II. L'ACTION DU GOUVERNEMENT EN MATIERE AGRICOLE

A. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI D'ORIENTATION AGRICOLE

Cette loi a reçu un grand nombre de textes réglementaires d'application (16 décrets et 3 arrêtés) entre le 30 septembre 1999 et le 30 septembre 2000.

Des décrets importants, tel que le décret en Conseil d'Etat n° 99-874 du 13 octobre 1999 relatif à la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation, et prévu par l'article 4 de la loi, et des décrets très attendus, comme le décret n° 2000-319 du 7 avril 2000, prévu par l'article 25 de la loi et relatif au statut du conjoint collaborateur, sont intervenus.

Des pans entiers de la loi d'orientation agricole nécessitent encore des textes réglementaires d'application : 45 décrets en Conseil d'Etat, 5 décrets simples et 19 arrêtés, à l'exclusion des décrets et arrêtés à prendre " en tant que de besoin ", doivent encore être publiés.

Il convient cependant de regretter la lenteur dont fait preuve le Gouvernement en ce qui concerne des dispositions relatives à des matières sensibles telles que la surveillance et le contrôle des végétaux, qui font l'objet des articles 91, 92, 93 et 94 de la loi d'orientation. Pour ces quatre articles, pas moins de 15 décrets, la plupart en Conseil d'Etat, sont attendus.

Ainsi, le Comité de biovigilance prévu à l'article 91, qui sera chargé d'évaluer les effets potentiellement négatifs d'organismes génétiquement modifiés (OGM) et d'en alerter l'administration, n'a pas encore été mis en place, faute de décrets d'application. D'après nos informations, une partie de ces textes seraient actuellement examinés par le Conseil d'Etat.

De même, la mise en oeuvre de la politique dite " de la qualité " accuse un certain retard en raison de la non-publication des textes réglementaires d'application, tel le décret relatif à l'utilisation des qualificatifs " fermier, montagne et produits pays " mentionnés à l'article 76 de la loi.

Les mesures d'application de l'ensemble des articles traitant de la santé animale et de la traçabilité des denrées d'origine animale font encore défaut. C'est notamment le cas du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 100, qui doit définir la liste des produits ou denrées dont la traçabilité doit être assurée. De même, l'article 101 de la loi, qui appelle quatre décrets en Conseil d'Etat et six arrêtés, n'en a, pour l'instant, reçu aucun.

Il convient de signaler la parution de deux des rapports prévus par la loi d'orientation :

- un rapport sur la fiscalité agricole, commandé par le Gouvernement aux députés Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac, a été publié en avril 2000, en application de l'article 141 de la loi ;

- la publication d'un rapport sur la gestion des risques en agriculture, confié au Président du Comité national de l'alimentation, Christian Babusiaux, a été annoncée. Elle devrait permettre de satisfaire, avec retard, l'obligation du Gouvernement, posée à l'article 18 de la loi, de présenter au Parlement un rapport sur les conditions de mise en oeuvre d'un mécanisme d'assurance-récolte.

Trois autres rapports sont encore attendus :

- en dépit de la présentation en octobre 1999 d'un rapport préparatoire par le député Germinal Peiro, le Gouvernement n'a toujours pas transmis au Parlement le rapport sur les retraites agricoles mentionné à l'article premier de la loi d'orientation ;

- il en est de même pour le rapport sur le développement de l'emploi en commun entre les collectivités locales, les non salariés et les employeurs de salariés, prévu à l'article 40 ;

- enfin, le Gouvernement n'a pas adressé au Parlement le rapport annuel sur la surveillance biologique du territoire, visé à l'article 91 de la loi d'orientation.

Quelques aspects marquants dans la mise en oeuvre de la LOA

Pour ce qui concerne la mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole, votre rapporteur pour avis souhaiterait revenir sur deux aspects de cette loi qui ont particulièrement fait débat au cours de l'année écoulée :

- Les contrats territoriaux d'exploitation

Présentés comme la mesure phare de la loi d'orientation agricole, les contrats territoriaux d'exploitation n'ont pas bénéficié du succès promis par le Gouvernement, ainsi qu'en témoignent les difficultés rencontrées dans leur mise en oeuvre.

La publication rapide des textes d'application relatifs aux CTE, le décret n° 99-874 du 13 octobre 1999, un arrêté du 8 novembre 1999 et une circulaire ministérielle du 17 novembre 1999, aurait pourtant autorisé une montée en puissance immédiate de cet instrument destiné à être le pilier de la multifonctionnalité en agriculture.

Ces textes ont défini le contenu, le financement, les modalités de conclusion de ces contrats, ainsi que les aides auxquelles ils peuvent donner lieu.

Conclu pour une période de cinq ans, le contrat territorial d'exploitation traduit les engagements de l'exploitant non seulement en termes économiques, mais également en termes de protection de l'environnement et de développement rural.

Il bénéficie de crédit nationaux, mais aussi de financements européens dans la mesure où les engagements environnementaux répondent à des prescriptions communautaires.

Le succès n'a pourtant pas été à la hauteur des espérances. Alors que le Gouvernement escomptait la signature de 50.000 CTE pour l'année 2000, et de 205.000 à l'horizon 2006, seuls 1.706 CTE avaient été conclus au 31 octobre 2000.

Le montant moyen des aides allouées par contrat s'élève à 210.000 francs sur cinq ans.

Cette difficile montée en puissance, qui s'est traduite sur le plan budgétaire par une sous-consommation des crédits affectés au financement des CTE pour l'année 2000, s'explique notamment :

- par la lourdeur de la procédure d'instruction et d'examen des dossiers ;

- par le manque de lisibilité des règles qui a ralenti le travail des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, chargées d'élaborer les contrats types et les cahiers des charges ;

- par la réticence des agriculteurs face à l'importance des investissements à réaliser et au poids des contrôles impliqués par la signature d'un contrat.

L'analyse des CTE déjà signés fait apparaître les caractéristiques suivantes :

- la prédominance des projets individuels, même si le ministère de l'agriculture fait état de 677 projets collectifs en préparation, qui seraient porteurs de 58.000 CTE. Deux tiers de ces projets collectifs ont été déposés par les chambres d'agriculture et les coopératives.

- la faible part (moins de 20 %) de CTE signés par de jeunes agriculteurs ;

- l'impact relativement faible sur l'emploi, puisque d'après les données recueillies par votre rapporteur pour avis auprès du ministère de l'agriculture, seuls 74 emplois auraient été créés et 350 consolidés par les CTE signés.

- Le rapport sur la réforme de la fiscalité agricole

Ce rapport, remis au Gouvernement par les députés Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac en application de l'article 141 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, et rendu public en avril 2000, a évalué les adaptations qu'il conviendrait d'apporter à la fiscalité des exploitations agricoles et au mode de calcul de leurs cotisations sociales. Il a dessiné ainsi plusieurs axes de réforme.

En premier lieu, il suggère d'établir une distinction entre les revenus de l'exploitation, qui constituent des revenus du capital, et les revenus propres de l'exploitant, qui sont des revenus du travail. Il s'agit de faire en sorte que les agriculteurs paient des cotisations sociales sur les seuls revenus de leur travail. A cet effet, les rapporteurs suggèrent de calculer les revenus du capital de l'exploitation en appliquant à la valeur de ce capital, composé des éléments inscrits à l'actif du bilan, un taux unique de rémunération de l'ordre de 3 à 4 %.

Les auteurs du rapport suggèrent, d'autre part, l'adoption de mesures de simplification de la fiscalité agricole. Celles-ci pourraient notamment consister en la refonte, grâce à la suppression du régime transitoire, des régimes d'imposition du bénéfice agricole, en l'aménagement du régime simplifié d'imposition, ou encore en la possibilité de choisir la date de clôture des exercices comptables.

Enfin, un allégement des charges pesant sur les agriculteurs est préconisé. Il s'agirait, par exemple, de relever le seuil maximal d'imputation des déficits agricoles sur le revenu global de 200.000 à 500.000 francs. L'allégement devrait également concerner le dispositif de déduction pour investissement, de sorte qu'il soutienne davantage le financement du capital d'exploitation. La baisse des charges devrait aussi viser à favoriser l'installation, notamment par la prorogation de trois ans de l'abattement sur le bénéfice des jeunes agriculteurs et par l'exonération des plus-values de cession réalisées en leur faveur.

Saluant la publication du rapport Marre-Cahuzac qui, même s'il ne permet pas de régler tous les problèmes auxquels les agriculteurs sont confrontés en matière fiscale, n'en constitue pas moins une base de travail appréciable, votre rapporteur pour avis regrette qu'il n'ait pas inspiré plus de dispositions fiscales du projet de loi de finances pour 2001.

Certes, des mesures y ont bien été inscrites, mais elles sont peu nombreuses et participent plus d'un effet d'affichage que d'une amorce de réforme ambitieuse de la fiscalité agricole . Il s'agit notamment :

- de la prolongation pour trois ans de l'abattement de 50 % sur les bénéfices des soixante premiers mois d'activité en faveur des jeunes agriculteurs qui s'installent ;

- de la suppression du régime transitoire d'imposition, qui concerne aujourd'hui moins de 4.000 exploitants ;

- de l'aménagement de la déduction pour investissement en cas d'acquisition de parts de coopératives ;

- de la possibilité de modifier tous les dix ans la date de clôture des exercices comptables.

Votre rapporteur pour avis regrette qu'aucune réforme d'envergure n'ait été engagée.

Conscient qu'un changement tel que la prise en compte d'un patrimoine d'affectation ne peut être réalisé qu'à moyen terme, il pense néanmoins que des aménagements auraient pu être apportés dans l'immédiat. C'est le cas, par exemple, de l'exonération des plus-values sur une cession réalisée au profit d'un jeune agriculteur qui s'installe, et de la déduction du fermage des terres en propriété de l'assiette des cotisations sociales, prélude à une séparation des revenus du capital et du travail.

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