B. LE RÉGIME FISCAL DES ENTREPRISES INDIVIDUELLES ARTISANALES ET COMMERCIALES

La situation fiscale des entreprises individuelles artisanales ou commerciales demeure, pour votre rapporteur pour avis, un sujet de préoccupation important. Notre fiscalité, outre son niveau excessif, est plus particulièrement pénalisante pour les entreprises individuelles comme l'illustre notamment le régime fiscal des investissements, des bénéfices ou des plus-values.

En matière d'investissement, on constate qu'alors que la majeure partie des petites entreprises sont des entreprises individuelles soumises à l'impôt sur le revenu, leur régime fiscal et leur capacité d'autofinancement limitée ne favorisent pas l'investissement. Or, des incitations fiscales en faveur de l'investissement sont prévues tant pour les PME sous forme sociétale (article 219-I-f du code général des impôts) que pour les exploitants agricoles (article 72 D du code général des impôts).

Votre rapporteur pour avis estime qu'une incitation fiscale comme celle existant dans l'agriculture depuis 1986 serait de nature à encourager l'investissement dans les nouvelles technologies, la modernisation des biens productifs et à améliorer la structure financière des entreprises individuelles. C'est pourquoi il juge nécessaire d'étendre aux entreprises individuelles le mécanisme de la déduction fiscale pour investissement prévu par l'article 72 D du code général des impôts.

En matière de fiscalité des bénéfices, toutes les mesures fiscales adoptées ces dernières années au profit des entreprises bénéficient essentiellement aux sociétés. Le déséquilibre s'est accentué avec l'annonce, dans le " plan global d'allégement et de réforme des impôts " du Gouvernement, d'une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires.

Afin de rétablir un minimum d'égalité de traitement entre les sociétés et les entreprises individuelles, votre rapporteur pour avis souhaite que soit étudiée la possibilité d'introduire dans le code général des impôts un abattement supplémentaire de 20 % sur les revenus imposés au titre des bénéfices industriels et commerciaux réalisés au titre d'une activité artisanale.

Il observe par ailleurs qu'actuellement, le salaire du conjoint de l'artisan ou du commerçant participant effectivement à l'exercice de la profession ne peut être déduit que dans la limite de 17 000 francs par an. Cette somme n'a pas évolué depuis 1982 et aboutit à confiner le conjoint collaborateur dans un statut fiscal très défavorable. Sans doute, lorsqu'il y a adhésion à un centre de gestion agréé, cette limite est-elle portée à un montant, plus réaliste, de 36 fois le SMIC mensuel. Mais cette condition apparaît sans lien évident avec l'objet de l'exonération.

En matière de ventes de fonds de commerce, on constate également que la fiscalité constitue aujourd'hui un frein à l'ensemble des cessions de biens et des transmissions des petites entreprises . Chaque année, un nombre important d'entreprises artisanales parfaitement viables disparaissent faute de repreneurs. La transmission-reprise d'entreprises artisanales constitue de ce fait un acte économique essentiel pour le maintien et le développement de l'activité économique et sociale de nos territoires, notamment en zone rurale. C'est pourquoi, il apparaît souhaitable de porter l'exonération des plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale au triple des limites actuelles, comme le demande avec insistance les organisations professionnels des artisans.

Votre rapporteur pour avis se félicite en revanche de l'extension de la suppression de la vignette automobile pour les particuliers aux véhicules utilitaires des personnes physiques. C'est une mesure positive qui prend en compte la spécificité des professions de commerçant, d'artisan ou d'agriculteur. Il regrette toutefois que cette mesure soit réservée aux véhicules de moins de deux tonnes. Ce seuil ne correspond ni à la réalité du terrain, ni à la nature des véhicules utilisés par de nombreux artisans.

D'autres dispositions fiscales applicables à la restauration ou à la boucherie-charcuterie apparaissent inadaptées à la réalité de ces secteurs.

Ainsi on ne peut que regretter que le Gouvernement n'ait pas su convaincre le Conseil européen d'accepter l'introduction d'une dérogation à la législation communautaire sur l'harmonisation de la TVA afin d'assurer à l'ensemble du secteur de la restauration un taux de TVA unique de 5,5%. La différence de traitement entre la restauration rapide qui bénéficie du taux réduit et de la restauration traditionnelle est, en effet, totalement injustifiée. Votre rapporteur pour avis estime que le passage à un taux réduit supprimerait cette injustice. Il permettrait des créations d'emplois non négligeables. Professionnels et consommateurs l'attendent. Il importe que la France profite de la Présidence française de l'Union européenne pour faire avancer ce dossier.

Votre commission attire également l'attention du Gouvernement sur la taxe d'équarrissage acquittée par les bouchers et charcutiers. Cette taxe sur les achats de viandes, prévue à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, est affectée au financement du service public de l'équarrissage institué par la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 suite aux premiers développements de la" crise de la vache folle ". Il observe, d'une part, que le service public de l'équarrissage ne concerne que l'enlèvement des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale. Les déchets des entreprises de la boucherie-charcuterie ne sont pas pris en charge par le service public de l'équarrissage. La collecte de ces sous-produits évolue dans un contexte libéral et son prix se fixe au terme d'une négociation entre producteurs et équarrisseurs, en fonction notamment du marché des farines animales. Il constate, d'autre part, que les artisans bouchers et charcutiers, dont la seule activité est de transformer et vendre des produits carnés, sont particulièrement pénalisés par une taxe qu'ils paient sur la totalité de leur chiffre d'affaires. Ils n'ont jamais pu répercuter sur leurs prix le coût de cette taxe du fait de la forte concurrence et de la crise qui pèse en permanence sur ce secteur d'activité. Cette taxe qui avait été annoncée comme provisoire ne cesse d'être reconduite. La France est le seul pays où le service public de l'équarrissage est financé par l'aval de la filière. Les professions concernées sont aujourd'hui durement éprouvées par les effets des crises successives qui ont entraîné une méfiance croissante des consommateurs à l'égard des produits carnés (ESB, dioxine...). Il serait souhaitable de saisir l'opportunité offerte par les ressources fiscales nouvelles pour exonérer les bouchers et charcutiers de la taxe d'équarrissage.

Ces questions, qui ne sont que des exemples parmi tant d'autres, illustrent la nécessité d'une réflexion d'ensemble sur le régime applicable aux entreprises individuelles en matière de fiscalité, mais également au delà en matière de législation sociale et de formalités administratives. La situation actuelle justifie aux yeux de votre rapporteur pour avis la mise en chantier d'une loi d'orientation sur l'entreprise individuelle et plus largement sur les entreprises artisanales et commerciales.

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