2001. Le coût de gestion de la redevance par le contribuable est donc bas, et tend à diminuer à proportion de la diminution du budget de fonctionnement (-1,23 % de 1998 à 1999) et de l'augmentation du nombre de comptes payants (+ 524,305 en 1999 après + 550 061 en 1998).

Le service de la redevance apparaît donc performant, il n'en reste pas moins qu'en raison du faible montant unitaire de la taxe, le coût de gestion de la redevance est destiné à rester élevé.

B. DISCUSSION

Après avoir présenté quatre remarques, votre commission évoquera quelques pistes et principes de solutions qui demandent une expertise technique approfondie.

Première remarque

La commission des finances de l'Assemblée nationale a très logiquement conclu sa critique systématique de la redevance par une proposition de suppression en bonne et due forme à partir de 2002. En 2001 seuls les contribuables imposés à l'impôt sur le revenu seraient demeurés redevables de cette taxe dont le produit aurait été maintenu à son niveau prévu par l'affectation d'une part des recettes de la Française des jeux.

Cette proposition a soulevé un tollé, ainsi bien de la part des diverses autorités responsables : ministre de la culture et de la communication, président du CSA, que dans les secteurs professionnels intéressés par la bonne santé financière de la télévision publique : le secteur de la production en particulier.

Ainsi les décisions prises par l'Assemblée nationale au cours de la première lecture du projet de budget ont-elles été sensiblement plus modestes que les propositions initiales de son rapporteur général : seule la modeste extension, signalée ci-dessus, du système d'exonération a été retenue.

Le cadeau ainsi fait aux personnes âgées de 70 ans non imposables sur le revenu ne sera peut-être pas, au demeurant, la seule conséquence du débat lancé au début de l'été par M. Didier Migaud.

Il se peut que la mise en cause officielle, largement diffusée par les médias, d'un prélèvement fort contesté par le public ne soit favorisé par la réalisation des prévisions de recouvrement établis pour 2001 par le service de la redevance sur la base d'une augmentation du nombre de comptes payants estimée à 385 000, ce qui représente un accroissement de recettes de 380,7 millions de francs, soit + 2,8 % par rapport à l'objectif fixé pour 2000. Tous les redevables récalcitrants n'auront peut-être pas l'idée d'accueillir des contrôleurs du service de la redevance le rapport Migaud à la main, l'impression diffuse de fin de parcours laissée par le débat de l'été n'en aura pas moins des conséquences concrètes.

Deuxième remarque

Les analyses de M. Didier Migaud sont globalement exactes. On a vu ci-dessus que votre rapporteur avait déjà évoqué la perte progressive de légitimité et d'assise de la redevance. Mme Catherine Tasca n'a pas pris une position très différente, au cours de son audition du 17 octobre par votre commission, en présentant la réponse suivante à une question de votre rapporteur : " La suppression de la redevance est périodiquement évoquée. Le gouvernement a choisi de la maintenir. Sa pérennité n'en pose pas moins problème à terme, spécialement dans la mesure où son rendement ne peut être à la hauteur des défis du marché. Il n'est en effet pas possible d'augmenter les taux à la hauteur des besoins de l'audiovisuel public. Il convient donc de réfléchir à la mise en place d'une ressource de substitution pérenne et dynamique, alignée sur l'évolution des ressources de l'ensemble du secteur. Il serait utile de tracer des pistes dans le cadre de la préparation du budget de 2002. "

Votre rapporteur adhère à cette analyse, sous-jacente aux réflexions de son rapport de 1998. S'il est en effet nécessaire de tracer des pistes, il ne peut être question de supprimer la redevance hic et nunc en la remplaçant par une ressource dont les inconvénients n'ont pas été étudiés, comme on le verra ci-dessous. Du reste, le rapport de M. Migaud donne lui-même à entendre qu'en la matière les évolutions sont lentes, puisqu'il rappelle que la redevance pour droit d'usage des postes récepteurs de radiodiffusion n'a été supprimée qu'en 1980, " prenant ainsi en compte, avec une vingtaine d'années de retard, l'irruption des transistors dans le paysage radiophonique français qui avait rendu obsolète l'assiette de la redevance radiophonique ". Sans aller jusqu'à suggérer que, l'assiette de la redevance télévisuelle n'étant pas encore totalement obsolète, nous disposerions d'un temps de réflexion de plus d'une vingtaine d'années, votre commission se déclare ennemie de toute solution non réfléchie susceptible de peser sur le financement de la télévision publique, spécialement en une période où les besoins de financement vont croître sensiblement avec la mise en place de la diffusion hertzienne terrestre numérique.

Dans ces conditions, la télévision publique a besoin de sécurité et de prévisibilité. En présentant des propositions hâtives de démantèlement sans avancer de solution vraiment crédible de remplacement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a inopportunément ignoré ce contexte.

Troisième remarque

On vient de le noter, la solution proposée par le rapport de M. Didier Migaud pour remplacer la redevance est largement critiquable, pour des raisons de principe plus que de technique fiscale.

Rappelons, sans entrer par conséquent dans les détails techniques de cette proposition, qu'il s'agirait d'affecter au compte d'affectation spéciale n° 902-15, qui accueille le produit de la redevance, le prélèvement sur les jeux actuellement effectué au profit du budget général. Celui-ci représente 14,6 milliards de francs en 2000 (le produit attendu des encaissements de redevance est estimé à près de 13 milliards de francs pour le même exercice).

Pourquoi cette solution : il peut sembler étrange de mettre le financement de la télévision publique sous la dépendance du goût des Français pour les jeux de

hasard : jeux exploités par la Française des jeux, produits des jeux dans les casinos, prélèvements sur le Pari mutuel. Il y a là des connotations qui peuvent ne pas sembler opportunes compte tenu de la place que les jeux tendent à occuper dans la programmation des chaînes publiques au détriment d'émissions liées de façon plus évidente à l'accomplissement des missions de service public.

Ce n'est sans doute qu'un problème d'image un peu secondaire. Mais l'image du service public a une importance.

Au demeurant l'image n'a pas été absente du débat, puisque le choix du produit des jeux pour remplacer la redevance semble lié à des préoccupations d'affichage comptable. Si on lit bien le rapport de M. Didier Migaud, il s'agit en effet d'une réponse aux objections du rapport déjà évoqué de l'inspection générale des finances à l'hypothèse d'une suppression de la redevance.

Soucieuse d'orthodoxie financière, l'inspection générale des finances faisait à cet égard les remarques suivantes :

" - la suppression de la redevance n'aurait aucun effet sur le niveau des prélèvements obligatoires puisque la redevance n'est aujourd'hui pas incluse dans leur champ ;

- la levée de nouvelles recettes fiscales ou l'affectation d'économies pour 13 milliards de francs au profit de l'audiovisuel public seraient indispensables. Si cette budgétisation s'accompagne d'une majoration d'impôts, le taux des prélèvements obligatoires augmenterait de 0,15 point. "

C'est pour répondre à ces soucis que M. Didier Migaud a proposé de financer l'audiovisuel public non par des crédits budgétaires mais par l'affectation des recettes non fiscales que représente le produit des jeux. C'est, une nouvelle fois, manquer un peu de perspective.

Outre l'inopportune connotation relevée plus haut, on objectera en effet à cette proposition, si l'on croit à la mission de l'audiovisuel public, qu'un tel financement aurait vraisemblablement pour conséquence de soustraire les chaînes à l'indispensable débat public et politique, et de favoriser leur fonctionnement en circuit fermé. Or ce n'est pas la vocation du service public de l'audiovisuel que de fonctionner à l'abri des débats civiques sur ses missions, sa qualité, son financement. On ne reprendra pas ici le rôle de l'audiovisuel public comme forme moderne de l'espace public, comme lieu de réflexion sur le lien social et de consolidation de celui-ci, et finalement comme objet nécessaire du débat civique : tout ceci a été approfondi et exposé dans des rapports antérieurs de votre commission des affaires culturelles. On notera simplement que les diffuseurs publics n'existent que pour l'exercice d'une mission d'intérêt général, que l'exercice de cette mission appelle le maintien d'un lien fort avec le public, que le maintien d'un financement direct par les contribuables est indispensable, que le remplacement de la redevance par une ressource " indolore " plus ou moins parapublique apparaîtrait comme une façon de nier le rôle de l'audiovisuel public.

De ce point de vue, il convient de rejeter fermement la conception biaisée de l'autonomie présentée par le rapport précité de l'inspection générale des finances :

" - le fait que l'histoire du service public français de la télévision est allé vers l'octroi d'une plus grande autonomie financière et décisionnelle des chaînes, alors qu'une fiscalisation des ressources irait plutôt à l'encontre des objectifs poursuivis depuis 20 ans. "

L'audiovisuel public a besoin d'un financement dynamique, stable et prévisible que la redevance offre certes mieux qu'un système de subventions budgétaires. Mais ce n'est pas au nom de l'autonomie, fausse fenêtre de préoccupations comptables qui n'ont rien à voir avec elle, qu'il convient d'écarter d'emblée toute fiscalisation. Il y a là deux débats, qu'il faut distinguer afin d'y voir clair.

Quatrième remarque

L'hypothèque européenne est volontiers utilisée comme argument à l'appui de telle ou telle proposition.

Le rapport précité de l'inspection générale des finances estime que l'adossement de la redevance à la taxe d'habitation -telle est la proposition de ce rapport- améliorerait la position de la France en minimisant l'argument d'atteinte à la concurrence. M. Didier Migaud exprime à l'égard de cette affirmation lapidaire un doute partagé par votre commission, et se contente de noter que le financement de l'audiovisuel public par le produit des jeux ne poserait à l'égard du droit communautaire de la concurrence pas plus de problèmes que la redevance dans sa conformation actuelle.

Votre commission ne croit pas que la problématique européenne constitue un argument pertinent dans le débat français sur la réforme et sur le remplacement de la redevance pour un autre financement public.

Dans le débat européen sur le financement mixte de l'audiovisuel public, la nature juridique de tel ou tel financement public importera en effet moins que la façon dont la commission européenne souhaitera appliquer le principe général qu'elle invoque face à l'appui manifesté par les états membres à la pérennité de la mixité : financement des missions de service public par des fonds publics, financement des autres activités par des ressources propres des organismes.

A cet égard, votre commission regrette une fois de plus que n'ait pas été entendu l'avertissement lancé par le Sénat à l'occasion de la discussion de l'article 3 de la loi du 1 er août 2000, relatif à la définition des missions des organismes publics de l'audiovisuel.

C'est à cette occasion qu'auraient dû être prises les dispositions tendant à renforcer la position de l'audiovisuel public à l'égard du droit européen, et non au détour de débats, tout à fait vains à cet égard, sur les mérites relatifs d'un mode de financement public ou d'un autre.

C'est pourquoi votre commission croit utile de rappeler les critiques qu'elle avait observées lors de la deuxième lecture du projet de loi à la liste des missions élaborée par l'Assemblée nationale :

Extrait du rapport de la commission des affaires culturelles
sur le projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 (p. 29)

On sait que la direction générale de la commission européenne chargée de la concurrence a entrepris d'examiner la conformité au droit européen du financement mixte du secteur public, à partir de l'idée qu'il convient de réserver les fonds publics au financement des programmes de service public, les autres programmes devant être financés par des recettes propres. Ceci implique l'élaboration d'une liste des programmes de service public, et l'identification de leur mode de financement sur la base d'une comptabilité analytique des chaînes publiques.

La liste énumérative des missions de l'audiovisuel public retenue par l'Assemblée nationale s'inscrit implicitement dans cette logique, dans la mesure où cette liste peut aisément constituer le point de départ d'une discussion aboutissant à l'établissement d'une liste de programmes de service public reconnus par la commission, pour lesquels le financement public serait admis, la même liste étant susceptible d'être rediscutée au fur et à mesure que le secteur privé prendrait en charge tel ou tel de ses éléments.

Ce processus serait destructeur pour l'audiovisuel public de la France, fondé sur l'idée que la télévision publique est essentiellement une télévision généraliste destinée à favoriser le contact de tous les publics avec tous les programmes, et doit à cet effet offrir une programmation complète attirant le plus large public. Dans cette optique, la distinction des modalités de financement à partir d'une comptabilité analytique n'a guère de sens.

Auditionnée par votre commission le 25 janvier dernier, Mme Viviane Reding, membre de la commission européenne, chargée de l'éducation et de la culture, admettait implicitement le danger de la méthode énumérative en répondant à une question de votre rapporteur qu'une définition globale du rôle de la télévision publique était préférable à une énumération de missions.

Principes de solutions

Les quatre remarques qui précèdent permettent d'identifier quelques principes de solutions à la question de l'avenir de la redevance, et de relancer la discussion sur des fondements plus solides.

En premier lieu, il convient de noter qu'il s'agit de financer un service public et non un service rendu. La principale faiblesse de la redevance tient au fait qu'elle semble, par construction, rémunérer une prestation de moins en moins demandée par les contribuables. On aura beau objecter que ce n'est pas le cas juridiquement, que la redevance est une taxe parafiscale assise sur un équipement indépendamment de l'usage fait de cet équipement, on ne convaincra pas les redevables qu'il est légitime de payer une somme relativement importante pour un équipement qui lui sert à recevoir gratuitement des programmes autres que ceux au paiement desquels la somme en question est destinée. Du reste, certains aspects du régime juridique de la redevance peuvent être interprétés comme la reconnaissance implicite de l'existence d'un lien entre le paiement de la taxe et la réception d'un programme : les récepteurs hors d'état de capter les signaux de télévision et les appareils détériorés sont exonérés.

Si, nonobstant ces apparences et ces contradictions, on admet que la redevance finance bien un service public, comme il se doit, et non un service rendu, l'on ne peut alors admettre l'injustice, relevée par le rapport de M. Migaud, d'un prélèvement dégressif, et l'on ne peut que s'étonner que les ménages non équipés de récepteurs ne soient pas appelés à contribuer au financement d'un service essentiel à l'entretien du lien social, au débat public et à la formation des Français. On ne s'explique pas en revanche, toujours dans l'optique du financement d'un service public, que les ménages possèdant un poste dans une résidence secondaire contribuent doublement (sauf à mettre en avant une conception un peu rudimentaire de la progressivité de l'impôt).

Il convient donc de se diriger vers un découplage du financement et de la réception de programmes télévisés, ce qui implique l'abandon à terme de la " redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision ".

Le financement de l'audiovisuel public par des crédits budgétaires ne peut être considéré comme une solution de remplacement de la redevance 2 ( * ) .

L'adossement sur la taxe d'habitation d'une redevance réformée, selon la proposition de l'inspection générale des finances ne convainc pas non plus dans la mesure où cela accentuerait les reproches faits à un impôt lui-même très critiqué, comme l'observe le rapport de M. Didier Migaud, dans la mesure aussi où subsisterait la double taxation, illogique, des ménages possédant plusieurs résidences et le caractère dépressif, et donc injuste, de la taxe.

Il peut sembler opportun, dans ces conditions, d'explorer la possibilité de coupler la redevance et l'impôt sur le revenu selon une formule qui éviterait son assimilation à une recette fiscale et l'augmentation optique des prélèvements obligatoires. Votre commission des affaires culturelles souhaite que la faisabilité technique de cette possibilité soit étudiée par les instances compétentes à l'occasion du débat qui ne manquera pas de se poursuivre sur l'avenir de la redevance.

*

* *

Au-delà des remarques, suggestions, orientations de bon sens que votre commission croit pouvoir présenter sur l'avenir de la redevance, un regret émerge : alors que l'audiovisuel public reste et restera notoirement sous-financé, comme on le redira dans la suite de ce rapport, alors qu'il tire vers le bas l'industrie française des programmes, du fait de la faiblesse de ses budgets, la gouvernement et sa majorité débattent de la suppression ou non de la redevance plutôt que des moyens de donner à nos industries de l'image le surcroît de dynamisme qu'appelle le rôle de la communication audiovisuelle dans la nouvelle économie.

III. ASPECTS DE LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI DU 1ER AOÛT 2000

L'élaboration et l'adoption de la loi du 1 er août 2000 ont été la grande affaire de la politique de la communication audiovisuelle du gouvernement ces trois dernière années. Le résultat ne semble pas à la hauteur des promesses d'une aussi longue gestation, et la mise en oeuvre pourrait ne pas réserver moins de surprises que la préparation. Aussi votre commission a-t-elle estimé utile de rappeler quelques éléments de ce texte avant d'évoquer rapidement quatre domaines d'application qui lui paraissent importants à divers égards.

A. UN TEXTE PEU ÉQUILIBRÉ

1. La réglementation des diffuseurs privés

La réglementation des diffuseurs privés n'a pas été présentée comme une priorité de la réforme de la loi de 1986, elle n'en figure pas moins en bonne place dans le dispositif adopté sous la forme de dispositions trop souvent idéologiques, inutiles, dangereuses pour l'essor des opérateurs français.

Particulièrement révélateur à cet égard est l'exemple du système de reconduction automatique des autorisations d'utiliser les fréquences, auquel l'Assemblée a souhaité donner le caractère le plus aléatoire possible. Pourtant, nul n'imagine que les autorisations de TF1, de Canal Plus ou de M6 ne soient pas reconduites sans motif grave. Le climat d'incertitude créé par la nouvelle rédaction de la loi présentera alors simplement l'inconvénient de fragiliser l'actionnariat des opérateurs français à l'approche de chaque renouvellement, et de faciliter l'intrusion d'opérateurs étrangers dans leur capital.

Il est bien d'autres exemples des sacrifices que la nouvelle loi consent au goût de manifester une défiance à l'égard des opérateurs des télévisions nationales privées. En ce qui concerne l'actionnariat et la structure des grands groupes, les projets maximalistes agités un temps ont été abandonnés au profit d'une obligation d'informer le CSA des opérations commerciales des actionnaires des chaînes privées, quand ces opérations consistent en des candidatures à des marchés publics ou à des délégations de service public. Cette mesure, qui systématise et spécifie un pouvoir général d'information que le CSA possédait déjà, aura pour effet essentiel de noyer le régulateur sous une documentation qu'il aura quelque peine à exploiter.

La nouvelle loi a par ailleurs imposé aux câblo-opérateurs un contrôle étroit du CSA sur la composition de leur offre au prétexte juridique d'un monopole de la distribution filaire des images animées qui n'a plus aucune réalité économique et qui va bientôt disparaître avec les progrès de la technologie du téléphone, et au prétexte politique de garantir la conformité des plans de service à l'intérêt du publique, garantie que la concurrence entre le câble et le satellite est bien mieux à même d'apporter.

2. Le régime juridique du numérique de terre

Il convient de rappeler que le développement de la télévision numérique de terre devrait permettre :

- d'ouvrir un nouvel espace de développement à l'audiovisuel public. Confronté à la perspective d'un tassement progressif de son audience globale au fur et à mesure du développement des services thématiques diffusés sur les divers supports numériques, le secteur public court le risque d'une perte d'efficacité dans l'exercice de sa mission généraliste. Si par ailleurs la participation de France Télévision à TPS lui a permis d'acquérir une expérience des métiers de la communication numérique, cette expérience ne saurait à elle seule apparaître comme un véritable axe de développement pour le secteur public ;

- d'utiliser plus efficacement la ressource rare que constituent les fréquences hertziennes terrestres, en rendant à terme disponible pour d'autres usages une partie au moins des fréquences mobilisées actuellement pour la diffusion analogique ;

- d'offrir au public non désireux de s'équiper pour la réception des services du satellite ou ne disposant pas du câble, ainsi qu'au public qui restera à l'écart de l'internet rapide, un grand choix de programmes et de services innovants sur son support habituel ;

- d'offrir de nouvelles marges de développement à l'industrie de l'électronique grand public, qui fournira aux ménages les équipements de réception numériques nécessaires pour recevoir l'offre nouvelle ;

- de favoriser le développement de la communication locale et de proximité ;

- de permettre aux opérateurs d'accroître à terme, grâce à la réduction de leurs coûts de diffusion, leur rentabilité et par suite leur capacité investissement dans les programmes;

- de retarder les conséquences sur le dispositif français d'aide à l'industrie des programmes des progrès de la diffusion par satellite et de la mondialisation, en maintenant l'audience d'un mode de diffusion essentiellement national.

La réalisation de ces objectifs d'incontestable intérêt public se heurte à de sérieuses incertitudes.

Incertitude, tout d'abord, sur les coûts et les perspectives financières de la diffusion numérique de terre. Une seule étude économique, tardivement réalisée et plus tardivement encore rendue publique, a été lancée par le Gouvernement pour éclairer cette question.

Incertitude, aussi, sur la place disponible pour le numérique de terre entre le câble, qui progresse lentement et auquel le marché des télécommunications et celui de l'internet ouvrent de nouvelles perspectives ; le satellite, qui a conquis en quelques années plus de 2,5 millions d'abonnés ; l'internet rapide, qui offrira bientôt au public un nouveau mode d'accès aux programmes de télévision.

Face à ces incertitudes, la réussite du lancement du numérique de terre se présente comme un pari industriel dont la réussite est assujettie à deux conditions essentielles.

Il convient d'une part de favoriser l'élaboration d'une offre de services attractive et financièrement équilibrée, il convient d'autre part de favoriser l'équipement rapide du public en terminaux numériques.

Le choix du mode d'attribution de la ressource de diffusion sera déterminant à cet égard.

Or le système d'attribution d'autorisations service par service mis en place par la loi conduit à la mise en place d'une économie administrée par le CSA, véritable ordonnateur de l'offre numérique.

Ce système fera nécessairement émerger à l'occasion des appels à candidatures une offre éclatée qu'il appartiendra au CSA d'organiser de son propre chef, en s'inspirant éventuellement des souhaits exprimés par les éditeurs, afin de composer fréquence par fréquence des multiplexes supposés cohérents, attractifs et susceptibles de provoquer à terme la constitution d'une économie viable de la diffusion hertzienne numérique de terre.

En d'autres termes, le dispositif adopté confie au CSA le rôle d'ensemblier global de la diffusion numérique de terre, rôle crucial pour le lancement de ce marché comme il a été déterminant pour la réussite de la diffusion satellitaire (l'absence d'ensemblier a été en revanche largement responsable des pannes de l'économie du câble).

Il convient de rappeler quelques-unes des autres critiques émises par le Sénat à l'encontre de la nouvelle loi :

- une priorité est accordée aux chaînes gratuites alors que rien n'indique que le marché publicitaire pourra financer la création de plusieurs dizaines de chaînes nouvelles, nationales ou locales, et en dépit de l'essor que la constitution d'une offre payante significative donnerait à l'équipement des ménages en moyens de réception numériques (la présence d'une offre payante inciterait les distributeurs de multiplexes à subventionner largement l'équipement des ménages, comme ce fut le cas pour assurer le succès d'abord du Minitel puis du satellite) ;

- l'attribution pour 10 ans des autorisations service par service va figer le paysage numérique de terre alors d'une part que l'adaptabilité de l'offre est essentielle à son caractère attractif, alors d'autre part que l'évolution technologique va modifier en permanence les conditions d'une gestion optimale de la ressource disponible sur chaque fréquence, incitant à adapter de façon continue la composition optimale de l'offre de chaque multiplexe.

La loi a en définitive institué un système contraire à la rationalité économique, dont le succès risque de dépendre d'un engagement massif de l'Etat dans le financement du numérique de terre.

3. Le secteur public

Les dispositions de la loi concernant le secteur public sont plus équilibrées que les autres. La discussion du projet a montré l'existence d'un large accord sur la nécessité de renforcer le secteur public et de lui donner les moyens de remplir convenablement sa mission de service public. La constitution du groupe France Télévision, avec le regret que les maladresses diplomatiques du Gouvernement aient conduit à l'exclusion d'Arte, est exemplaire à cet égard.

Si par ailleurs la définition adoptée des missions du secteur public est critiquable, comme on l'a vu ci-dessus, le Sénat a en revanche approuvé dans l'ensemble les dispositions de nature financières, sans grande illusion sur l'ampleur des moyens dont la télévision publique disposera pour financer sa diversification dans le numérique en poursuivant parallèlement l'amélioration des programmes de France 2 et de France 3. Mais il s'agit ici plus de l'application que du contenu de la loi du 1 er août 2000.

B. QUELLES MODALITÉS DE MISE EN oeUVRE ?

S'il est beaucoup trop tôt pour commenter sur le numérique de terre le parti que le CSA va tirer du texte alambiqué dont on a rappelé les grands axes - il s'est saisi du dossier avec un indéniable dynamisme en lançant la planification des fréquences - d'autres sujets doivent d'ores et déjà faire l'objet d'une vive attention de la part du législateur.

1. Le secteur public

a) Le secteur public et le numérique de terre

• Une des principales questions qui se posent désormais est celle des moyens disponibles pour financer l'entrée de France Télévision dans le numérique (capital de départ puis régime de croisière), sans empiéter sur les moyens destinés au développement des deux chaînes généralistes, qui resteront la force et la légitimité de l'audiovisuel public, et sachant que l'attribution à La Cinquième d'un canal numérique va faire de celle-ci une chaîne à plein temps dont il faudra financer l'augmentation de l'offre de programmes.

La ministre de la culture a estimé lors de la seconde lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale qu'une montée en charge des besoins liés au numérique était prévisible pour 2002 et devrait être prise en compte dès la loi de finances pour 2001. Elle a aussi annoncé l'attribution, " le moment venu ", d'une " dotation significative dont le montant dépendra des projets finalement retenus ", pour " permettre le démarrage du groupe dans les meilleures conditions, son développement en numérique et un investissement complémentaire dans les programmes ". Madame Tasca a cité le chiffre d'un milliard de francs.

Mais ces annonces sont à relativiser eu égard à quelques tendances lourdes :

- les perspectives d'augmentation du rendement de la redevance sont faibles à législation constante, comme on l'a vu ci-dessus ;

- on ne peut écarter le risque que la diminution législative de la durée des écrans publicitaires ait un effet cumulatif défavorable sur les performances des deux chaînes généralistes sur le marché publicitaire. Quand à envisager le financement publicitaire des chaînes numériques, les inconnues économiques et institutionnelles (position des instances communautaires à l'égard d'une extension du financement mixte) sont trop nombreuses pour que l'on trouve dans cette perspectives des raisons de se rassurer ;

- au delà de 2001, le gouvernement pourrait éprouver quelques difficultés à porter les crédits budgétaires de l'audiovisuel public au delà des remboursements d'exonérations d'ores et déjà largement gagés par le financement du manque à gagner de 1,2 milliard de ressources publicitaires ;

- or le coût du projet numérique de France télévision serait de 1,6 à 1,8 milliard de francs par an au terme de la période de lancement.

Que peut-on en conclure ? Alors qu'en Angleterre 200 millions de livres seront levés chaque année pour financer le projet numérique, les crédits budgétaires de l'audiovisuel public n'iront sans doute pas au-delà des 2,16 milliards de francs accordés en 2001 au titre de la compensation des exonérations de redevance.

Dans ces conditions, et quand bien même une dotation en capital permettrait de lancer de nouvelles chaînes, il est vraisemblable que l'investissement du secteur public dans le numérique ne pourra être financé sur la durée que par ponction sur les recettes de redevance destinées initialement à l'amélioration des programmes de France 2 et de France 3.

Amère perspective, quand on se rappelle la modestie, signalée plus haut, des budgets de programmes de France Télévision, et quand on prend la mesure du sous-financement de notre audiovisuel public par rapport aux efforts consentis par nos principaux partenaires européens, comme le montre le bilan du financement public des organismes.

PAYS

1998
millions de F

FRANCE

France2..............................................

2 364,50

France 3.............................................

3 295,00

La Sept Arte.......................................

956,50

RFO...................................................

1 132,60

La Cinquième.....................................

710,90

IRLANDE

RTE...................................................

530,41

ITALIE

RAI....................................................

8 460,90

PAYS-BAS

NOS...................................................

3 375,76

PORTUGAL

RTP....................................................

458,00

ROYAUME UNI

BBC...................................................

21 293,42

SUEDE

SVT...................................................

2 396,14

ALLEMAGNE

ARD...................................................

14 556,34

ZDF....................................................

7 584,80

AUTRICHE

OFR...................................................

2 348 ?30

BELGIQUE

RTBF.................................................

1 039,03

DANEMARK

TV2....................................................

31 514,45

ESPAGNE

RTVE.................................................

489,41

FINLANDE

Yle.....................................................

1 735,43

Source : J. O. du 24 août 2000, p. 2906, réponse à une question écrite de M. Louis de Broissia, sénateur.

• Une autre question essentielle est celle de la cohérence globale de l'offre publique . Si les chaînes thématiques dont France Télévision envisage la création (information continue, sport, jeunes, arts et spectacles, rediffusion, chaînes régionales) ne semblent pas en contradiction avec la vocation du service public, il est cependant difficile de considérer que ce nouvel ensemble prendra en charge la mission fédératrice de la télévision publique. Il y a contradiction manifeste entre cette mission, qui est par excellence celle de la télévision généraliste, et l'éclatement potentiel de l'audience du service public entre les chaînes thématiques, cette tendance se manifestant particulièrement dans le projet de créer une chaîne destinée aux jeunes. Il y aura donc moins complémentarité que concurrence entre les programmes généralistes des chaînes traditionnelles et ceux des nouvelles chaînes. Et l'on peut craindre que ces dernières ne contribuent dans la mesure de leur réussite au repli annoncé de la télévision généraliste.

Il faut donc, sans se résigner à cet aboutissement destructeur de la légitimité du secteur public et se payer de mots, veiller à la création des synergies les plus larges entre les chaînes généralistes et les chaînes thématiques, non seulement dans l'emploi des moyens, mais aussi surtout, dans la mesure où ceci ne correspondra sans doute guère au mouvement naturel des responsables, en matière de programmation.

Il faut en outre profiter de l'entrée dans le numérique pour étendre pragmatiquement à Arte et à RFO l'espace de coopération que la loi a dû limiter à France 2, France 3 et La Cinquième.

b) Les contrats d'objectifs et de moyens

Votre commission se contentera de noter à ce sujet que l'élaboration des contrats d'objectifs et de moyens est en cours sans qu'elle ait bénéficié de la moindre information sur les intentions et sur les prétentions des négociateurs. Elle rappellera donc que ces documents constitueront les chartes du financement et du développement des organismes publics, qu'ils revêtiront ainsi un sens profondément politique, et qu'il serait donc inadmissible que le Parlement ne soit pas associé d'une façon ou une autre à leur conclusion. Une formule de consultation doit être trouvée. Une telle formule apparaîtra en outre, si la consultation est effectuée de façon sérieuse, comme le meilleur moyen de garantir la fermeté de l'engagement de l'Etat au delà des aléas de l'annualité budgétaire et de l'alternance politique.

2. Les moyens du CSA

Votre commission croît utile de veiller à ce que les moyens du CSA soient portés à la hauteur des nouvelles tâches que la loi du 1 er août 2000 lui a attribuées.

Elle constate que si un effort est consenti pour accompagner la mise en place de la télévision numérique de terre, l'ensemble des nouvelles compétences du CSA ne paraît pas doté des moyens correspondants.

Le projet de budget du CSA pour l'exercice 2001 s'élève à 214,68 millions de francs en hausse de 8,18 millions de francs par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.

Il enregistre ainsi une forte progression de 3,96 % due, pour une très large part, aux moyens destinés à la mise en place de la télévision numérique terrestre.

Les crédits de personnel passent de 66,55 millions de francs en loi de finances initiale 2000 à 71,50 millions de francs en 2001 et enregistrent ainsi une augmentation de 4,95 millions de francs expliquée essentiellement par les crédits de 1,74 millions de francs nécessaires au maintien de la rémunération du Président et d'un conseiller quittant leurs fonctions en janvier 2001 et par une mesure d'ajustement de 1,9 millions de francs pour le paiement des cotisations sociales. Cette dernière mesure constitue une mesure purement technique destinée à doter le CSA des moyens nécessaires dès la loi de finances initiale alors qu'antérieurement ils étaient attribués en cours d'exercice par arrêté de transfert de crédits.

Outre, les ajustements courants, crédits pour les congés de fin d'activité (0,20 MF) et restitution du solde des crédits pour la maintien de la rémunération de conseillers (-0,11 millions de francs), 3 mesures nouvelles ont été accordées au conseil :

- un crédit complémentaire de 0,10 millions de francs relatif à l'amélioration du régime indemnitaire des collaborateurs ;

- la revalorisation des indemnités des présidents et membres des CTR (+0,55 MF). Ces indemnités n'avaient connu aucune évolution depuis la création des CTR en 1990 et 1991 ;

- la création de deux emplois de chargé de mission de 2 ème groupe (+ 0,57 MF).

Le conseil avait demandé la création de 3 emplois pour faire face aux nombreux appels à candidature dus à l'émergence de nouveaux services liés à la télévision numérique terrestres ainsi qu'à l'extension, de par la nouvelle loi sur l'audiovisuel, de son champ de compétences à la diffusion satellitaire. Ces nouvelles activités qui entraîneront une augmentation sensible des dossiers d'autorisations et de conventionnement nécessiteront également un suivi plus poussé de l'environnement économique et concurrentiel du secteur, des programmes diffusés et auront un impact juridique non négligeable (préparation des régimes juridiques, suivi des appels à candidatures, gestion des décisions de rejet voire des dossiers contentieux notamment).

On notera que ces créations d'emplois ne permettront guère au CSA de s'acquitter de sa nouvelle mission de dépouiller les candidatures des actionnaires des chaînes privées à des marchés publics ou à des délégations de service public. Cette compétence présentée comme un pas décisif vers la transparence et la déontologie ne sera pas assurée.

Les crédits de fonctionnement connaissent une croissance de 3,22  millions de francs en s'inscrivant à 143,18 millions de francs contre 139,96 millions de francs pour 2000.

Cette hausse, alors qu'elle comprend les crédits de 12,24 millions de francs pour les travaux 2001 de mise en place de la télévision numérique, peut sembler modeste. Mais le budget intègre pour 2001 une importante économie de 11,59 millions de francs résultant de la négociation avec TDF d'une nouvelle convention de prestations de services en remplacement de celle prenant fin au 31 décembre 2000. Sans celle-ci les crédits se seraient élevés à 154,77 millions de francs.

Ce budget est donc difficilement comparable à celui des années précédentes. On peut néanmoins constater que les moyens dédiés au fonctionnement courant du conseil restent stables.

Les crédits informatiques ont enregistré un abondement de 0,98 millions de francs destiné au renouvellement du quart du parc informatique du CSA.

3. La promotion de l'industrie des programmes

a) Un objectif partagé

Lors de la discussion de la loi du 1 er août 2000, le Sénat et l'Assemblée nationale ont partagé la même volonté d'adapter à l'évolution de la communication audiovisuelle un système législatif et réglementaire conçu pour protéger et favoriser l'industrie française des programmes.

- C'est ainsi que, dans leur nouvelle rédaction, les articles 27, relatif aux obligations des services de communication audiovisuelle diffusée par voie hertzienne terrestre et 33, relatif aux obligations des services distribués par câble ou diffusés par satellite, de la loi du 31 septembre 1986 opérent un glissement de la réglementation en faveur des obligations de production des chaînes. Ces modifications interviennent alors que l'efficacité des obligations de diffusion va sans doute être progressivement mise en cause par l'impact conjugué de la diversification des modalités de commercialisation des services de communication audiovisuelle (les services de paiement à la séance échappent aux quotas de diffusion) et par l'internationalisation de la diffusion (les chaînes européennes diffusées en France, telles que RTL 9, échappent au système français des quotas).

- Ajoutons que le régime des obligations de production des chaînes est fixé avec un certain luxe de détails dans des termes très favorables aux intérêts des producteurs.

La nouvelle rédaction de l'article 27 de la loi de 1986 prévoit ainsi que le décret d'application fixera séparément la part de contribution des diffusions ou le montant (vraisemblablement calculé en part du chiffre d'affaires) affecté à l'acquisition de droits de diffusion. Ceci répond à une revendication des producteurs d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, qui souhaitent que les diffuseurs soient incités à augmenter dans les financements qu'ils consacrent à la production d'oeuvres, la part antenne (correspondant à l'achat de droits de diffusion) par rapport à la part coproduction (qui correspond à un droit sur la propriété de l'oeuvre et sur ses recettes d'exploitation).

La rédaction précédente de l'article 27 de la loi de 1986 permettait de fixer " les dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ", sans fixer pour autant de plancher d'investissement dans l'acquisition de droits de diffusion.

Aussi, les diffuseurs dirigeaient-ils largement leurs investissements dans la production vers l'acquisition de parts coproduction leur donnant un droit de participer aux éventuelles recettes d'exploitation ultérieure des oeuvres par d'autres opérateurs.

La nouvelle rédaction de l'article 27 prévoit par ailleurs que seules sont désormais prises en compte pour le calcul du respect des obligations d'investissement les parts antenne que les diffuseurs acquièrent pour la diffusion des oeuvres sur les services qu'ils éditent (c'est-à-dire des services diffusés par voie hertzienne terrestre). Il s'agit de décourager l'achat de droits de diffusion pour plusieurs supports, la diffusion satellitaire et la distribution sur le câble étant le plus souvent acquises avec le droit de diffusion par voie hertzienne terrestre. L'objectif est de favoriser ce que les producteurs appellent la " fluidité " des droits, en libérant ceux-ci pour une exploitation par d'autres opérateurs sur un autre marché que celui de la diffusion hertzienne terrestre.

La nouvelle rédaction de l'article 27 prévoit enfin que le décret d'application fixera les obligations concernant les modalités de cession des droits de diffusion acquis par un diffuseur en vue d'une exploitation sur plusieurs supports, et limitera la durée des droits acquis à titre exclusif.

La réglementation de " la cession des droits de diffusion selon les différents modes d'exploitation " pourrait ainsi permettre d'encadrer l'acquisition par les diffuseurs de droits de diffusion multisupports. L'objectif est toujours la fluidité du marché des droits et la " liberté de circulation des programmes ", selon la formule utilisée par les organisations de producteurs.

L'objectif est aussi de limiter la durée des droits exclusifs, les droits de diffusion des programmes étant généralement acquis par les chaînes de façon exclusive.

Aucune disposition n'encadrait auparavant la durée de détention des droits exclusifs de diffusion pour les oeuvres cinématographiques. Les oeuvres audiovisuelles faisaient en revanche l'objet d'un certain nombre de restrictions dans ce domaine.

Le Sénat, comme l'Assemblée nationale, s'est inscrit dans une logique de renforcement du dispositif législatif afin de répondre au souci de producteurs, selon lesquels le développement du second marché des programmes et l'apparition de services thématiques indépendants sont entravés par le fait que les diffuseurs terrestres, n'ayant pas intérêt à favoriser une politique de rediffusion par des services payants susceptibles de leur créer une concurrence, cherchent à restreindre la circulation des programmes.

- L'Assemblée nationale, suivie sur ce point par le Sénat, a enfin substitué au texte précédent de l'article71 de la loi de 1986 des dispositions précisant les éléments que le décret pris en application de l'article 27 de la loi de 1986 et le décret parallèle à l'article 33 de la loi de 1986 pour les services du câble et du satellite, devront prendre en compte afin de définir les critères de l'indépendance des producteurs par rapport aux diffuseurs. Il s'agissait d'inscrire dans la loi, en les renforçant un peu, les critères figurant d'ores et déjà dans le décret n° 90-67 du 17 janvier 1990 pris en application de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986.

b) Une dynamique essoufflée ?

Les rappels un peu fastidieux, et néanmoins sommaires qui précèdent, mettent en évidence le souci de l'efficacité et du détail avec lequel, sans craindre d'empiéter sur le domaine réglementaire, le gouvernement, le Sénat et l'Assemblée nationale ont, de concert, cherché à confirmer et à renforcer le dispositif législatif en faveur de l'industrie française des programmes.

On aurait souhaité que le gouvernement s'inscrive dans la même logique, se propose les mêmes objectifs, poursuive des efforts aussi soutenus sur le terrain, moins facile mais plus essentiel à terme, du débat communautaire concernant la compatibilité des aides nationales avec le droit européen de la concurrence.

Or le gouvernement ne montre ici qu'un attentisme inquiétant face aux menaces qui se profilent, manifeste le choix d'une tactique dilatoire qui augure mal de la mise en oeuvre concrète des intentions exprimées lors de l'élaboration et inscrites dans le marbre, peut-être un peu friable à cet égard, de la loi du 1 er a oût 2000.

Comme de coutume, peu d'informations transpirent des débats en cours. Selon une " brève " d'un journal professionnel attentif à ces questions, lors d'un colloque tenu à Lyon les 11 et 12 septembre dernier sur les industries culturelles à l'heure du numérique, " le directeur d'Ecran Total a été approché par un haut fonctionnaire français, travaillant pour la présidence française du Conseil des ministres européens. Selon ce dernier, " il est vrai que ça se passe mal avec la DG4 pour ce qui concerne l'audiovisuel. Mais la France a d'autres priorités et ne veut pas que cette question soit à l'ordre du jour du prochain Conseil des ministres, de peur que ces autres priorités soient remises en cause. Mieux vaut rester discret et composer avec la DG4... " 3 ( * ) .

De quoi s'agit-il ? Il semble que le colloque de Lyon ait donné à la direction générale de la commission européenne l'occasion de présenter sa position sur les aides au cinéma et à la production audiovisuelle.

Dans une lettre commune du 26 septembre 2000 à M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, cinq organisations professionnelles (la société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs, la chambre syndicale des producteurs et exportateurs de films français, le syndicat des producteurs indépendants, l'union des producteurs de films et l'union syndicale de la production audiovisuelle) se sont inquiétées de ces propos.

" L'intransigeance des propos tenus a provoqué une vive émotion chez les producteurs et l'ensemble des professionnels de cinéma et de l'audiovisuel. Ils laissent penser que les garanties qui nous paraissaient acquises dans le cadre des décisions relatives au régime de soutien à la production cinématographique en date du 24 juin 1998 (Aide d'Etat n° N 3/98 France) et du 7 août 1998 (Aide d'Etat n° N 3/98 France) seraient menacées.

La présentation faite par la DG Concurrence concernant le traitement des aides d'Etat au secteur audiovisuel et cinématographique laisse entendre que notre secteur ne relève pas de la culture au sens strict et qu'il s'agirait, à l'inverse, d'une industrie au sens plein du terme, de surcroît complètement subordonnée à l'existence d'un régime national d'aides d'Etat. Ceci conforte notre analyse : l'article 87, tel qu'actuellement libellé, fournit une protection insuffisante à ce régime d'aide et, paradoxalement, légitime l'intervention directe de la DG Concurrence par une interprétation restrictive de la notion de culture.

Par lettre adressée à vos services par notre permanent à Bruxelles en date du 3 mai 2000, nous avions suggéré que soit proposée dans le cadre de la CIG une modification à l'article 87 du Traité de l'Union européenne, visant à l'insertion de la notion d'" oeuvres audiovisuelles " dans le corps de cet article afin d'assurer une compatibilité non équivoque avec le marché commun des aides accordées au secteur audiovisuel et cinématographique.

Il nous paraît vital que la France puisse proposer à ses partenaires, dans le cadre de la CIG, une formulation de ce genre afin de mettre un terme aux incessantes interventions de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne. "

D'après l'éditorial de la revenue mentionnée plus haut, la direction générale de la concurrence estime que " les aides nationales au cinéma et à l'audiovisuel ne doivent pas dépasser 50 % du coût de la production, le principe étant que le producteur doit prendre un risque. Ce chiffre de 50 % peut néanmoins être dépassé pour les oeuvres " difficiles ", visant un tout petit marché. Mais, selon la DG4, les dérogations prévues par le traité ne devraient pas s'appliquer à la culture quand celle-ci a une dimension industrielle : le cinéma et l'audiovisuel en sont donc exclus. Dès aujourd'hui, seuls 80 % du montant de ces aides peuvent être réservés à des collaborateurs et des prestataires " nationaux ", ce chiffre devant progressivement être ramené à zéro. Enfin, dernière précision, mais essentielle : les aides englobent non seulement les subventions, mais aussi les obligations d'investissement des chaînes . Pour prendre un exemple, l'investissement que réalise une chaîne française dans une fiction ou un film en vertu de ses actuelles obligations, cumulé aux subventions du compte de soutien, ne doit donc pas dépasser 50 % du coût de cette oeuvre. En revanche, la DG4 n'a pas encore tranché sur le fait de savoir si l'ensemble des dépenses des chaînes publiques, financées par la redevance ou le budget de l'Etat, entre dans ces 50 %... "

L'hostilité lancinante de la direction générale de la concurrence aux aides nationales à l'industrie des programmes justifie le souhait des professionnels que la question soit posée dans le cadre de la conférence intergouvernementale qui prépare la modification des traités européens, et l'on comprend la perplexité qu'a pu susciter le profil bas de la présidence française sur ce thème.

La question des aides nationales au cinéma et à l'audiovisuel a cependant figuré parmi les " points divers " abordés par le conseil culture et audiovisuel réuni à Bruxelles le 26 septembre 2000.

Selon le compte rendu officiel de cette réunion : " A l'initiative de la Présidence, le Conseil a été saisi de la question des aides nationales aux secteurs du cinéma et de l'audiovisuel et s'est livré à un vaste échange de vues. La Présidente a rappelé les discussions des ministres lors de leur rencontre informelle à Lille le 20 et 21 juillet 2000 et s'est fait l'écho de la préoccupation exprimée par plusieurs Etats membres de voir leurs systèmes nationaux de soutien au cinéma et à l'audiovisuel mis en cause par les examens périodiques que la Commission effectue au sujet de leur compatibilité avec les dispositions du Traité en matière de concurrence... La Présidente a conclu qu'à la lumière des interventions des délégations, il semblait opportun de continuer le dialogue entre la Commission et les Etats membres sur cette question, dans le respect de leurs compétences respectives. "

La réunion du même conseil tenue le 23 novembre 2000 a permis de préciser la position des ministres dans le dialogue demandé. En effet, dans une résolution sur les aides nationales au cinéma et à l'audiovisuel, le conseil a souligné que l'industrie audiovisuelle constituait une " industrie culturelle par excellence " et a affirmé la nécessité des aides nationales pour compenser les faiblesses structurelles des industries européennes.

La résolution se termine par l'affirmation des positions de principe suivantes :

" - Les Etats membres sont fondés à mener des politiques nationales de soutien bénéficiant à la création de produits cinématographiques et audiovisuels ;

- les aides nationales au cinéma et à l'audiovisuel peuvent contribuer à l'émergence d'un marché audiovisuel européen ;

- il est nécessaire d'examiner les moyens de nature à accroître la sécurité juridique pour ces dispositifs de préservation et de promotion de la diversité culturelle ;

- par conséquent, le dialogue entre la Commission et les Etats membres doit être poursuivi ",

La résolution invite enfin la Commission à présenter au Conseil l'état de sa réflexion dès que possible " et, en tout cas, à la fin de 2001 " .

S'il convient de se féliciter de cette prise de position sans ambiguïté, il n'en reste pas moins vrai que la position du Conseil culture et audiovisuel ne modifie en rien les pouvoirs dont la Commission européenne dispose pour la mise en oeuvre du droit européen de la concurrence ; l'appel à la poursuite du dialogue avec la Commission sonne à cet égard comme un aveu de relative impuissance, tout comme la demande, adressée à la Commission, de présenter " l'état de ses réflexions " avant la fin de 2001.

A la vérité, seul l'ajout des aides à l'audiovisuel et au cinéma à la liste des aides compatibles avec le marché commun répondrait véritablement au souhait de sécurité juridique exprimé par la résolution du 23 novembre 2000.

A défaut, on peut poser la question suivante : à quoi sert de compléter notre droit national de façon tonitruante, si l'on n'est pas certain de faire obstacle aux tendances éradicatrices de la Commission européenne ?

EXAMEN EN COMMISSION

Dans une séance tenue dans l'après-midi du 22 novembre 2000, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Paul Hugot sur les crédits de la communication audiovisuelle pour 2001.

Un débat s'est alors engagé.

Mme Danièle Pourtaud a exprimé son étonnement devant le fait que le rapporteur, après avoir approuvé un certain nombre de budgets amputant gravement les ressources de l'audiovisuel public, préconise le rejet de propositions qui augmentent très sensiblement les ressources du secteur public et réduisent sa dépendance à l'égard de la publicité, permettant l'amélioration de la qualité des programmes, comme il ressort des propos du rapporteur lui-même.

Elle a estimé que l'augmentation des ressources publiques à 76 % du montant global des ressources des organismes méritait une approbation enthousiaste, et que le courage de la ministre de la culture et de la communication lui avait permis d'obtenir les ressources budgétaires nécessaires, et d'asseoir ces dotations sur les remboursements de redevance pour les sécuriser.

Il n'est pas possible de prévoir l'avenir de la redevance dans sa définition actuelle ni de savoir si les remboursements d'exonération seront suffisants pour assurer le développement souhaitable du secteur public, mais il est clair que le choix d'une baisse des prélèvements obligatoires rendait difficile le choix d'une augmentation de la redevance. Il sera donc nécessaire d'identifier de nouvelles ressources pour l'audiovisuel public.

L'idée d'une contribution de France Télévision au rayonnement des programmes français peut être approuvée, à condition d'écarter toute concurrence à l'international, génératrice de gaspillages, avec les organismes de l'audiovisuel extérieur, TV5 en particulier. Il serait bien entendu souhaitable que France Télévision dispose des crédits nécessaires à l'achat des droits pour la diffusion internationale des programmes français, mais il conviendrait dans ce cas que la diffusion des programmes se fasse en coopération avec TV5. Il est en effet indispensable que les missions spécifiques de chaque opérateur public soient respectées.

En ce qui concerne RFI, il convient de saluer la réussite de la station et le redéploiement de ses moyens. La part des frais de personnels dans son budget suscite des glissements importants. Son budget prévisionnel de 2001 ne remet cependant pas en cause son développement.

En ce qui concerne enfin les négociations européennes, et spécialement la proposition d'adopter la règle de la majorité qualifiée dans le plus grand nombre possible de domaines, la France a clairement indiqué que l'application à la culture et à l'audiovisuel de cette proposition n'était pas négociable.

M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis , a présenté les précisions suivantes :

- la diminution de la durée des écrans publicitaires de France 2 et France 3 aura pour principale qualité de dégager des créneaux horaires pour la diffusion de programmes nouveaux ;

- la nécessaire sécurisation des ressources de l'audiovisuel public passe par le lancement, qui doit être la conséquence de la création d'un " pôle industriel " de la télévision publique, des projets de développement impliqués par l'idée de pôles industriels, plus que par une augmentation des recettes de redevance, cette ressource étant liée à la période durant laquelle la télévision d'Etat bénéficiait d'un monopole de diffusion ;

- il convient de limiter l'évolution des taux de la redevance afin de ne pas grever le budget des familles par un prélèvement excessif ;

- le rayonnement international des programmes français implique l'existence d'un grand groupe national capable de se constituer une assise internationale, ce qui implique probablement l'établissement de partenariats entre les différents opérateurs publics. Il importe que l'existence de plusieurs tutelles ministérielles sur l'audiovisuel public ne fasse pas obstacle à la mise en oeuvre de cet objectif.

Au terme de ce débat, suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a décidé de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la communication audiovisuelle pour 2001 .

* 1 N° 2543, AN, onzième législature.

* 2 Cf. sur ce point les analyses présentées p. 7 du présent rapport.

* 3 Ecran Total, n° 337, 27 septembre 2000.

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