Avis n° 96 (2000-2001) de M. Paul BLANC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 23 novembre 2000

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N° 96

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

VILLE

Par M. Paul BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Claire-Lise Campion, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570

Sénat : 91 et 92 (annexe n° 19 ) (2000-2001)

Lois de finances .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le troisième projet de budget présenté par M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, affiche une hausse spectaculaire des crédits de 70 % qui les porte de 1,4 à 2,4 milliards de francs, en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, dans un contexte où les dépenses nettes du budget général progressent à un taux modéré de 0,5 %.

A vrai dire, ce projet de budget enregistre l'effet du caractère tardif de l'annonce des nouvelles mesures pour la ville, en décembre 1999, qui n'avaient donc pu être entièrement transcrites dans le projet de budget pour 2000.

C'est en effet lors du comité interministériel des villes (CIV) du 14 décembre 1999 que le Premier ministre a décliné son programme " pour des villes renouvelées et solidaires " en matière de restructuration urbaine, de revitalisation économique et sociale et de renforcement des services publics.

Ce programme était attendu depuis 1997 dans des quartiers qui concentrent les difficultés économiques et sociales, conjuguées parfois à une violence urbaine endémique, et où les attentes des populations sont d'autant plus fortes que la reprise économique ne produit pas tous ses effets.

Votre commission a estimé que, si le projet de budget du ministère de la ville pour 2001 présentait des aspects positifs, la politique proposée pour faciliter le retour à l'emploi et revitaliser la vie économique reposait en revanche sur des principes contestables qui risquaient de manquer d'efficacité.

Votre commission a tout d'abord relevé des éléments positifs :

S'inscrivant dans le nouveau cycle de la politique contractuelle avec les villes et les régions ouvert par le XII e Plan (2000-2006), le budget renforce les crédits du Fonds interministériel pour la ville (FIV) qui atteindront près d'un milliard de francs en 2001 ; l'effort de simplification des procédures, voulu dès 1995, est donc poursuivi -même si celui-ci tarde, semble-t-il, à être entendu au niveau des échelons déconcentrés de l'Etat.

Par ailleurs, ce budget amorce le financement des 50 grands projets de ville (GPV) qui amplifient et prolongent les grands projets urbains (GPU) lancés par Mme Simone Veil en 1993, et pourront conduire à des résultats intéressants si la démarche ambitieuse qui est proposée est effectivement appliquée.

Enfin, l'augmentation des dépenses de fonctionnement du ministère en 2001 n'est plus consacrée au développement pléthorique des dépenses de communication mais est utilement orientée vers le renforcement des moyens d'information et de conseil aux chômeurs dans les quartiers difficiles à travers la mise en place des équipes " emploi-formation ".

Votre commission a toutefois regretté la stagnation, constatée depuis deux ans, des moyens consacrés aux opérations " Ville-Vie-Vacances " pour lesquelles les collectivités territoriales assurant l'accueil des jeunes sont très sollicitées ; elle a regretté également l'absence d'un véritable redéploiement des dépenses " médiatiques " du ministère.

Mais, c'est sur la nouvelle politique proposée en matière de revitalisation économique et sociale que votre commission se déclare la plus réservée.

Le bilan du Pacte de relance pour la ville de 1996 dans les zones franches urbaines montre que, non seulement l'hémorragie d'emplois des années 80 a été jugulée, mais aussi que 40.000 embauches peuvent être réalisées dans des zones réputées sinistrées ; pourtant, le Gouvernement a clairement maintenu son option d'une sortie progressive du dispositif à compter de 2002.

Votre commission considère que les réticences du Gouvernement à l'égard de ce dispositif sont sans doute excessives, d'autant qu'elle doute de l'efficacité des alternatives proposées.

S'agissant de l'emploi, le dispositif des adultes-relais, largement inspiré des emplois-jeunes, est en fait un instrument classique et coûteux de lutte contre le chômage par la création d'emplois parapublics non marchands qui n'apporteront pas de garantie de réinsertion durable pour les intéressés.

Concernant le développement économique, le Fonds de revitalisation économique met certes en place des moyens nouveaux ; mais votre commission doute de l'efficacité de ce dispositif qui obéit à une logique dépassée d'économie administrée à l'aide de subventions et n'échappera pas au risque de saupoudrage des moyens.

Pour avoir un effet tangible, ce fonds devrait être calculé moins chichement, ce qui ne permettrait vraisemblablement pas pour autant de lui assurer la même efficacité qu'un mécanisme d'exonérations fiscales et sociales.

Dans ces conditions, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption du projet de budget pour la ville pour 2001, tel que transmis par l'Assemblée nationale.

I. FACE À DES QUARTIERS SENSIBLES QUI CONCENTRENT LES DIFFICULTÉS, LE GOUVERNEMENT PRÉCISE ENFIN LES LIGNES DE SA POLITIQUE

Pour la première fois depuis l'entrée en fonction en juin 1997 de l'actuel Gouvernement, ce budget va de pair avec la mise en oeuvre d'orientations et de mesures nouvelles au titre de la politique de la ville.

Il traduit en effet les conséquences des diverses décisions annoncées lors du comité interministériel des villes (CIV) du 14 décembre 1999.

Ces orientations étaient d'autant plus attendues que les quartiers en difficulté présentent des indicateurs économiques et sociaux très dégradés et que l'attente des populations y est très forte.

A. DES QUARTIERS FACE À UNE SITUATION DÉGRADÉE

1. Des difficultés économiques et sociales très concentrées

La délégation interministérielle à la ville (DIV) a peu progressé quant à la connaissance statistique des quartiers sensibles puisque les données du recensement INSEE de 1999 sont toujours en cours de traitement. Seul le dénombrement provisoire de la population des communes est actuellement disponible. Les données décrivant les caractéristiques des habitants des quartiers et de leur logement devraient être disponibles en janvier 2001 et les données économiques et socioprofessionnelles, à la fin de l'année prochaine seulement.

En 1997, la délégation interministérielle à la ville a fait réaliser par l'Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) une exploitation particulière du recensement général de la population de 1990 pour préciser et réactualiser la situation socio-démographique des zones urbaines sensibles (ZUS), des zones de redynamisation urbaine (ZRU) et des zones franches urbaines (ZFU) instituées par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. Ces données déjà anciennes sont pourtant les seules aujourd'hui disponibles.

La population des quartiers identifiés dans les contrats de ville (environ 1.400 quartiers) est de 6,5 millions de personnes, pour 17 millions d'habitants dans les communes signataires des contrats de ville.

Quatre régions représentent à elles seules plus de la moitié de la population résidant dans un quartier prioritaire : l'Ile-de-France (30 % des habitants des ZUS de la métropole), le Nord-Pas-de-Calais (9,2 %), Provence-Alpes-Côte d'Azur (8,6 %) et Rhône-Alpes (8,5 %).

En métropole, la population de ces quartiers est de 4.688.000 habitants dans les ZUS (soit 8,2 % de la population française), 3.238.000 dans les ZRU (soit 5,6 % de la population française) et 724.000 dans les ZFU (soit 1,4 % de la population française).

Les jeunes de moins de 25 ans représentent 43 % de la population contre 35 % en moyenne pour les villes auxquelles appartiennent les ZUS. 53 % de ces jeunes poursuivent des études (contre 61 % en moyenne dans les villes correspondantes) et 36,7 % de ceux qui sont sortis du système scolaire déclarent n'avoir aucun diplôme.

Par ailleurs, le taux de chômage moyen est de 18,9 % dans les ZUS, de 20,6 % dans les ZRU et de 21,3 % dans les ZFU. Le chômage touche particulièrement les jeunes : en mars 1990, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans s'élevait à 28,5 % dans les ZUS, 30,2 % dans les ZRU et 31,2 % dans les ZFU alors que ce même taux était de 21,1 % dans l'ensemble des agglomérations où se situent ces quartiers et de 19,9 % pour la France métropolitaine.

Taux de chômage dans les quartiers prioritaires

(en pourcentage)

ZUS

ZRU

ZFU

Agglomérations ayant une ZUS

Taux de chômage des 15 à 59 ans (hommes)

15,4

16,6

17,0

7,9

Taux de chômage des 15 à 59 ans (femmes)

23,5

25,8

27,0

10,4

Taux de chômage des 15 à 24 ans (hommes)

24,1

25,4

26,3

17,2

Taux de chômage des 15 à 24 ans (femmes)

33,5

35,6

36,1

24,7

Taux de chômage (ensemble)

18,9

20,6

21,3

11,6

Source : recensement de la population de 1990, INSEE - " INSEE- Première " n° 573 - avril 1998.

Enfin, la part des ménages dont la personne de référence est de nationalité étrangère est en moyenne de 16 %, soit le double du taux prévalant dans l'ensemble des agglomérations.

Toutefois, cette moyenne recouvre une grande variabilité des situations locales, allant d'une absence de sur-représentation par rapport à la réalité communale (pour environ une ZUS sur 10) à des situations où la proportion de ménages étrangers dans la ZUS est plus de trois fois plus élevée que sur l'ensemble de la commune (dans un peu plus de 10 % des cas).

Par ailleurs, en 1993-1994, l'INSEE a réalisé une étude sur 500 quartiers dits " sensibles " qui dresse un inventaire des handicaps économiques sociaux et culturels de ces quartiers et montre que l'exclusion est un phénomène social avant d'être urbain 1 ( * ) .

Tous les indicateurs sociaux ne sont pas " alarmants " dans chacun des quartiers, mais ces derniers présentent bien, en moyenne, un profil dégradé aussi bien par rapport à l'agglomération dont ils font partie qu'en comparaison de la moyenne nationale : ainsi, 45 % des jeunes de 16 à 25 ans vivent-ils dans un ménage touché par le chômage contre 24 % en moyenne nationale ; l'habitat est souvent de médiocre qualité : la mauvaise isolation acoustique concerne 59 % des habitations dans les quartiers contre 31,6 % en moyenne nationale.

Le poids de l'aide sociale dans les revenus est particulièrement important : pour 26,1 % des ménages, les prestations sociales représentent plus du quart des revenus déclarés contre 13,6 % en moyenne nationale.

Enfin, il est frappant de constater que 66 % seulement des habitants se sentent en sécurité dans un quartier, dit " sensible " contre 86,2 % en moyenne nationale.

2. La violence urbaine est un facteur aggravant plus qu'un symptôme

Votre rapporteur souligne à l'occasion de cet avis budgétaire que l'insécurité et la violence urbaine constituent des facteurs aggravants qui pèsent sur le développement des quartiers.

En réponse aux interrogations de votre rapporteur, la DIV estime que la progression des violences urbaines, ces deux dernières années, a tendance à se ralentir : après avoir augmenté, depuis 1945, de 46 à 62 % par an, le nombre d'incidents n'a progressé que de 10 % en 1999 (288.500 incidents contre 261.131 en 1998), et la tendance se confirmerait sur les premiers mois de l'année 2000. La même tendance vaudrait pour les agressions contre les policiers, avec 330 faits répertoriés dans 167 villes au cours des cinq premiers mois de l'année 2000, contre 530 faits dans 247 villes pour la même époque de 1999.

Il reste que la situation s'est fortement dégradée au cours des dix dernières années.

En 1993, 485 quartiers " à problèmes " avaient été recensés ; ils étaient au nombre de 818 en 1999. Cependant, durant cette période, 128 quartiers considérés comme " sensibles " ont connu une décroissance en termes de violences urbaines. Toutefois, celle-ci est due parfois à la mise en place " des prémisses d'une économie souterraine des produits de la délinquance, laquelle se marie mal avec des manifestations à forte visibilité ".

Par ailleurs, en 1998, 174 quartiers ont été le théâtre de violences contre des policiers, contre 117, cinq ans plus tôt.

Votre rapporteur souligne que la violence urbaine est aggravée par plusieurs phénomènes particulièrement préoccupants.

Tout d'abord, la violence tend à se diffuser par un phénomène de " tache d'huile ", dans les territoires limitrophes, notamment les espaces périurbains à vocation agricole ainsi que dans des communes urbaines moyennes jusqu'alors épargnées.

Les violences urbaines tendent de plus en plus à se produire hors des quartiers d'origine de leurs auteurs. C'est ainsi qu'en 1998 près de 15 % des incidents ont été enregistrés dans des communes ne comptant pas de quartiers sensibles à proprement parler.

L'extension du phénomène des quartiers sensibles vers les zones rurales est statistiquement avérée : ainsi 42 départements ont franchi le cap des 100 incidents sur les cinq premiers mois de cette année. Parmi les nouveaux inscrits sur la liste des départements touchés par la violence urbaine se trouvent la Loire Atlantique, le Gard, le Var, la Moselle, le Maine-et-Loire, l'Indre-et-Loire, le Finistère, le Calvados et l'Aisne.

Un autre aspect inquiétant est celui de la montée de la délinquance des mineurs qui sont impliqués dans une affaire sur cinq aujourd'hui, au lieu d'une sur dix en 1972 : 21 % des infractions donnent lieu à la mise en cause de mineurs en 1998 contre 10 % en 1972. 45 % des vols avec violence sont le fait de délinquants âgés de moins de 18 ans.

Se développent en outre des phénomènes de constitution de bandes , c'est-à-dire de regroupements plus ou moins fluctuants formés autour de meneurs et sans véritable hiérarchie, dont l'objectif commun est la défense du territoire et souvent le trafic de stupéfiants. Les violences urbaines sont ainsi parfois très localisées à une zone déterminée d'un quartier et les " protagonistes recensés sont généralement quelques dizaines de jeunes âgés de 16 à 25 ans et ne sont donc pas représentatifs de la population " selon la réponse transmise par le Gouvernement.

Il y a lieu de se demander si certains quartiers ne sont pas entrés dans une dérive mafieuse visant notamment au contrôle d'une économie parallèle de la drogue.

De plus, votre rapporteur souligne la persistance de phénomènes graves : la prolifération non maîtrisée des armes , y compris en milieu scolaire, apparaît particulièrement intolérable.

Enfin, le développement des violences et des agressions à l'égard des agents des services publics dans les quartiers difficiles et, d'une manière générale, à l'égard de toutes les professions en contact avec le public, est inacceptable.

Il importe finalement de souligner que le raisonnement simpliste selon lequel la délinquance ne serait en quelque sorte que le produit du chômage est des plus contestable.

Une étude récente du Conseil économique et social régional (CESR) de la région d'Ile-de-France souligne en effet que si, de 1917 à 1984, les courbes des vols avec violence et du chômage des personnes âgées de 15 à 19 ans sans diplôme ont progressé de concert, il apparaît en revanche, depuis 1985, que les deux courbes se sont dissociées : la courbe des vols avec violence n'a cessé d'augmenter alors qu'à compter de 1992 celle des chômeurs non diplômés aurait diminué. La violence urbaine ne peut s'expliquer uniquement par le désoeuvrement.

3. Les attentes fortes des populations

A l'occasion des rencontres nationales des acteurs de prévention de la délinquance en mars 1999, la DIV avait fait réaliser un sondage par la SOFRES auprès des habitants des quartiers sensibles.

Ce sondage est l'élément d'information le plus important dont on dispose sur la réalité de la perception des besoins des habitants sur le terrain.

Question : dites-moi si vous considérez comme essentiel, important, secondaire ou inutile chacun des points suivants dans le quartier dans lequel vous habitez ?

Essentiel
%

Important
%

Secondaire
%

Inutile
%

NSP (1)
%

La sécurité

58

37

3

1

1

L'emploi dans le quartier ou à proximité

57

35

4

2

2

La propreté

53

40

4

3

-

Les écoles

44

37

7

5

7

Les espaces verts

39

41

13

6

1

Les équipements sportifs et culturels

39

41

12

5

3

La beauté des bâtiments

38

39

16

6

1

Le niveau du bruit

37

40

14

8

1

Les transports en commun

36

35

14

12

3

La qualité de votre logement

35

40

13

10

2

Les commerces

35

38

16

10

1

La circulation et le stationnement

33

38

18

9

2

Les relations avec votre voisinage

31

37

17

14

1

La diversité des habitants

31

34

17

12

6

Source : Sondage SOFRES mars 1999

(1) Ne se prononcent pas

Les personnes interrogées considèrent d'abord comme " essentiel " d'améliorer les deux points suivants : la sécurité (à 58 %), l'emploi dans le quartier ou à proximité (à 57 %).

C'est dans ce contexte que s'inscrit le Comité interministériel des villes du 14 décembre dernier qui s'efforce de dégager les lignes d'action nouvelles en matière de politique de la ville.

B. UNE CLARIFICATION ATTENDUE : LE COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DES VILLES DU 14 DÉCEMBRE 1999

Avant de revenir sur les éléments les plus marquants de ce budget au regard de la compétence de notre commission, il est utile de rappeler les principaux éléments du programme exposé par le Premier ministre " pour des villes renouvelées et solidaires " lors de la réunion du Comité interministériel des villes (CIV) du 14 décembre 1999.

En effet, votre commission n'avait pas pu se prononcer sur ces orientations à l'automne 1999, puisqu'elles ont été finalement adoptées après l'examen du budget de la ville en séance publique ; elle avait du reste vivement regretté que le débat sur le budget " ville " pour 2000 soit largement déconnecté de l'analyse des intentions du Gouvernement, sur lesquelles votre commission ne disposait à l'époque que d'éléments très fragmentaires.

Le CIV clarifie la position du Gouvernement, sachant toutefois qu'un de ses instruments importants est constitué par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dont l'examen est achevé depuis peu. Ce n'est qu'avec la publication de cette loi que le Gouvernement disposera de tous les instruments de sa nouvelle politique de la ville.

Le programme " pour des villes renouvelées et solidaires " se décline sur trois registres : les restructurations urbaines, la revitalisation économique et sociale, le renforcement des services publics.

1. Le programme national de renouvellement urbain

Le premier axe s'articule autour du programme national de renouvellement urbain qui comprend deux types d'interventions inscrites dans les contrats de ville : les grands projets de ville (GPV) et les opérations de renouvellement urbain.

a) Les grands projets de ville (GPV)

Les grands projets de ville (GPV), au nombre de 50 -qui s'inscrivent dans la lignée des grands projets urbains (GPU), lancés par Mme Simone Veil en 1993- ont pour objet de réaliser des opérations lourdes de requalification urbaine , afin de réinsérer un ou plusieurs quartiers dans leur agglomération, dans le cadre d'un projet global de développement social et urbain. Il s'agit de marquer, en profondeur et de manière durable, l'image et la perception d'un quartier, grâce à des opérations de restructuration du bâti, d'amélioration de l'environnement et de désenclavement des quartiers, et à des actions de revitalisation et de valorisation sociale.

Une enveloppe spécifique de 5 milliards de francs doit être dégagée jusqu'à 2006 pour le programme national de renouvellement urbain en plus de 1,2 milliard de francs déjà contractualisé dans les contrats de plan Etat-Régions.

La conduite du projet est organisée autour d'un pilotage politique, d'un pilotage technique et d'une direction de projet. Cette organisation, pour être pleinement opérationnelle, doit être institutionnalisée sous une forme juridique claire, dédiée au GPV et pérenne en lui donnant une stabilité dans le temps au-delà des changements d'acteurs. Le groupement d'intérêt public (GIP) est la formule juridique qui a majoritairement été retenue dans les différentes propositions de GPV.

Les GPV, qui devraient être opérationnels à partir de 2001, doivent faire l'objet d'avenants aux contrats de ville.

b) Les opérations de renouvellement urbain (ORU)

Les opérations de renouvellement urbain , au nombre de 30, comportent des opérations d'investissement financées par les villes concernées et bénéficiant d'un appui renforcé de l'Etat, notamment grâce à des prêts à taux d'intérêt réduit.

L'objectif est de parvenir à une recomposition des équilibres urbains et à une revalorisation des territoires par une " transformation lourde " de certains quartiers à partir d'opérations de démolition de grande ampleur, une offre nouvelle de logements sociaux et une meilleure gestion urbaine de proximité.

Les ORU devraient bénéficier de crédits d'investissement spécifiques non contractualisés sur le budget de l'Etat à hauteur de 700 millions de francs sur la période 2000-2006 ainsi qu'une enveloppe de 10 milliards de francs de prêts " renouvellement urbain " (PRU) mis en place par la Caisse des dépôts et consignations à un taux de 3 %.

2. Le développement économique et social des quartiers

La position du Gouvernement sur les aides à l'économie et à l'emploi dans les quartiers sensibles était très attendue. Aucune alternative n'avait été en effet véritablement tracée, depuis que le Gouvernement s'était prononcé en faveur de la non-reconduction du dispositif de zones franches lancé par MM. Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult sous l'autorité de M. Alain Juppé, premier ministre.

L'objectif du Gouvernement est de favoriser " la revitalisation économique, l'accès à l'emploi et le lien social ".

a) La revitalisation économique

L'élément central du dispositif est la création d'un fonds de revitalisation économique qui aurait pour objet, non seulement, de soutenir les activités économiques existantes dans les zones urbaines sensibles (PME, commerces, artisans, professions libérales), mais aussi de verser une prime de revitalisation économique en faveur des investissements réalisés dans les quartiers sensibles.

Le CIV du 14 décembre 1999 envisage également :

- une franchise de 10.000 francs sur la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat dans les ZUS,

- la majoration du taux d'intervention maximum du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC),

- la mise en place de fonds régionaux en partenariat avec les régions pour financer les opérations de renouvellement urbain et de revitalisation économique.

b) L'accès à l'emploi

Pour favoriser l'accès à l'emploi , trois mesures sont proposées.

Tout d'abord, la création des " équipes emploi-insertion " en liaison avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les missions locales, vise à améliorer la politique de lutte contre le chômage.

Ensuite, le Gouvernement a annoncé le développement des 90 plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE) en priorité dans les sites des contrats-villes.

Par ailleurs, l'insertion économique devrait être développée dans les quartiers grâce à un apport de 730 millions de francs sur six ans, au titre du fonds social européen dans le cadre des contrats de ville.

Le Gouvernement a décidé le lancement d'un programme de création sur fonds publics de 10.000 postes d'adultes-relais destiné aux chômeurs afin " de créer du lien social sur les quartiers, de prévenir et de traiter les conflits mineurs de la vie quotidienne et de faciliter l'usage des équipements de proximité ou l'action des associations locales ".

Ce dispositif donne lieu à des observations particulières de votre commission (cf. III ci-après).

3. Le renforcement des services publics, des acteurs de la solidarité et du développement urbains

Parmi les nombreuses mesures retenues, certaines ont paru particulièrement importantes à votre commission.

Tout d'abord, la fonction de sous-préfet délégué à la ville sera revalorisée et l'Etat, s'appuyant sur une expérience menée dans le Rhône, renforce sa présence en prévoyant que des délégués de l'Etat devront être désignés parmi les fonctionnaires et agents publics pour animer la politique de la ville dans les quartiers prioritaires des contrats de ville .

S'agissant des agents publics, une formation interministérielle doit être généralisée pour tous les nouveaux fonctionnaires prenant leur poste dans un quartier sensible.

Enfin, il est souhaité que l'accès à la fonction publique soit favorisé pour les habitants des quartiers sensibles : augmentation du nombre de bourses d'études, préparation aux concours externes de la fonction publique pour les emplois-jeunes ; un dispositif de préparation rémunéré aux concours de la fonction publique serait ouvert pour 5.000 demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE.

Les autres mesures prévues en ce domaine sont les suivantes :

- élaboration d'un plan de renforcement de la présence et de la qualité des services publics et mise en place dans chaque quartier d'un projet de service public ,

- recrutement de 300 délégués supplémentaires du Médiateur de la République ,

- priorité d'accès aux congés formation pour les agents publics en poste depuis 3 ans dans les quartiers,

- aide et prêt à l'installation dans un logement locatif pour les fonctionnaires affectés dans les quartiers difficiles,

- renforcement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) pour les fonctionnaires affectés dans les quartiers sensibles,

- augmentation des bourses d'enseignement pour les jeunes issus des quartiers difficiles.

II. UN BUDGET QUI PRÉSENTE DES ÉVOLUTIONS POSITIVES

A. LE BUDGET DE LA VILLE EST L'UNE DES COMPOSANTES DE L'EFFORT GLOBAL ENGAGÉ DANS LE CADRE DU XIIe PLAN

Les crédits relevant du " bleu budgétaire " du ministère délégué à la ville ne représentent qu'une partie de l'ensemble de l'effort public consacré à la politique des villes et du développement social urbain retracé dans un " jaune budgétaire " spécifique.

1. Le budget 2001 enregistre une forte augmentation de crédits

Le budget de la ville atteindra 2,409 milliards de francs en 2001, soit une hausse spectaculaire de 70 %.

Les augmentations de crédit prévues en 2000 avaient déjà fait passer le budget de 1 à 1,415 milliard de francs mais elles reposaient en partie sur l'inclusion, dans le budget de la ville, de transferts provenant d'autres ministères ainsi que du fonds d'aménagement pour la région d'Ile-de-France (FARIF).

Cette année, le budget enregistre une hausse qui est due à la fois à la mise en oeuvre des contrats de ville mais aussi à la traduction budgétaire des décisions du CIV du 14 décembre 1999 qui, en toute logique, aurait mérité d'être retracée dans le projet de budget pour 2000.

a) La structure du budget

Le budget de la ville, malgré sa forte progression, se décompose toujours à 78 %, en dépenses de fonctionnement et à 22 %, en dépenses d'investissement.

1,9 milliard de francs est donc consacré aux dépenses ordinaires .

La majeure partie de ces dépenses, soit 1,7 milliard de francs , est consacrée aux dépenses d'intervention pilotée par la DIV : 953 millions de francs sont gérés de manière globale dans le FIV tandis que 794 millions de francs environ viennent financer les opérations " Ville, vie, vacances ", les dépenses courantes liées aux grands projets de réaménagement et, depuis cette année, le dispositif des " adultes-relais " et le fonds d'intervention économique.

Les dépenses de fonctionnement de la DIV représentent 144 millions de francs , qu'il s'agisse des moyens de fonctionnement des services ou des dépenses de communication. Il est à noter que cette somme n'inclut pas les dépenses de personnel qui sont prises en charge sur les crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité et qui s'élèvent selon le jaune budgétaire à 16,7 millions de francs pour 2001.

Structure du " bleu ville " pour 2001

S'agissant des dépenses d'investissement , les autorisations de programme doublent, passant de 537 millions de francs à 1,2 milliard de francs. Les crédits de paiement s'élèvent à 305 millions de francs pour 2000.

Il est à noter que le ministère de la ville a en compte près de 4 milliards de francs d'autorisations de programme et 2,1 milliards de francs de crédits de paiement au 1 er janvier 2000.

b) Les mesures nouvelles

Sur les 760 millions de francs de moyens nouveaux en fonctionnement consacrés à la ville, les principales dépenses sont dues à la mise en oeuvre du CIV du 14 décembre 1999 :

- 300 millions de francs sont consacrés au financement du programme adultes-relais pour 2001,

- 250 millions de francs sont destinés au versement de subventions de fonctionnement aux entreprises par le Fonds de revitalisation économique,

- 100 millions de francs sont prévus pour la mise en oeuvre des grands projets de ville et des opérations de renouvellement urbain.

En section d'investissement, l'augmentation de près de 630 millions de francs des autorisations de programme trouve son origine :

- à hauteur de 380 millions de francs dans l'actualisation des dépenses relatives aux GPV compte tenu de la publication de la liste concernée ;

- à hauteur de 250 millions de francs dans les crédits d'investissement mis en place pour le Fonds de revitalisation économique.

2. L'effort public global consacré à la ville connaît toujours une progression importante

Le " jaune budgétaire " récapitule l'ensemble de l'effort public consacré à la ville : celui-ci devrait passer de 35 à 41 milliards de francs en 2001, soit une hausse de 16 %.

Schématiquement, trois blocs peuvent être distingués en matière de financement global de la politique de la ville : l'Etat, les collectivités territoriales et les autres partenaires.

a) Les dépenses de l'Etat

Les dépenses du budget de l'Etat recensées au titre de la politique de la ville s'articulent autour de quatre actions.

- Les crédits dont la gestion relève directement de la Délégation elle-même et qui, soit sont inscrits sur le bleu budgétaire du ministère des affaires sociales, soit transitent en gestion par le fonds d'intervention pour la ville (FIV).

Ces crédits s'élèvent à 3,15 milliard de francs en 2001.

- Les crédits des différents ministères afférents aux contrats de plan Etat-Régions (CPER) sont fixés forfaitairement à 442 millions de francs pour 2001.

Suite aux observations de la Cour des comptes, cette ligne a été significativement remaniée afin d'éviter des doubles comptes avec les crédits ordinaires des ministères. Cette ligne ne concerne plus que les crédits inscrits dans les CPER et non plus les crédits consommés dans le cadre des contrats de ville.

Votre rapporteur souligne d'ailleurs le manque de transparence de cette opération de réorganisation qui concerne des montants non négligeables.

- Les crédits des différents ministères qui concourent à la politique de développement social urbain au titre notamment des contrats de ville, comme les crédits consacrés par le ministère du travail aux emplois-jeunes, ne font pas l'objet d'engagements pluriannuels.

Ces crédits passent de 11,1 milliards de francs en 2000 à 15,1 milliards de francs en 2001 .

Les crédits précités semblent augmenter principalement en raison de la poursuite de la mise en oeuvre du plan emploi-jeunes par le ministère de l'emploi et de la solidarité et par le ministère de l'Intérieur.

- Le manque à gagner en recettes de l'Etat au titre des exonérations fiscales et sociales et de leur compensation versée aux collectivités locales, ou aux régimes de sécurité sociale, s'élève en estimation à 3,6 milliards de francs .

A dessein, votre rapporteur ne reprend pas au titre des dépenses de l'Etat, les dotations de solidarité urbaine qui relèvent de la solidarité entre collectivités locales.

Au total, les dépenses budgétaires et fiscales de l'Etat (hors dotation aux collectivités locales) s'élèvent donc à 22,13 milliards de francs pour 2001 contre 18,2 milliards de francs en 2000.

b) Les engagements des collectivités territoriales augmentent significativement

Comme l'année dernière, le jaune budgétaire fait apparaître la contribution budgétaire des collectivités territoriales. Il s'agit d'une estimation, dans la mesure où cette donnée est établie, pour la participation des communes et des départements, à partir des annexes des contrats de ville, lesquels sont seulement en début d'application en 2000 et en 2001. Cette contribution est évaluée à 5 milliards de francs pour 2001, contre 3,85 en 2000.

La participation financière des collectivités territoriales des communes impliquées dans le cadre des contrats de ville n'est à ce jour pas toujours fixée, les contrats de ville étant encore pour certains en cours de signature. Ils ne peuvent, dès lors, s'apprécier qu'en exécution, c'est-à-dire au cours de l'exercice suivant. Les chiffres affichés dans le " jaune budgétaire " ville proviennent d'une estimation appréciée au regard de plusieurs éléments :

- les annexes financières des contrats de ville du 11 e plan, prorogés pour l'année d'exécution 1999,

- une extrapolation à partir de l'extension des périmètres des sites en contrat de ville pour la période 2000-2006 (passage de 214 contrats de ville à 247), et place prépondérante de l'intercommunalité,

- l'implication des conseils généraux dans la politique de la ville par l'engagement des départements comme signataires des contrats de ville, voire pour certains en tant que signataire d'une convention départementale spécifique sur la politique de la ville assortie d'engagements financiers et d'objectifs quantitatifs sur leurs compétences propres (Aisne, Allier, Aude, Gard, Essonne, Pas-de-Calais, Tarn) ;

- l'accroissement de l'enveloppe contractualisée par les régions pour la période 2000-2206 qui a plus que doublé.

Un système de gestion et de suivi automatisé des crédits engagés dans la politique de la ville sera progressivement mis en place. Son exploitation devrait permettre de parfaire la gestion de ces informations, dès l'année prochaine.

Enfin, il convient d'inclure dans l'effort des collectivités territoriales, les fractions des dotations inscrites au budget qui relèvent de la mise en oeuvre de la solidarité financière entre les communes . Celles-ci sont estimées à 4,4 milliards de francs en 2001.

Deux dotations doivent ainsi être réintégrées dans la contribution des collectivités locales à la politique de la ville : tout d'abord, le Fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France (FSCRIF) qui représente 759 millions de francs en 2001 et qui est constitué des contributions prélevées sur les communes de la région. A cet égard, M. Jean-Pierre Sueur rappelle dans son rapport 2 ( * ) que la Cour des comptes considère que les crédits du fonds en question ne font que transiter par le budget de l'Etat et qu'il est donc abusif de les retenir au titre de l'effort financier de l'Etat.

Concernant la DSU, M. Jean-Pierre Sueur remarque que, si cette dotation fait l'objet d'une inscription budgétaire, il s'agit d'une fraction de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de toute façon à la charge de l'Etat. La DSU, qui n'est pas uniquement versée aux communes de la géographie prioritaire de la politique de la ville, correspond à un financement de solidarité des communes entre elles, au sein d'une dotation que l'Etat est tenu, en tout état de cause, de verser à celles-ci indépendamment des règles de répartition.

La seule nuance à apporter tient à la majoration exceptionnelle de 500 millions de francs de la DSU financée par un apport spécial du budget de l'Etat. Sur un montant estimé de 3,6 milliards de francs de DSU en 2001, la part relevant strictement de la solidarité entre collectivités locales s'élève donc à 3,1 milliards de francs.

La contribution totale des collectivités locales s'élève donc, selon votre rapporteur, globalement à 9 milliards de francs en 2001 contre 7,9 milliards de francs en 2000 .

c) Les autres partenaires de la politique de la ville

Il s'agit en premier lieu de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) à travers notamment les " prêts projets urbains " (PPU) destinés à financer des investissements sur les sites en contrat de ville. Au total, l'intervention de la CDC représente 7,8 milliards de francs . Il convient néanmoins de rappeler que, même si ces prêts sont consentis à des taux avantageux, les emprunteurs sont à 82 % des collectivités locales et à 16 % des bailleurs sociaux et des sociétés d'économie mixte.

Le second concours important est assuré par les Fonds structurels européens qui représenteront, en principe, un apport de 1,4 milliard de francs en 2001.

Votre rapporteur souligne néanmoins que, compte tenu du financement par " objectif " au titre du fonds social européen, le renforcement des financements en faveur de la politique de la ville peut avoir des conséquences négatives pour l'aménagement du territoire.

Les quatre " pôles " de l'effort public " ville "

B. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION : DES ÉLÉMENTS DE SATISFACTION MALGRÉ CERTAINES DÉCEPTIONS

1. Des éléments de satisfaction

Votre commission a estimé que le projet de budget du ministère de la ville présentait, plus nettement que les années précédentes, des éléments positifs.

a) La revalorisation du Fonds d'intervention pour la ville (FIV)

Tout d'abord, le Gouvernement continue à tirer les conséquences de la mise en oeuvre de la politique contractuelle qui, on le sait, donne lieu largement à des financements complémentaires par les collectivités territoriales.

L'Etat a contractualisé 8,9 milliards de francs au titre de la politique de la ville dans les contrats de plan Etat-régions (2000-2006) du XII e Plan conte 3,5 milliards de francs au titre de la période (1994-1999). La participation des conseils régionaux représente 5,1 milliards de francs au XII e Plan contre 3,2 milliards de francs dans le plan précédent.

Le démarrage d'un nouveau cycle de la politique contractuelle se lit dans ce budget. En effet, les crédits du fonds d'intervention pour la ville (FIV) augmentent de près de 200 millions de francs, dont 79 millions de francs sont composés de nouveaux crédits d'intervention au titre des contrats de ville (mise en place d'agents de développement) et 100 millions de francs sont destinés à assurer l'accompagnement de la mise en place des grands projets de ville et des opérations de renouvellement urbain.

Les 247 contrats de ville 2000-2006 sont la procédure de contractualisation unique pour la politique de la ville. Ils concernent aussi bien des agglomérations que des villes petites ou moyennes. Ils reposent pour leur majorité sur une démarche intercommunale, s'appuyant sur les établissements publics de coopération intercommunale quand ils existent et qu'ils disposent des compétences essentielles à la mise en oeuvre de la politique de la ville ou d'une intercommunalité de projets adossée à des structures de coopération ad hoc plus souples.

Le FIV, mis en place à l'initiative de M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration, en 1995, qui permet au ministère de la ville de gérer directement des crédits provenant de différents ministères, atteindra 953 millions de francs dans le budget de l'année prochaine. Il est donc proche du seuil du milliard de francs.

On ne peut que s'en féliciter car la création de ce fonds répondait à un objectif de simplification : avant la création du FIV en 1995, les crédits des divers ministères concernés faisaient l'objet de délégations séparées dans les préfectures, soit 11 délégations au total, assorties de dispositions spécifiques sur les règles de financement, ce qui représentait près de 7 circulaires d'application.

Aujourd'hui les crédits du FIV sont délégués en une seule fois aux préfets de départements et ils constituent une dotation globale et fongible qui permet de financer notamment les actions inscrites au contrat de ville.

Votre rapporteur souligne néanmoins que la volonté de simplification exprimée au niveau central par le renforcement du FIV devrait être relayée plus nettement au niveau local où trop souvent les collectivités locales partenaires de la politique de la ville subissent des retards du fait des divergences d'appréciation entre les différents services déconcentrés.

b) Les grands projets de ville (GPV) relèvent d'une démarche ambitieuse

Un autre aspect positif est sans aucun doute l'effort affiché au titre des grands projets de ville (GPV).

Il apparaît en effet, dans le bilan du pacte de relance pour la ville de 1996, que les mesures d'incitations fiscales destinées à favoriser le retour à l'activité dans les quartiers, ont été d'autant plus efficaces que les communes et l'Etat avaient pu réaliser concomitamment des opérations d'investissement ou de réaménagement.

Les GPV procèdent d'une démarche ambitieuse : faire converger l'ensemble des politiques publiques sur les quartiers qui, en dépit des efforts conduits depuis de nombreuses années, restent en marge de l'essor de la ville et de l'agglomération.

L'objectif est d'articuler, sur ces quartiers, les projets urbains avec les actions sociales, économiques, éducatives, culturelles et avec la dimension liée à la sécurité.

Le dispositif va de pair avec un programme plus volontariste en matière d'opérations de démolition et de reconstruction . Le rythme annuel des démolitions serait porté de 10 à 12.000 logements par an au lieu de 5.000 actuellement en procédant notamment à un relèvement de 35 à 50 % du plafond des subventions pour ce type d'opérations.

Sur le plan financier, le Gouvernement prévoit l'attribution aux GPV d'une enveloppe de 5 milliards de francs sur 5 ans de crédits spécifiques qui viendraient s'ajouter aux 1,2 milliard de francs prévus initialement de la part de l'Etat dans les contrats de ville.

Dans le " bleu " de la ville pour 2001, le Gouvernement inscrit 480 millions de francs d'autorisations de programme , au titre des investissements pour les grands projets de ville. De manière très opportune, ces crédits d'investissement, -qui représenteront 127 millions de francs en crédits de paiement -, sont accompagnés de subventions de fonctionnement : le FIV comprend ainsi 100 millions de francs de subventions au titre des GPV. L'expérience des anciens GPU a montré en effet que la réussite des investissements passait par un effort simultané de programmation, de coordination et d'information qui génère des dépenses pour les collectivités locales concernées.

Il reste que les GPV sont au nombre de 50 et que les crédits disponibles, investissement et fonctionnement confondus, ne s'élèvent cette année qu'à 4,54 millions de francs par site.

Votre commission souligne que l'effort en faveur des GPV devra être continu et de longue durée pour éviter le danger de la dispersion.

c) Un effort réaliste au titre des équipes emploi-insertion

Votre commission se félicite que la croissance des dépenses ordinaires ne résulte pas, comme en 2000, de la dérive des dépenses de communication mais soit justifiée par le développement des mesures d'aide à l'emploi.

Sur les 25 millions de francs d'augmentation des dépenses ordinaires, 20 millions de francs sont en effet consacrés aux équipes emploi-insertion annoncées en décembre 1999.

Il s'agit de proposer, de manière plus systématique, aux demandeurs d'emploi habitant dans les quartiers difficiles, une première réponse en termes d'emploi ou d'insertion . A cet effet, 150 équipes de trois ou quatre personnes doivent être constituées, qui auront pour objet de faciliter l'accès à l'information et au travail des chômeurs dans les quartiers et d'organiser un relais avec les structures déjà en place qu'il s'agisse des agences locales pour l'emploi, des missions locales, des ASSEDIC ou des services sociaux.

En principe, chaque équipe doit réunir un agent de l'ANPE et un agent de la mission locale, ainsi que deux personnes issues d'une collectivité territoriale ou d'une association. Le ministère insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'organiser un réseau supplémentaire ou de se substituer au service public existant.

Ce type de dispositif méritera d'être suivi de près car on sait que la reprise économique n'a pas toujours des effets significatifs dans les quartiers qui connaissent le plus de difficultés.

Le souci d'assurer un accompagnement plus personnalisé dans la démarche de recherche d'emploi des habitants des quartiers difficiles va dans le bon sens. Votre commission sera très attentive à l'évaluation des résultats de cette démarche.

2. Des éléments de déception

a) La stagnation persistante des crédits des opérations " ville-vie-vacances "

812.000 jeunes ont bénéficié en 1999 des opérations " ville-vie-vacances " (VVV) dont le ministère a rappelé les objectifs dans une circulaire du 24 février 2000 : prévenir la délinquance et les comportements inciviques pendant les congés scolaires, revitaliser les quartiers en crise, favoriser une insertion durable des jeunes en marge, faire oeuvre de solidarité sociale.

Contenu des activités pratiquées en 1999 au titre des opérations VVV

D'une manière générale, les activités se rapportent à une offre de loisirs traditionnels.

Environ 12.000 projets ont été financés au titre des opérations VVV, dont 50 % pour la période estivale. Les activités principales proposées se répartissent comme suit :

•  Activités sportives 21,20 %

•  Séjours extérieurs encadrés 20,70 %

•  Animations de quartier 14,60 %

•  Activités artistiques 14,40 %

•  Sorties à la journée 13,10 %

•  Acquisition d'un savoir technique 6,20 %

•  Activités d'utilité collective (chantiers) 3,30 %

•  Départs autonomes 1,8 %

Pour 2001, la DIV souhaite augmenter de manière significative le seuil de participation des jeunes filles dans le dispositif, qui stagne à 33 % depuis 3 ans pour des raisons d'ordre culturel.

Par ailleurs, il est envisagé d'augmenter les appels à projets en direction des petites structures.

Il est regrettable toutefois que les crédits relatifs aux opérations " ville-vie-vacances " soient toujours en stagnation à 50 millions de francs et à 70 millions de francs en tenant compte des transferts des divers ministères.

Ces opérations sont certes très utiles, mais près de 55 % des 12.000 projets financés au cours d'une année, sont mis en place par des opérateurs municipaux et nécessitent donc un effort financier d'accompagnement de la part des collectivités territoriales.

Les collectivités locales sont d'autant plus sollicitées que, depuis 2000, le programme est mis en oeuvre dans l'ensemble des départements et qu'il profite aux enfants dès l'âge de 11 ans et non de 13 ans comme auparavant.

La réussite des opérations d'été dans les stations qui accueillent de nombreux touristes est souvent un défi . Pour que puissent cohabiter harmonieusement les familles d'estivants et les jeunes issus des quartiers sensibles, les collectivités locales et l'Etat engagent des moyens financiers et en personnels pour assurer un encadrement, une surveillance, voire une médiation, en cas de conflit.

La situation est compliquée par le fait que s'ajoutent aux jeunes qui font l'objet d'un accompagnement spécifique, ceux qui se déplacent par leurs propres moyens, en bénéficiant souvent des chèques-vacances subventionnés au titre de l'action sociale.

Une fois de plus, il serait opportun que l'Etat ne considère pas les collectivités locales comme une variable d'ajustement destinée à combler les surcoûts des dépenses qu'il a engagées mais qu'il n'est pas en mesure d'honorer totalement.

b) L'absence d'ajustement sur les dépenses de communication

S'il est vrai que les dépenses d'information et de communication n'augmentent pas à nouveau, il reste qu'elles sont reconduites au même niveau que l'année dernière, soit 5 millions de francs pour la communication publique du ministère et 4 millions de francs pour l'organisation de colloques.

Votre commission n'est toujours pas convaincue de l'utilité de maintenir ces dépenses à ce niveau.

Votre commission constate au demeurant que l'Institut des Villes dont la création avait été annoncée au cours du CIV du 30 juin 1998 n'est toujours pas en place. Le retard pris confirme à vrai dire le sentiment que ce nouvel organisme d'études destiné à réfléchir de manière générale sur les politiques urbaines n'est ni utile ni urgent dans notre système administratif déjà passablement complexe dans le domaine de la ville.

III. L'EFFICACITÉ DES NOUVELLES MESURES PROPOSÉES EN MATIERE D'EMPLOI ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE RESTE À PROUVER

Avant de revenir sur les deux mesures les plus critiquables du programme du 14 décembre 1999, il est nécessaire de dresser le bilan du dispositif du pacte de relance pour la ville lancé par MM. Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult , M. Alain Juppé étant Premier ministre.

A. LE BILAN DES ZONES FRANCHES URBAINES (ZFU) NE JUSTIFIE PAS LEUR DISPARITION PROGRAMMÉE

a) Le dispositif du pacte de relance pour la ville

La loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville a prévu un dispositif fiscal spécifique dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et les zones franches urbaines (ZFU) au sein de la liste de 750 zones urbaines sensibles (ZUS) correspondant aux grands ensembles et quartiers d'habitat dégradé souffrant d'un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi.

•  Les zones de redynamisation urbaine (ZRU) présentent des difficultés évaluées à partir de plusieurs critères à savoir, la population, le taux de chômage, la proportion de jeunes de moins de 25 ans, la proportion de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme et le potentiel fiscal des communes de rattachement.

416 ZRU (dont 20 dans les DOM) ont été sélectionnées dans 343 communes et 76 départements parmi les 750 ZUS 3 ( * ) .

Le dispositif visant à conforter ou à recréer de l'activité économique dans ces quartiers très défavorisés, est constitué pour l'essentiel d'exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises.

Les mesures applicables en ZRU sont les suivantes :

- exonération, compensée par l'Etat, de taxe professionnelle, pour les établissements nouveaux, ou déjà existants, pendant cinq ans sur la totalité de la base imposable, plafonnée à 1 million de francs pour la création ou l'extension, et à 500.000 francs pour les établissements existants (art. 1466 A I ter, du code général des impôts),

- exonération d'impôt sur les bénéfices, totale les deux premières années puis dégressive les troisième, quatrième et cinquième années, sans plafonnement, pour les entreprises nouvelles (art. 44 sexies du code général des impôts),

- exonération de taxes foncières sur les propriétés bâties, pendant deux ans, pour les entreprises nouvelles ou les établissements créés ou repris à une entreprise en difficulté (art. 1383 du code général des impôts),

- exonération sur douze mois des charges sociales patronales du quatrième au cinquantième salarié pour les entreprises nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire n'excédant pas 1,5 fois le SMIC.

Les zones franches urbaines (ZFU) ont été déterminées, après appel à projet, parmi les quartiers de plus de 10.000 habitants présentant les caractéristiques les plus dégradées en termes de chômage des jeunes, de qualification professionnelle ou de ressources des communes.

Les ZFU, qui bénéficient des exonérations fiscales et de charges sociales les plus importantes, sont au nombre de 44, dont 38 en métropole et 6 dans les départements d'outre-mer. Elles sont déterminées par le législateur qui en a fixé la liste en annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996. La délimitation de ces zones a été fixée par deux décrets du 26 décembre 1996 4 ( * ) .

L'effort de l'Etat est particulièrement concentré et repose sur des mesures d'exonération fiscale et sociale renforcées :

- exonération compensée par l'Etat de taxe professionnelle pour les établissements nouveaux ou déjà existants ou étendus, pendant cinq ans, sur la totalité de la base imposable, plafonnée à 3 millions de francs (art. 1466 A I quater du code général des impôts),

- exonération d'impôt sur les bénéfices totale pendant cinq ans, avec plafonnement à 400.000 francs par an, pour les entreprises nouvelles ou existantes (art. 44 octies du code général des impôts),

- exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant cinq ans (art. 1383 A du code général des impôts),

- exonération des charges sociales sur douze mois des charges sociales patronales du quatrième au cinquantième salarié pour les entreprises nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire n'excédant pas 1,5 fois le SMIC.

b) Un bilan largement positif

Votre commission avait souligné qu'il importait de laisser du temps à l'évaluation d'un dispositif dont les effets ne pouvaient être mesurés trop rapidement.

Près de trois ans après le lancement du pacte de relance pour la ville, il est possible de se référer à des éléments plus pertinents, même si le changement de Gouvernement a pu parfois faire peser des doutes sur le maintien du dispositif pour les entreprises concernées.

Votre rapporteur souhaite formuler deux remarques liminaires :

Tout d'abord, les chiffres agrégés ci-après sont des moyennes qui ne doivent pas masquer que les résultats peuvent être différents entre les zones, suivant le dynamisme du bassin d'emploi et la qualité de l'environnement urbain et économique.

Ensuite, ces chiffres ne concernent que les ZFU, c'est-à-dire les zones pour lesquelles les exonérations étaient les plus importantes.

L'Association nationale des villes zones franches urbaines (ANVZFU), présidée par M. Yves Jego, maire de Montereau, a présenté au Président de la République un premier bilan quantitatif en mars 2000.

Au 1 er janvier 2000, les 44 ZFU avaient enregistré une progression de 31.000 emplois (+ 88 %) dont 13.950 étaient des créations nettes ; 9.100 entreprises supplémentaires, dont 5.000 sont des créations, se sont installées dans les ZFU. Plus de 35 % des emplois créés (4.900 embauches) ont été offerts aux habitants des quartiers.

Ces chiffres sont bien supérieurs à ceux qui avaient été envisagés dans le rapport au Parlement du 24 novembre 1996, commenté par votre rapporteur dans son avis de l'année dernière, qui faisait état de 9.000 embauches dans les ZFU et envisageait une progression de 5.0000 à 7.000 emplois par an.

De surcroît, l'ANVZFU a demandé à un cabinet de consultants indépendant de dresser un bilan plus qualitatif du dispositif.

Ce rapport, qui sera rendu public à la fin de l'année, propose des données encore plus récentes sur les résultats des ZFU et remet en perspective le dispositif.

Il souligne tout d'abord que l'objectif du pacte de relance pour la ville lancé par le Gouvernement de M. Alain Juppé en 1996 était de mettre un terme à " l'hémorragie " des emplois qui était constatée dans les quartiers sensibles, qui perdaient de 5 à 10 % d'emplois chaque année depuis le début des années 80. L'objectif était donc d'inverser cette tendance pour créer environ 5.000 à 7.000 emplois par an.

Cinq ans après, l'étude permettra de souligner que les zones franches ont relevé le défi qui leur était lancé. Le nombre d'emplois dans les ZFU est passé de 30.000 en 1996 à près de 70.000 emplois en 2000. Sur les 40.000 emplois créés, 50 % sont des créations et 50 % correspondent à des délocalisations. 10.000 entreprises, de toute taille, se sont installées dans les zones franches urbaines.

Par ailleurs, la condition d'un recrutement local obligatoire à hauteur de 20 % des effectifs a été largement tenue : selon l'étude, 35 à 40 % des emplois nouveaux seraient occupés par des personnes vivant dans les quartiers en difficulté.

Enfin, 75 à 80 % des emplois créés le sont dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée (CDI) : ces salariés sont donc sortis des contrats précaires auxquels ils étaient souvent habitués.

L'ANVZFU met donc en avant cinq conclusions plus qualitatives sur le dispositif des zones franches urbaines.

Tout d'abord, les élus locaux concernés soulignent que le dispositif a bien fonctionné, parce qu'il était le premier outil simple et efficace qui était mis en place depuis les origines de la politique de la ville pour relancer l'emploi et l'activité dans les quartiers sensibles.

S'il est exact que la reprise de la croissance, notamment depuis 1998, explique en partie la création des nouveaux emplois, il est également vrai qu'en l'absence d'une politique de territorialisation à travers les zones franches, la croissance se serait développée ailleurs que dans les zones sensibles : ceci conduit à relativiser le discours trop fréquemment soutenu selon lequel les zones franches entraîneraient surtout des transferts.

Les zones franches urbaines (ZFU) ont enregistré des résultats plus palpables que les zones de redynamisation urbaine (ZRU). A cet égard, il semble que la simplicité du dispositif d'exonération dans les zones franches urbaines a eu des effets très incitatifs , alors que le mécanisme d'exonération partielle des ZRU est apparu moins clair et qu'il a donc été moins efficace.

La réflexion devrait moins porter sur la critique des ZFU que sur les moyens de renforcer éventuellement le dispositif d'exonération dans les ZRU qui en ont le plus besoin.

Par ailleurs, l'aménagement des infrastructures commerciales a un effet favorable sur les résultats des zones franches : ce point a déjà été contesté et met en évidence la nécessité d'accompagner les zones franches d'un effort d'investissement, notamment pour assurer les restructurations commerciales et urbaines nécessaires.

Concernant le recrutement local, il semble qu'aujourd'hui un palier soit atteint et que les entreprises ont de plus en plus de mal à trouver des gens " employables " dans les quartiers . Votre rapporteur souligne que ce point montre qu'un effort d'accompagnement et de formation est nécessaire pour améliorer les résultats dans la lutte contre le chômage dans les quartiers sensibles.

c) Un dispositif condamné à disparaître

Suite à la mission d'enquête confiée en 1997 à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'administration (IGA), le Gouvernement a fait adopter dans le cadre du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (art. 35 ter) un dispositif modifiant la mise en oeuvre des exonérations de cotisations sociales dans les ZFU afin de favoriser l'emploi dans ces zones 5 ( * ) .

A l'occasion du débat en séance publique, le Sénat a adopté un amendement prolongeant le dispositif des ZFU jusqu'au 31 décembre 2004, soit trois ans de plus que l'échéance initialement prévue. L'Assemblée nationale a supprimé cet amendement en nouvelle lecture, le Gouvernement s'étant prononcé défavorablement sur cette démarche.

Le Gouvernement a indiqué qu'il proposerait un mécanisme de sortie progressive de sortie du dispositif des ZFU sur une période de 3 à 5 ans à compter du 1 er janvier janvier 2002.

Le compte rendu du CIV du 14 juin 2000 transmis à votre rapporteur précise les mesures envisagées qui n'ont pas été définitivement arbitrées.

Au 1 er janvier 2002, le dispositif des ZFU serait abandonné pour de nouvelles ouvertures de droits au profit d'un dispositif unique de ZRU " renforcé ", applicable aux 416 ZRU.

Par ailleurs, les droits ouverts avant le 1 er janvier 2002 seraient maintenus selon les régimes actuels et prolongés pour les exonérations fiscales de façon dégressive sur trois ans.

En matière fiscale, le régime demeurerait identique à celui en vigueur pour les ZRU. En matière sociale, il serait proposé :

- une incitation à la réduction du temps de travail, avec majoration de l'allégement des charges sociales au titre de la réduction du temps de travail,

- une prime forfaitaire pour l'embauche de demandeurs d'emploi résidents en ZUS,

- une extension aux ZRU et une prolongation jusqu'au 31 décembre 2004 du régime d'exonération de cotisation maladie personnelle des commerçants et artisans en vigueur dans les ZFU.

Votre rapporteur regrette que la solution de simplicité qui aurait été de maintenir le dispositif d'exonération des ZFU en élargissant son champ n'ait pas été retenu .

Il regrette également la lenteur du Gouvernement à mettre en place les mesures alternatives : les entreprises concernées ont besoin de se préparer dès 2001 aux mesures qui seront prises à partir du 1 er janvier 2002 pour assurer la sortie " en sifflet " du mécanisme du pacte de relance pour la ville.

Il aurait été utile que les communes concernées puissent informer et conseiller les entreprises concernées dans les meilleures conditions alors que l'incertitude règne toujours pour celles-ci.

B. UN DISPOSITIF COÛTEUX DE LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE : LES ADULTES-RELAIS

Le projet de budget pour 2001 prévoit une dotation de 300 millions de francs pour abonder la création d'emplois adultes-relais annoncés par le Premier ministre lors du CIV du 14 décembre 1999.

Ce dispositif a été commenté dans la circulaire DIV/DPT-IED/2000/231 du 26 avril 2000 relative à la mise en oeuvre du dispositif des adultes-relais dans le cadre de la politique de la ville.

Votre commission est perplexe sur le coût et l'efficacité de la création massive dans les quartiers difficiles de nouveaux emplois parapublics non marchands, sans garantie d'insertion.

1. Un dispositif d'accès à l'emploi non marchand proche à bien des égards de celui des emplois-jeunes

Le dispositif des adultes-relais fait apparaître des points de convergence avec les emplois-jeunes.

La première analogie avec les emplois-jeunes, c'est le souci de répondre à des besoins qui ne sont pas aujourd'hui satisfaits par le secteur marchand . L'objectif général est d'améliorer les rapports sociaux, c'est-à-dire, " d'informer et d'accompagner les habitants dans leurs démarches ", de " contribuer à améliorer ou de préserver le cadre de vie ", de " prévenir et d'aider à la résolution des petits conflits de la vie quotidienne ".

Votre rapporteur ne peut néanmoins que constater le caractère vague et peu contraignant des missions ainsi imparties aux adultes-relais .

La circulaire met en avant les missions suivantes :

•  Accueillir, écouter, exercer toute activité qui concourt au lien social dans une association ou un équipement de proximité ;

•  Informer et accompagner les habitants dans leurs démarches, faciliter le dialogue entre services publics et usagers, et notamment établir des liens entre les parents et les services qui accueillent leurs enfants ;

•  Contribuer à améliorer ou à préserver le cadre de vie ;

•  Prévenir et aider à la résolution des petits conflits de la vie quotidienne par la médiation et le dialogue ;

•  Faciliter le dialogue entre les générations, accompagner et renforcer la fonction parentale par le soutien aux initiatives prises envers ou par les parents ;

•  Contribuer à renforcer la vie associative de proximité et développer la capacité d'initiative et de projet dans le quartier et la ville.

Les modalités de financement sont équivalentes à celles retenues pour les emplois-jeunes : il s'agit d'accorder, pour chaque recrutement, une aide de l'Etat égale à 95.010 francs, soit 80 % du SMIC pour un emploi à plein temps.

La procédure de création des postes d'adulte-relais est la même que pour les emplois-jeunes : les associations ou les organismes chargés d'un service public présentent des projets de créations de postes qui doivent être validés par les services de l'Etat ; une subvention est versée dès que l'organisme a procédé à un recrutement.

Le choix des projets est arrêté au niveau départemental. C'est à l'échelon local, du quartier et de la ville, que les actions de mobilisation et de détection des besoins doivent être menées en concertation avec les habitants et dans un souci de cohérence et de clarté à l'égard, notamment, des travailleurs sociaux (assistants sociaux, éducateurs, etc.) qui seront informés et associés au projet.

L'instruction du dossier est faite sur demande du préfet de département par les services déconcentrés. Il recueille l'avis des collectivités locales et des autres partenaires financiers impliqués dans le projet. Une convention est signée entre l'organisme employeur et l'Etat représenté par le préfet du département. Elle est conclue pour une durée de 36 mois à compter de sa date d'effet.

Les adultes-relais présentent néanmoins des différences avec les emplois-jeunes.

Tout d'abord, il ne s'agit pas d'emplois pour les jeunes, mais d'emplois pour les adultes , c'est-à-dire pour des personnes de plus de 30 ans.

Ils doivent résider dans un territoire prioritaire de la politique de la ville ou " dans un territoire bénéficiant d'un programme de prévention " . Le dispositif est en fait très large et n'est pas ciblé sur les zones franches urbaines ou les zones urbaines sensibles. Les personnes recrutées doivent être sans emploi, la circulaire précisant que " cette condition doit être appréciée avec souplesse " car il s'agit seulement de s'assurer que la personne est réellement disponible pour assurer la fonction. Aucune qualification n'est exigée.

La durée est différente de celle des emplois-jeunes. Le contrat d'adultes-relais n'est pas un contrat de cinq ans mais un contrat à durée déterminée de trois ans renouvelable .

Enfin, les collectivités locales ne peuvent pas créer elles-mêmes des postes d'adultes-relais .

Il reste que les collectivités locales seront très sollicitées pour compléter le solde de 20 % du SMIC qui restera à la charge de l'employeur.

Les adultes-relais seront recrutés par :

- les associations ayant une activité dans les quartiers et les équipements de proximité,

- les organismes de droit privé à but non lucratif,

- les groupements d'employeurs et des personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public.

2. Un dispositif lourd et coûteux

Il est à souligner que le Gouvernement souhaite embaucher 10.000 adultes-relais sur trois ans, ce qui représentera au total une dépense de 2,8 milliards de francs sur trois ans. D'ores et déjà, pour 2001, 300 millions de francs sont inscrits en dépenses d'intervention, ce qui correspondrait à l'embauche d'environ 3.000 adultes-relais.

Présentée comme une mesure de renforcement du lien social, le programme adulte-relais est en fait une mesure de lutte contre le chômage par la création d'emplois parapublics. Ce dispositif n'est accompagné, une fois de plus, d'aucune mesure de formation complémentaire qui permettrait de garantir un accès à un emploi dans une entreprise marchande des personnes concernées ; aucune contrainte de solvabilisation de poste n'est du reste affichée comme c'était le cas pour les emplois-jeunes.

Au demeurant, dans un contexte où il devient de plus en plus difficile de trouver des personnes directement employables dans les zones franches, ce type de dispositif risque fort de conduire à un enfermement des banlieues sur elles-mêmes.

Votre rapporteur ne peut que souligner la pertinence d'un article paru en première page d'un " grand journal du soir ": pour les habitants des cités sensibles, " la multiplication des " médiateurs ", des " personnes relais " ne fait qu'exacerber l'impression qu'ils constituent une population à part, à laquelle on ne peut plus s'adresser que par des intermédiaires, comme des Indiens dans leur réserve " 6 ( * ) .

Même si la formule est sans doute quelque peu excessive, il reste vrai qu'il faut éviter de développer un sentiment de stigmatisation des banlieues sensibles.

C. UN FONDS DE REVITALISATION ÉCONOMIQUE AUX EFFETS INCERTAINS

L'autre dispositif qui peut laisser sceptique est celui du fonds de revitalisation économique doté, dans le budget pour 2001, de 250 millions de francs en autorisations de programmes d'investissement et de 250 millions de francs en dépenses de fonctionnement.

Ce fonds a donné lieu au dépôt d'un amendement au projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains qui a été adopté par le Sénat lors de la discussion en première lecture de ce texte (art. 35 quater A).

Sans contester le principe même de ce fonds, votre rapporteur constate que celui-ci demeure encore très vague concernant les modalités de versement des subventions.

Lors de la présentation du programme gouvernemental au cours du CIV du 14 décembre 1999, il était précisé que, s'agissant des aides à l'investissement, une prime de revitalisation serait versée aux entreprises qui correspondrait à 15 % de l'investissement pour un montant de 150.000 francs. En cas de création d'entreprise, le montant minimum de la prime serait de 20.000 francs.

Concernant les dépenses de fonctionnement, le Gouvernement a annoncé, par ailleurs, qu'il compenserait les charges particulières des petites et moyennes entreprises, des commerces, des artisans et des professions libérales déjà installés dans les zones sensibles, en ne précisant pas le montant des subventions et les conditions d'attribution.

En séance publique au Sénat, le ministre a précisé que le montant des deux aides serait plafonné à 100.000 euros sur trois ans afin d'éviter toute distorsion de concurrence au niveau européen.

Votre rapporteur souligne les limites de ce dispositif de subvention par rapport à un mécanisme d'exonération fiscale a priori . Cela revient à imposer une logique " administrative " à toute création d'entreprises dans les quartiers.

Ces dernières seront chargées de présenter des dossiers sans avoir de garanties sur les délais d'instruction ou les conditions qui leur seront demandées.

Aujourd'hui, les entrepreneurs ne veulent pas être considérés comme des " chasseurs de prime " : les entreprises ne réclament pas des subventions mais un allégement de leurs contraintes. Quelle administration peut aujourd'hui se faire juge de la viabilité économique d'un projet de création d'entreprises ?

Le fonds de revitalisation économique ne saurait remplacer les exonérations fiscales parce que les montants engagés sont en réalité nécessairement insuffisants face aux besoins et parce qu'il obéit à une logique d'économie administrée qui semble dépassée.

*

* *

En définitive, votre commission n'a pu que constater que les nouveaux dispositifs proposés fonctionneraient tels de " puissants générateurs automatiques de dépense " pour l'avenir.

Les contrats d'adultes-relais sont en effet présentés comme des contrats renouvelables, ce qui rendra difficile leur remise en question au delà de trois ans. Les aides du fonds de revitalisation risquent là encore de faire perdurer des entreprises déficitaires qui auront besoin de l'aide publique pour subsister.

Cette dérive n'est que potentielle mais elle devait être soulignée.

Tout en reconnaissant les avancées de ce budget, votre commission ne peut que regretter les insuffisances des mesures en matière d'emploi et d'aide aux entreprises venant remplacer le dispositif d'exonération du pacte de relance pour la ville, mais s'inquiéter également des risques de dérive qu'elles comportent.

Pour toutes ces raisons, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la ville dans le projet de budget pour 2000 .

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours d'une première réunion, tenue le jeudi 26 octobre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc sur le projet de loi de finances pour 2001 (crédits consacrés à la politique de la ville ).

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a présenté les grandes lignes de son rapport pour avis (cf. exposé général du présent avis).

M. Jean Delaneau, président, a fait également observer que la commission entendait le mardi 21 novembre Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur l'ensemble des crédits de son ministère.

M. Gilbert Chabroux a tout d'abord indiqué que le rapport était intéressant parce qu'il permettait de faire le point sur les dispositions déjà prises ou envisagées. Il a souligné que la politique de la ville était animée par une volonté politique dont l'augmentation continue du budget au cours des dernières années était un signe tangible. Il s'est félicité de ce que les crédits évoluent, cette année, dans des proportions considérables. Concernant les exonérations fiscales et de cotisations sociales prévues par le pacte de relance pour la ville, il s'est interrogé sur leur coût global, en indiquant qu'il devrait être rapporté au nombre d'emplois créés. Il a estimé que les 3.000 postes adultes relais financés d'ici la fin 2001 devaient être appréciés par rapport au nombre total de quartiers concernés par la politique de la ville et il a rappelé que l'objectif global de 10.000 postes adultes relais était très éloigné des 240.000 emplois-jeunes aujourd'hui créés. Il a appelé de ses voeux un renforcement de la péréquation financière entre les collectivités territoriales en s'inquiétant d'un risque de stagnation de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Il s'est félicité de la démarche de création des équipes emploi-insertion. Il a considéré enfin que ce budget, qui représentait un effort considérable, méritait d'être voté.

M. Jean Chérioux , après avoir souligné le ton objectif du rapport, s'est inquiété des risques de pénurie de main-d'oeuvre et a souhaité que les entreprises puissent entrer en relation plus étroite avec les lycées professionnels pour faciliter l'accès des jeunes, y compris ceux issus des quartiers sensibles, à des formations en entreprise.

M. Guy Fischer a noté l'effort d'objectivité du rapporteur. Il a souligné le caractère positif de certaines innovations apportées dans la nouvelle procédure des contrats de ville (2000-2006) en relevant notamment l'introduction de la notion d'agglomération, la participation accrue des départements à la politique contractuelle et la mobilisation des fonds européens. Il a souligné que la politique de l'emploi dans les quartiers sensibles devait s'attaquer aujourd'hui au " noyau dur " du chômage et que, face à la difficulté, le recours aux adultes relais était justifié. Il a précisé que la mise en place de délégués de l'Etat au titre de la politique de la ville avait été effectuée à titre expérimental avec succès dans la région Rhône-Alpes et a considéré de manière positive le fait que le Gouvernement veuille généraliser cette démarche sur l'ensemble du territoire.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a tout d'abord souligné que, sur le fond, il regrettait que le programme du Gouvernement se traduise souvent par un renforcement de la mainmise de l'Etat et par un manque de confiance envers les collectivités locales ou les entreprises. Il a rappelé que la création d'emplois durables pour les habitants des quartiers difficiles ne pourrait s'effectuer que grâce aux entreprises.

Il a rappelé, s'agissant des zones franches urbaines, que le coût total des exonérations était évalué à 1,88 milliard de francs en 2001 mais que le manque à gagner pour l'Etat devait être apprécié au regard des rentrées de cotisations sociales supplémentaires générées par les emplois nouveaux.

Il a souligné qu'il portait un regard positif sur les équipes emploi-insertion, visant à faciliter l'accès à l'emploi des habitants des quartiers sensibles.

Concernant le caractère insuffisant de la DSU, il a regretté d'une manière générale la volonté du Gouvernement de réduire l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et déploré que les suppressions d'impôts locaux soient compensées par des dotations transférées dont l'évolution apparaissait insuffisante au regard de la croissance et des besoins des collectivités territoriales.

S'agissant du fonds social européen (FSE), M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, tout en reconnaissant l'intérêt d'un financement au profit de la politique de la ville, a regretté que celui-ci soit effectué au sein d'une enveloppe commune avec celle consacrée aux zones rurales en situation difficile et redouté que l'effort consenti au titre des quartiers de la politique de la ville se fasse en définitive au détriment de la politique d'aménagement du territoire.

Concernant les relations entre les entreprises et les lycées professionnels, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a estimé positif que les entreprises s'engagent à financer la formation ou à valider les acquis professionnels des jeunes qu'elles embauchent mais il a estimé dangereux que certaines entreprises proposent à des jeunes d'interrompre leurs études pour prendre un emploi rémunéré dans le cadre d'un contrat à durée déterminée sans garantie de formation.

La commission a décidé de reporter à une séance ultérieure son avis sur les crédits consacrés à la ville dans le projet de loi de finances pour 2001 .

Au cours d'une seconde réunion tenue le mercredi 22 novembre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen définitif du rapport pour avis de M. Paul Blanc précédemment réservé (crédits à la politique de la ville ).

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la commission, lors de sa réunion du 26 octobre, avait souhaité réserver son avis définitif sur les crédits consacrés à la ville pour 2001.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a constaté que l'Assemblée nationale n'avait pas apporté de modifications au budget relatif à la ville lors de la séance publique du 13 novembre dernier.

Il a précisé que la commission des finances s'était prononcée pour le rejet des crédits relatifs à la ville en raison des imprécisions sur l'avenir des zones franches urbaines et de la complexité des financements résultant de l'interministérialité et de la contractualisation généralisée en matière de politique de la ville, qui conduisaient à une sollicitation accrue des collectivités locales.

Rappelant les objections qu'il avait émises lors de la présentation de son rapport en commission le 26 octobre dernier, à la fois sur le dispositif des adultes-relais et l'avenir des zones franches urbaines, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a proposé à la commission d'émettre un avis négatif sur le budget de la ville pour 2001.

Mme Nelly Olin a estimé que le projet de budget de la ville pour 2001 présentait des points positifs et des mesures nouvelles significatives. En revanche, elle a constaté les difficultés d'application sur le terrain des financements croisés, ainsi que la lourdeur de la mise en place des grands projets urbains (GPU). Elle a regretté les incertitudes où étaient laissés depuis longtemps les entrepreneurs installés dans les zones franches urbaines. Elle a souligné que l'effort d'investissement des communes concernées par des quartiers difficiles nécessitait un recours massif à l'emprunt. Admettant les avancées du budget de la politique de la ville, elle a souhaité s'abstenir sur ce budget.

M. Guy Fischer a rappelé que des financements croisés étaient mis en oeuvre en matière de politique de la ville, car les enjeux sont tels que les réponses à apporter ne peuvent être prises en charge par les seules communes concernées. Il a indiqué qu'il ne partageait pas la conclusion du rapporteur pour avis sur le projet de budget pour 2001.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que la politique de la ville présentait plusieurs points positifs et s'est déclaré favorable à l'adoption du budget.

La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la ville dans le projet de budget pour 2001.

* 1 Les conditions de vie dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, par M. Philippe Choffel, in Données urbaines, ouvrage collectif, collection Villes, éditions Anthropos.

* 2 Demain, la ville - Rapport présenté au ministre de l'emploi et de la solidarité par M. Jean-Pierre Sueur, maire d'Orléans.

* 3 Décrets n os 96-1157 et 96-1158 du 26 décembre 1996 fixant la liste des zones de redynamisation urbaine en métropole et dans les DOM et décret n° 96-1159 du 26 décembre 1996 définissant l'indice synthétique de sélection des zones de redynamisation urbaine en métrople.

* 4 Décret n° 96-1154 du 26 décembre 1996 portant délimitation de zones franches urbaines dans certaines communes et décret n° 96-115 du 26 décembre 1996 portant délimitation de zones franches urbaines dans certaines communes des départements d'outre-mer.

* 5 Votre commission renvoie sur ce point aux rapports au fond n° 304 (1999-2000) de votre collègue, Louis Althapé au nom de la commission des Affaires économiques et au rapport pour avis n° 306 (1999-2000) au nom de la commission des Affaires sociales, de notre collègue, Jacques Bimbenet.

* 6 Le Monde 28 septembre 2000 les banlieues en rupture.

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