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Avis n° 95 (2000-2001) de Mme Paulette BRISEPIERRE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 23 novembre 2000

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N° 95

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Par Mme Paulette BRISEPIERRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570

Sénat : 91 , 92 (annexe n° 2 ) (2000-2001)

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Au sein du budget des affaires étrangères, dont la dotation est globalement préservée, les crédits affectés à l'aide au développement enregistreront par contre en 2001 une nouvelle réduction. La fusion des budgets de la coopération et des affaires étrangères décidée dans le prolongement de la réforme de la coopération aurait-elle pour effet de permettre un maintien des dotations dévolues au Quai d'Orsay, au prix d'économies réalisées sur les actions conduites en matière d'aide au développement ? Ce risque évoqué l'an passé tend malheureusement à se confirmer cette année.

Ces orientations ont une double conséquence désastreuse. D'une part, la capacité d'action extérieure de la France se trouve dans son ensemble, affaiblie. De ce point de vue, un budget unique rend plus facile -car moins visible- l'érosion des moyens financiers.

D'autre part, la diminution de notre effort en matière d'aide au développement a pour contrepartie le déclin du rôle de la France sur le continent africain, destinataire traditionnel de notre coopération.

A-t-on pesé les conséquences de ces choix diplomatiques ? A-t-on mesuré l'importance de l'effort déjà consenti par notre pays dans cette région du monde -effort dont nous risquons de perdre les fruits ? Doit-on banaliser la place de pays auxquels nous sommes liés par l'histoire, de multiples intérêts, et ce bien commun si précieux, le français ? Enfin, la France a-t-elle réellement la capacité d'assurer une présence dans toutes les parties du monde au risque de diluer son influence ? Tels sont les enjeux cruciaux soulevés par l'examen de la dotation destinée à l'aide au développement. Ils doivent nous conduire à nous interroger sur les grandes évolutions de notre aide publique, sur les conséquences de la réforme de notre coopération, ainsi que sur l'articulation de notre effort avec les actions conduites par les autres bailleurs de fonds.

Tels sont les principaux thèmes qu'évoquera le présent rapport afin de mieux éclairer le projet de budget pour 2001 en matière d'aide au développement.

I. LA RÉDUCTION DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT : LE RISQUE D'UNE PRÉSENCE FRANÇAISE DIMINUÉE EN AFRIQUE

A. UNE AIDE PUBLIQUE TOUJOURS INDISPENSABLE

Même si la conjoncture économique des pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) devrait s'améliorer au cours de cette année, les défis considérables que ces pays, et en particulier ceux du continent africain, doivent relever, imposent pour le moins le maintien de l'effort de solidarité des pays du Nord.

Malgré la diversité des situations, les pays en développement dont les économies restent largement tributaires de l'évolution des cours en matières premières, ont bénéficié cette année d'un contexte général favorable caractérisé à la fois par le redressement des pays émergents après la grave crise financière qui les avait frappés et le dynamisme des marchés des pays industrialisés.

En 2000, la croissance pourrait ainsi s'élever à 5 % en moyenne pour la ZSP. En Afrique subsaharienne , elle devrait s'établir à un niveau plus modeste, quoique supérieur au taux enregistré en 1999 - 2 %. La conjoncture des deux géants économiques que sont l'Afrique du Sud et le Nigeria se présente sous des auspices plus favorables.

En Afrique du Sud, la croissance (sans doute 3 % en 2000) pourra tirer parti de la progression des exportations, favorisée par la dépréciation du rand et le dynamisme de la demande mondiale, ainsi que d'une consommation intérieure mieux orientée en raison de la baisse des taux d'intérêt réel et la diminution du chômage. Au Nigeria, l'effort de rigueur a permis de renouer avec les institutions de Bretton Woods et ainsi de mettre fin au financement monétaire du déficit budgétaire. La hausse du cours du pétrole contribuera largement au redressement des comptes extérieurs et publics.

Dans les pays de la zone franc , les prévisions pour 2000 tablent sur une croissance de 3 %, contre 2,1 % en 1999. Cette moyenne recouvre cependant des situations assez contrastées. Les pays de la Communauté économique et monétaire en Afrique centrale (CEMAC) devraient profiter du redressement exceptionnel du prix des hydrocarbures conjugué à l'appréciation du dollar pour poursuivre l'effort d'assainissement des finances publiques et favoriser la relance des investissements.

En revanche, les pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) pâtissent de la remontée du cours du pétrole. Ils ont souffert, par ailleurs, de la faiblesse récurrente du cours du café et du cacao, malgré les résultats d'une campagne agricole exceptionnelle en 1999-2000. En 2001, les récoltes, compte tenu du niveau des précipitations enregistré cette année, s'annoncent moins bonnes. Même si le taux de croissance progresse en 2000, il demeure très en deçà du niveau nécessaire, évalué de 6 à 7 %, pour assurer une notable amélioration du niveau de vie des populations.

La conjoncture des pays en développement est ainsi très dépendante des évolutions des cours de matières premières et du contexte climatique aujourd'hui désastreux pour de nombreux pays frappés par la sécheresse.

Les perspectives d'une croissance durable restent subordonnées à la façon dont les pays en développement sauront surmonter trois grands défis : la mondialisation, la croissance démographique, la restauration de l'Etat de droit.

. La mondialisation

Aujourd'hui, l'interdépendance des économies constitue pour la ZSP une source de contrainte. En effet, les pays de la zone subissent plus rapidement que par le passé les contrecoups de la conjoncture mondiale, tandis qu'ils n'ont pas su réellement, en contrepartie, tirer parti du mouvement d'ouverture des marchés.

Traditionnellement, la spécialisation des économies sur quelques matières premières les rend très vulnérables, d'une part, aux aléas climatiques, d'autre part, aux variations des cours.

La dépendance vis-à-vis des marchés mondiaux s'est encore accrue dans la période récente en raison des processus d'ouverture et de libéralisation. En particulier, la remise en cause des mécanismes de garantie traditionnels des revenus des producteurs a conduit à exposer directement les agriculteurs aux aléas des marchés.

La mise en oeuvre de nouveaux mécanismes de régulation apparaît aujourd'hui indispensable. Les ministres de la zone franc sont ainsi convenus, lors de leur dernière réunion, en septembre 2000, d'étudier la possibilité d'introduire " un mécanisme de stabilisation conjoncturelle des recettes budgétaires, et plus particulièrement des recettes pétrolières pour les pays producteurs de pétrole ". Toutefois, il demeure bien difficile de mettre en oeuvre des dispositifs efficaces.

Parallèlement, les économies africaines n'ont pas vraiment tiré parti du mouvement de mondialisation. La part de l'Afrique dans les échanges internationaux demeure très marginale (2 %). En trente ans, d'après la Banque mondiale, l'Afrique a perdu des parts de marché, y compris dans le commerce des matières premières et des produits de base. L'affaiblissement de ces positions aurait représenté chaque année, d'après les estimations de la Banque mondiale, un manque à gagner de 70 milliards de dollars.

. La croissance démographique

Depuis 1960, le nombre d'habitants a triplé sur le continent africain pour atteindre 766 millions. Il devrait encore doubler d'ici 2025 en raison d'un taux de fécondité particulièrement élevé. L'Afrique représente ainsi le quart des naissances qui se produisent chaque année en moyenne dans le monde (soit 20 millions de naissance sur un total de 80 millions).

L'Afrique subsaharienne compte 630 millions d'habitants. Avec une population d'1,1 milliard de personnes dans 25 ans, elle devrait occuper le deuxième rang mondial derrière l'Asie (qui comptera 5 milliards d'habitants).

Compte tenu de l'accroissement démographique rapide de la région, une croissance du PIB de l'ordre de 5 % serait nécessaire, d'après les estimations de la Banque mondiale, pour maintenir le niveau de vie actuel. Seule une croissance de 7 % pourrait assurer une répartition plus équilibrée des revenus.

Les perspectives démographiques seront cependant affectées par la pandémie du sida . L'importance du taux de natalité rend aussi plus aiguë la question de l'extension de la maladie compte tenu du mode de contamination mère-enfant. D'après les sources des Nations unies, l'Afrique subsaharienne comporterait 22,5 millions de personnes séropositives (adultes et enfants) sur 33,4 millions dans le monde ; 18 millions de personnes étant déjà décédées. Dans les pays les plus touchés par la pandémie -tous situés en Afrique-l'espérance de vie d'un enfant né entre 2000 et 2005 sera réduite à 43 ans contre 60 ans avant l'apparition du sida. Ce fléau a également des répercussions économiques et sociales. Les coûts estimés des traitements devraient constituer, dans les années à venir, la moitié des dépenses publiques de santé du Kenya et près des deux tiers de celle du Zimbabwe. Par ailleurs, la maladie touche principalement les personnes actives. A titre d'exemple, d'après certaines évaluations, le sida pourrait ainsi provoquer, entre 1995 et 2005, une contraction de près de 15 % de la production économique du Kenya.

. La consolidation de l'Etat de droit

La mise en place de l'Etat de droit -au plein sens du terme : institutions stables, cadre juridique sécurisé, en particulier pour les personnes et les biens- représente l'indispensable fondement d'un développement durable. Le développement de l'Afrique demeure entravé par le poids des conflits et des guerres civiles. L'Afrique, faut-il le rappeler, possède le triste privilège de compter un réfugié sur trois dans le monde -environ 6 millions de personnes. Encore ces données ne prennent-elles pas en compte les personnes déplacées au sein même de leur pays -soit quelque 15 millions de personnes. L'année 2000 aura été marquée par de nouvelles crises ou la poursuite de certains conflits (Sierra Leone, Liberia, en Afrique de l'Ouest, Ethiopie, Erythrée et Soudan, en Afrique de l'Est, Angola, République démocratique du Congo et région des grands lacs en Afrique centrale, Zimbabwe, en Afrique australe). La succession des crises politiques en Côte d'Ivoire, au cours de cette année, alors même que ce pays se distinguait jusqu'à présent comme un pôle de stabilité et de croissance en Afrique occidentale, constitue un sujet de préoccupation.

Le tableau doit cependant être nuancé. Comme le soulignait la Banque mondiale dans un rapport public cette année 1 ( * ) , lorsque des réformes économiques ont été entreprises -avec le soutien des bailleurs de fonds- et favorisées par l'absence de troubles civils, elles ont incontestablement permis de relever le niveau de croissance et ainsi fait reculer la pauvreté. En fait lorsque certaines parties de l'Afrique défraient la chronique par leurs guerres et leurs catastrophes naturelles, d'autres suscitent un intérêt de plus en plus marqué de la part des investisseurs privés.

Ces observations tendent à montrer que l'aide, indispensable, peut être très utile. Il est essentiel de maintenir l'effort dans la continuité. Dans ces conditions, l'évolution récente de l'aide française apparaît particulièrement préoccupante.

B. UN AFFAIBLISSEMENT GLOBAL DE L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE AU DÉVELOPPEMENT DANS UN CONTEXTE POURTANT MARQUÉ PAR LA STABILISATION DE L'EFFORT DES AUTRES BAILLEURS DE FONDS

D'après les dernières données disponibles du comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, le volume de l'aide publique au développement (APD) des 21 principaux Etats contributeurs s'est élevé à 56 milliards de francs en 1999, soit une progression de 5 % par rapport au montant enregistré en 1997. Cette évolution marque un coup d'arrêt à la réduction continue de l'aide de l'ordre de 21 % en termes réels entre 1992 et 1997. D'après le CAD, ce retournement de tendance s'expliquerait par les mesures exceptionnelles adoptées lors de la crise asiatique mais aussi par le souci manifesté par plusieurs pays de " stabiliser ou de renforcer leur programme d'aide ". Cependant, en moyenne, le volume de l'APD n'a représenté que 0,24 % du PNB des 21 pays membres ; seuls le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède ont dépassé l'objectif de 0,7 % du PNB fixé par les Nations unies.

Dans ce contexte général marqué par une stabilisation de l'APD, la France se singularise par une nouvelle contraction de son effort -de l'ordre de 2 %. Depuis 1995, la contribution française aura été réduite de 33 %. Sans doute, rapportée au PIB, elle classe encore notre pays au premier rang du G7. Cependant, il convient de rappeler que ce ratio s'établissait à 0,64 % en 1994 contre 0,39 % actuellement.

Aide publique au développement comparative de la France et des pays du G7

(en millions USD)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999*

Japon

11 258

113 239

14 489

9 439

9 358

10 640

15 302

Etats-Unis

9 721

9 927

7 367

9 377

6 168

8 786

9 135

France

7 915

8 466

8 443

7 451

6 306

5 742

5 636

Allemagne

6 937

6 818

7 524

7 601

5 913

5 581

5 478

Royaume-Uni

2 908

3 197

3 157

3 199

3 371

3 864

3 279

Canada

2 373

2 250

2 067

1 795

2 146

1 691

1 721

Italie

3 043

2 705

1 623

2 416

1 231

2 278

1 750

Total CAD

55 941

59 156

58 882

55 438

47 580

52 068

55 993

*chiffres provisoires

% du PIB

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999*

France

0,63

0,64

0,55

0,48

0,45

0,40

0,39

Japon

0,27

0,29

0,28

0,20

0,22

0,28

0,35

Canada

0,45

0,43

0,38

0,32

0,36

0,29

0,28

Allemagne

0,36

0,34

0,31

0,33

0,28

0,26

0,26

Royaume-Uni

0,31

0,31

0,28

0,27

0,26

0,27

0,23

Italie

0,31

0,27

0,15

0,20

0,11

0,20

0,15

Etats-Unis

0,15

0,14

0,01

0,12

0,08

0,10

0,10

Total CAD

0,30

0,30

0,27

0,25

0,22

0,23

0,24

L'aide publique au développement a encore diminué entre 1999 et 2000, passant de 20,4 milliards de francs à 18,9 milliards de francs, soit, une baisse de 7,5 %. Notre effort ne représente plus que 0,33 % du PIB contre 0,39 % en 1999.

C. LES PRIORITÉS SECTORIELLES : L'EFFORT PARTICULIER DE LA FRANCE DANS L'ANNULATION DE LA DETTE NE DOIT PAS S'ACCOMPAGNER D'UNE RÉDUCTION DE L'AIDE PROJET

Quelles sont les grandes catégories d'action financées par la France ? Comme le montre le tableau suivant, l'effort consacré à l'allégement de la dette prévaut désormais sur l'aide-projet.

en millions de FRF

1995

1996

1997

1998

1999

Aide bilatérale

32 085

%

29 438

%

27 877

%

24 686

%

25 395

%

Coopération technique, scientifique et culturelle


10 083


31,4


10 175


34,6


9 879


35,4


9 121


36,9


8 780


34,6

Aide projet

5 964

18,6

5 080

17,3

3 843

13,8

3 546

14,4

2 781

11,0

Aide programme

2 949

9,2

2 271

7,7

1 199

4,3

407

1,6

471

1,9

Allégement de dettes

5 658

17,6

4 945

16,8

6 419

23,0

4 168

16,9

5 181

20,4

TOM

4 947

15,4

4 686

15,9

4 501

16,1

4 882

19,8

4 938

19,4

Divers

907

2,8

730

2,5

482

1,7

962

3,9

1 710

6,7

Coût de gestion

1 577

4,9

1 551

5,3

1 554

5,6

1 600

6,5

1 533

6,0

Cet effort apparaît légitime. En effet, la dette continue de peser lourdement sur les pays en développement. Au 31 décembre 1998, elle s'élevait à 1 890 milliards de dollars environ contre 1 654 milliards de dollars au 31 décembre 1997 (soit une hausse de 14,27 %).

La dette de l'Afrique subsaharienne représente 12,2 % de la totalité de ce montant (soit 230,13 milliards de dollars). Malgré les mesures d'annulation consenties par les créanciers publics et privés, elle a augmenté de plus de 3 % par rapport à l'année précédente du fait de l'octroi de nouveaux financements de la part des créanciers publics pour les pays les plus pauvres.

L'encours de la dette des pays de la zone de solidarité prioritaire s'élevait à 402,7 milliards de dollars, dont 12,65 % pour les pays de la zone franc et 87,4 % pour les autres pays.

Notre pays joue traditionnellement un rôle moteur au sein de la communauté internationale en faveur de l'annulation de la dette. Son action s'est révélée déterminante notamment pour la mise en oeuvre de l'initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE) adoptée dans le prolongement du sommet du G7 à Lyon en 1996. Cette initiative, rappelons-le, innove à un double titre :

- d'une part, elle a prévu une réduction du stock de la dette et non plus seulement des échéances, pouvant atteindre 80 % ;

- d'autre part, elle a intégré dans l'assiette du montant de la dette réexaminée, outre les créances commerciales garanties et les créances bilatérales publiques, la dette multilatérale contractée auprès des institutions de Bretton Woods.

La part des créances multilatérales dans les stocks avait en effet fortement augmenté au cours de la dernière décennie à la suite de la multiplication des programmes conclus avec le FMI et la Banque mondiale et des annulations de dette bilatérale.

De même, la France a soutenu l'amélioration de l'initiative PPTE, proposée lors du sommet du G8 à Cologne en juin 1999 et adoptée par les conseils d'administration du FMI et de la Banque mondiale, afin de permettre un traitement plus rapide et plus important de la dette : la part de la dette publique susceptible d'être annulée à ainsi été portée à 90 %.

Le sommet du G8 à Okinawa en juin dernier a prévu la mise en oeuvre de l'initiative PPTE pour 20 pays d'ici à la fin de l'année. L'allégement total de la dette pour les pays les plus endettés devrait représenter plus de 15 milliards de dollars.

Cependant, la mise en oeuvre de l'annulation de dette suppose au préalable de la part des pays éligibles, l'adoption de mesures de bonne gestion et l'élaboration d'un programme de réduction de la pauvreté soumis à l'aval des organisations financières internationales. De tels programmes ont été présentés par quatre pays de la zone franc : Burkina Faso, Mali, Sénégal et Bénin. L'exercice se révèle souvent difficile pour les pays bénéficiaires des annulations de dettes. Le programme d'allégement rencontre ainsi certains retards imputables également aux difficultés rencontrées par la Communauté internationale pour mobiliser les 50 milliards de dollars nécessaires.

La France, pour sa part, s'est engagée, à titre bilatéral, à annuler pour les pays pauvres fortement endettés, ses créances d'aide publique au développement et la totalité de ses créances commerciales, soit un montant de 7 milliards d'euros.

Ces annulations interviendront dans le cadre d'un " contrat de désendettement et de développement " destiné à réaffecter les marges de manoeuvre budgétaires des pays intéressés aux programmes de lutte contre la pauvreté et pour le développement durable. Ces contrats s'inscrivent dans le cadre de la stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté mise en place par les pays en développement avec le concours des institutions de Bretton Woods. Notre pays compte tirer parti de la présidence de l'Union européenne qu'il exerce jusqu'à la fin de l'année 2000 pour proposer cette mise en oeuvre d'annulations des créances d'APD bilatérales, aux autres pays membres, afin de favoriser une plus grande convergence dans les modalités de versement de l'APD et d'annulations des créances.

Au total, notre pays aura annulé au cours des quinze dernières années plus de 23 milliards d'euros en faveur des pays lourdement endettés.

Il est toutefois indispensable que cet effort conséquent ne serve pas de prétexte à une contraction de l'aide projet qui permet tout à la fois de répondre de manière plus adaptée aux besoins du pays bénéficiaire et de mieux encadrer l'utilisation de l'aide.

D. LES CHOIX GÉOGRAPHIQUES : LA ZONE DE SOLIDARITÉ EST-ELLE VRAIMENT PRIORITAIRE ?

Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) institué dans le cadre de la réforme de la coopération (décret du 4 février 1983), a défini un zone de solidarité prioritaire (ZSP) dont la composition a été arrêtée en fonction de trois séries de critères.

En premier lieu, la ZSP réunit les pays les moins développés en terme de revenus et n'ayant pas accès aux marchés de capitaux.

Ensuite, la solidarité de la France s'exerce plus particulièrement vis-à-vis des Etats francophones.

Enfin, la définition de la ZSP vise également à renforcer la cohérence régionale des actions de développement. Une stratégie régionale de coopération et la mise en oeuvre des projets rassemblant plusieurs pays, devrait, d'après le ministre délégué à la coopération, permettre de dégager certaines synergies.

La liste définie en janvier 1999 réunit 61 Etats. Le CICID, réuni pour la deuxième fois le jeudi 22 juin 2000, a décidé de ne pas réexaminer cette composition avant 2001.

Zone de solidarité prioritaire en 1999

Anciens pays du champ

Extension en 1999

Bénin

1978

Djibouti

Liban

Burkina-Faso

1980

Guinée Equatoriale

Palestine

Cameroun

Gambie

Afrique du Sud

Centrafrique

Sainte-Lucie

Algérie

Congo

Grenade

RD Congo

Côte d'Ivoire

1983

Dominique

Erythrée

1959

Gabon

Saint-Vincent

Ethiopie

Madagascar

St Kittes et Neviez

Ghana

Mali

1984

Guinée Conakry

Guinée

Mauritanie

1985

Angola

Kenya

Niger

Mozambique

Liberia

Sénégal

1990

Namibie

Maroc

Tchad

1993

Cambodge

Ouganda

Togo

Sierra Leone

Zaïre

Tanzanie

1964

Rwanda

Tunisie

Burundi

Zimbabwe

1971

Maurice

Laos

1973

Haïti

Vietnam

1975

Comores

Cuba

Cap Vert

République dominicaine

1976

Guinée Bissau

Petites Antilles

Sao Tomé

Surinam

Seychelles

Vanuatu

Les moyens de financement

Outre les crédits du titre IV mis à la disposition de nos ambassades pour la coopération et l'action culturelle, scientifique et technique, les deux principaux instruments de coopération au sein de la ZSP reposent sur les financements de l'Agence française de développement et le Fonds d'aide et de coopération (devenu Fonds de solidarité prioritaire).

Aucun pays ne dispose d'un droit de tirage automatique qui serait attribué selon des clés de répartition prédéfinies. En principe, un " accord de partenariat pour le développement " conclu avec chaque pays de la ZSP précisera dans un cadre pluriannuel les différents types de coopération définis d'un commun accord : développement, coopération militaire mais aussi maîtrise du flux migratoire. Un " document-cadre de partenariat " transcrira les termes de cet accord.

A ce jour, les accords de partenariat signés sont peu nombreux : cinq au total l'ont été (avec le Mali, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Mauritanie et le Tchad).

La procédure risque de se révéler assez lourde. Une approche par projets répond, semble-t-il davantage aux exigences de rapidité et d'efficacité .

La définition de la zone de solidarité prioritaire suscite une certaine perplexité à plusieurs titres.

En premier lieu, la priorité reconnue à cette zone demeure toute virtuelle car elle ne s'est traduite par aucuns moyens budgétaires nouveaux. Au contraire, la part de la ZSP au sein de l'aide totale apportée par la France, n'a cessé de se dégrader depuis la réforme de la coopération : elle est en effet passée de près de 50 % de l'APD bilatérale totale à 44 %.

Evolution de l'aide publique française au développement
dans les pays de la zone de solidarité prioritaire

en millions de FRF

1994

1995

1996

1997

1998

1999

APD bilatérale totale

36 706

32 085

29 438

27 877

24 688

25 395

Zone de solidarité prioritaire

19 241

15 155

14 198

13 880

10 979

11 214

Autres zones géographiques

17 465

16 930

15 240

13 997

13 709

14 181

Part de la ZSP dans l'APD bilatérale


52,4 %


47,2 %


48,2 %


49,8 %


44,5 %


44,2 %

Cette évolution soulève un vrai problème de cohérence au regard des objectifs et des ambitions affichés par notre coopération.

Par ailleurs, la part de l'Afrique au sein de l'aide bilatérale totale n'a cessé de se réduire : de 56,5 % en 1995 à 50,2 % en 1999, et pour l'Afrique subsaharienne, sur la même période, de 38,7 % à 34,2 %.

Ainsi, la mise en place de la zone de solidarité prioritaire s'accompagne d'un véritable risque de dispersion , voire de " saupoudrage " de nos actions.

Or, à vouloir assurer notre présence dans l'ensemble des pays en développement, nous courons le risque, surtout au moment où les moyens budgétaires sont limités, de ne compter vraiment nulle part.

Ainsi, notre pays pourrait perdre des deux côtés : l'espoir suscité dans certains pays par leur incorporation dans la zone de solidarité prioritaire sera déçu et nourrira de futures frustrations, tandis qu'au sein des anciens pays du champ se répand, sinon le sentiment d'un abandon, du moins celui d'une certaine " banalisation " de la position qu'ils occupaient auparavant .

La définition d'objectifs trop ambitieux pourrait ainsi se traduire par une diminution de notre influence dans le monde. Etait-ce là l'objectif recherché par la réforme ?

E. L'INVESTISSEMENT PRIVÉ, FACTEUR DE DÉVELOPPEMENT SOUS RÉSERVE QUE LES INTÉRÊTS DES COMMUNAUTÉS FRANÇAISES À L'ÉTRANGER BÉNÉFICIENT D'UNE PLUS GRANDE ATTENTION DE LA PART DES POUVOIRS PUBLICS

L'érosion constante de l'aide publique au développement doit conduire à rechercher des moyens complémentaires d'assurer le développement des économies du sud. L'investissement privé apparaît de ce point de vue comme l'une des clés d'une croissance durable.

Or, jusqu'à présent, l'Afrique demeure dans une large mesure délaissée par les investisseurs étrangers. En effet, d'après le rapport de la CNUCED sur l'investissement dans le monde, rendu public en octobre dernier, les flux à destination du continent n'avaient représenté en 1999 que 9 milliards de dollars, soit 1 % seulement de la totalité des investissements étrangers directs. Encore ces capitaux se concentrent-ils sur un petit nombre de pays (principalement l'Afrique du Sud et le Nigeria en Afrique subsaharienne) et privilégient-ils le secteur énergétique.

Il n'en reste pas moins que l'Afrique subsaharienne et, en particulier, la zone franc, présente un potentiel économique à même de susciter l'intérêt des investisseurs. Ainsi, en 1998, alors même que les investissements étrangers en Afrique avaient régressé de 11 % par rapport à l'année précédente -passant de 9,3 à 8,3 milliards de dollars- les flux, d'après le rapport du Conseil des investisseurs français en Afrique (CIAN) avaient crû de 56 % dans la zone franc (en partie en raison des investissements français au Gabon et en Guinée équatoriale). En 1998, dix pays ont concentré 81 % des investissements privés français vers l'Afrique : Gabon, Congo, Egypte, Angola, Tchad, Afrique du Sud, Cameroun, Libye, Tunisie et Maroc.

Encourager ce mouvement suppose d'abord de la part des pays africains qu'ils mettent en place un cadre institutionnel et juridique stable sans lequel la confiance, indispensable pour les acteurs économiques, ne saurait s'instaurer.

Mais notre pays a aussi une responsabilité cruciale à exercer dans ce domaine, en apportant à nos ressortissants qui prennent le risque de s'expatrier et de parier sur l'Afrique, les garanties nécessaires. Or il faut admettre que nos compatriotes en Afrique n'ont pas bénéficié de l'attention nécessaire de la part des pouvoirs publics. Les autorités, quelles qu'elles soient, n'ont pas toujours assumé le rôle qui leur incombait, qu'il s'agisse du problème récurrent des pensionnés français ayant exercé en Afrique ou encore de l'absence d'indemnisation pour nos compatriotes victimes d'événements politiques qui laissent beaucoup d'entre eux ruinés et désespérés.

Conforter la situation des Français établis en Afrique sera pourtant, il faut encore le souligner, le meilleur moyen de favoriser les flux de capitaux vers le continent.

II. UN DISPOSITIF INSTITUTIONNEL DONT L'EFFICACITÉ DOIT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉE

La réforme de la coopération avait pour principal objectif la recherche d'une plus grande efficacité de notre action en faveur du développement. Cette volonté, très légitime, devait se traduire, en premier lieu, par une meilleure articulation de l'aide au développement avec les autres outils de notre diplomatie et, en second lieu, par une coordination plus satisfaisante des différents instruments d'aide répartis traditionnellement autour des deux pôles représentés par les affaires étrangères et les finances.

La première préoccupation a été mise en avant pour justifier l'intégration de l'administration de la coopération au sein du Quai d'Orsay et la fusion des dotations budgétaires des deux ministères. Le nouveau dispositif mis en place présente aujourd'hui une incontestable lourdeur.

Quant à la deuxième priorité -la coordination de nos instruments d'aide au développement- elle reste encore, pour une large part, à concrétiser.

A. UNE STRUCTURE ADMINISTRATIVE D'UNE LOURDEUR CERTAINE POUR LAQUELLE DES AMÉNAGEMENTS SE SONT RÉVÉLÉS INDISPENSABLES

La fusion des services du ministère de la coopération au sein du ministère des affaires étrangères a donné naissance à une structure administrative dont l'organisation, lourde et complexe, a dû faire l'objet d'aménagements importants au cours de cette année.

En effet, à la suite de la réforme de la coopération, les moyens et les compétences de l'ancien secrétariat d'Etat à la coopération et du ministère des affaires étrangères ont été principalement regroupés au sein de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID, créée par le décret n° 98-1124 du 10 décembre 1998).

La DGCID réunit ainsi les services de l'ancienne direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques des affaires étrangères, la direction du développement et le centre des études financières et de la coordination géographique de l'ancien ministère de la coopération.

Le dispositif initial s'articulait autour de quatre grandes directions sectorielles 2 ( * ) et une direction chargée de la coordination des actions de développement (la direction de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation).

Votre rapporteur avait attiré l'attention, dès l'an passé, sur la complexité de ce dispositif dont l'organisation risquait de rallonger les circuits de décision à rebours de l'objectif d'efficacité recherché. Il s'était interrogé en particulier sur le rôle de la direction de la stratégie, de la programmation de l'évaluation et sur l'intérêt de superposer l'intervention d'au moins deux services -un service sectoriel, un service coordonateur- dans la procédure de décision.

Pourtant, en février 2000, un document établi par le gouvernement à l'attention du parlement, dressait un rapport plutôt flatteur de la première année de fonctionnement de la DGCID : " la direction de la stratégie de la programmation et de l'évaluation qui a été le principal creuset de fusion des traditions et des personnels hérités des deux anciennes structures, a pleinement joué son rôle de pilotage et de gestion au service de l'ensemble de la structure ".

Sept mois plus tard cette direction devait être dissoute. En effet, il est apparu indispensable de simplifier les chaînes hiérarchiques de la DGCID -souvent héritées de compromis liés à la mise en oeuvre de la réforme- et d'assurer une meilleure répartition des compétences entre les services et les directions.

Les modifications décidées en septembre dernier apparaissent conséquentes. Qu'on en juge.

. La suppression de la direction de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation (SPE)

Le souci de rationaliser les tâches et d'alléger la chaîne hiérarchique a conduit à supprimer la direction SPE et à autonomiser ses services sous forme de trois " pôles " -stratégie et évaluation, programmation des moyens budgétaires et contrôle de gestion, coordination géographique.

Deux sous-directions placées sous l'autorité d'un chef de service ont ainsi été créées :

- la " sous-direction de la programmation et des affaires budgétaires ", en charge de la programmation annuelle et des fonctions financières et regroupant cinq bureaux respectivement chargés du budget de la programmation, des crédits délégués, des marchés, du fonds de solidarité prioritaire (FSP) et de l'audit/contrôle ;

- la " sous-direction de la stratégie, de l'évaluation et de la communication ", regroupant quatre bureaux respectivement chargés des thématiques transversales et multilatérales, de la statistique et du suivi interministériel de la coopération internationale, de l'évaluation, et enfin de l'information, de la documentation et de la communication.

Le service de la coordination géographique , regroupant les départements géographiques d'Europe, d'Afrique et de l'Océan indien, d'Afrique du nord et du Moyen-Orient, des Amériques et des Caraïbes, et d'Asie et d'Océanie, est maintenu en l'état avec suppression de l'échelon " bureau ", auquel se substituerait celui d'adjoint au chef de département pour les agents très expérimentés dotés d'attributions particulières.

. La création d'un poste de directeur général adjoint

Afin de faciliter les liens entre les différentes directions et la direction générale, un poste de directeur général adjoint a été créé, ainsi que deux postes de chargés de mission responsables de deux cellules directement rattachées à la direction générale : la cellule " Ressources humaines " (par transfert des fonctions et agents du bureau des agents du réseau existant au sein de SPE) et la cellule " Valorisation de l'expertise française dans les appels d'offres communautaires et multilatéraux " (par transfert d'une partie des agents de la Mission pour la coopération multilatérale).

. Les ajustements pour les autres directions

Ces modifications sont essentiellement destinées à mieux marquer les spécificités de certains services et à alléger les échelons hiérarchiques :

- pour la direction du développement et de la coopération technique la sous-direction éducative a été séparée en deux sous-directions, l'une pour le social et l'autre pour l'éducatif ;

- la suppression de l'échelon de la division du livre et de l'écrit au sein de la direction de la coopération culturelle et du français ;

- la transformation des échelons " division " en postes d'adjoint au directeur pour les directions de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication et de la coopération scientifique, universitaire et de recherche ;

L'ensemble de ces aménagements s'inscrit d'après les informations fournies à votre rapporteur dans le " projet de la DGCID " destiné à améliorer :

- la pertinence, l'efficacité et la rapidité des procédures (développement des processus de délégation et de contrôle a posteriori, mise en place d'un dispositif plus performant de programmation annuelle, géographique et sectorielle, allégement des circuits hiérarchiques, réforme des procédures) ;

- la cohésion des équipes et des compétences internes et externes (développement du travail interservices et interdirections, meilleure définition des compétences collectives, développement des ressources humaines, appel aux compétences externes) ;

- la communication en interne et en externe des actions et de leur évaluation.

Ces différents aménagements constituent des progrès évidents. Ils sont loin cependant pas de lever toutes les interrogations soulevées par l'efficacité de la DCCID.

. L'alignement des missions de coopération sur le modèle commun des services d'une ambassade : un processus encore inachevé .

La suppression, à compter du 1 er janvier 1999 des missions de coopération (par le décret n° 98-1238 du 29 décembre 1998) a d'ores et déjà entraîné une réorganisation des services extérieurs.

D'abord, les anciens chefs de mission, précédemment nommés par décret du Président de la République, sont devenus conseillers de coopération et d'action culturelle désignés par arrêté du ministre des affaires étrangères. Ils dirigent les service de coopération et d'action culturelle (SCAC), au sein de l'ambassade. Dans le dispositif antérieur, les chefs de mission, placés sous l'autorité théorique de l'ambassadeur, s'autorisaient des contacts directs avec l'administration de l'ex-ministère de la coopération pour revendiquer une large part d'autonomie. L'alignement de la mission de coopération sur le modèle commun du service d'une ambassade et l'intégration, à l'échelon central, de l'administration de la coopération au sein du ministère des affaires étrangères devrait en principe mettre un terme au dualisme des fonctions d'autorité souvent observé dans les pays de l'ancien champ de la coopération.

En outre, si en 1999, période de transition, le conseiller de coopération et d'action culturelle disposait de dotations spécifiques et conservait la qualité d'ordonnateur secondaire, il est devenu à partir de 2000, ordonnateur délégué de l'ambassadeur, institué, quant à lui, ordonnateur secondaire.

En second lieu, si la situation des personnels en poste dans les SCAC reste temporairement régie par les dispositions antérieures, en revanche, en cas de mutation de poste à poste ou de nouvelle affectation, les personnels sont désormais gérés par les dispositions propres au ministère des affaires étrangères (arrêté du 1 er juillet 1996 modifié par les agents détachés ; arrêté du 28 mars 1967 modifié pour les agents titulaires). En effet, en accord avec le contrôle financier, cette mesure, destinée en principe à s'appliquer après la fusion des corps et l'harmonisation des textes, a été anticipée à la date de tous les mouvements effectués en 1999. Depuis le 1 er janvier 2000, les personnels titulaires issus des cadres du ministère de la coopération ont été intégrés dans les corps du ministère des affaires étrangères et sont donc désormais régis par les textes applicables à ces derniers.

Dès 1999, dans un souci de gestion plus rationnelle des crédits, le rapprochement des structures comptables de l'ambassade, du SCAC et de la mission militaire a été recherché afin d'assurer une fusion effective au 1 er janvier 2000. Ce mouvement a abouti, dans un nombre encore limité de pays -une dizaine- à la création d'un service administratif et financier unique chargé de coordonner la gestion de crédits du département. Il faut par ailleurs signaler d'ores et déjà plusieurs économies d'échelle :

- suppression des quotes-parts existantes pour des consommations en commun (énergie électrique, communications , etc...) ;

- regroupement du parc automobile ;

- regroupement du parc immobilier avec l'instauration d'une commission du logement sous l'autorité de l'ambassadeur pour les affectations au départ d'un agent logé dans un immeuble appartenant à l'Etat français.

. Des économies d'échelle encore mal mesurées pour les personnels au niveau de l'administration centrale

La plupart des personnels du ministère de la coopération ont été affectés, d'une part, à la direction générale de l'administration (au sein de laquelle ont été intégrés les services venant de la direction de l'administration générale de la coopération), d'autre part, à la DGCID.

Les transferts de personnels ont ainsi obéi à la répartition suivante : 167 agents -soit 32 %- de l'effectif total du ministère de la coopération ont rejoint la DGA, 253 -soit 48 %- la DGCID et 104 -soit 20 %- divers autres services du département.

La réorganisation de l'administration devrait se traduire par des économies d'effectifs évaluées à une centaine de postes . C'est ainsi que la fusion de la direction générale de l'administration (affaires étrangères) et de la direction de l'administration générale (coopération) a permis de redéployer quelques 42 emplois vers d'autres services du département. La mise en place de la DGCID a, quant à elle, conduit à l'économie d'une trentaine de postes.

Les différences de statut entre les personnels des affaires étrangères et de la coopération ont longtemps dissuadé toute tentative de rapprochement entre les deux administrations. L'unification des statuts représente en effet une tâche d'une ampleur considérable.

L'intégration complète des agents de la coopération a été réalisée dès le début de l'année 2000, dans le cadre de la modernisation des corps et des statuts des personnels du département.

Les administrateurs civils de la coopération ont été intégrés, dans le cadre des dispositions du décret n° 99-1153 du 29 décembre 1999, à leur demande, dans le corps des conseillers des affaires étrangères à compter du 1er janvier 2000.

Les attachés d'administration centrale de la Coopération et les agents contractuels de niveau A, titularisés en 1999 au titre de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, ont été intégrés au 1 er janvier 2000, dans le nouveau corps unique des secrétaires des affaires étrangères regroupant les secrétaires adjoints des affaires étrangères et les attachés d'administration centrale.

Les agents de catégorie B et C ont été intégrés dans les catégories identiques de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères.

La réforme, dans ses aspects statutaires, ne doit pas emporter en principe de conséquences négatives sur la rémunération indiciaire et la carrière des agents de la coopération dans la mesure où les corps homologues ou spécifiques qu'ils ont intégrés présentent une grille indiciaire et un déroulement de carrière identiques à ceux de leur corps d'origine.

B. UN EFFORT DE COORDINATION DEMEURE INDISPENSABLE AVEC LE MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES

Le premier volet de l'effort de coordination nécessaire avec l'absorption du ministère de la coopération par celui du ministère des affaires étrangères, suscite encore -on l'a vu- certaines interrogations. Le second volet, lié à une harmonisation des politiques respectives du Quai d'Orsay et de Bercy dans l'aide publique au développement, requiert à coup sûr des progrès.

Ce travail de rapprochement apparaît indispensable car le ministère de l'économie et des finances gère encore une part essentielle de l'aide bilatérale. Or les mécanismes de coordination interministérielle demeurent insuffisants. Enfin, alors que la priorité devrait s'attacher à renforcer l'efficacité de note aide, votre rapporteur s'interrogera sur le rôle et la place du Haut Conseil de la coopération internationale au sein de notre dispositif.

. La part essentielle du ministère de l'économie et des finances dans la gestion de l'aide bilatérale

Même si sa part s'est quelque peu réduite en 2000, le ministère de l'économie et des finances continue de gérer 36 % de l'aide publique bilatérale contre 47,3 % pour le ministère des affaires étrangères.

Répartition par ministère des crédits d'aide publique au développement
(en millions de francs)

1999

2000

Budgets

Total
DO/CP

Total
DO/CP

Evolution

Affaires étrangères

9 193,7

9 050,1

- 1,6 %

Agriculture et pêche

290,0

278,0

- 4,1 %

Aménagement du territoire et environnement

Environnement

10,9

11,9

9,4%

Culture et communication

17,4

17,5

0,5 %

Charges communes

1 663,0

1 460,0

- 12,2 %

Economie, finances et industrie

7 782,4

6 913,4

- 11,2 %

Enseignement national, recherche et technologie

Enseignement scolaire

0,6

0,6

Enseignement supérieur

23,5

25,2

7,4 %

Recherche et technologie

1 231,9

1 270,4

3,1 %

Emploi et solidarité

Emploi

12,0

12,0

Equipement, transports et logement

Services communs

2,8

2,8

Transports terrestres

Transports aériens et météorologie

4,7

4,7

1,1 %

Mer

1,0

1,0

2,1 %

Intérieur et décentralisation

75,6

76,8

1,5 %

Jeunesse et sport

4,1

4,2

4,2 %

TOTAL GENERAL

20 313,6

19 128,7

- 5,8 %

. Une coordination encore insuffisante

Il revient au comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) institué dans le cadre de la réforme de la coopération par le décret du 4 février 1998 de conférer une inspiration commune à une politique de coopération souvent commandée par des logiques distinctes entre Bercy et le Quai. Cette tentative n'avait rien d'inédit. Rappelons-le, elle faisait suite au comité interministériel d'aide au développement (CIAD) dont les résultats s'étaient avérés décevants.

La nouvelle instance se réunit une fois par an, dans une formation assez lourde 3 ( * ) . Constitue-t-elle dès lors le cadre le plus adapté pour assurer une direction politique commune à l'aide au développement ? Votre rapporteur réitère sur ce point les doutes qu'il avait déjà exprimés l'an passé.

Le CICID s'est réuni une deuxième fois le 22 juin 2000. Il a retenu trois orientations principales :

- la configuration de la zone de solidarité prioritaire ne sera pas modifiée d'ici 2001 ; le Premier ministre a confirmé que l'intensité de la coopération avec les différents Etats concernés pouvait varier en fonction de leur comportement tant sur le plan interne que sur le plan international ;

- l'augmentation de l'effort consacré à l'annulation de la dette -dans le cadre notamment de l'initiative sur la dette des pays pauvres très endettés- ne devra pas avoir pour contrepartie une baisse des autres types de financement d'aide ;

- l'adoption du programme de relance de notre coopération en faveur des pays du Maghreb destiné notamment à donner une nouvelle impulsion à note coopération dans les domaines de l'éducation, de la formation et de l'emploi et à adapter d'une manière plus efficace notre soutien au développement économique de ces pays.

Les travaux du CICID en 2000 devraient porter, en particulier, sur les thèmes de l'environnement et du développement durables, l'expertise en coopération et la promotion de l'offre française de formation supérieure à l'étranger.

Un groupe de travail interministériel a, par ailleurs, été chargé de remettre chaque année au CICID un rapport d'évaluation sur l'efficacité de la coopération internationale de la France. Jusqu'à présent, le système d'évaluation de l'aide française apparaît très insuffisant. Le Comité d'aide au développement l'avait d'ailleurs souligné dans son rapport sur l'aide française au développement. Il serait donc très opportun qu'une large diffusion puisse être faite de ce rapport. L'information du Parlement a bénéficié cette année de la communication des notes de travail, souvent remarquables, de la direction du développement et de la coopération technique. Elle doit encore être complétée et améliorée.

Il est nécessaire que la coordination puisse s'organiser sur le terrain. A cet égard, un rôle pilote doit revenir à notre ambassadeur. Dans le cadre d'une expérience conduite dans six pays, les postes ont été invités en avril dernier, à préparer un " document stratégique pays " destiné à approfondir la réflexion sur les objectifs de notre coopération et l'articulation de notre coopération avec les actions menées par les autres bailleurs de fonds. Ce document devrait ensuite faire l'objet d'une concertation interministérielle et contribuer à éclairer les choix du CICID. Il sera très intéressant pour le Parlement, de suivre les résultats de cette expérience dont le principe pourrait progressivement se généraliser.

. La place du Haut Conseil pour la coopération internationale

Le Haut Conseil pour la coopération internationale a été créé dans le cadre de la réforme de la coopération. Autorité indépendante, rattachée au Premier ministre, il se compose de soixante membres choisis pour leur engagement personnel en faveur de la coopération. Il s'est vu confier quatre missions principales :

- il émet et formule des recommandations sur les politiques bilatérales et multilatérales de la France ainsi que sur l'action des opérateurs privés en matière de coopération internationale ;

- il propose toute mesure de nature à faciliter les échanges sur les diverses actions publiques et services de coopération ;

- il remet chaque année un rapport, rendu public ;

- il organise éventuellement une conférence de coopération internationale regroupant l'ensemble des acteurs publics et privés.

Quelle sera la portée des avis du Haut Conseil ? Dans quelle mesure ces recommandations seront-elles prises en compte par les pouvoirs publics ? Il est sans doute encore trop tôt pour répondre à ces interrogations ; cependant, au moment où cette institution doit s'attacher à se présenter comme un partenaire crédible de la politique de coopération, elle doit chercher à concentrer sa réflexion sur les moyens de rendre plus efficace notre aide. Le premier avis rendu par le Haut Conseil sur la coopération avec la Russie au regard des événements en Tchétchénie, n'apparaît sans doute pas, de ce point de vue, comme la démarche la plus pertinente.

Il serait regrettable que la coopération suive les voies de la francophonie avec la multiplication d'institutions dont le rôle n'apparaît pas toujours clairement et dont les compétences se recoupent.

S'il est légitime de mieux associer les représentants de la société civile à la politique de coopération internationale de la France, compte tenu de leur rôle souvent remarquable en faveur de l'aide au développement, il apparaît également aujourd'hui opportun de s'interroger sur la part exacte que le gouvernement entend donner à ces nouveaux acteurs dans sa politique de coopération.

A cet égard, deux membres du Haut Conseil ont d'ailleurs ouvert un débat sans doute utile : " ne serait-il pas temps -écrivaient-ils récemment 4 ( * ) - de faire un bilan global des entreprises de " microdéveloppement " que conduisent les ONG, françaises ou non ? Nous en connaissons tous qui ont à leurs acquis des résultats incontestables, malgré des environnements économiques désastreux. Mais, parfois leur intervention a été loin de produire les effets d'entraînement souhaités. Au-delà des bons sentiments, ne faut-il pas évaluer l'emploi réel de ces actions ? "

III. LA COORDINATION ENCORE INSUFFISANTE DES AIDES BILATÉRALES ET MULTILATÉRALES

A l'heure où le montant global de l'aide publique au développement tend à se contracter, une meilleure utilisation des moyens disponibles constitue un impératif. L'aide dispensée par les organisations multilatérales en particulier, suscite une certaine perplexité : lourdeur des dépenses de fonctionnement, retards des décaissements et, en conséquence, décalages fréquents entre les ambitions affichées et les réalisations effectives.

Ces insuffisances doivent constituer pour la France un sujet de préoccupation prioritaire dans la mesure où la part multilatérale de notre aide, même si elle demeure encore inférieure aux concours que nous apportons sur une base bilatérale, tend à s'accroître. Elle est ainsi passée de 22 % en 1994 à 27 % en 1998, et sans doute 30,4 % en 2001.

1998

1999

2000 1

2001 2

APD multilatérale

9 186

9 307

10 136

10 214

Aide européenne

4 614

4 916

5 725

7 913

Banque et Fonds de développement

2 324

2 380

3 374

3 494

Nations unies

708

731

773

788

FMI (FASR)

1 540

1 280

264

1 111

Total

33 872

34 702

30 043

33 564

1 Exécution

2 Prévision d'exécution associée au PLF

Un emploi plus efficace de l'aide multilatérale suppose aujourd'hui une meilleure articulation des aides bilatérales et multilatérales.

A. LA RESPONSABILITÉ PARTICULIÈRE DE LA FRANCE DANS LA MISE EN ORDRE, AUJOURD'HUI INDISPENSABLE, DE L'AIDE EUROPÉENNE

Notre pays est aujourd'hui le principal contributeur de l'aide européenne. Cette position le désigne tout particulièrement pour renforcer l'efficacité de politique d'aide au développement de l'Union dont les résultats sont très insuffisants.

1. La France, premier contributeur de l'aide européenne

La participation française à l'aide européenne représente actuellement 14 % du montant total de notre aide publique au développement contre 11 % en 1994. Cette évolution est principalement liée à l'importance de la quote-part française (24,3 %) au Fonds européen de développement (FED) qui place notre pays au premier rang des contributeurs européens.

A l'occasion des discussions relatives aux dotations accordées au neuvième Fonds européen de développement dans le cadre de la négociation des accords de Cotonou -signés le 23 juin dernier- destinés à prendre la suite des accords de Lomé entre l'Union européenne et le groupe des pays d'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (ACP), notre pays aurait souhaité un rééquilibrage de sa clé de contribution au FED dans un sens plus conforme à sa part dans le budget communautaire (17,5 %).

Pour préserver l'enveloppe destinée aux pays ACP, contestée par une partie de nos partenaires européens, la France a cependant dû consentir en juillet dernier, à l'heure où elle prenait la présidence de l'Union, au maintien des clés de répartition.

Toutefois, la Commission a récemment fait part de son intention de soumettre au Conseil avant 2003 un examen des avantages et des inconvénients d'une budgétisation du FED. L'intégration de l'aide aux pays ACP au sein du budget communautaire permettrait un partage des charges proportionnel aux participations des Etats membres au budget et donc une répartition plus équitable que celle retenue dans le cadre d'un fonds dont les dotations doivent régulièrement être renégociées.

2. Une meilleure utilisation des compétences nationales, gage d'une plus grande efficacité de l'aide européenne

Aujourd'hui le niveau de décaissement des crédits européens apparaît excessivement réduit. Le montant des reliquats sur le FED s'élève à près de dix milliards d'euros que les Quinze ont décidé d'engager au cours des sept prochaines années en complément des fonds accordés au titre du neuvième FED (13,5 milliards d'euros). Le volume des crédits engagés mais non décaissés apparaît encore plus élevé pour les zones non couvertes par le FED -principalement l'Amérique latine et la Méditerranée. Il atteignait, en effet, fin 1999, plus de 20 milliards d'euros. Les délais de mise en oeuvre des projets peuvent dans certains cas dépasser 8 ans.

En fait, 35 à 40 % seulement des ressources disponibles ont été à ce jour dépensés. Ces délais ont de multiples causes ; ils mettent cependant en lumière les lourdeurs administratives d'une organisation bruxelloise que de récents rapports émanant de la commission elle-même ont d'ailleurs sévèrement critiquées.

Sur la base de ce constat, le Conseil " développement " du 10 novembre dernier a souhaité jeter les nouveaux fondements d'une politique européenne de développement. Une déclaration commune du Conseil et de la Commission adoptée à cette occasion souligne en premier lieu la nécessité de favoriser une division du travail entre la Commission et les Etats membres en fonction de leurs avantages comparatifs . Elle recentre ainsi l'activité de la Communauté sur dix domaines d'interventions prioritaires : le lien entre le commerce et le développement, la promotion de l'intégration et des coopérations régionales, l'appui aux politiques macroéconomiques et l'accès équitable aux services sociaux, le développement des moyens de transports, la sécurité alimentaire et le développement rural durable, le renforcement des capacités institutionnelles. Par ailleurs, la déclaration insiste sur deux autres axes d'action : une coordination et une complémentarité accrues entre les opérations des Etats membres et celles de la Communauté d'une part, avec la Communauté et les autres donateurs internationaux, d'autre part.

Parallèlement, le Conseil soutient le processus en cours de refonte par la Commission de la gestion de l'aide extérieure, en particulier la simplification des procédures et la déconcentration des décisions en direction des différentes délégations de la Commission implantées dans les pays bénéficiaires de l'aide.

La coordination sur place avec les représentations des Etats membres devrait également être renforcée. A Bruxelles, les comités de gestion -instances de concertation entre les Etats membres et la Commission- pourraient se recentrer vers les aspects stratégiques de la coopération tandis que la mise en oeuvre des projets individuels relèvera d'un nouvel office Europaid.

Les orientations présentées lors du Conseil " développement " sont le résultat d'une prise de conscience salutaire des insuffisances de l'aide européenne. La traduction de ces objectifs dans la réalité requerra une attention vigilante de la part des autorités françaises. Deux points en particulier appellent une attention particulière : en premier lieu, la mise en place d'Europaid ne doit pas s'accompagner d'un dessaisissement du pouvoir de contrôle des Etats sur les projets financés sur fonds communautaires. Ensuite, la déconcentration des procédures au profit des délégations de la Commission ne peut produire des résultats satisfaisants que si des mécanismes de coordination applicables sur place sont effectivement arrêtés.

Pour votre rapporteur, la mise en oeuvre des fonds communautaires par les agences de développement des pays membres qui en sont dotés apparaît sans doute comme l'un des gages les plus assurés de l'efficacité de l'aide européenne. En effet, l'expérience acquise par ces organismes permettra d'adapter effectivement l'aide dont les orientations générales auront été arrêtées par le Conseil, aux besoins effectivement constatés sur place. En outre, le recours à des agences de développement garantira la bonne articulation des aides bilatérales et multilatérales, voire le développement, souhaitable, des cofinancements de projets communs.

L'Agence française de développement (AFD) constitue sans doute de ce point de vue un instrument particulièrement adapté. Du reste, il faut le souligner, l'AFD s'attache depuis plusieurs années à nouer des alliances financières et techniques avec d'autres bailleurs de fonds. Depuis trois ans, sept accords de partenariat ont ainsi été signés avec des organismes bilatéraux ou multilatéraux (notamment la KFW, l'homologue allemand de l'AFD, en janvier 1998 et la Commission européenne en juin 1999). En outre, l'AFD a signé à la fin de l'année 1998 deux accords financiers lui déléguant la gestion de crédits multilatéraux : ligne de financement de projets PME/PMI pour le compte de la Société financière internationale (20 millions de dollars), facilité de refinancement de Proparco pour le compte de la Banque européenne d'investissements (20 millions d'euros). De tels accords devraient se développer au cours des années à venir.

Il n'est pas inutile par ailleurs, de rappeler aux Etats et aux populations bénéficiaires de l'aide, que les fonds qu'ils reçoivent et dont l'origine ne leur apparaît pas toujours clairement, résultent de la conjugaison de contributions nationales. Notre pays a notamment tout intérêt à ce que son effort au titre de l'aide européenne, soit mieux reconnu. L'intervention d'un opérateur comme l'Agence française de développement ne peut, de ce point de vue, que contribuer à mieux faire percevoir cette dimension parfois négligée.

B. LE RÔLE DÉCLINANT DE LA FRANCE DANS LA DÉTERMINATION DES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT

Le souci d'une meilleure articulation des aides bilatérales et multilatérales ne s'impose pas seulement à l'échelle de l'Europe ; il concerne également les institutions de Bretton Woods. Or, jusqu'à présent, la concertation avec ces organismes présente un caractère plus formel qu'opérationnel. L'effort de coordination pourrait sans doute plus aisément se concrétiser si la France avait davantage qu'aujourd'hui la capacité de peser sur les décisions des institutions de Bretton Woods.

1. Une coopération plus formelle que réelle

La France participe régulièrement aux " groupes consultatifs " organisés par la Banque mondiale. Ces réunions annuelles associent les donateurs avec les pays bénéficiaires afin de discuter les orientations fondamentales et les priorités de l'aide. Ces réunions sont aujourd'hui trop enfermées dans un cadre formel. Aussi, notre pays a-t-il avancé plusieurs propositions pour rendre à cet exercice son utilité : ouverture des groupes consultatifs au secteur privé et à la société civile, réunion des donateurs lors de la présence des pays bénéficiaires. La France a également suggéré que les groupes se réunissent alternativement entre les sièges des bureaux de la Banque et le pays bénéficiaire.

De même, les " tables rondes " des Nations unies -pour les pays qui ne sont pas concernés par les groupes consultatifs- devraient être adaptées.

Les propositions françaises auraient sans doute plus de chance d'aboutir si notre pays savait mieux faire entendre sa voix au sein de ces instances. Or, il faut le souligner, son influence tend à décliner.

2. Une difficulté certaine à peser sur les décisions des organisations multilatérales

Cette évolution trouve son origine dans la réduction de l'effort financier consacré par la France à l'aide au développement tant bilatérale que multilatérale. Les contributions volontaires françaises à l'aide multilatérale au développement (contributions aux organisations spécialisées des Nations unies, versement aux banques et fonds de développement) ont connu une érosion constante entre 1994 et 1999. Sur cette période, elles sont en effet passées de 4,7 milliards de francs à 3 milliards de francs, (soit 9 % du montant total de l'aide publique au développement). A titre d'exemple, notre pays a apporté une contribution de 12 millions de francs à ONUSIDA, le programme commun de lutte contre le SIDA coparrainé par les Nations unies (OMS, PNUD, UNICEF, FNUAP, UNESCO) et la Banque mondiale. Cette contribution peut paraître très limitée au regard de la priorité affichée à juste titre par la France à la lutte contre ce fléau.

Le ministre délégué à la coopération a souligné devant notre commission sa volonté de mieux valoriser notre expérience et notre savoir-faire par une " participation plus active aux grands débats internationaux sur les thèmes transversaux de la coopération internationale ". L'intention, certes, est louable, encore faudrait-il qu'elle soit relayée par un effort financier sans lequel notre pays ne saurait réellement exercer une réelle influence dans la détermination des grandes orientations en matière de politique d'aide.

IV. LE PROJET DE BUDGET POUR 2001 : UN DÉCALAGE ACCRU ENTRE LES AMBITIONS ET LES MOYENS

Les modifications de nomenclature qu'ont connus en 1999, 2000 et 2001, les crédits consacrés à l'aide au développement rendent souvent difficile le suivi de l'évolution des dotations d'une année sur l'autre. Depuis la fusion des budgets des affaires étrangères et de la coopération, ces changements de présentation ne sauraient cependant dissimuler la baisse tendancielle et très préoccupante de notre effort de coopération.

Crédits votés 2000

Loi de finances initiale 2001

Evolution
en %

Concours financiers (41-43)

160

150

- 6,25

Assistance technique
(Transfert de savoir-faire) (42-12-10 ancien, 11 et 12 nouveau)

1 042

999,5

- 4

Coopération technique (bourses, appui aux organismes concourant à la coopération au développement, appui local aux projets de coopération, fonds de coopération régionaux)

669,5

630,2

- 6

Appui aux initiatives privées décentralisées (42-13)


219


220


- 0,5

Aide alimentaire (42-26)

95

98

+ 3

Coopération militaire et de défense
(42-29)


754


720


- 4,5

Fonds de solidarité prioritaire
Autorisations de programme
Crédits de paiement


(1 510)
972


(1 146)
761


- 24
- 21,7

Dons destinés à financer des projets de développement économique et social
Autorisations de programme
Crédits de paiement



(1 000)
922



(1 140)
900




- 2,3

TOTAL

4 833,5

4 328,7

- 10,4

L'évolution des crédits dévolus aux deux piliers traditionnels de notre coopération, l'assistance technique et le Fonds de solidarité prioritaire, illustre la principale faiblesse dont souffre aujourd'hui notre politique d'aide : un écart certain entre les ambitions affichées et les moyens effectivement mis en oeuvre.

A. QUEL AVENIR POUR L'ASSISTANCE TECHNIQUE ?

Etat des effectifs en octobre 2000

(Titre IV)


Statut

Coopérants décret 92

pays de l'ancien champ

Coopérants décret 67

pays de l'ex " hors champ "


Coopérants CSN

Fonctionnaires

866

263

Contractuels

480

213

Militaires hors budget

46

Contrats complémentaires

27

CSN

1 306

Total

1 419

476

1 306

Statut

Coopérants décret de 67

Titulaires

Contractuels

Total

Expatriés

219

65

284

Recrutés sur place

44

148

192

Total

263

213

476

1. Vers la disparition du modèle français de coopération civile ?

L'enveloppe destinée, en 2001, à l'assistance technique se caractérise par un changement de nomenclature et par le poursuite de la baisse des effectifs.

L'intitulé " assistance technique " disparaît pour être remplacé par deux rubriques inédites : " transfert de savoir-faire - expertise de longue durée ", " transfert de savoir-faire - missions d'experts de courte durée ". Ce changement de nomenclature semble traduire de nouvelles orientations pour l'assistance technique , même si celles-ci n'ont pas encore fait l'objet d'un vrai débat au sein du Parlement.

Dans le même temps, l'évolution de l'enveloppe globale dévolue à l'assistance technique (951 millions de francs en 2001, soit une réduction de 5 % par rapport au budget pour 2000) prolonge la tendance continue à la baisse des crédits depuis plusieurs années.

Ces évolutions apparaissent comme une remise en cause du modèle français de coopération fondé sur une présence humaine forte et prolongée dans les pays bénéficiaires de notre aide au développement. A l'expérience, le système français a montré ses atouts : une excellente connaissance du terrain, une capacité d'expertise remarquable, une certaine sagesse qui a prémuni la France contre les excès de dogmatisme parfois manifestés par le FMI ou la Banque mondiale. La présence de coopérants permet également de s'assurer d'une bonne utilisation des fonds d'aide au développement.

En outre, l'action des coopérants -en particulier dans les domaines sociaux comme la santé- apparaît comme une garantie indispensable pour favoriser l'implantation de représentants de sociétés privées françaises et de leurs familles à l'heure où le développement des investissements constitue le complément indispensable de l'aide au développement.

. Les risques de l'alignement du modèle de la coopération française sur les méthodes d'action commune aux autres bailleurs de fonds.

La portée de la modification introduite dans la nomenclature budgétaire dépend pour une large part de la place qui reviendra aux missions d'expert de courte durée au sein de l'assistance technique. L'enveloppe qui lui est allouée dans le projet de loi de finances constitue 4 % de la dotation totale attribuée à l'assistance technique. La priorité demeure à l'expertise de longue durée que représentent les coopérants " classiques ".

Il n'en reste pas moins que l'expertise de courte durée pourra se développer au cours des prochaines années. En premier lieu, le cadre budgétaire le permet désormais. Le glissement de la coopération traditionnelle vers des missions plus courtes sera par ailleurs favorisée par la suppression, décidée l'an passé, de la référence au nombre d'assistants techniques. Désormais, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, la " fongibilité " des moyens permettra un redéploiement des crédits " en supprimant des postes au profit du financement de projets ou de missions d'experts ".

En second lieu, les pouvoirs publics ont tout intérêt à développer des missions de courte durée dont le coût pour le budget de l'Etat est bien moindre, naturellement, que celui d'un détachement prolongé. Encore s'agit-il là d'un calcul à courte vue car le rapport coût/efficacité est sans doute plus avantageux pour la coopération classique que pour des séjours trop brefs dont l'impact est négligeable.

Enfin, la part croissante dévolue aux expertises brèves constituerait le prolongement logique de la tendance au raccourcissement de la durée du séjour des coopérants observée depuis plusieurs années. Désormais, le séjour hors de France est considéré comme une " parenthèse " dans un parcours professionnel. Aussi, déjà limitée à six ans pour les coopérants de l'ancien champ, la durée du séjour a-t-elle été ramenée à quatre ans afin de l'aligner sur celle qui prévalait pour les agents exerçant leurs fonctions dans un pays de l'ex " hors champ ". Or l'encadrement de la durée de séjour dans un pays combiné à la réduction générale du temps d'expatriation, s'il répondait au souci légitime de mettre fin à certaines rentes de situation, a montré, à l'expérience, certaines limites. Une application indifférenciée de ces règles conduit en effet la coopération française à se priver de cadres compétents sur des postes de haute technicité pour lesquels il n'est pas toujours possible de trouver des remplaçants. Par ailleurs, la réintégration des anciens coopérants dans leur administration ne se déroule pas toujours dans des conditions satisfaisantes : les intéressés sont loin de retrouver systématiquement des fonctions à la mesure de leurs compétences. Ces difficultés liées à une rotation accélérée de la coopération expliquent dans une certaine mesure la crise de vocation que connaît, depuis plusieurs années, l'assistance technique. Ainsi, quelque 350 postes ne peuvent être pourvus faute de candidats.

Cette situation plaide pour une mise en oeuvre plus souple des règles relatives à la durée de séjour, en particulier pour les emplois de haute technicité. Il semble aujourd'hui indispensable de préserver une assistance technique de longue durée et d'obtenir la garantie des pouvoirs publics que les expertises de courte durée, si elles peuvent se justifier dans certaines circonstances, doivent rester marginales au sein de notre dispositif de coopération.

. L'érosion des effectifs

A bien des égards, la reconnaissance de principe d'une expertise de courte durée peut justifier une baisse du nombre des coopérants et, en conséquence, la diminution de l'enveloppe budgétaire. Le nombre d'assistants techniques a baissé de 31 % en quatre ans, passant de 2 898 postes en 1997 à 1 979 en 2000. Bien que le gouvernement ait indiqué l'an dernier devant la Haute Assemblée que le niveau d'effectif se trouvait alors à l'étiage et que toute nouvelle réduction entamerait gravement notre capacité d'action, de nouvelles suppressions interviendront en 2001.

Par ailleurs, les conditions de remplacement des coopérants du service national (CSN) par des volontaires sur les postes d'assistance technique laissent prise à quelque incertitude : en 2000, le nombre des coopérants du service national s'élève à 238 dans les pays de l'ancien champ. Ils représentent un coût budgétaire annuel de 19 millions de francs (indemnité mensuelle, couverture sociale et voyages). Dès 2001, certains postes de CSN devront être transformés en postes de volontaires civils à coût constant. Un centre d'information, rattaché au ministère des affaires étrangères, a été ouvert en octobre 2000, à la suite de l'adoption de la loi relative au volontariat civil du 14 mars 2000 : il a vocation à encourager les candidatures nécessaires. Il faudra sans doute veiller à rendre suffisamment attractif ces emplois afin d'éviter que des postes -en particulier, ceux qui requièrent une certaine technicité- ne demeurent pas vacants.

. La complexité des statuts

La disparité des statuts a souvent été avancée pour différer toute réforme de notre dispositif de coopération, c'est dire l'ampleur de la tâche qu'il convient de mener à bien pour homogénéiser les règles applicables aux assistants techniques dans le cadre de la fusion des administrations de la coopération et des affaires étrangères. Jusqu'à présent, deux réglementations s'appliquent aux personnels de coopération technique selon leur affectation géographique : un décret de 1992 pour les coopérants des pays de l'ancien champ, un décret de 1967 pour ceux qui exercent leurs fonctions dans une autre partie du monde.

Un groupe de travail constitué au sein du ministère a été chargé d'élaborer le contenu d'un dispositif réglementaire destiné à entrer en application en septembre 2001. Deux orientations principales devraient être privilégiées :

- l'unification des modalités de gestion pour tous les agents de l'Etat expatriés par un arrêté spécifique aux personnels de coopération fixé dans le cadre du décret de 1967 ;

- une meilleure prise en compte de la spécificité des fonctions confiées aux agents de coopération par rapport aux missions dévolues aux personnels diplomatiques ou culturels.

La mission confiée à ce groupe de travail présente cependant un caractère quelque peu paradoxal car s'il doit s'efforcer de favoriser le rapprochement des conditions des uns et des autres, il lui faut également prendre en considération la situation particulière liée aux missions d'expertise de courte durée.

Certaines améliorations ont été apportées l'an passé au régime de 1992 : une réévaluation des majorations familiales au niveau appliqué par le régime de 1967 ; l'alignement de l'évolution des rémunérations sur le mécanisme change-prix de 1967, afin de garantir aux agents affectés dans un même pays une évolution identique de leurs émoluments en utilisant les mêmes données et en adoptant la même périodicité trimestrielle.

. La mise en place longtemps attendue des mesures de titularisation pour certains personnels contractuels

Le principe de la titularisation des contractuels de l'assistance technique avait été posé par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (dite loi " Le Pors ") mais n'avait reçu qu'une application limitée. La situation de quelque deux cents ayants droit parvenus depuis plusieurs années au terme de leur mission, laissés sans affectation et rémunérés par le ministère des affaires étrangères et l'ancien secrétariat d'Etat à la coopération, apparaissait particulièrement choquante. Les décrets fixant les conditions exceptionnelles d'intégration de ces agents non titulaires ont été enfin publiés au journal officiel le 25 août 2000. Ils fixent les principes suivants :

- la répartition des agents par corps et par ministère en fonction de leur expérience professionnelle et de leurs diplômes ;

- la mise à disposition au profit des ministères d'accueil des agents concernés dans l'attente des transferts de crédits du ministère des affaires étrangères vers les administrations d'affectation ;

- la mise en réserve par les ministères d'accueil des postes nécessaires au réemploi des agents ;

- à la date de publication des décrets, les ayants droit à la titularisation dans un corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat bénéficieront d'un délai d'option d'un an pour faire acte de candidature auprès de leur ministère d'affectation, ce délai étant ramené à six mois pour les agents de catégorie B et C. Les intéressés disposeront ensuite d'un délai d'option d'une égale durée pour accepter la proposition, unique, de titularisation formulée par l'administration avec indication du niveau de reclassement.

2. La coopération militaire : le risque de dispersion des moyens

Les crédits affectés à la coopération militaire se caractérisent par deux grandes tendances :

- une réduction globale des crédits -de 754,7 millions de francs à 720,4 millions de francs -soit - 4,5 % ;

- une redistribution au sein de cette enveloppe des moyens au détriment des pays de l'ancien champ. En effet, les crédits consacrés au pays de l'ancien champ passent de 622,5 millions de francs à 577,1 millions de francs, soit une baisse de 7,3 %, tandis que ceux destinés aux pays de l'ex-hors champ s'élèvent à 143 millions de francs contre 132 millions de francs en 2000 (et 86,1 millions de francs en 1998).

. Les effectifs

L'érosion de l'aide en personnel se poursuit avec une baisse de 1,5 % des crédits. Dans la suite des orientations mises en oeuvre depuis deux ans, le nombre d'assistants techniques augmente dans les pays de l' ex-hors champ -onze créations de poste en Europe centrale, sept dans les pays du Golfe.

. La formation des stagiaires étrangers

Les crédits consacrés à la formation connaissent une évolution comparable à ceux affectés à l'appui en personnel : une réduction de 3,4 % par rapport au budget pour 2000 (de 162,8 à 157,2 millions de francs) et un rééquilibrage en faveur des pays hors champ traditionnel (dont la part représente désormais 40,5 % du total contre 35,3 % cette année).

Le nombre de places de stage attribué aux pays de la zone de solidarité prioritaire (1 509 en 2000) sera donc sans doute réduit en 2001. La France privilégie désormais, en Afrique, le soutien à la création d'écoles nationales à vocation régionale.

Onze établissements de cette nature ont ainsi été progressivement mis en place :

• l'école militaire d'administration au Mali (EMA à Koulikoro) ;

• l'école d'état-major au Mali (EEM à Koulikoro) ;

• l'école nationale des officiers d'active au Sénégal (ENOA Thies) ;

• l'école d'application de la gendarmerie en Côte d'Ivoire (Abidjan) ;

• l'école du service de santé au Togo (ESSA Lome) ;

• le centre d'instruction naval en Côte d'Ivoire (CIN Abidjan) ;

• l'école du maintien de la paix en Côte d'Ivoire (EMP Zambakro) ;

• le centre de perfectionnement de la police judiciaire au Bénin (CPPJ Porto-Novo) ;

• l'école de soutien matériel au Burkina Faso (EDMT Ouagadougou) ;

• le centre de perfectionnement du maintien de l'ordre au Cameroun (CPMO D'Awae) ;

• l'école de pilotage au Garoua (Cameroun).

Deux nouvelles écoles ouvriront en 2001 : le centre de perfectionnement de la gendarmerie mobile de Ouakan au Sénégal et l'Ecole d'Etat-major de Libreville au Gabon.

La création et le développement d'écoles en Afrique se poursuivra dans l'objectif, d'ici 2002, de réduire de moitié la formation assurée en France en 1996. Quelque 690 stagiaires auront été formés en 2000 dans les écoles africaines à vocation régionale, 150 stagiaires supplémentaires devraient l'être en 2001 (la croissance des crédits nécessaires à la formation en Afrique, en 2001, doit, en principe, être compensée par les économies réalisées grâce à la diminution du nombre de stages effectués en France).

. L'aide en matériel

Le montant réservé aux pays de l'ancien champ passe de 175,8 millions de francs à 149,3 millions de francs, mais la dotation consacrée aux ex pays " hors champ " se réduit également (de 3,8 millions de francs à 2 millions de francs).

L'évolution des crédits consacrés à la coopération militaire confirme la double appréhension exprimée par votre rapporteur dans son avis budgétaire pour 2000. D'une part, la fusion des budgets des affaires étrangères et de la coopération s'est faite au détriment de l'effort consacré par la France à l'Afrique. Votre rapporteur ne nie pas les besoins de renforcement de notre coopération militaire avec les pays d'Europe centrale et orientale. Cependant, il regrette vivement que cette orientation conduise à une réduction de notre assistance aux pays de la zone de solidarité prioritaire alors même que la mise en place de forces de sécurité efficaces et soumises au pouvoir civil constituent un jalon décisif dans la construction de l'Etat de droit et de la stabilité nécessaire au développement économique.

En outre, le réploiement des moyens financiers, dans le cadre d'une enveloppe budgétaire réduite, condamne à une dispersion certaine de notre action, peu cohérente avec l'influence que notre pays entend mener dans le monde.

B. UN SOUTIEN ÉCONOMIQUE LIMITÉ AU REGARD DES BESOINS DE LA ZONE DE SOLIDARITÉ PRIORITAIRE

1. Les risques de tension sur les concours financiers

. Les concours à l'ajustement structurel

Les concours financiers, rappelons-le, participent au soutien des programmes d'ajustement structurel mis en oeuvre par les pays bénéficiaires, pour équilibrer leurs finances publiques. En contrepartie d'un soutien de la communauté des bailleurs de fonds à l'équilibre de leurs budgets et de leurs balances de paiements courants, les pays sous ajustement structurel s'engagent à respecter les objectifs inclus dans le document cadre de la politique économique élaborée par les autorités nationales avec l'aide des services du FMI et de la Banque mondiale et actualisée, sur une période glissante de trois ans.

Les financements d'ajustement structurel prennent deux formes :

- les dons en faveur de l'ajustement structurel pour les pays les moins avancés ;

- les prêts pour les pays à revenu intermédiaire consentis par l'Agence française de développement au nom et au risque de l'Etat, à partir de ressources procurées par emprunts sur le marché financier et bonifiées par l'article 20 du chapitre 41-43.

L'enveloppe retenue pour l'ajustement structurel (répartie à part égale entre les dons et les bonifications dotés respectivement de 45 millions de francs) se réduit de 10 %. La portée de cette évolution doit, certes, être tempérée.

D'une part, en effet, la contraction apparaît moindre que l'an dernier (- 50 %). D'autre part, elle s'explique par l'importance des reports de crédits d'une année sur l'autre, compte tenu de la sous consommation récurrente de l'enveloppe budgétaire. Cette situation vaut notamment pour les bonifications d'ajustement structurel. Ainsi, en Côte d'Ivoire où une enveloppe de 400 millions de francs avait été prévue à la demande du Trésor, aucun programme n'a pu être conclu en raison des événements politiques et des réserves des bailleurs de fonds multilatéraux. La perspective de la signature d'accords comparables avec le Congo et le Gabon apparaît également improbable d'ici la fin de l'année. Aussi les ressources disponibles au début de l'année 2001 (y compris la dotation de 90 millions de francs inscrite en loi de finances initiale) devrait s'élever à 600 millions de francs.

Cependant, plusieurs facteurs pourraient concourir à une augmentation des dépenses sur ces postes budgétaires :

- la stabilisation politique et économique dans certains pays comme la Côte d'Ivoire et le Congo est en voie de se confirmer; la marge de manoeuvre budgétaire dont disposera la France pourrait alors se révéler limitée ;

- l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) sur la dette devrait en principe concourir à réduire les besoins de financement d'ajustement. Cependant elle ne sera pas mise en oeuvre avant 2002 ;

- le contenu des programmes qui souhaitent désormais soutenir le FMI et la Banque mondiale, traditionnellement axé sur les équilibres budgétaires, est appelé à évoluer progressivement, afin de mieux prendre en compte la dimension sociale de l'ajustement et laisser une plus grande initiative aux pays bénéficiaires (assouplissement des conditionnalités et de la surveillance). Ces nouvelles orientations correspondent aux positions défendues de longue date par la France pour l'emploi des concours financiers. Elles devraient donc contribuer à impliquer davantage notre pays dans cette politique d'ajustement " nouvelle manière " avec des moyens financiers renforcés en conséquence.

. L'aide budgétaire

L'aide budgétaire est, en principe, destinée au financement d'opérations exceptionnelles. La dotation attribuée en 2000, soit 60 millions de francs, est reconduite pour 2001.

Auparavant inscrite au seul budget de l'ancien ministère de la coopération et donc réservée aux seuls pays du champ, l'aide budgétaire, à la suite de la fusion des budgets de la coopération et des affaires étrangères, a vu son champ d'utilisation s'élargir aux dimensions du monde entier, alors même que les crédits diminuaient ou, dans le meilleur des cas, stagnaient .

Ainsi, au milieu de l'année 2000, plus du tiers des opérations avaient concerné la seule Macédoine (50 millions de francs), tandis que le solde, conformément à la vocation initiale de cette dotation, bénéficiait aux pays de la zone de solidarité prioritaire : appui à l'organisation d'élections ou au processus de paix (République démocratique du Congo, réinsertion d'anciens rebelles au Niger...).

Certes, l'aide budgétaire avait bénéficié de reports de crédit d'une année sur l'autre. Cependant, ces derniers, compte tenu de la sollicitation croissante dont cette enveloppe est l'objet, ont tendance à se réduire. Ainsi, en 2000, la dotation de 60 millions de francs prévue par la loi de finances initiale pour 2000 avait été complétée par des reports de crédits à hauteur de 42 millions de francs (contre 100 millions de francs l'année précédente), et par des transferts de crédits, des bonifications de prêts et des dons en faveur de l'ajustement structurel pour un montant de 110 millions de francs.

Sur le montant total de ces ressources -212 millions de francs-69 millions de francs seulement restaient disponibles au mois de juillet. Dans ces conditions, on peut craindre qu'il n'y ait pas de report de crédits sur 2001 et que l'enveloppe prévue dans le projet de budget se révèle très insuffisante.

L'utilisation de l'aide budgétaire soulève une question de fond : cette dépense traduit un effort de solidarité particulier. Est-il normal de la consacrer à des pays situés hors de la zone de solidarité prioritaire ? Votre rapporteur ne le croit pas. Le recours aux ressources disponibles au titre des instruments d'aide au développement pour répondre aux situations d'urgence qui peuvent survenir à tout moment dans toute partie du monde altère profondément la cohérence et la portée de notre politique de coopération. L'emploi de l'aide-projet pose des problèmes du même ordre.

2. Les insuffisances de l'aide projet

L'aide projet repose sur deux instruments principaux : les dons destinés à financer des projets de développement institutionnel, social et culturel sur les ressources du Fonds de solidarité prioritaire (FSP), les dons affectés aux projets de développement économique et social mis en oeuvre par l'Agence française de développement.

. l'insuffisance des crédits du fonds de solidarité prioritaire

Les dotations prévues pour le Fonds de solidarité prioritaire s'élèvent à 1 096,9 millions de francs en autorisations de programme (soit - 24 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000) et à 711,9 millions de francs en crédits de paiement (- 21 %)

Cette diminution des moyens paraît s'expliquer principalement par le transfert des opérations multilatérales liées à la francophonie, du FSP vers le titre IV. L'imputation de ces dépenses sur le FSP apparaissait très contestable au regard des objectifs de l'aide projet et ne s'expliquait que par l'insuffisance récurrente des disponibilités sur le titre IV de l'ancien ministère de la coopération. La concentration des crédits du FSP sur l'aide projet bilatérale constitue donc une clarification indispensable.

Cette observation faite, la dotation du FSP et sa gestion appellent cependant quatre séries de critique :

- en premier lieu, malgré la relative stabilisation des moyens enregistrés cette année, l'enveloppe dévolue au FSP n'a cessé de se réduire au cours de la période récente , alors même que la mise en service de la réforme de la coopération a conduit à élargir le nombre de pays bénéficiaires de notre aide dans le cadre de la zone de solidarité prioritaire ;

- ensuite, la mise en oeuvre des projets souffre encore de nombreux retards ; ainsi la durée prévue des projets en cours, de l'ordre de 35 mois, se trouve prolongée en moyenne de 11 mois. Ces délais interviennent à plusieurs niveaux : entre la décision du comité directeur et la signature des conventions de financement (cinq à six mois séparent parfois ces deux étapes), mais aussi entre la décision d'attribution des fonds et le déblocage effectif des crédits. L'impéritie des administrations locales ne saurait toujours exonérer notre pays de ses propres responsabilités dans ces retards : évaluation insuffisante des projets, lourdeur du circuit de décision et, surtout, régulation budgétaire dont les effets conduisent souvent à bloquer une opération. Or, l'intérêt d'une opération, votre rapporteur a souvent été appelé à le souligner, peut se trouver remis en question lorsque l'exécution tarde excessivement. Aussi un véritable effort doit-il être conduit dans ce domaine ;

- par ailleurs, la nouvelle organisation du Fonds de solidarité prioritaire, fixée par le décret n° 2000-880 du 11 septembre 2000, se traduit par un affaiblissement du contrôle parlementaire tel qu'il s'exerçait dans le cadre du Fonds d'aide et de coopération (FAC). En effet, les représentants du Parlement pouvaient se prononcer au sein d'un comité directeur du FAC sur chacun des projets envisagés par l'administration ; ils ne sont désormais représentés qu'au sein d'un conseil d'orientation stratégique chargé de formuler des recommandations de caractère général " sur l'utilisation des crédits du Fonds par secteurs d'activité et par zones géographiques ", tandis que l'examen au cas par cas des opérations est renvoyé à un comité des projets composé des seuls représentants de l'administration. Ce dispositif ne paraît pas conforme aux indications données par le gouvernement lors du débat budgétaire de l'an passé. Le contrôle parlementaire, faut-il le rappeler, à l'heure où l'aide au développement se trouve de plus en plus contestée, apparaît indispensable pour en renforcer la légitimité.

- enfin, le même décret du 11 septembre 2000 prévoit que le FSP " peut financer, à titre exceptionnel, des opérations d'aide et de coopération situées, le cas échéant, hors de la ZSP " ; une telle possibilité avait déjà été utilisée l'an passé en faveur du Kosovo ; C'est là une dérive tout à fait inadmissible par rapport à la vocation du FSP.

Fonds de solidarité prioritaire
Répartition sectorielle des projets et financements approuvés en 1999

TOTAL

%

SANTE ET DEVELOPPEMENT

105 350 000

13,02

ENSEIGNEMENT, FORMATION, J & S

106 600 000

13,18

DEV. RURAL ET ENVIRONNEMENT

112 000 000

13,84

DEVELOPPEMENT INSTITUTIONNEL

60 550 000

7,48

ACTION CULTURELLE ET INFORMATION

82 300 000

10,17

RECHERCHE

10 000 000

1,24

DEV. INDUSTRIEL ET MINIER

15 000 000

1,85

ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES

56 250 000

6,95

COOPERATION DECENTRALISEE

30 000 000

3,71

INTERVENIONS A TRAVERS LES INSTITUTIONS DE LA FRANCOPHONIE

99 000 000

12,24

CD/FSD

92 000 000

11,37

OPERATIONS INTER SECTORIELLES

25 500 000

3,15

INFRASTRUCTURES

10 000 000

1,24

EVALUATIONS ET CONTRÔLE

4 500 000

0,56

TOTAL GENERAL

809 050 000

100

. Les dons destinés aux projets de développement économique et social

La mise en oeuvre des projets de développement économique, sur les ressources du budget du ministère des affaires étrangères, revient à l'Agence française de développement. La compétence de l'Agence a été élargie, dans le cadre de la réforme de notre coopération, aux infrastructures de santé et d'éducation.

En conséquence, les autorisations de programme ont été abondées de 140 millions de francs en 2001.

Quatorze projets dans le secteur des infrastructures d'éducation ont d'ores et déjà été financés (Tunisie, Maurice, Maroc, Vietnam, Sénégal, Laos et Algérie), trois sont en cours d'instruction pour le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire et l'Afrique du Sud. Deux projets relatifs à des infrastructures de santé ont été financés (Tchad et Sénégal).

Par ailleurs, l'AFD a été conduite à intervenir cette année dans des régions qui n'appartiennent pas à la zone de solidarité prioritaire. Ainsi, elle est intervenue au Kosovo pour un montant de 36 millions de francs, financé sur une subvention complémentaire par rapport à l'enveloppe dont elle disposait. L'expérience et le savoir-faire de l'Agence peuvent certes bénéficier dans des régions comme les Balkans. Même si cela n'a pas été le cas l'an passé, on ne peut toutefois exclure la tentation de financer cette nouvelle orientation par un redéploiement des crédits au préjudice de la zone de solidarité prioritaire. Il faut donc rappeler que l'extension du champ d'action géographique de l'Agence suppose de moyens budgétaires supplémentaires.

. La coopération décentralisée : une priorité politique sans réels moyens financiers

Les crédits dévolus à la coopération décentralisée passent de 37,7 (ou 37,7 millions de francs à 42,7 millions de francs (soit une progression de 13 %). Cette évolution positive répond à la priorité affichée par le gouvernement, lors des rencontres nationales de la coopération décentralisée, en 1999, au cours desquelles cette forme de coopération avait été reconnue comme un " volet important de l'action internationale de la France ".

Le bilan de la coopération décentralisée en 2000 témoigne d'une forte concentration des projets sur quelques zones comme l'Afrique ou certains pays tels que la Roumanie, la Pologne, la Hongrie et le Vietnam.

L'intervention de l'Etat dans le cadre de cofinancements vise trois objectifs principaux :

- permettre le " bouclage " d'opérations utiles, techniquement bien étudiées mais dotées d'un financement insuffisant ;

- manifester l'intérêt des pouvoirs publics pur une opération ainsi " labellisée " susceptible d'accroître la crédibilité d'une action aux yeux du partenaire étranger ;

- inciter d'autres collectivités à s'engager dans de nouvelles opérations dont la mise en oeuvre est souhaitée dans le cadre des évolutions stratégiques décidées.

Par ailleurs, le renforcement institutionnel, la formation supérieure d'étudiants et chercheurs et l'appui aux partenariats d'entreprises constituent les orientations privilégiées dans le cadre des contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006 avec, sur 7 ans, un montant prévu de cofinancement de 95 millions de francs. Un dispositif institutionnel a par ailleurs été mis en place à la faveur de la réforme sous la forme d'une mission pour la coopération intergouvernementale au sein de la DGCID. Cette mission dispose d'un bureau plus particulièrement chargé de la liaison avec les collectivités locales françaises, leurs associations et leurs partenaires en France et à l'étranger.

En novembre 2000, le ministère des Affaires étrangères a prévu la publication d'un " guide de la coopération décentralisée " destiné à fournir aux élus ainsi qu'à l'ensemble des intervenants de la coopération décentralisée l'essentiel des références institutionnelles, juridiques, techniques et financières de la coopération décentralisée.

A cet outil d'information s'ajoutera le tableau de la coopération décentralisée , travail entrepris également dans le cadre de la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD). Avant la fin de l'année 2000, les premiers résultats par types de collectivités devraient pouvoir être présentés. Ils seront complétés par une approche par pays ou thématique.

Sur 234 opérations présentées pour un cofinancement (au 16-08-00) pour un montant total de 34,68 millions de francs, la répartition géographique pour les principaux bénéficiaires est la suivante :


Pays


Nombre de
projets

Montant total
de financement
(KF)

Roumanie

29

2 045,14

Maroc

14

2 184 ,93

Vietnam

14

1 549,50

Pologne

13

1 300,75

Burkina Faso

8

290,81

Bassin Méditerranéen

7

1 544,00

Hongrie

7

1 083,48

Palestine

6

947,75

Algérie

6

915,50

Cuba

5

991,50

Bénin

3

1 772,85

Répartition par type de collectivités territoriales

Nombre de projets (en pourcentage) présentés par :

Régions

Départements

Communes

Projets dits
d' " Intérêt général "

23,9 %

20,1 %

45,7 %

10,3 %

La coopération décentralisée, si elle doit encore être renforcée, ne saurait, en aucun cas, servir de prétexte au désengagement de l'Etat.

CONCLUSION

L'évolution des crédits consacrés à l'aide au développement pour 2001 suscite les plus vives inquiétudes .

En premier lieu, le décalage s'accroît entre les ambitions désormais étendues à la dimension de la zone de solidarité prioritaire et une enveloppe financière réduite . Ce décalage apparaît d'autant plus préoccupant qu' une partie des dotations, en principe destinées à la zone de solidarité prioritaire, servent en fait à financer des opérations dans d'autres parties du monde . Les moyens sont ainsi non seulement diminués, mais aussi employés dans des conditions tout à fait étrangères à leur vocation initiale. Il y a donc là une évidente contradiction et une incohérence avec les objectifs affichés en faveur de la zone de solidarité prioritaire, mais plus encore un risque d'affaiblissement de notre politique extérieure. La dispersion de crédits réduits sur la totalité du globe, conduira en effet de manière inéluctable, à une dilution de notre influence. Ce n'est naturellement pas là l'objectif recherché par notre diplomatie. Un sursaut salutaire est donc indispensable.

Une place prioritaire doit rester accordée à l'Afrique . Il convient de ne pas dilapider le capital de confiance, d'amitié et d'estime que valent à la France sa fidélité aux liens tissés par l'histoire, mais aussi une réelle solidarité financière.

Notre aide, tout en restant concentrée, doit s'adapter, se moderniser, devenir plus efficace. Il faut, en particulier, encourager les investissements , à terme, sans doute, la meilleure chance de développement pour l'Afrique .

A cet égard, notre communauté française, forte de quelque 150 000 personnes, porte les chances d'un véritable renouveau économique pour le continent. Encore faudrait-il qu'elle bénéficie de certaines garanties de la part des pouvoirs publics français. Or, lorsque nos compatriotes se trouvent ruinés à la suite d'événements politiques dans lesquels ils n'ont évidemment aucune part de responsabilité, rien n'est fait pour assurer des conditions d'indemnisation comparables à celles dont bénéficient, à juste titre, en cas de circonstances exceptionnelles, les Français restés sur notre territoire . C'est là une anomalie incompréhensible au moment où le gouvernement entend favoriser l'expatriation. La question récurrente des pensions des retraités français ayant exercé en Afrique n'est pas moins douloureuse.

Les futurs accords qui seront conclus dans le cadre des opérations d'annulation de dette bilatérale devront porter une attention vigilante à la remise en ordre financière des régimes africains de caisses de retraite, afin de restaurer un paiement normal et régulier des pensions. Plaider pour les Français en Afrique, c'est aussi, ne l'oublions jamais, favoriser le développement du continent.

S'il était encore possible de se prononcer sur un budget séparé de la coopération, ce qui n'est plus le cas depuis 1998, votre rapporteur pour avis aurait appelé à rejeter des crédits très insuffisants. Dans la mesure où le vote porte sur l'ensemble des budgets des affaires étrangères, votre rapporteur s'en remet à l'avis favorable proposé par votre commission.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a examiné le présent avis au cours de sa réunion du 22 novembre 2000.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Guy Penne a relevé que, d'après les informations qui lui avaient été communiquées par le rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits d'aide au développement, M. Michel Charasse, 70 % des crédits européens destinés à l'Afrique n'étaient pas utilisés. Constatant par ailleurs que la France contribuait, pour près de 30 %, au financement de l'aide communautaire, il a souhaité que notre pays, et en particulier son Parlement, soit mieux informé des conditions d'utilisation des fonds européens.

M. Xavier de Villepin, président, a partagé les préoccupations exprimées par Mme Paulette Brisepierre et M. Guy Penne sur l'aide européenne. Il a rappelé à cet égard les critiques qui avaient été présentées, notamment lors de la Conférence euroméditerranéenne de Barcelone, sur le programme MEDA. S'il a rendu hommage aux initiatives du commissaire européen chargé des relations extérieures, M. Chris Patten, pour adapter le dispositif d'aide européen, il a souligné que l'effort à entreprendre restait considérable. Il a rappelé l'importance du rapport d'information sur la réforme de la coopération qui avait été confié par la commission aux trois rapporteurs pour avis sur le budget des affaires étrangères, MM. Guy Penne, André Dulait et Mme Paulette Brisepierre. Il a insisté, en effet, sur la nécessité pour le Sénat d'obtenir des informations objectives et précises sur la mise en oeuvre de cette réforme, ainsi que sur la répartition géographique de notre aide. Il a estimé également qu'il convenait d'évaluer la politique d'aide au développement française dans un contexte international d'une grande complexité marquée notamment par la persistance de tensions dans les Balkans, ainsi que par la dégradation inquiétante de la situation sur le continent africain.

M. Christian de La Malène et M. Michel Caldaguès ont souligné que la France, grande puissance, devait disposer de moyens à la mesure de ses ambitions. M. Xavier de Villepin, président, a regretté, pour sa part, la diminution des moyens dévolus à nos institutions publiques et, en particulier, au Quai d'Orsay.

M. Michel Caldaguès a souhaité, pour sa part, que la capacité d'investigation du Parlement puisse pleinement s'exercer sur les conditions d'utilisation de la contribution française aux fonds européens destinés à l'aide au développement.

Avant de consulter la commission sur l'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères, M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que les trois rapporteurs pour avis avaient émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits tout en l'assortissant de plusieurs critiques. M. Xavier de Villepin, président, a indiqué qu'il partageait les inquiétudes manifestées par les rapporteurs pour avis et déplorait la paupérisation progressive de notre outil informatique. Il a cependant estimé souhaitable, compte tenu de la stabilisation globale des crédits, de donner, comme l'an passé, un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2001.

La commission a alors émis un avis favorable sur l'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.

ANNEXE -
AIDE FRANÇAISE AU DÉVELOPPEMENT PAR PAYS

(en millions de FRF)

1995

1996

1997

1998

1999

I. EUROPE

164

270

230

269

1 164

Albanie

5

16

13

11

16

Chypre

7

13

Gibraltar

0

0

0

Grèce

- 2

0

Malte

1

1

1

1

1

Turquie

91

161

131

169

144

Moldavie

0

5

5

Etats de l'ex-Yougoslavie

8

0

dont :

Slovénie

3

4

4

5

6

Croatie

7

12

15

11

12

Bosnie-Herzégovine

13

37

29

30

713

Macédoine

3

7

14

5

50

Rep. Féd. de Yougoslavie

7

16

18

19

19

Europe non ventilé

21

4

6

12

199

II. AFRIQUE

18 146

17 006

16 387

13 669

12 773

II.A. NORD DU SAHARA

4 645

4 581

3 726

4 214

4 043

Algérie

918

1 233

798

683

458

Egypte

2 242

1 541

1 657

1 817

1 564

Libye

8

2

2

5

5

Maroc

974

1 487

900

1 173

1 377

Tunisie

431

301

352

533

637

Nord Sahara non ventilé

73

17

17

2

2

II. B. SUD DU SAHARA

13 475

12 426

12 661

8 969

8 687

Angola

175

61

33

42

53

Bénin

271

226

155

170

170

Bostwana

4

4

4

4

3

Burkina Faso

556

512

329

378

342

Burundi

87

67

34

30

27

Cameroun

1 323

900

1 167

901

830

Cap Vert

43

30

32

30

43

République centrafricaine

262

341

181

181

189

Tchad

360

376

281

249

215

Comores

79

98

81

78

68

Congo Rep. démocratique

73

76

75

58

59

Congo

436

1 081

1 415

121

128

Côte d'Ivoire

2 575

1 536

780

1 126

1 240

Djibouti

211

240

269

235

255

Guinée équatoriale

40

45

30

26

29

Erythrée

10

21

10

7

7

Ethiopie

53

55

44

62

65

Gabon

535

524

121

187

179

Gambie

9

4

4

3

7

Ghana

117

82

73

27

23

Guinée

518

270

284

323

230

Guinée-Bissau

41

58

35

26

12

Kenya

66

87

35

20

22

Lesotho

17

15

12

7

-2

Liberia

2

2

5

8

0

Madagascar

456

521

1 815

407

488

Malawi

8

13

10

3

1

Mali

408

421

369

352

359

Mauritanie

256

231

179

175

142

Maurice

80

38

62

48

64

Mayotte

530

634

597

616

673

Mozambique

214

106

263

219

209

Namibie

15

19

39

62

29

Niger

367

444

552

390

276

Nigeria

78

31

23

18

32

Rwanda

25

53

63

165

33

Sainte-Hélène

0

Sao Tome & Principe

58

54

40

28

27

Sénégal

1 138

909

830

839

1 394

Seychelles

15

19

20

-1

13

Sierra Leone

29

18

17

8

3

Somalie

23

6

9

5

4

Afrique du sud/communautés noires

89

69

198

216

171

Soudan

19

26

17

23

16

Swaziland

- 0

- 0

-0

-10

0

Tanzanie

101

18

465

44

30

Togo

339

184

190

187

120

Ouganda

48

65

30

17

10

Zambie

40

9

18

62

109

Zimbabwe

50

32

-4

-5

1

Sud du Sahara non ventilé

1 227

1 797

1 369

804

289

II. C. AFRIQUE NON SPECIFIE

25

486

42

III. - AMERIQUE

1 880

1 235

1 014

1 033

1 026

III. A. DU NORD ET DU CENTRE

583

409

383

445

436

Antigua & Barbuda

0

0

0

0

Barbade

0

0

0

0

Bahamas

0

Belize

0

Bermudes

0

Caimanes iles

0

Costa Rica

29

26

21

13

18

Cuba

16

11

31

13

6

Dominique

5

14

1

-1

-6

République dominicaine

9

20

26

19

10

El Salavador

10

21

38

43

24

Grenade

5

7

5

3

1

Guatemala

20

11

9

20

28

Haïti

155

152

145

108

88

Honduras

55

7

7

44

114

Jamaïque

32

-1

-1

-5

-5

Mexique

135

33

60

64

75

Antilles néerlandaises

0

Nicaragua

79

52

7

87

43

Panama

2

2

2

2

1

St. Kitts & Nevis

2

5

1

2

2

Ste Lucie

18

40

26

22

-2

St. Vincent

4

5

3

0

2

Trinité et Tobago

2

4

3

3

3

Turks et Caiques, iles

0

Amérique NC non ventilé

6

9

33

III. B. A. DU SUD

1 297

805

631

501

532

Argentine

45

40

39

44

47

Bolivie

147

228

81

72

85

Brésil

41

66

108

25

130

Chili

148

222

101

67

56

Colombie

110

84

82

70

71

Equateur

41

58

56

42

49

Guyana

0

0

0

1

3

Paraguay

1

1

1

4

4

Perou

113

59

102

126

46

Surinam

0

0

0

1

1

Uruguay

23

22

18

9

11

Venezuela

40

24

21

35

23

Amérique du sud non ventilé

587

21

7

6

III. C. AMERIQUE NON SPECIFIE

21

87

58

IV. ASIE

3 232

2719

2 292

2 071

1 979

IV. A. MOYEN-ORIENT

674

718

696

646

655

Bahrein

2

2

2

3

3

Iran

44

64

65

60

55

Irak

6

13

20

12

11

Israël

51

55

Jordanie

91

99

66

70

61

Koweit

7

Liban

153

211

232

235

248

Oman

2

3

2

4

3

Terri. Autonomes palestiniens

28

49

75

99

74

Qatar

6

Arabie saoudite

20

11

9

21

21

Syrie

62

67

65

71

78

Emirat arabes unis

10

Yemen

73

61

75

59

87

Moyen-Orient non ventilé

118

83

86

12

12

IV. B. ASIE CENTRALE ET DU SUD

439

333

393

186

43

Afghanistan

17

13

10

13

8

Arménie

10

30

25

14

13

Azerbaïdjan

2

2

2

19

9

Bangladesh

137

139

94

81

87

Bhoutan

0

0

0

1

0

Georgie

1

13

11

5

8

Inde

24

76

212

-79

-176

Kazakhstan

8

9

9

11

11

Kirghize, rép.

1

1

7

21

2

Maldives

0

0

0

Myanmar (Birmanie)

22

11

11

11

10

Nepal

15

10

20

19

12

Pakistan

194

27

-30

54

50

Sri Lanka

5

-8

9

2

-4

Tadjikistan

0

0

1

0

0

Turkménistan

0

1

1

2

2

Ouzbékistan

4

9

10

13

12

Asie du sud non ventilé

IV. C. CENTR. & EXTREME-ORIENT

2 120

1 635

1 166

1 160

1 223

Brunei

0

Cambodge

267

267

158

126

136

Chine

455

497

293

176

284

Hong-Kong

12

11

Indonésie

441

146

73

144

130

Corée, dem.

0

0

0

0

Corée, rep.

39

52

55

60

60

Laos

42

84

86

69

66

Macao

0

0

0

Malaisie

65

18

5

-11

-13

Mongolie

5

2

4

12

12

Philippines

179

140

71

144

59

Singapour

12

Taiwan

16

23

Thaïlande

42

53

48

38

-16

Timor

4

Viet Nam

469

344

373

390

487

Extrême-Orient non ventilé

77

11

13

IV. D. ASIE NON SPECIFIE

32

36

80

57

V. OCEANIE

4 477

4 279

4 159

4 518

4 456

Cook, iles

1

0

0

0

Fidgi

4

6

6

3

6

Kiribati

0

0

0

Nauru

0

0

Nouvelle-Calédonie

2 201

1 998

1 958

1 976

1 932

Niue, ile

0

Papouasie nouvelle Guinée

1

3

2

3

1

Polynésie (FR)

2 216

2 056

2 127

2 172

2 172

Salomon, iles

1

2

0

-1

-1

Tonga

1

1

2

3

2

Tuvalu

0

0

1

2

1

Vanuatu

51

46

44

48

35

Wallis et Futuna

0

274

308

Samoa occidental

1

1

1

1

1

Océanie non ventilé

0

166

18

36

0

VI. PVD NON SPECIFIE

Total de l'aide bilatérale

Aide multilatérale

APD totale

4 184

32 084

10 055

42 139

3 928

29 438

8 681

38 119

3 795

27 877

8 931

36 808

3 126

24 686

9 186

33 872

3 997

25 394

9 308

34 702

* 1 L'Afrique peut-elle revendiquer sa place dans le XXIe siècle ? mai 2000.

* 2 La direction du développement et de la coopération technique ; la direction de la coopération culturelle et du français ; la direction de la coopération scientifique, universitaire et de recherche ; la direction de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication.

* 3 Le comité interministériel réunit, sous la présidence du Premier ministre, le ministre des affaires étrangères, le ministre chargé de l'économie et des finances, le ministre chargé de la recherche, le ministre de l'Intérieur, le ministre de la défense, le ministre chargé de l'environnement, le ministre chargé de la coopération, le ministre chargé du budget, le ministre chargé de l'outremer, ainsi que, le cas échéant, les ministres intéressés par les questions inscrites à l'ordre du jour.

* 4 Pascal Boniface et Jean-Luc Domenach. Y a-t-il une politique de coopération, Libération, 12 septembre 2000.

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