II. LES MOTIFS D'INTERROGATION

D'autres dossiers sont avant tout pour votre commission des motifs d'interrogations.

A. LA PRISE EN COMPTE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE DANS LA POLITIQUE DE SOUTIEN AUX PME, AU COMMERCE ET A L'ARTISANAT

La volonté d'assurer une meilleure prise en compte de l'aménagement du territoire dans la politique de soutien au commerce et à l'artisanat a conduit l'Etat à mettre en place, dans le cadre du Fonds d'Intervention pour la Sauvegarde de l'Artisanat et du Commerce (FISAC), des opérations pour les zones rurales et urbaines.

Votre commission se félicite de ce que le Gouvernement ait maintenu ces opérations qui soutiennent la politique d'aménagement du territoire. Le commerce et l'artisanat peuvent, en effet, jouer un rôle essentiel dans l'animation des communes rurales comme des centres-villes des agglomérations urbaines. Votre commission s'interroge cependant sur l'efficacité des dispositifs mis en place.

1. Les opérations de revitalisation du commerce et de l'artisanat dans les zones rurales et urbaines financées par le FISAC

Les opérations financées par le fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) visent à inciter les propriétaires de locaux commerciaux et artisanaux, qu'il s'agisse des collectivités territoriales ou des exploitants, à les réhabiliter et les moderniser.

a) Les opérations de revitalisation du commerce et de l'artisanat dans les zones rurales

Les interventions du FISAC prennent la forme de subventions de fonctionnement et d'investissement qui sont calculées sur la base du plan de financement du projet.

En fonctionnement, le montant maximum de l'aide ne peut excéder 50 % du montant des dépenses subventionnables plafonné à 5 millions de francs par tranche, soit 2,5 millions de francs. En ce qui concerne les dépenses d'investissement, le montant maximum de l'aide ne peut excéder 20 % du montant des dépenses subventionnables plafonné à 12,5 millions de francs par tranche, soit 2,5 millions de francs.

Pour ce qui concerne les entreprises, le montant des dépenses d'investissement subventionnables est limité à 300.000 francs, ce qui correspond à un montant maximal de subvention de 60.000 francs.

b) Les mesures destinées à rétablir les activités commerciales et artisanales dans les zones urbaines

L'aide aux collectivités locales pour conserver et fortifier un tissu commercial et artisanal diversifié en centre-ville constitue également un axe d'effort prioritaire du FISAC.

Des actions sont menées à cette fin, en liaison étroite avec les collectivités locales et les chambres consulaires, pour revitaliser le centre des villes. A titre d'illustration, le FISAC a permis, en 1999, de délivrer 169,2 millions de francs. de subventions pour ce type d'actions, au bénéfice de 267 communes de plus de 2000 habitants.

En outre, la mise en oeuvre d'un partenariat conclu avec la Caisse des dépôts et consignations dès 1997 a contribué à promouvoir localement une stratégie globale de réinvestissement du commerce, de l'habitat, des équipements et aménagements publics.

Au plan local, cette démarche nouvelle s'organise autour de trois principes :

- adoption par les collectivités locales d'un projet cohérent concernant la revitalisation du centre-ville ;

- organisation d'un partenariat " public-privé " pour la promotion de centres-villes équilibrés sociologiquement et dotés d'une offre commerciale attractive ;

- mise en cohérence des divers outils et procédures opérationnelles par la désignation d'un " ensemblier " chargé, sous l'autorité de la collectivité locale, de la conduite du projet d'ensemble.

L'accord conclu avec la Caisse en 1997, et qui vient de s'achever en mai 2000, concernait 18 quartiers centraux des villes de : Amiens, Bergerac, Bordeaux, Chalons-sur-Saône, Châteauroux, Chatellerault, La Ciotat, Laval, Le Havre, Lille, Longwy, Marseille, Meaux, Nevers, Orléans, Perpignan, Poitiers et Rouen.

Ces opérations ont été complétés par l'action de l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Cet établissement créé par la loi du 14 novembre 1996 et organisé par le décret du 12 février 1997, n'a été opérationnel qu'à compter du 2 septembre 1998, date de la réunion de son premier conseil d'administration.

L'EPARECA a fait l'objet d'une dotation initiale de 130 millions de francs, versée le 30 décembre 1998, imputée sur l'excédent de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat.

La montée en puissance de l'établissement se traduit par un budget de fonctionnement estimé à 21,6 millions de francs pour 2000 contre 5,2 millions de francs en 1999. Sur ces 21,6 millions de francs 14,4 sont imputables aux opérations immobilières proprement dites et 7,2 aux frais de structure (personnels, taxes et impôts, fonctionnement courant).

L'EPARECA, depuis sa création, a été saisi de 114 demandes d'intervention de la part des collectivités locales. Leur traitement, à la date du 4 septembre 2000, a été le suivant :

- un dossier est réalisé à Créteil (montant de l'investissement global : 22 millions de francs dont 5 millions de francs de l'EPARECA) ;

- quatre dossiers font actuellement l'objet d'un appel d'offres ou de travaux ; il s'agit des sites d'Argenteuil (investissement global de 16 millions de francs, dont 3,8 millions de francs de fonds propres de l'établissement), Clichy-sous-Bois (18,5 millions de francs d'investissement dont 4,5 millions de francs de l'EPARECA), Floirac et Hérouville-Saint-Clair ;

- quatre dossiers sont en phase opérationnelle : Bourges, Mulhouse, Reims et Saint-Fons ;

Pour 2001, l'action de l'EPARECA doit se traduire par la réalisation concrète des dossiers actuellement en phase opérationnelle.

Il est à prévoir que l'éventuel élargissement du champ de compétence de l'établissement aux territoires prioritaires des contrats de ville par la loi " Solidarité et renouvellement urbains " induise un accroissement du nombre de dossiers.

2. Une nécessaire prise en compte des exigences d'aménagement du territoire dans l'ensemble des politiques relatives au commerce et à l'artisanat

Votre rapporteur pour avis souhaite que ces actions spécifiques soient accompagnées d'une prise de conscience des enjeux liés à l'aménagement du territoire dans l'ensemble des politiques publiques qui concernent le commerce et l'artisanat. Il apparaît, en effet, que dans des domaines aussi différents que la mise aux normes sanitaires des commerces de proximité et le soutien aux petits distributeurs de carburant, les conséquences négatives des décisions prises sur les petits commerces implantés dans les communes rurales n'ont pas été bien mesurées.

a) La mise aux normes des commerces de proximité

L'adaptation aux nouvelles normes sanitaires des marchés en plein air imposée depuis le 16 mai 2000 illustre les difficultés suscitées par l'application de certaines normes nationales à des commerces de proximité de zone rurale dont la rentabilité est très fragile.

Avant le 16 mai 2000, les marchés de plein air étaient, en effet, soumis au respect de règles d'hygiène générales définies par le décret n° 71-636 du 21 juillet 1971, ainsi qu'à des règles spécifiques posées par les règlements sanitaires départementaux.

L'arrêté du 9 mai 1995, qui transpose la directive 93/43 du 14 juin 1993 relative à l'hygiène des denrées alimentaires, abroge ces dispositions et harmonise au niveau national les normes relatives à l'hygiène de la vente directe au consommateur. Il s'applique à l'ensemble de la distribution alimentaire. Les marchés de plein air bénéficiaient néanmoins d'une période dérogatoire de cinq ans, destinée à faciliter leur mise aux normes par la réalisation des investissements nécessaires. Cette période transitoire au profit des marchés a pris fin le 16 mai 2000.

Les collectivités gestionnaires des marchés doivent pour se conformer à cette réglementation installer des points d'eau, des prises électriques, des sanitaires et organiser l'évacuation des eaux usées et des déchets.

Les professionnels doivent, quant à eux, éviter que la manipulation, le stockage, l'emballage et l'exposition des denrées commercialisées soient réalisés dans des conditions susceptibles de favoriser leur détérioration ou leur contamination.

Cela implique notamment une conservation des aliments à des températures permettant de prévenir tout risque de contamination par des micro-organismes pathogènes.

L'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation a suscité de vives réactions tant de la part des médias que de certaines organisations professionnelles agricoles.

La nouvelle réglementation d'hygiène applicable aux marchés de plein air a été critiquée sous deux angles. Sur le plan sanitaire d'abord, elle consisterait à imposer des normes sanitaires identiques à la grande distribution et aux petits marchés, alors que dans ce dernier cas, la commercialisation rapide des produits leur garantit une bonne traçabilité. Ainsi, les risques actuels en matière de sécurité alimentaire -listéria, contamination à la dioxine...- sont plutôt liés à des chaînes industrielles mal maîtrisées.

Mais surtout, elle menacerait les petits commerçants et producteurs agricoles de disparaître des marchés faute de pouvoir réaliser des investissements trop coûteux tels que l'acquisition de vitrines réfrigérées voire de camions frigorifiques. Le coût de la mise en place de la procédure d'auto-contrôle -entre 2000 et 4000 francs par type de produit- a également été stigmatisé.

La disparition des petits marchés contribuerait en outre à réduire le choix des consommateurs et, ce faisant, à renforcer le poids de la grande distribution.

Sur le fond, la plupart des interlocuteurs s'accorde cependant à reconnaître le bien fondé des normes sanitaires définies. L'arrêté pose des recommandations de bon sens : par exemple empêcher la manipulation par les clients de marchandises fragiles. Pour le reste, l'arrêté apparaît peu novateur. Selon le ministère de l'Agriculture, il reprendrait en les uniformisant des normes déjà posées par les règlements sanitaires départementaux. Il s'agit en ce sens d'un progrès dans la mesure où les exigences sanitaires étaient antérieurement susceptibles de faire l'objet d'une application différenciée selon le département concerné.

Pour les collectivités gestionnaires des marchés comme pour les particuliers, des dispositifs d'accompagnement, notamment financiers, existent déjà. Ils sont néanmoins insuffisamment mis en valeur auprès des intéressés. Par ailleurs, on peut regretter qu'aucun plan d'aides n'ait été spécifiquement prévu pour faciliter la mise aux normes des communes.

En ce qui concerne les aides aux particuliers, les commerçants professionnels peuvent se voir accorder des prêts bonifiés, notamment auprès des centres locaux d'action qualité placés auprès des chambres locales des métiers.

Ces aides semblent néanmoins insuffisantes dès lors qu'elles ne couvrent jamais l'intégralité des dépenses que les commerçants doivent consentir lorsqu'ils sont obligés d'investir. Ce surcroît de dépenses est difficilement supportable pour les commerçants concernés et risque de décourager encore un peu plus l'installation de jeunes.

En ce qui concerne les aides aux collectivités gestionnaires, les investissements requis pour la mise aux normes des places des marchés représentent un coût important, en particulier pour les petites communes rurales dont le marché hebdomadaire réunit au plus cinq vendeurs.

En vue de financer leurs investissements, elles peuvent solliciter une subvention auprès du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC). Des aides accordées par les départements, les régions et le FEDER (Fonds européen de Développement régional) leur sont également accessibles. Cependant, au regard du faible nombre de communes qui ont bénéficié de ces fonds depuis 1995, on peut se demander si les crédits affectés à ces aides sont suffisants.

Une aide purement financière ne saurait, en outre, suffire. Un certain nombre d'obstacles techniques freinent la mise aux normes et expliquent peut-être qu'une part insuffisante des 7000 marchés de plein air se soient jusqu'à présent acquittée de ses obligations. Ce retard est d'autant plus regrettable qu'il empêche les professionnels d'utiliser leurs équipements, faute par exemple de bornes d'électricité.

Parmi les obstacles techniques qui se posent à elles, il convient de mentionner les normes de constructibilité sur les places des marchés qui sont parfois situées dans un périmètre régi par la loi Malraux.

Par ailleurs, la mise aux normes exige parfois la fermeture temporaire du marché ce qui pénalise les commerçants et les producteurs qui détiennent des autorisations de vente sur ceux-ci. Le nombre limité d'emplacements sur les marchés de certaines régions les empêche souvent de trouver une solution alternative. La fermeture de deux marchés importants de la région parisienne -Noisiel et Gennevilliers- risque ainsi de priver certains professionnels de travail trois jours par semaine pendant neuf mois.

Les difficultés rencontrées par les marchés en plein air sont à l'image des difficultés que rencontrent plus généralement les commerces en zone rurale auxquels on impose des investissements qu'ils n'ont pas la possibilité d'amortir sur une clientèle suffisante. Cette situation justifie un effort particulier des pouvoirs public et, en particulier, un renforcement des actions du FISAC.

b) Le problème du maintien des petites stations-service

Le nombre des stations-service est en décroissance constante depuis 1975 où l'on en comptait 42.500. Aujourd'hui, il n'en subsiste plus que 18.400, parmi lesquelles 11.000 sont à la marque des raffineurs, 3.900 appartiennent à la grande distribution et 3.500 sont libres.Votre commission s'inquiète de cette évolution.

Le maintien de ce réseau de distribution est important en raison du service de proximité qu'il permet. Il l'est également pour des raisons de sécurité d'approvisionnement.

Rappelons que le Parlement a adopté, en 1996, des dispositions législatives concernant la distribution de carburants :

- la loi du 1er juillet 1996 relative à la loyauté et à l'équilibre des prix et de la concurrence a abrogé l'interdiction du refus de vente et durci les sanctions applicables à la revente à perte. Toutefois, elle n'a pas prohibé les offres ou pratiques de prix abusivement bas appliquées aux carburants ;

- la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat a renforcé ce dispositif et soumis à autorisation la création ou l'extension de toute installation de distribution au détail de carburant annexées à un magasin de moyenne ou grande surface ;

- enfin, la loi de finances pour 1997 a élargi l'assiette de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA). Ce complément de ressources, estimé à 60 millions de francs par an, devrait permettre de financer de nouvelles aides pour le maintien d'un réseau suffisant de stations-service sur l'ensemble du territoire, notamment dans les régions rurales.

Les ressources dégagées sont gérées par le Comité professionnel de la distribution du carburant (CPDC). Pour la seule année 1999, ce comité a examiné 1.374 demandes d'aides, dont 958 ont été acceptées pour un montant de plus de 65 millions de francs. Le financement du CPDC apparaît cependant pas être une priorité du Gouvernement.

Dans le cadre de la réforme des taxes parafiscales, il lui est apparu souhaitable de modifier le financement du Comité professionnel de la distribution du carburant (CPDC) et de ne pas renouveler après le 31 décembre 1999 la taxe parafiscale sur certaines huiles minérales, affectée au Comité. Le Gouvernement considère, en effet, que la suppression des taxes parafiscales est un élément important de la modernisation et de la simplification de notre fiscalité. Afin de permettre au Comité de disposer des moyens de remplir ses missions, deux arrêtés ont toutefois alloué à ce dernier, pour les années 2000 et 2001, 146 millions de francs, soit 73 millions de francs par an, prélevés sur les excédents de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat.

Votre rapporteur constate que ces ressources sont en deçà de ce qu'elles devraient être pour mettre pleinement en oeuvre le nouveau programme d'aides approuvé en 1999, qui prévoit une augmentation du plafond des aides jusqu'à 40.000 francs par bénéficiaire, afin notamment que les distributeurs indépendants puissent s'adapter aux nouvelles normes environnementales que doivent respecter les stations-service.

Il observe que lors de la discussion de la loi Galland et de la loi de finances pour 1997, il avait été prévu que le CPDC dispose annuellement d'environ 60 millions de francs en provenance de la TACA et de 59 millions de francs en provenance de la taxe parafiscale sur les produits pétroliers, donc 119 millions de francs, soit un montant nettement supérieur aux 73 millions de francs actuellement versés.

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