E. AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT

1. L'épandage des boues

Le débat sur l'épandage des boues des stations d'épuration en agriculture a été très présent tout au long de l'année. Si 60 % des 7.000 tonnes de boues produites chaque année font d'ores et déjà l'objet d'épandage, cette pratique a soulevé des questions dans un contexte de sensibilité accrue de l'opinion publique aux risques sanitaires. De plus, les agriculteurs s'inquiètent du problème de l'assurance des risques liés à l'épandage. Le souhait d'un engagement explicite des pouvoirs publics a été exprimé.

Un projet d'accord national a été proposé aux différents acteurs concernés par cette pratique.

Un colloque national réuni le 5 juillet 2000 sous l'égide des ministères de l'agriculture, de l'environnement et de l'économie a permis un dialogue autour du futur accord. Si un consensus en faveur de l'épandage semble s'être dégagé, y compris du côté des associations de consommateurs, deux questions restent néanmoins en suspens :

- la grande distribution n'a pas encore exprimé clairement son engagement ;

- la nécessité d'obtenir l'accord des propriétaires des terres avant l'épandage n'a pas encore été établie. Sans mettre en cause l'application actuelle du statut du fermage, la Fédération Nationale de la Propriété agricole plaide en faveur d'une autorisation d'épandage délivrée par les propriétaires des terres aux exploitants. Le Syndicat des professionnels du recyclage en agriculture craint pour sa part qu'un tel droit de veto ne conduise à des blocages.

2. Agriculture biologique et agriculture raisonnée

a) L'agriculture biologique : une progression encourageante

Votre rapporteur pour avis constate avec satisfaction que le plan pluriannuel de développement de l'agriculture biologique, lancé en 1997, porte ses fruits. Les résultats des études menées pour l'année 1999 par l'observatoire national de l'agriculture biologique font apparaître que :

- le nombre d'exploitants convertis à l'agriculture biologique progresse. Les conversions ont concerné 2.000 producteurs en 1999, ce qui porte à 8.140 le nombre des exploitants pratiquants l'agriculture biologique, soit plus de 1% des exploitants agricoles ;

- les surfaces consacrées au mode de production biologique, en augmentation de 44 % sur l'année 1999, représentant 316.000 hectares, soit 1,1 % de la surface agricole utile française, ce qui est toutefois inférieur à la moyenne européenne (2,2 % de la S.A.U.) ;

- le développement de l'agriculture biologique touche tous les secteurs, bien que celui de l'élevage enregistre les progressions les plus significatives. Le cheptel bovin biologique a connu une progression de 40 % en 1999 et représente désormais 0,6 % du troupeau français. Les cheptels ovin et porcin biologiques, de même que la production de poulets biologiques, ont crû au taux de 50 %. Les surfaces consacrées au mode de production biologique ont augmenté respectivement de 32 % pour les grandes cultures -0,5 % du total- et 39 % pour le vignoble. Enfin, le verger biologique a progressé de 28 % et les surfaces en légumes biologiques ou en conversion de 21 % ;

- cet engouement est encouragé par une forte demande de la part du secteur agro-alimentaire. Le nombre d'entreprises élaborant des produits biologiques a triplé en deux ans. Des créneaux nouveaux, telle que l'alimentation infantile biologique, se développent.

Le cahier des charges français relatif aux productions animales biologiques, qui doit compléter le règlement européen n° 1804/1999 de juillet 1999, élaboré en concertation avec 500 professionnels, a été approuvé par la Commission pour le 24 août 2000, date de l'entrée en vigueur de ce règlement.

Jusqu'alors, en l'absence d'une réglementation européenne, la réglementation applicable en matière d'agriculture biologique était définie par douze cahiers des charges, relatifs au mode de production et de préparation biologique des animaux et des produits animaux, qui ont été abrogés le 24 août 2000.

Le nouveau cahier des charges relatif au mode de production et de préparation biologique des animaux et des produits animaux comportera trois catégories de dispositions :

- des dispositions visant à définir les modalités de production et de transformation de secteurs qui, telles l'aquaculture ou l'alimentation animale, ne sont pas visés par le règlement ;

-  des dispositions interprétant le règlement, notamment en ce qui concerne les dérogations ;

- des dispositions fixant des règles plus strictes que celles mentionnées par le règlement relatives, par exemple, à l'obligation du lien au sol -obligation de produire un certain pourcentage de l'alimentation des animaux sur l'exploitation-, à la gestion des effluents d'élevage ou encore à la limitation de la taille des bâtiments.

La filière de l'agriculture biologique n'en est pas moins exposée à des dérives dues à son développement rapide.

Le démantèlement, en avril 2000, d'un trafic de fausses céréales biologiques importées a souligné la faiblesse des contrôles pratiqués, qui consistent, pour l'essentiel, en deux visites inopinées par an des organismes certificateurs - au nombre de trois en France, le principal étant Ecocert.

De telles fraudes révèlent également l'insuffisance de la production biologique française, au regard de la croissance rapide de la demande. La France est ainsi déficitaire à hauteur de 50 % en céréales biologiques, qui sont nécessaires à l'alimentation des bovins et des volailles élevés eux-mêmes selon ce mode de production. Les importations françaises de produits biologiques ont été multipliées par vingt depuis quatre ans.

Le ministère de l'agriculture a récemment annoncé son intention de renforcer l'encadrement et la structuration de l'agriculture biologique :

- par un meilleur contrôle des organismes certificateurs chargés de veiller au respect du cahier des charges ;

- par le regroupement de différentes structures intervenant dans ce secteur au sein d'un groupement d'intérêt public

- voire par une utilisation payante du logo AB.

b) L'agriculture raisonnée

La parution du rapport de Guy Paillotin, ancien président de l'INRA, sur la notion d'agriculture raisonnée a permis la progression de la réflexion dans ce domaine.

Ce rapport définit l'agriculture raisonnée comme une démarche consistant à maîtriser au niveau de l'exploitation les effets négatifs de l'activité agricole sur l'environnement, tout en assurant la qualité des produits et le maintien, voire l'amélioration de la rentabilité.

Il s'agit donc de promouvoir une agriculture plus respectueuse de l'environnement, recourant par exemple à des techniques alternatives afin de réduire le recours aux pesticides.

Pour permettre l'adoption de cette démarche par les agriculteurs, le rapport Paillotin préconise la mise en oeuvre, sur une base conventionnelle qui pourrait être un contrat territorial d'exploitation, d'une norme du type ISO 14001.

Votre rapporteur pour avis, qui a déjà exprimé dans son avis de 1999 l'intérêt qu'il porte au développement de l'agriculture raisonnée, met en garde cependant contre toute proposition qui pourrait aboutir à un nouvel excès de réglementation et de formalisme au détriment des agriculteurs.

3. Le projet de réforme de la loi sur l'eau

Présenté par le ministère de l'environnement le 20 mai 1998, l'avant-projet de réforme de la politique de l'eau a été débattu tout au long de l'année écoulée.

Traduisant le volonté du Gouvernement de mettre en application le principe du pollueur-payeur, ce projet concerne l'agriculture sur plusieurs points :

- la réorientation du Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA)

La réforme du PMPOA a été décidée à la suite des propositions énoncées par le rapport de la mission interministérielle d'évaluation de ce programme, tenu secret un temps, et finalement rendu public en janvier 2000.

Ce rapport a conclu à un coût excessif du PMPOA par rapport aux estimations initiales, alors que son impact sur l'environnement aurait été médiocre. Ainsi, la teneur de l'eau en nitrates n'aurait diminué que par endroits, alors qu'elle aurait augmenté dans d'autres.

Votre rapporteur pour avis souligne que le coût du PMPOA est surtout dû au succès que ce programme a rencontré auprès des éleveurs, succès dont il faut plutôt se réjouir.

La réorientation du programme suggérée par le rapport et reprise par un projet d'arrêté interministériel qui a déjà été soumis aux organisations professionnelles agricoles, repose sur deux mesures :

D'une part, la mise en place de zones prioritaires, déterminées en fonction de la qualité des eaux, dans lesquelles tous les élevages, quelle que soit leur taille, seront éligibles à l'intégration dans le programme. Il s'agit de compléter par une approche géographique le critère actuel de l'intégration par la taille. En dehors des zones prioritaires, seuls les élevages d'une taille supérieure à 90 unités de gros bovins (Ugb) sont, en effet, éligibles.

D'autre part, des critères d'éligibilité et de calcul plus restrictifs pour l'octroi des subventions sont établis en vue d'alléger le coût du programme. En particulier, le montant total des aides ne peut excéder 75 % du montant de l'ensemble des travaux éligibles dans les zones défavorisées et 60 % dans les autres zones.

Cette réforme devrait se traduire par une réduction comprise entre 15 et 20 % du volume des aides accordées dans le cadre de ce programme.

Votre rapporteur pour avis s'inquiète de la situation des petits élevages établis en dehors des zones prioritaires, qui devront réaliser leur mise aux normes sans aides, sous peine d'acquitter les redevances pollution, dont le moratoire s'est achevé au 1 er janvier 2000.

- la création d'une redevance sur les excédents d'azote destinée à financer le PMPOA

Cette redevance sur les excédents d'azote minéral et organique est destinée à se substituer aux redevances PMPOA sur les élevages, sauf pour certains élevages hors sol. Elle s'appliquerait aux quelques 240.000 exploitations soumises au régime du bénéfice réel.

Son mode de calcul pourrait se fonder sur un bilan matière par exploitation, c'est-à-dire un bilan des entrées (engrais, aliments) et des sorties (produits). Le bilan tiendrait compte des variations de stocks. Un abattement de 50 kilogrammes par hectare d'azote est par ailleurs envisagé pour les prairies et les engrais verts.

- l'harmonisation nationale des assiettes et des taux des redevances versées aux Agences de l'eau

Ces redevances sont aujourd'hui fonction des spécificités des six bassins français.

Leur harmonisation devrait être la conséquence du renforcement du contrôle du Parlement sur les redevances sur les programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau.

- l'extension de la TGAP aux produits phytosanitaires

Elle s'accompagne d'une modulation de la taxe autour de sept catégories de matières actives, déterminées en fonction de leurs caractéristiques écotoxicologiques pour les milieux naturels et toxicologiques pour l'homme.

Prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, cette mesure est entrée en vigueur au 15 avril 2000.

Votre rapporteur pour avis déplore l'application de la TGAP aux produits phytosanitaires.

D'abord, elle s'inscrit dans une logique répressive, en contradiction avec le système incitatif mutualiste actuellement en vigueur.

Ensuite, on peut à bon droit contester l'affectation retenue pour le produit de cette taxe qui n'est pas destinée à financer le secteur de l'eau.

Enfin, sur le plan des principes, cette taxation ne met pas en oeuvre le principe du pollueur-payeur, mais celui de l'utilisateur-payeur, dès lors qu'elle ne prend pas en compte la pollution réellement émise en direction du milieu.

- la mise en oeuvre du Programme pluriannuel de réduction des pollutions liés aux produits phytosanitaires

Annoncé le 24 août dernier par les ministères de l'Agriculture et de l'Environnement, ce programme comporte pour l'heure quatre mesures de portée nationale :

la récupération des emballages et des produits phytosanitaires non utilisés ;

le renforcement des contrôles de l'utilisation de ces produits;

l'étude de la faisabilité d'un contrôle obligatoire des pulvérisateurs à partir de 2003 ;

le développement de techniques de protection des cultures alternatives aux traitements chimiques.

Au plan régional, des mesures complémentaires devraient être élaborées par les services de la protection des végétaux

Ce programme sera notamment financé par le Fonds national de solidarité pour l'eau, mis en place cette année.

- des mesures en vue de favoriser la maîtrise de la consommation d'eau

Une réforme des redevances de l'eau interviendra, visant à supprimer les coefficients d'usage qui modulent les taux des redevances en fonction des types d'utilisation de l'eau, c'est à dire entre les catégories d'usagers -agriculteurs, industriels, ménages- et à lui substituer une modulation géographique, qui serait fonction de la fragilité et la rareté de la ressource en eau.

La ministre de l'Environnement a présenté le 16 juin 2000 un projet de réforme des redevances sur l'eau comportant quatre zones de modulation, pour lesquelles les taux de redevances varieraient entre 2 et 45 centimes par m 3 d'eau.

PROJET DE MODULATION PAR ZONE DES TAUX DES REDEVANCES

Zones

Taux plancher

Taux plafond

1

2 c/m3

5 c/m3

2

8 c/m3

12 c/m3

3

20 c/m3

30 c/m3

4

35 c/m3

45 c/m3

Zone 1 : zone dont les quantités disponibles sont très supérieures aux prélèvements

Zone 2 : zone en équilibre, où les prélèvements sont importants, sans pourtant menacer le milieu naturel

Zone 3 : zone en déséquilibre quantitatif chronique, avec perturbation du milieu et restrictions d'usage régulières

Zone 4 : zone en déséquilibre important, avec menaces sur la production d'eau potable

Ce projet dans sa forme actuelle risque de faire passer la contribution des agriculteurs au titre de la redevance sur l'eau de 69 à 311 millions de francs.

En accord avec le monde agricole, votre rapporteur pour avis dénonce l'instauration de cette nouvelle modulation, qui va substituer à la gestion de l'eau par les volumes une gestion de l'eau par les prix. Il estime préférable le maintien d'une différence de tarification entre les usages productifs et les usages domestiques de l'eau.

Par ailleurs, la mise en place de compteurs destinés à mesurer les volumes d'eau consommés sera rendue obligatoire pour les agriculteurs bénéficiant des aides majorées aux cultures irriguées

Le projet de loi sur l'eau sera examiné en 2001 par le Parlement.

Ce projet de réforme s'accompagne, au plan communautaire, de l'élaboration du second programme d'action en vue de la mise en oeuvre de la directive " nitrates " (directive CEE n° 91-676 du 12 décembre 1991).

Ce prochain programme, qui devrait permettre de renforcer les contrôles et les sanctions, de préciser certains concepts tel que celui de " fertilisation équilibrée " et de mieux prendre en compte les normes européennes en matière d'eau potable, comportera des " actions renforcées " destinées aux " zones pertinentes ". Dans ces zones, les agriculteurs devraient s'engager par un contrat individuel à adopter une fertilisation équilibrée en contrepartie de soutien financier.

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