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Avis n° 96 (2000-2001) de M. Louis SOUVET , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 23 novembre 2000

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N° 96

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IV

TRAVAIL ET EMPLOI

Par M. Louis SOUVET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Claire-Lise Campion, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570

Sénat : 91 et 92 (annexe n° 17 ) (2000-2001)

Lois de finances .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits du ministère de l'Emploi devraient s'élever à 111,8 milliards de francs en 2001. On peut remarquer que cette enveloppe ne permet pas, comme les années précédentes, d'apprécier l'entièreté de l'effort de la Nation en faveur de l'emploi.

Les crédits du ministère de l'Emploi s'élevaient en 1999 à 162 milliards de francs compte tenu de l'allégement de cotisations sociales décidé par le Gouvernement d'Alain Juppé, dite " ristourne dégressive ", des aides relatives à la loi " de Robien " et des aides relatives à la loi " Aubry I ". En 2000, ces crédits étaient retombés à 122 milliards de francs après le transfert des crédits relatifs aux allégements de charges (ristourne dégressive au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC)). L'année prochaine, le financement de la politique de l'emploi connaîtra de nouvelles modifications radicales du fait de l'inscription au FOREC des crédits relatifs aux aides prévues par la loi " de Robien " et la loi " Aubry I ".

Evolution du budget de l'emploi depuis 1996
(avec budget des charges communes et opérations transférées au FOREC)
(en milliards de francs)

Seuls les crédits relatifs à l'aide au conseil (280 millions de francs) subsistent en fait dans le projet de loi de finances, telle une ombre, pour rappeler le passage des crédits relatifs à la réduction du temps de travail dans un autre budget, celui de la sécurité sociale.

A structures constantes, on observe un léger repli des crédits du ministère de l'emploi (- 1,9 %) à 119,7 milliards de francs en 2001 contre 122 milliards de francs en 2000.

Projet de loi de finances 2001 à structure constante

Cette relative stabilité de l'enveloppe budgétaire ne doit pas cacher la poursuite de l'évolution du budget de l'emploi au bénéfice des priorités du Gouvernement au premier rang desquelles on retrouve les emplois-jeunes. Par ailleurs, on observe de nombreuses diminutions de crédits qui tirent les conséquences de la baisse du chômage.

Structure par agrégats du PLF 2001

Le présent rapport pour avis s'interroge sur l'adéquation de la politique de l'emploi menée par le Gouvernement avec la conjoncture économique. Alors que des pénuries de main-d'oeuvre 1 ( * ) se font sentir, on remarque en effet que les deux priorités du Gouvernement, les trente-cinq heures et les emplois-jeunes, constituent des outils destinés à répondre à un déséquilibre du marché du travail défavorable à l'offre.

Ces remarques ont amené votre commission, saisie pour avis, à rappeler une nouvelle fois son souhait que le Gouvernement modifie radicalement sa politique dans un sens plus favorable à la formation, à la reprise d'un emploi et à la création ou à la reprise d'une entreprise.

Dans l'attente de cette évolution, elle a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs au travail et à l'emploi dans le projet de loi de finances pour 2001. Elle a également adopté un amendement de suppression de l'article 58 2 ( * ) .

I. LE TAUX DE CHÔMAGE FRANÇAIS SE RAPPROCHE PROGRESSIVEMENT DE LA MOYENNE EUROPÉENNE

A. UNE BAISSE DU CHÔMAGE IMPORTANTE

1. Une amélioration très nette du marché du travail

La DARES estime à 492.000 le nombre d'emplois créés entre le 1 er octobre 1999 et le 30 septembre 2000, soit + 3,5 % en un an. Avec 119.000 emplois créés, le troisième trimestre semble confirmer la poursuite de la baisse du chômage. Les chiffres de l'emploi du mois d'octobre publiés jeudi 30 novembre font état d'une baisse supplémentaire de 54.700 demandeurs d'emploi, ce qui ramène le taux de chômage français à 9,4 % de la population active.

Ce faisant, la France se rapproche du taux de chômage de la zone euro qui était de 9 % en septembre dernier.

Le marché du travail en septembre 2000 3 ( * )

(en milliers)

Données CVS

Sept. 1999

Août 2000

Sept. 2000

Variation
sur un mois

Variation
sur un an

Demandes d'emploi en fin de mois (DEFM)

Demandes de catégorie 1

2.699,3

2.328,8

2.270,2

- 2,5 %

- 15,9 %

Demandes de catégorie 1 + 6

3.212,8

2.770,6

2.722,0

- 1,8 %

- 15,3 %

Chômeurs au sens du BIT

2.916

2.527

2.490

- 1,5 %

- 14,6 %

Taux de chômage

11,1 %

9,6 %

9,5 %

- 0,1 pt

- 1,6 pt

Quelle que soit la définition du taux de chômage retenu, on constate une très nette amélioration du marché du travail sur un an. Les demandeurs d'emploi de catégorie 1 étaient 2,27 millions en septembre 2000, soit une baisse de 16 % en un an, les chômeurs au sens du BIT étaient 2,49 millions, soit une baisse de près de 15 % en un an.

Les différentes définitions du chômage

Les demandeurs d'emploi de catégorie 1 sont les personnes inscrites à l'ANPE déclarant être à la recherche d'un emploi à temps plein et à durée indéterminée, ayant éventuellement exercé une activité occasionnelle ou réduite d'au plus 78 heures dans le mois.

L'ensemble des demandeurs d'emploi des catégories 1 et 6 recouvre toutes les personnes inscrites à l'ANPE déclarant être à la recherche d'un emploi à temps plein et à durée indéterminée, y compris celles qui ont exercé une activité réduite de plus de 78 heures au cours du mois (catégorie 6).

Les chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT) sont les personnes sans emploi, à la recherche effective d'un emploi et immédiatement disponibles. Les données sont établies une fois par an à partir des résultats de l'enquête annuelle sur l'emploi effectuée par l'INSEE et sont estimées à l'aide d'un modèle économétrique pour les mois intermédiaires.

2. Des prévisions encourageantes pour 2001

L'ensemble des instituts de prévision s'accordent à considérer que l'emploi salarié devrait continuer à progresser en 2001. Rexecode estime cette progression à 1,6 % tandis que l'OFCE anticipe 3,4 %. Le Gouvernement a retenu une estimation médiane à 2,5 %.

Les prévisions économiques pour 2001 des banques et des instituts de conjoncture

Evolution en % (en volume)

PIB

Importations

Exportations

Consommation des ménages

Investissement des entreprises

Emploi salarié

Gouvernement

3,3

7,6

7,7

3,5

6,9

2,5

Banques

Société générale

3,1

7,8

8,0

2,8

6,1

2,4

BNP Paribas

3,1

8,0

8,0

2,9

6,5

2,4

Crédit Lyonnais

3,1

8,0

8,0

3,1

6,6

2,8

Crédit Agricole

3,0

8,8

6,3

3,0

6,4

1,9

JP Morgan

3,6

9,1

9,4

3,3

7,2

3,0

Morgan Stanley

2,8

5,7

5,6

3,1

7,0

2,2

Goldman Sachs

3,1

9,3

8,7

2,6

7,7

-

Bq Pop. Natexis

3,2

5,0

6,7

3,0

6,1

2,7

Instituts

Bipe

3,9

7,2

7,0

3,2

10,6

2,5

C D C

3,1

6,4

6,2

2,8

7,8

2,2

C O E

3,2

8,2

7,0

2,9

8,7

2,4

Gama

2,9

6,6

5,6

3,1

5,7

-

Rexecode

2,9

8,4

8,0

2,5

6,4

1,6

O F C E

3,7

8,4

8,2

3,3

7,8

3,4

Afede

3,2

7,7

7,5

3,0

7,6

-

Expansion

3,0

9,7

8,4

2,8

7,9

3,0

Variation annuelle des demandes d'emploi en fin de mois de catégories 1 et 6 (glissement au 31/12)

Source : ANPE-DARES/Prévision UNEDIC

L'évolution annuelle de l'emploi et du chômage depuis 1997

1997

1998

1999

2000 prévision

2001 prévision

Emplois affiliés

258.000

336.000

515.000

519.000

381.000

Emploi total*

276.000

369.000

534.000

585.000

476.000

Population active**

218.000

228.000

218.000

185.000

166.000

dont effet AS-FNE

21.000

16.000

10.000

10.000

5.000

dont effet PRP-FNE

0

1.000

2.000

5.000

4.000

dont effet ARPE

- 16.000

- 11.000

- 7.000

1.000

20.000

Chômage catégorie 1

- 41.000

- 135.000

- 334.000

- 400.000

- 310.000

(moyenne)

41.000

- 127.000

- 193.000

- 429.000

- 333.000

Chômage catégorie 1+6

76.000

- 105.000

- 314.000

- 450.000

- 320.000

(moyenne)

136.000

- 44.000

- 173.000

- 456.000

- 354.000

Potentiel indemnisable AUD+ACA (chômage catégories 1+2+3+6+7+8+Dispensés de recherche d'emploi)

116.000

24.000

- 152.000

- 340.000

- 220.000

(moyenne)

167.000

46.000

- 6.000

- 318.000

- 266.000

Source : UNEDIC

* Emploi total = Emploi affilié + emploi salarié des secteurs non marchands (hors santé, éducation, association + contingent + emploi non salarié)

** Par définition, ici a priori égale à l'emploi total et au chômage en catégorie 1, moins l'activité réduite estimée en catégorie 1.

Compte tenu de la conjoncture et de l'évolution de la démographie, l'OFCE estime 4 ( * ) que le taux de chômage français pourrait revenir à 8,9 % en 2001 et descendre à moins de 7 % après 2003.

Emploi et chômage (200-2005)

2000

2001

2002

2003-2005*

Evolution moyenne (en milliers)

- Emploi total

612

587

431

230

- Population active totale

226

278

214

136

- Nombre de chômeurs

- 386

- 310

- 218

- 93

- Taux de chômage (au sens du BIT)

9,7

7,6

7,6

6,7

* Evolution annuelle moyenne sur la période et niveau en 2005 pour le taux de chômage.

Source : OFCE, modèle e-mod.fr.

B. UNE BAISSE DU CHÔMAGE COMMUNE À TOUTE L'EUROPE

1. Une amélioration du chômage qui s'explique par une conjoncture particulièrement favorable

Le taux de chômage de l'Union européenne s'établissait à 8,3 % en août contre 9,1 % un an plus tôt (- 0,8 point). Dans le même temps, le taux de chômage français a baissé de 1,6 point pour s'établir à 9,6 %. Cette évolution -un taux de chômage français supérieur au taux européen malgré une baisse plus rapide- caractérise un phénomène de rattrapage.

La baisse du chômage français s'explique en effet, d'une part, par l'amélioration de la conjoncture qui doit beaucoup au cours de l'euro et, d'autre part, par un phénomène de rattrapage de la croissance dont la France n'a pu bénéficier avant la mise en oeuvre de l'euro du fait du mécanisme de change qui faisait peser une contrainte importante en termes de taux d'intérêt sur la croissance potentielle de notre économie.

Taux de chômage internationaux harmonisés

(en %)

Données CVS

Août 1999

Août 2000

Variation sur un an en point

Allemagne

8,8

8,3

- 0,5

Autriche

3,7

3,2

- 0,5

Belgique

9,1

8,6

- 0,5

Danemark

5,2

4,8

- 0,5

Espagne

15,7

14,5

- 1,2

Finlande

10,0

9,4

- 0,6

France

11,2

9,6

- 1,6

Irlande

5,6

4,4

- 1,2

Italie

11,3

10,5 a

- 0,8

Luxembourg

2,4

2,2 a

- 0,1

Pays-Bas

3,3

2,5 a

- 1,0

Portugal

4,4

3,8

- 0,6

Royaume-Uni

6,0

5,4 b

- 0,6

Suède

7,1

5,9

- 1,2

Ensemble Union Européenne

9,1

8,3

- 0,8

Etats-Unis

4,2

4,1

- 0,1

Japon

4,7

4,5

- 0,2

Source : Eurostat (Europe), OCDE (autres pays)

a) juillet 2000

b) juin 2000

2. Une baisse du chômage largement indépendante de la politique de l'emploi menée par le Gouvernement

Cette comparaison avec nos voisins européens est riche d'au moins deux enseignements.

Premièrement, elle " tord le cou " à l'idée selon laquelle les trente-cinq heures et les emplois-jeunes seraient à l'origine de la baisse du taux de chômage français. Si ces deux dispositifs ont créé des emplois -c'est en particulier le cas des emplois-jeunes-, ils ont aussi coûté très cher et tout laisse à penser que, compte tenu des performances de nos partenaires européens, ces crédits budgétaires énormes auraient eu un rendement en termes de créations d'emplois tout aussi fort s'ils avaient été employés à d'autres fins.

Deuxièmement, la politique de l'emploi du Gouvernement apparaît comme fortement décalée par rapport au cycle conjoncturel. Les principales dispositions (trente-cinq heures, emplois-jeunes) constituent des outils de gestion d'un déséquilibre défavorable à l'offre de travail (les chômeurs) alors que, de toute évidence, les tensions concernent aujourd'hui davantage la demande de travail (les entreprises) comme en témoigne un taux d'utilisation des capacités de production supérieur à 80 %.

L'urgence aurait dû résider depuis plusieurs mois dans une relance de la formation professionnelle, un assouplissement des heures supplémentaires et un véritable encouragement au développement et à la reprise d'entreprises.

L'inadaptation de notre politique de l'emploi renforce les risques d'aggravation des pénuries de main-d'oeuvre. Par ailleurs, compte tenu des tensions que l'on rencontre sur le marché du travail en ce qui concerne certaines professions (BTP, cafés-hôtels-restaurants, informatique), on ne peut exclure un retour des tensions inflationnistes ayant une origine salariale.

En effet, il apparaît que les salariés ne se satisfont pas de la hausse du salaire horaire consécutive à la réduction du temps de travail. Ils attendent une redistribution des " dividendes de la croissance ", ceci alors même que les entreprises sont confrontées à un problème de renchérissement du coût du travail.

Le taux de chômage des pays européens depuis 20 ans

II. LA PROMOTION DE L'EMPLOI CÈDE LE PAS DEVANT CELLE DES TRENTE-CINQ HEURES

Evolution des crédits relatifs à la promotion de l'emploi
et aux adaptations économiques

(en millions de francs)

LFI 2000

PLF 2001

Evolution en %

PROMOTION DE L'EMPLOI ET ADAPTATIONS ÉCONOMIQUES

12.715,60

5.692,00

- 55,2

A - Réduction du temps de travail

7.170,00

280,00

- 96,1

Loi du 13 juin 1998

4.300,00

0,00

- 100,0

Aides au conseil RTT

150,00

280,00

86,7

Loi du 11 juin 1996

2.720,00

0,00

- 100,0

B - Allégement du coût du travail

3.382,00

3.986,00

17,9

Ristourne dégressive

0,00

0,00

-

Allocations familiales

460,00

0,00

- 100,0

ZRR-ZRU/ZF/Corse

1.556,00

1.635,00

5,1

Divers : HCR/DOM/Presse/Travailleurs indépendants

1.366,00

2.351,00

72,1

C - Promotion de l'emploi

551,79

456,20

- 17,3

Dotations pour la promotion de l'emploi

96,79

58,07

- 40,0

Aides au conseil, ingénierie

15,00

13,40

- 10,7

Diagnostic conseil et développement des entreprises nouvelles

440,00

384,73

- 12,6

D - Accompagnement des restructurations

1.611,81

970,00

- 39,8

Chômage partiel

210,81

150,00

- 28,8

Dotation globale - restructurations

401,00

290,00

- 27,7

Conventions de conversion

750,00

500,00

- 33,3

Divers : ATD

45,00

30,00

- 33,3

Inscription des demandeurs d'emploi à l'UNEDIC

205,00

0,00

- 100,0

A. LE FINANCEMENT DES TRENTE-CINQ HEURES NE RELÈVE PLUS DE LA LOI DE FINANCES

L'évolution des crédits budgétaires relatifs à la promotion de l'emploi et aux adaptations économiques est entièrement déterminée par la nécessité de financer les trente-cinq heures. Le retour de la croissance permet, en effet, au Gouvernement d'économiser sur les lignes relatives à la promotion de l'emploi et à l'accompagnement des restructurations pour concentrer les moyens sur l'accompagnement financier de la réduction du temps de travail à travers l'affectation de recettes au FOREC.

1. La poursuite du transfert des crédits au FOREC

La compensation aux organismes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales liées à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail ne sera plus financée sur le budget de l'emploi à partir de 2001. Elle sera entièrement confiée au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Ce fonds qui ne bénéficiera plus en 2001 d'une contribution du budget de l'emploi recevra par contre des recettes affectées, dans des conditions déterminées par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Cette modification des modalités de financement de la réduction du temps de travail se traduit par la suppression dans le projet de loi de finances pour 2001 de 7.800 millions de francs de crédits correspondant à 4.300 millions de francs prévus en 2000, au titre de la contribution de l'Etat à ce fonds, pour le financement des allégements prévus par les lois Aubry et à 3.500 millions de francs correspondant à l'estimation des besoins en 2001 au titre du dispositif Robien (financement des conventions conclues avant la loi du 13 juin 1998).

A bien des égards, cette évolution apparaît comme regrettable. Elle participe en effet au démantèlement de la politique de l'emploi. Elle complique grandement la tâche du Parlement dans ses missions de contrôle budgétaire. Enfin, elle obscurcit le débat démocratique en ne permettant pas de déterminer clairement et publiquement les conséquences comme le coût de la politique menée par le Gouvernement dans le domaine de l'emploi.

Actions d'incitation à la réduction du temps de travail

(en millions de francs)

Article

Financement des mesures RTT

LFI 2000

PLF 2001

4477 10

Lois du 13/06/98 et du 19/01/00 (Aubry I et II)

4.300,00

4479 17

Aide au conseil en faveur de l'incitation et de l'orientation de la RTT (loi 13/06/98)

150,00

280,00

4477 20

Incitation et aménagement de la RTT (loi du 11/06/96)

2.720,00

TOTAL

7.170,00

280,00

Les crédits d'aide au conseil dans le cadre de la réduction du temps de travail apportent un soutien aux entreprises afin qu'elles puissent définir, en fonction de leurs besoins, leur nouvelle organisation du travail et leurs horaires. Ce dispositif qui continue de bénéficier aux entreprises de moins de 500 salariés, reste financé sur le budget de l'emploi à hauteur de 280 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2001. L'augmentation par rapport à la loi de finances initiale pour 2000 (150 millions de francs) prend en compte le recours important à ce dispositif comme cela a été constaté en 1999 et en 2000.

Pour l'instant, le Gouvernement n'a pas prévu de mesures complémentaires pour accompagner la réduction du temps de travail et répondre ainsi aux inquiétudes manifestées, notamment, par les PME.

Les dépenses du FOREC se sont élevées en 2000 à 67 milliards de francs, elles devraient atteindre 85 milliards de francs en 2001. Votre rapporteur pour avis souhaite rappeler sa complète convergence de vue avec les conclusions de M. Charles Descours, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale au nom de la commission, qui a dénoncé, dans son rapport, 5 ( * ) le " bricolage financier permanent " et le financement des trente-cinq heures à travers, la " vendange des excédents de la branche famille et du Fonds de solidarité vieillesse ".

" Equilibre " du FOREC en 2001

(en millions de francs)

Recettes

Dépenses

Droits de consommation tabacs

52.000

Ristourne dégressive 1,3 SMIC

41.000

CSB

6.000

Allégement supplémentaire 1,8 SMIC

10.000

TGAP

7.000

Aides incitative (Aubry I) et pérenne (Aubry II) à la réduction du temps de travail

30.370

Droits de consommation alcools

12.000

Allégement de Robien

3.500

14,1 % de la taxe sur les conventions d'assurance

4.000

Exonération cotisations allocations familiales

130

Taxe sur les véhicules des sociétés

4.000

TOTAL

85.000

85.000

Source : annexe f) du PLFSS 2001

2. La baisse des crédits relatifs à la promotion de l'emploi et aux restructurations

a) Les exonérations de cotisations sociales ciblées et l'article 58

Le FOREC prenant en charge la compensation aux organismes de sécurité sociale de l'ensemble des allégements à portée générale, seules les mesures ciblées d'exonération de charges figurent désormais au budget de l'emploi.

Le projet de loi de finances, déposé à l'Assemblée nationale, ne prévoyait plus de dotation budgétaire relative à l'abattement famille, celui-ci étant supprimé par l'article 58. La discussion en première lecture a permis de revenir partiellement sur cette suppression.

Article 58 du projet de loi de finances pour 2001

Cet article supprime l'exonération de cotisations d'allocations familiales concernant les entreprises des zones de revitalisation rurale et les entreprises nouvelles exonérées d'impôt.

Selon le Gouvernement, cet article " tire, les conséquences de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale induite par la création des allégements de cotisations sociales réservées aux entreprises ayant réduit leur temps de travail. " 6 ( * )

La commission des Finances, comme la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, de l'Assemblée nationale avait proposé de supprimer cet article en estimant prématurée la suppression de cette exonération. 7 ( * ) Elles ont finalement accepté la proposition du Gouvernement d'amender l'article 58 afin de conserver aux entreprises de moins de 20 salariés le bénéfice de cette exonération de cotisations familiales.

Votre commission saisie pour avis n'a pu se satisfaire de cette nouvelle rédaction puisque celle-ci réaffirme, implicitement, le principe selon lequel à partir du moment où la durée légale du travail est abaissée, il devient obligatoire d'abaisser la durée collective du travail dans l'entreprise pour que celle-ci bénéficie des allégements de charges sociales. Depuis l'origine, votre commission s'est déclarée hostile à l'idée de lier accès aux allégements de charges et réduction du temps de travail. En conséquence, elle vous propose d'adopter un amendement de suppression de l'article 58 modifié .

Par contre, les exonérations de cotisations sociales sont maintenues dans les zones économiques en difficulté.

Les exonérations de cotisations sociales dans des zones économiques en difficulté (chapitre 4477, articles 41, 42 et 43)

Article

Type d'exonération de cotisation sociale

LFI 2000

PLF 2001

4477 41

Zones de revitalisation rurale (ZRR) et de redynamisation urbaine (ZRU)

356,00

420,00

4477 42

Zones franches (hors Corse)

900,00

1.000,00

4477 43

Zone franche Corse

300,00

215,00

TOTAL

1.556,00

1.635,00

Les crédits consacrés à l'exonération de cotisations sociales à l'embauche du deuxième au cinquième salarié dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et de redynamisation urbaine (ZRU) passent de 356 millions de francs en 2000 à 420 millions de francs en 2001.

Les crédits relatifs aux exonérations de cotisations sociales pour les 50 premiers salariés embauchés dans les entreprises situées dans les zones franches passent de 900 millions de francs en 2000 à 1 milliard de francs en 2001.

Enfin, les crédits relatifs aux exonérations dans le cadre de la zone franche en Corse baisseront à 215 millions de francs en 2001 contre 300 millions de francs en 2000 pour tenir compte des entreprises qui, passant à trente-cinq heures, ne bénéficieront plus de cette exonération mais des allégements prévus par la loi Aubry II.

Les autres exonérations de cotisations sociales
(chapitre 4477, articles 70, 60 50 et 82)

Imputation budgétaire

Type d'exonération de cotisation sociale

LFI 2000

PLF 2001

4477 50

Presse locale et régionale

1,00

1,00

4477 60

Exos dans les DOM

1.000,00

2.000,00

4477 70

Avantages en nature dans les Hôtels Cafés Restaurants

350,00

350,00

4477 82

Travailleurs indépendants

15,00

0,00

TOTAL

1.366,00

2.351,00

Parmi les autres exonérations, on constate en particulier que les crédits relatifs aux exonérations de cotisations sociales dans les DOM représenteront 2 milliards de francs en 2001 contre 1 milliard de francs en 2000 afin de prendre en compte l'élargissement des mesures d'exonération des cotisations sociales prévu dans le cadre du projet de loi d'orientation pour les DOM.

b) La promotion de l'emploi, les restructurations et l'article 60

Les dotations pour la promotion de l'emploi baisseront sensiblement en 2001 puisqu'elles s'élèveront à 58 millions de francs contre 96 millions de francs en 2000.

Elles se répartiront comme suit :

- les subventions diverses seront reconduites à 1,44 million de francs ;

- les actions nationales de promotion de l'emploi s'établiront à 10 millions de francs comme en loi de finances initiale pour 2000 ;

- les dotations déconcentrées seront fixées à 46,63 millions de francs. Cette diminution s'explique par un transfert d'un montant de 38,62 millions de francs sur la ligne budgétaire regroupant les actions des contrats de plan Etat-Régions consacrées à l'emploi.

Par ailleurs, la dotation destinée au financement d'études, audits, conseils et ingénierie en entreprise, passera de 15 millions de francs en 2000 à 13,4 millions de francs en 2001.

Enfin, on constate une baisse des crédits consacrés au diagnostic conseil et au développement des entreprises.

Le dispositif d'encouragement au développement d'entreprises nouvelles consiste en une avance remboursable destinée à l'origine aux jeunes créateurs d'entreprises. Cette mesure, étendue aux bénéficiaires des minima sociaux depuis 1999, devrait concerner 10.000 personnes en 2001. L'enveloppe totale consacrée à ce dispositif, qui s'élevait à 400 millions de francs en 2000, sera de 350 millions de francs en 2001 compte tenu de 5,27 millions de francs transférés sur la ligne consacrée aux actions " emploi " des contrats de plan Etat-Régions.

L'article 60 du projet de loi de finances pour 2001

Cet article a pour objet de proroger l'expérimentation du dispositif d'aide au développement d'entreprises nouvelles.

Aux termes de l'article L. 351-24 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par les lois du 16 octobre 1997 et du 29 juillet 1998, l'Etat a mis en oeuvre un dispositif d'avance remboursable au profit des personnes défavorisées ou de jeunes créateurs ou repreneurs d'entreprises, ainsi qu'un dispositif de suivi et d'accompagnement des créateurs ou repreneurs. Pour favoriser l'accès des personnes éligibles au dispositif à d'autres sources de financement, notamment bancaires, la loi a prévu, à titre expérimental, la possibilité de délégation de la décision d'attribution de cette avance à des organismes habilités par l'Etat dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ceci jusqu'au 31 décembre 2000.

La mise en place de ce dispositif a pris du retard, c'est pourquoi le Gouvernement propose de reporter le terme de l'expérimentation au 31 décembre 2002.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification 8 ( * ) .

Votre commission pour avis a également décidé d'adopter cet article sans modification non sans avoir rappelé qu'elle regrettait le caractère trop restrictif de ce dispositif qui explique selon elle, au moins pour partie, les difficultés rencontrées lors de sa mise en oeuvre.

Les aides aux entreprises sous forme de chèques conseil seront, quant à elles, maintenues dans le projet de loi de finances pour 2001 à 40 millions de francs.

Les moyens consacrés à l'accompagnement des restructurations baissent de près de 40 % en 2001 à 970 millions de francs.

L'aide publique au chômage partiel est revue à la baisse afin de tenir compte de l'amélioration de la conjoncture économique, ce qui permet de ramener les crédits budgétaires à 150 millions de francs en 2001 (- 28,8 %).

La dotation globale déconcentrée qui permet au Gouvernement d'accompagner les restructurations industrielles sera fixée en 2001 à 290 millions de francs au lieu de 401 millions de francs en 2000.

Les partenaires sociaux n'ont pas reconduit l'accord relatif aux conventions de conversion. Cependant l'application du dispositif se poursuivra jusqu'au 31 décembre 2000.

Un budget de 500 millions de francs est inscrit, à cette fin, au projet de loi de finances pour 2001. L'amélioration de la situation économique permet de prévoir encore cette année une baisse du flux d'entrées dans le dispositif en 2001, les conventions étant directement liées aux licenciements pour motif économique.

Par ailleurs, on peut remarquer que le projet de budget ne comprend plus les crédits relatifs à la compensation du coût induit par le transfert de l'inscription des chômeurs de l'ANPE aux ASSEDIC. Jusqu'alors l'Etat dédommageait l'UNEDIC à hauteur de 200 millions de francs alors que le coût réel avoisinerait plutôt le double. La décision du Gouvernement de mettre fin, de manière unilatérale, à cette compensation ne devrait pas améliorer les relations entre l'Etat et les partenaires sociaux.

B. LES ENSEIGNEMENTS DES ACCORDS DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL SIGNÉS DEPUIS JUIN 1998

1. Les petites entreprises restent dans l'expectative

Au 13 septembre 2000, on comptabilisait 10.618 accords de réduction du temps de travail signés depuis le 1 er janvier 2000. Ces accords qui concernent 986.416 salariés font référence à la création ou à la préservation de 43.450 emplois.

Depuis juin 1998, 1,4 million de salariés sont passés aux trente-cinq heures dans le cadre du dispositif " Aubry I " dans 23.000 entreprises.

La DARES vient de publier une étude 9 ( * ) très complète qui dresse un bilan qualitatif des accords signés depuis 1998. Ce bilan est intéressant à plus d'un titre puisqu'il permet de mieux comprendre l'état d'esprit des entreprises signataires comme les préoccupations des salariés.

Cette étude nous apprend tout d'abord que les entreprises signataires sont plutôt grandes puisque 60 salariés sont concernés en moyenne par une convention d'aide à la réduction du temps de travail " Aubry ".

Les salariés concernés par la réduction du temps de travail
par taille d'unité signataire

En pourcentage des salariés

(*) - Champ UNEDIC, effectif des établissements au 31 décembre 1998.

Sources : MES-DARES (suivi des conventions), UNEDIC

Alors que les entreprises de moins de vingt salariés regroupent 37 % des effectifs du secteur privé, elles ne représentent que 5 % des effectifs dont la durée du travail a été réduite. A contrario , avec seulement 2 % des conventions, les entreprises de 500 salariés ou plus qui emploient un peu plus de 11 % des salariés du secteur privé représentent 32 % des salariés dont le temps de travail a été réduit.

Le décalage s'explique par le délai supplémentaire dont les petites entreprises bénéficient pour se voir appliquer la nouvelle durée légale du travail. Il illustre parfaitement le fait que les entreprises sont réticentes à adopter les trente-cinq heures tant qu'elles ont la possibilité d'y échapper.

L'aide incitative au passage aux trente-cinq heures

La loi n° 98-461 du 13 juin 1998 fixe la durée légale à trente-cinq heures hebdomadaires au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et au 1 er janvier 2002 pour les autres. Elle institue un système d'aide aux entreprises qui négocient une réduction collective du temps de travail, pour favoriser l'emploi avant le passage à la durée légale à trente-cinq heures. Cette aide s'appuie sur une convention entre l'Etat et l'entreprise ou l'établissement, qui doit obligatoirement être précédée d'un accord entre les partenaires sociaux, conclu au niveau de l'établissement, de l'entreprise ou, dans certains cas, de la branche.

Le dispositif comprend deux volets : l'offensif, destiné à créer des emplois, et le défensif, qui vise à éviter des licenciements économiques. Dans les deux cas, l'entreprise qui réduit d'au moins 10 % la durée de travail de tout ou partie de ses salariés bénéficie pendant cinq ans d'un allégement des cotisations patronales de sécurité sociale, qui était initialement de 9.000 francs par salarié la première année, puis diminuait de 1.000 francs par an : 8.000 francs la deuxième année, 7.000 la troisième, etc. Les accords signés après le 30 juin 1999 bénéficient d'un allégement moindre. Dans certains cas, l'allégement est majoré : si la réduction atteint ou dépasse 15 %, si les embauches se font sur contrat à durée indéterminée ou si elles concernent des publics prioritaires (jeunes, handicapés, chômeurs de longue durée...) ou encore s'il s'agit d'une entreprise de main-d'oeuvre. 84 % des conventions étudiées ici bénéficient d'une telle majoration.

Dans le volet offensif, l'allégement des cotisations sociales est subordonné à une augmentation des effectifs de 6 % en cas d'une réduction du temps de travail de 10 %, de 9 % en cas d'une réduction de 15 % ou plus. Le nouveau niveau d'emploi doit être maintenu pendant au moins deux ans. Dans le volet défensif, l'allégement bénéficie aux entreprises ou établissements qui réduisent le temps de travail pour éviter des licenciements prévus dans le cadre d'une procédure collective de licenciements économiques, et qui s'engagent, dans les mêmes proportions que pour le volet offensif, à maintenir le niveau d'emploi pour une durée minimale de deux ans.

La loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, dite loi " Aubry 2 ", complète la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail en précisant les modalité de passage de la durée légale aux trente-cinq heures pour les entreprises de plus de 20 salariés. Le dispositif incitatif est supprimé pour ces dernières. Y succède un allégement de cotisations sociales pérenne pour toutes les entreprises passant aux trente-cinq heures.

Concernant les secteurs les plus en pointe dans la mise en oeuvre des trente-cinq heures, on remarque que les conventions sont d'abord signées dans les services (60 % des salariés ayant réduit leur durée du travail), les activités les plus représentées étant le commerce, l'éducation-santé-action sociale et les services aux entreprises.

Par rapport à son poids dans l'économie, l'industrie est toutefois surreprésentée, notamment dans les secteurs de l'agro-alimentaire et des biens de consommation. Ceci tendrait à confirmer les observations de votre commission des Affaires sociales qui considérait lors des discussions des lois " Aubry " que la réduction du temps de travail, telle qu'elle était proposée par le Gouvernement, prenait pour modèle une organisation taylorienne de l'entreprise. Ce constat laisse entière la question de l'application des trente-cinq heures dans les petites structures non industrielles après 2002.

Les salariés concernés par la réduction du temps de travail
par secteur d'activité

En pourcentage de salariés

(*) - Champ UNEDIC, effectif des établissements au 31 décembre 1998.

Sources : MES-DARES (suivi des commission), UNEDIC.

Dans la plupart des cas, la réduction du temps de travail s'applique à l'ensemble des salariés de l'entreprise. Lorsque certains sont exclus, il s'agit plus souvent d'une catégorie spécifique (commerciaux, cadres...). Les ouvriers et les employés sont légèrement surreprésentés par rapport à leur poids dans l'économie aux dépens des professions intermédiaires et des cadres. Dans les entreprises qui en emploient, ces derniers ne sont concernés que dans sept cas sur dix.

Les salariés concernés par la réduction du temps de travail
par catégorie socioprofessionnelle

En pourcentage de salariés

(*) Champ : salariés du privé et des entreprises nationales ou publiques (tous statuts) en mars 2000.

Sources : MES-DARES (suivi des conventions), INSEE (enquête Emploi).

Pour pouvoir signer une convention, il faut au préalable un accord entre les partenaires sociaux. Cet accord peut être conclu au niveau de l'établissement, de l'entreprise ou, pour les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégués syndicaux, de la branche.

Près de 19 % des signataires de conventions ont recouru à cette dernière solution. Les accords de branche les plus appliqués sont ceux de la CAPEB (bâtiment), des services automobiles, de la propreté et des experts comptables.

Lorsque l'entreprise ne dispose pas de délégué syndical, ce qui est fréquent dans les petites unités, la loi offre la possibilité de négocier l'accord avec un salarié mandaté par une organisation syndicale. Ce sont 64 % des accords conventionnés qui sont signés dans ce cadre. La CFDT est alors le premier syndicat signataire, devant la CFTC et la CGT. Lorsqu'en revanche, les délégués syndicaux sont signataires, les taux de signature sont sensiblement plus importants pour la CGT et FO.

Il est rare qu'un syndicat présent ne signe pas : la propension à signer est comprise entre 85 % et 96 %, plus élevée pour la CFDT et la CFTC. On remarque que 89 % des accords ont été signés par l'ensemble des syndicats présents.

La signature des accords conventionnés par syndicat

En pourcentage des accords conventionnés

Champ : accords conventionnés uniquement. Un accord pouvant être signé par plusieurs syndicats, le total est supérieur à 100.

Source : MES-DARES (suivi des conventions).

L'ensemble des accords de réduction du temps de travail signés depuis juin 1998, prévoit au total de créer ou préserver 218.000 emplois dont 115.000 dans le cadre de conventions bénéficiant d'aides de l'Etat. Les créations d'emplois y sont nettement majoritaires (104.000) par rapport aux licenciements économiques évités (11.000).

Il apparaît par ailleurs que les embauches prévues dans le cadre offensif privilégient le recrutement d'ouvriers et d'employés par rapport à ceux de professions intermédiaires et de cadres.

La très grande majorité des entreprises conventionnées ont prévu de réduire leur temps de travail de 10 %. La moitié des salariés concernés par une réduction du temps de travail ont un horaire annuel compris entre 1.550 et 1.600 heures qui correspondent à une fourchette de trente-quatre à trente-cinq heures hebdomadaires.

Comme le reconnaît la DARES, il convient de souligner que les créations ou maintiens d'emplois ne peuvent être interprétés comme des créations nettes. Il faut en effet tenir compte de l'évolution des effectifs qui se serait produite en l'absence de réduction du temps de travail. Par ailleurs, des emplois créés peuvent s'avérer non pérennes si l'équilibre économique des entreprises n'est pas assuré. Enfin, la concurrence et la redistribution des activités entre les entreprises signataires et les autres peuvent conduire à des résultats nets globalement différents de ceux observés dans le seul champ des entreprises conventionnées.

Ces quelques éléments amènent votre commission saisie pour avis à formuler la conclusion suivante : si l'on connaît à peu près le coût des trente-cinq heures, le plus grand flou demeure quant aux résultats de cette mesure en termes de créations d'emplois. Tout laisse à penser que le Gouvernement entretient la confusion en attribuant aux trente-cinq heures des créations d'emplois qui relèvent davantage du retour de la croissance générale en Europe et des allégements de charges sociales mis en place depuis 1993.

2. La moitié des accords prévoit un gel des salaires

Les entreprises signataires privilégient la compensation intégrale des rémunérations : pour plus de neuf salariés sur dix la réduction du temps de travail n'entraîne pas dans l'immédiat de baisse de la rémunération. La compensation n'est partielle que pour un peu plus de 4 % des salariés et l'absence de compensation demeure une exception.

Cependant, au-delà de l'impact immédiat sur la rémunération lors de l'abaissement de la durée du travail, la majorité des salariés connaissent un gel ou une modération de leur salaire.

L'impact sur les rémunérations prévu dans les conventions

En pourcentage de salariés concernés

Evolution prévue des salaires

Gel des salaires

Augmentation moindre ( * )

Gel pour certains, augment. moindre ( * ) pour d'autres

Rien de prévu

Ensemble

Compensation immédiate

Compensation intégrale pour tous

47,6

18,9

2,7

23,0

92,2

Compensation intégrale pour certains et partielle pour d'autres

1,3

0,9

0,2

0,9

3,3

Compensation partielle pour tous

1,6

0,6

0,1

1,9

4,2

Pas de compensation

0,0

0,1

0,0

0,2

0,3

TOTAL

50,5

20,5

3,0

26,0

100,0

(*) Que s'il n'y avait pas eu de réduction du temps de travail

Source : MES-DARES (suivi des conventions).

Le maintien de la rémunération a le plus souvent pris la forme soit d'une hausse du salaire horaire soit de la création d'une prime ou d'une indemnité spécifique.

La majorité des conventions prévoit également une réorganisation du travail qui peut se traduire par une augmentation de la durée d'utilisation des équipements et de l'amplitude d'ouverture, un rajeunissement de la pyramide des âges, le développement de nouvelles fonctions, le redéploiement des qualifications des salariés. Les dispositifs permettant de faire fluctuer les horaires avec les variations de l'activité, comme l'annualisation, les horaires variables, le temps partiel annualisé sont utilisés par près de la moitié des signataires.

Les modalités de réorganisation

NB : Des modalités de réorganisation du temps de travail peuvent se combiner dans une même entreprise, et dans ce cas, concerner une partie ou la totalité des salariés. Ceci explique que le total des modalités soit supérieur à 100 %.

(*) Développement de la formation, réalisation d'investissements (notamment informatiques), redistribution des tâches ou des portefeuilles de clients, etc.

Source - MES-DARES (suivi des conventions).

On observe que les dispositifs d'annualisation et de compte-épargne temps sont surtout utilisés par les grandes entreprises industrielles ayant négocié avec des délégués syndicaux.

L'annualisation est utilisée dans 54 % des conventions. Les cadres se voient appliquer les mêmes modalités que les autres salariés dans six conventions sur dix. On remarque par ailleurs une forte tendance à recourir aux jours de repos dans l'application de la réduction du temps de travail aux cadres.

Ces quelques éléments mettent en évidence un paradoxe : les salariés ont connu une progression mécanique de leur pouvoir d'achat horaire du fait de la réduction du temps de travail. Pourtant, l'insatisfaction est patente, car le revenu global a eu tendance à ne pas augmenter afin de limiter le renchérissement du coût du travail. Alors que nombre d'entreprises ne sont plus en situation d'accorder des augmentations de salaires, les salariés ont le sentiment qu'ils ne bénéficient pas du retour de la croissance à travers, par exemple, une modification du partage de la valeur ajoutée. Cette incompréhension est grosse d'incertitudes pour les mois à venir notamment pour ce qui est de l'évolution de la croissance.

En fait, c'est l'adéquation même de la démarche de réduction généralisée et autoritaire du temps de travail à la conjoncture économique actuelle qui se trouve en question. Autant ce dispositif malthusien pouvait trouver des défenseurs en période de faible croissance, autant il apparaît clairement que l'économie était déjà dans une phase de redémarrage en 1997 et que cette politique risque aujourd'hui de contraindre le potentiel productif de notre économie et donc de limiter la création de richesses.

III.  LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES DRESSE LES CONTOURS D'UNE ÉVOLUTION DU DISPOSITIF " EMPLOIS-JEUNES "

A. LE PROGRAMME " EMPLOIS-JEUNES " N'EST PAS VRAIMENT ADAPTÉ AU NOUVEAU CONTEXTE DU MARCHÉ DE L'EMPLOI

1. Le nombre de jeunes effectivement en poste plafonne à 240.000

a) Le Gouvernement entretient le flou sur le nombre de jeunes en poste

Le programme " nouveaux services - nouveaux emplois " constitue, après les trente-cinq heures, la deuxième priorité du Gouvernement. La loi du 16 octobre 1997 modifiée par la loi du 29 juillet 1998 vise à aider à la création d'activités d'utilité sociale dans les domaines de la culture, du sport, du social, de l'éducation ou de la police à travers l'embauche de jeunes.

Ce programme concerne les jeunes de moins de 26 ans sans emploi, les moins de 30 ans non indemnisables par l'UNEDIC, les moins de 30 ans handicapés et les jeunes des DOM bénéficiant de contrats d'insertion par l'activité. L'aide financière forfaitaire de l'Etat, attribuée durant cinq ans, est revalorisée annuellement proportionnellement à l'évolution du salaire minimum de croissance. Son montant est fixé à 98.043 francs par poste et par an depuis le 1 er juillet 2000.

Nombre d'embauches réalisées en flux cumulés

décembre 1997

juin 1998

décembre 1998

juin 1999

décembre 1999

juin 2000

septembre 2000

Associations, collectivités locales, établissements publics

137

29.090

66.537

97.650

123.080

152.900

166.000

Education nationale

21.500

35.000

45.000

68.000

66.440

80.000

89.000

Police nationale

1.082

5.375

8.250

12.400

15.180

19.100

20.600

Justice

-

-

-

-

-

600

1.000

TOTAL

22.719

69.465

119.787

178.050

104.700

252.600

276.600

Source : MES-DARES (en flux cumulés)

Le nombre total des embauches réalisées depuis octobre 1997 s'élevait à 276.600 en septembre dernier. Il convient d'observer qu'il s'agit là de flux cumulés, c'est-à-dire du nombre de jeunes " passés " par le dispositif depuis sa mise en place.

Le nombre d'emplois créés est inférieur puisqu'il s'établissait à 258.000 en septembre 2000. On peut rappeler que la notion d'emplois créés correspond aux emplois ouverts dans les conventions d'emplois-jeunes agréées. L'écart entre les recrutements et les embauches s'explique notamment par les délais d'agrément et le temps qui sépare normalement la prise de décision d'embaucher de la date effective d'entrée en fonctions.

Le nombre de jeunes effectivement en poste aujourd'hui est lui aussi différent du nombre des embauches. Il tient compte notamment des départs de jeunes du dispositif. M. Alain Gournac estime, dans son rapport d'information 10 ( * ) qu' " au total, entre 230.000 et 240.000 jeunes doivent être effectivement en poste à l'heure actuelle " .

Nombre d'emplois créés (1) en flux cumulés
au 30 septembre 2000

décembre 1997

juin 1998

décembre 1998

juin 1999

décembre 1999

juin 2000

septembre 2000

Associations, collectivités locales, établissements publics

3.500

50.130

85.201

109.100

133.000

150.300

161.000

Education nationale

40.000

40.000

65.000

75.000

75.000

75.000

75.000

Police nationale

8.250

8.250

8.250

16.550

16.550

20.000

20.000

Justice

-

-

-

-

-

-

2.000

TOTAL

51.750

98.380

158.451

200.650

224.550

247.300

258.000

Source : MES-DARES (en flux cumulés)

(1) La notion d'emplois créés correspond aux emplois ouverts dans les conventions d'emplois-jeunes agréées.

Votre rapporteur pour avis s'étonne des circonvolutions arithmétiques du Gouvernement sur le nombre des emplois-jeunes. Nous sommes en effet tout d'abord passés d'une promesse de 700.000 emplois pour les jeunes à un engagement à " créer 350.000 emplois permettant aux jeunes de rentrer durablement dans la vie active en faisant d'eux de véritables agents du développement économique " 11 ( * ) . Aujourd'hui, le Gouvernement semble privilégier les notions de nombre de jeunes recrutés ou embauchés par rapport à celle de nombre de jeunes effectivement en activité à un moment donné. Cette tentation, si elle se confirmait, serait d'autant plus regrettable qu'elle lui permettrait de s'affranchir d'un engagement -créer 350.000 emplois nouveaux- qu'il ne cesse de rappeler comme étant au centre de sa politique de l'emploi.

b) Des embauches réalisées essentiellement dans le secteur public

Répartition des embauches selon le statut de l'employeur

(en %)

Police nationale

Education Nationale

Collectivités territoriales

Etablissements publics

Fondations Associations

Autres

Total

1998

6,5

37,6

22,2

8,2

23,5

2

100

1999

5,2

27,4

21,9

10,3

32,9

2,3

100

France entière - Source : CNASEA/DARES

Alors que le projet de loi initial inscrivait l'aide de l'Etat dans une logique de " financement forfaitaire d'activités et non de contrats d'emplois aidés ou de dispositifs d'insertion de publics " 12 ( * ) , on constate que le programme a profondément changé de nature après les modifications adoptées à l'Assemblée nationale, lors de la discussion en 1997, qui ont ouvert la possibilité d'embaucher dans le secteur public. On observe en effet que plus d'un tiers des jeunes embauchés travaillaient pour l'Etat en 1999 et près des deux tiers pour le secteur public (Etat, collectivités locales, établissements publics).

Or, si les recrutements dans le secteur public peuvent constituer un pis-aller dans les périodes de faible croissance économique, ils deviennent moins attractifs en période de croissance. Les difficultés de recrutement rencontrées aujourd'hui par le programme " nouveaux services - nouveaux emplois " confirment ainsi le caractère conjoncturel de ce dispositif assez éloigné de l'objectif de départ.

Dans ces conditions, il semblerait préférable que le Gouvernement prenne acte de ce " demi-échec " ou " demi-succès ", au choix, et tempère ses objectifs quantitatifs au lieu de jouer sur les chiffres.

L'urgence aujourd'hui réside davantage dans une relance de la formation professionnelle et la structuration des métiers de la nouvelle économie que dans la relance d'un programme qui, même s'il a pu être utile en 1997, ne répond plus vraiment aux attentes des jeunes. Comme l'a précisé M. Alain Gournac dans son rapport 13 ( * ) , cela ne veut pas dire qu'il mette un terme à ce dispositif, mais celui-ci doit être davantage structuré afin de privilégier la création d'emplois véritablement nouveaux dans le tiers secteur.

2. Un financement diversifié et peu transparent

Coût budgétaire des rémunérations des emplois-jeunes depuis 1997
(inscrit en LFI-LFR)

(en millions de francs)

1997

1998

1999

2000

2001

Ministère de l'Emploi et de la Solidarité

2.000

8.050

13.795

21.250

21.938

Ministère de l'Education nationale

-

730 (1)

1.148

1.196

1.265

Ministère de l'Intérieur

-

117

276

393

426

Ministère de la Justice

-

-

-

45

45

Secrétariat d'Etat à l'Outre-mer

-

300

445

615

829

TOTAL

2.000

9.197

15.664

23.499

24.503

(1) Ces crédits correspondent en fait à une modification de la répartition des crédits au sein du ministère.

L'enveloppe consacrée au programme " emplois-jeunes " dans le projet de budget de l'emploi pour 2001 s'élève à 22 milliards de francs (sur les crédits du ministère de l'Emploi). Ces crédits servent à payer l'aide forfaitaire de l'Etat qui représente 80 % de la rémunération moyenne des jeunes.

Lorsque l'Etat est l'employeur, il lui incombe de prendre en charge le solde. Ces crédits complémentaires devraient s'élever en 2001 à 1,26 milliard pour le ministère de l'Education nationale, 426 millions de francs pour le ministère de l'Intérieur, 45 millions de francs pour le ministère de la Justice et 829 millions de francs pour le secrétariat d'Etat à l'Outre-mer.

Coût total des crédits effectivement consacrés aux emplois-jeunes
par les ministères de l'Education nationale, de l'Intérieur et de la Justice

1997

1998

1999

2000

(millions de francs)

Date de l'arrêté

Montant

Date de l'arrêté

Montant

Date de l'arrêté

Montant

Date de l'arrêté

Montant

Ministère de l'Education nationale

13.10.97

600,00

09.01.98

1.840,00

26.01.99

2.743,00

10.02.00

3.325,00

24.06.98

1.170,00

16.06.99

2.000,00

26.05.00

2.600,00

14.10.98

553,00

26.10.99

295,00

23,58

Sous-total

600,00

3.563,00

5.038,00

5.948,58

Ministère de l'Intérieur

13.10.97

17,81

25.05.98

300,00

10.05.99

800,00

10.05.00

1.000,00

27.11.98

80,00

16.11.99

57,30

Sous-total

17,81

380,00

857,30

1.000,00

Ministère de la Justice

10.05.00

44,00

Sous-total

44,00

(millions de francs)

Dépenses 1997

Dépenses 1998

Dépenses 1999

Engagements 2000

Versements au CNASEA (44.01 art. 20)

165

2.773

7.968

9.410

Aides aux projets (44.01 art. 30)

26

90

115

170

Au total, 24,5 milliards de francs sont inscrits au budget 2001 pour financer les emplois-jeunes. Ces crédits ne tiennent néanmoins pas compte des reports qui sont assez importants pour ce dispositif. Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, le montant de ces reports pourrait s'élever entre 500 millions et 1 milliard de francs de 2000 sur 2001, ce qui permettrait de financer entre 5.000 et 10.000 emplois supplémentaires. On peut regretter que ces reports ne permettent toujours pas d'apprécier correctement ni le coût total du dispositif, ni la précision du nombre d'emplois effectivement à financer.

Etat des reports de crédits (emploi)
du programme " nouveaux emplois - nouveaux services "

(en millions de francs)

1997

1998

1999

2000

2001

LFI

6.050,20

13.920,20

21.340,00

21.938,00

Décret d'avance (*)

2.000,00

Reports (n-1 sur n)

1.127,19

2.568,02

1.210,06

(*) Décret d'avance n° 97-755 du 9 juillet 1997.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, considère que, fin 2001, 350.000 jeunes auront été recrutés dans le cadre de ce dispositif. Comme cela a déjà été précisé, le nombre des recrutements se distingue de celui des embauchés et de celui des jeunes effectivement en poste. Un rapide calcul 14 ( * ) amène à penser que, compte tenu des crédits inscrits au budget et des reports de crédits, le nombre des jeunes effectivement en poste ne devrait pas dépasser les 250.000 à la fin 2001.

Le Gouvernement a donné peu d'indications sur l'avenir du dispositif. Il semblerait disposé à envisager une aide dégressive pour les emplois créés par les associations, qui ne seraient pas encore solvabilisés au terme des cinq ans. Par contre, il pourrait circonscrire les aides aux collectivités locales en distinguant selon qu'elles sont ou non confrontées à la présence de quartiers difficiles sur leur territoire.

B. LA SORTIE DU DISPOSITIF " EMPLOIS-JEUNES " DEVIENT UN SUJET DE PRÉOCCUPATION

1. Des sorties dans le désordre

Selon une enquête récente 15 ( * ) de la DARES, à la fin du premier semestre 2000, un peu plus de 27.000 jeunes embauchés entre 1997 et 1999 (hors Education nationale et Police nationale) étaient sortis du programme, ce qui correspond à un taux de sortie de 21 %.

Taux de sortie selon la période d'entrée
dans le programme et le statut de l'employeur
Hors Education nationale et Police nationale
Données au 30 juin 2000

en %

Taux de sortie

Période d'embauche

Collectivités territoriales

Etablissements publics

Associations et fondations

Autres

Ensemble

Premier semestre 1998

24,5

26,4

32,1

25,5

27,7

Deuxième semestre 1998

20,8

20,6

30,2

24,7

25,1

Premier semestre 1999

15,3

14,8

24,3

21,2

19,5

Deuxième semestre 1999

9,7

10,4

14,0

10,6

12,1

Source : CNASEA, MES-DARES, données France entière

Les taux de rupture les plus importants concernent les associations (24,5 %). Alors qu'elles représentent un peu plus de 45 % des embauches, elles regroupent 53 % des sorties. On remarque notamment que la probabilité est plus forte pour certaines activités (éducation, tourisme, sécurité), elle augmente également avec le niveau de formation.

Par ailleurs, les départs à l'initiative du salarié sont supérieurs à la moyenne lorsque le jeune a passé entre trois et onze mois au sein du programme, ce qui tendrait à confirmer le rôle de tremplin du dispositif.

Les employeurs déclarent que 72 % des ruptures sont intervenues à l'initiative du salarié, 18 % de leur propre initiative et 10 % d'un commun accord pour occuper un autre emploi chez le même employeur. Les jeunes enquêtés déclarent, quant à eux, que l'initiative de la rupture leur incombe à 64,5 % contre 18,5 % pour leur employeur et 17 % d'un commun accord.

Parmi les jeunes ayant rompu d'eux-mêmes, près d'un sur deux a mis fin à son contrat parce qu'il avait trouvé un autre emploi qui lui convenait mieux, quatre sur dix l'ont fait car ils n'étaient pas satisfaits de leurs conditions de travail et près de 15 % pour des raisons personnelles.

Résultats d'une enquête auprès des jeunes sortis du dispositif 16 ( * )
" Votre emploi-jeune vous a-t-il permis... "

(en %)

Source : MES-DARES, enquête auprès des jeunes sortis du programme NSEJ

" Avez-vous le sentiment que votre " emploi-jeune " vous a permis... "

(en %)

Source : MES-DARES, enquête auprès des jeunes sortis du programme NSEJ

Parmi les jeunes insatisfaits de leur emploi, l'insuffisance de perspectives d'évolution dans l'emploi à l'issue du contrat est citée par les deux tiers, puis vient le fait que l'emploi ne correspondait pas à celui proposé à l'origine (61 %), l'insuffisance voire le manque total de formation (57 %), les mauvaises relations avec l'employeur (50 %) et le manque d'encadrement.

Il apparaît, par ailleurs, que plus de la moitié des jeunes (56 %) occupent immédiatement un emploi salarié à la sortie du programme alors que 31 % se retrouvent au chômage et 6 % reprennent des études.

Situation des jeunes immédiatement après la sortie du programme
et au moment de l'interrogation

(en %)

Source : MES-DARES, enquête auprès des jeunes sortis du programme NSEJ

Pour ce qui est de la nature de l'emploi retrouvé, on remarque que les jeunes qui étaient précédemment salariés d'une association sont les seuls à ne pas retrouver majoritairement un emploi dans le secteur public (collectivités territoriales ou établissements publics) mais se partagent entre entreprises privées et secteur associatif.

Les jeunes sortis du dispositif ont majoritairement un avis positif de cette expérience (57 %). Néanmoins, cet avis n'est pas sans nuances puisque 58 % estiment que le programme ne leur a pas permis d'élaborer de projet professionnel. On peut trouver une raison à cela dans le déficit de formation. Celle-ci était prévue dans 80 % des contrats mais n'a été effectivement dispensée qu'à 28 % des jeunes. Cette situation explique peut-être aussi pourquoi les jeunes ayant retrouvé un emploi ne sont que 36 % à estimer que leur activité est en lien avec l'emploi qu'ils occupaient auparavant.

Les trois éléments positifs et négatifs les plus cités

(en %)

Eléments positifs

Eléments négatifs

Lier des contacts

32

23

Salaire faible

Avoir une expérience personnelle

21

23

Manque de structuration

Avoir un salaire

19

20

Encadrement peu sympathique

Source : MES-DARES, enquête auprès des jeunes sortis du programme NSEJ

La nature des principales faiblesses du programme emplois-jeunes (faible rémunération, encadrement insuffisant...) comme celle des points positifs (lier des contacts, acquérir une expérience professionnelle) laissent penser que le programme a plus agi comme un dispositif d'insertion professionnelle d'urgence développé pour répondre à un fort taux de chômage des jeunes dans une période de faible croissance que comme un programme de créations de nouveaux métiers.

2. La commission des Affaires sociales propose de faire évoluer le dispositif " emplois-jeunes "

Trois ans après le début du programme, on perçoit une évolution sensible de la problématique de l'emploi des jeunes. Autant en 1997, comme l'avait reconnu votre commission, ce dispositif pouvait apparaître comme une réponse au chômage des jeunes, autant aujourd'hui chacun peut constater qu'il ne répond plus aux enjeux de la situation actuelle du marché du travail. De nombreux jeunes s'inquiètent de la valorisation de leur expérience professionnelle auprès d'un employeur privé et sont tentés d'anticiper leur départ vers le privé. On ne peut que regretter dans ces conditions que le Gouvernement ait refusé en 1997 d'accéder au souhait du Sénat de prévoir une migration progressive des activités vers le secteur privé 17 ( * ) au cours des cinq ans du contrat. De ce fait, le Gouvernement en est encore à chercher les moyens de préparer la sortie de ce dispositif.

Pour sortir de cette impasse, notre collègue Alain Gournac a repris et approfondi les propositions de la commission formulées en 1997 pour esquisser les contours possibles d'une évolution du dispositif, de manière à favoriser un retour des " emplois-jeunes " vers les entreprises 18 ( * ) .

Selon les conclusions de ce rapport, cette évolution pourrait consister à :

- revoir le fonctionnement des plates-formes régionales de professionnalisation afin de mieux associer les entreprises ;

- inciter les employeurs à contractualiser avec les entreprises ;

- promouvoir les possibilités de multisalariat en temps partagé ;

- favoriser la création ou la reprise d'activités par les jeunes ;

- et étudier un système de " prime " dégressive à l'embauche des emplois-jeunes par les entreprises.

Concernant l'avenir du dispositif, Alain Gournac n'a pas exclu son maintien pour un nombre de jeunes certes plus limité pour autant que soient mis en oeuvre des formations et un véritable encadrement accompagné d'un tutorat. Il a préconisé, par ailleurs, une véritable régionalisation du dispositif. Enfin, appelant à réfléchir sur l'insertion professionnelle de l'ensemble des jeunes et prenant acte de l'existence de nombreux acteurs compétents et de leur absence de coordination, il a proposé de réfléchir à la création d'un " ministère du Premier emploi ", chargé de favoriser le passage des études à l'emploi 19 ( * ) . Ces propositions que notre commission a faites siennes ont reçu un bon accueil. Elles témoignent de la capacité du Sénat à préparer les évolutions nécessaires de la politique de l'emploi dans notre pays.

IV. UNE POLITIQUE DE L'EMPLOI MAL OUTILLÉE POUR ACCOMPAGNER LE RETOUR DE LA CROISSANCE

A. LE REFLUX DU CHÔMAGE LIMITE LE RECOURS AUX DISPOSITIFS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI

1. Les crédits en faveur des publics prioritaires et des retraits d'activité

Evolution des crédits consacrés aux actions en faveur des publics prioritaires

(en millions de francs)

LFI 2000

PLF 2001

Evolution en %

PUBLICS PRIORITAIRES

52.788,27

51.379,53

- 2,7

A - Actions spécifiques en faveur des jeunes

21.802,18

22.510,71

3,2

Nouveaux emplois-nouveaux services

21.340,00

22.009,70

3,1

Réseau d'accueil et TRACE

462,18

501,01

8,4

B - Actions d'insertion en faveur des publics en difficulté

25.389,36

23.018,34

- 9,3

Contrats emploi-solidarité

9.010,55

6.530,00

- 27,5

Contrats emploi-consolidé

5.323,66

5.574,00

4,7

Emplois ville

124,00

71,00

- 42,7

Contrats de retour à l'emploi - CERMI

65,00

65,00

0,0

Contrats d'initiative-emploi

7.013,33

7.122,00

1,5

Programme chômeur de longue durée (SIFE, SAE)

2.861,20,

2.542,00

- 11,2

FNE Cadres

81,04

16,00

- 80,3

CPER

0,00

138,13

-

Insertion par l'économique

910,58

960,21

5,5

C - Actions en faveur des travailleurs handicapés

5.596,73

5.850,48

4,5

a) Les crédits consacrés au programme TRACE et au réseau d'accueil progressent

La loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a mis en place un programme d'accompagnement personnalisé vers l'emploi -TRACE- ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans confrontés à de graves difficultés sociales, familiales, ou sortis du système éducatif sans diplôme ou qualification. Ces parcours d'insertion peuvent durer jusqu'à dix-huit mois.

La réalisation du programme est confiée au réseau d'accueil des jeunes -missions locales et PAIO- ainsi qu'à des opérateurs externes. Les crédits prévus à ce titre au projet de loi de finances pour 2001 s'élèvent à 149  millions de francs.

L'objectif fixé au programme TRACE en 2001 est d'accueillir à nouveau 60.000 jeunes (47.500 par le réseau d'accueil et 12.500 par des opérateurs).

Les crédits alloués à la Délégation interministérielle à l'insertion des jeunes pour le financement du réseau d'accueil progressent de 8,16 % (424 millions de francs contre 392 millions de francs en 2000).

b) Le redéploiement des crédits consacrés aux publics prioritaires se poursuit

Les principaux dispositifs

Les contrats emploi-solidarité (CES)

Les contrats emploi-solidarité sont des contrats à durée déterminée à mi-temps, d'une durée de trois à douze mois, visant à la réinsertion de demandeurs d'emploi de longue durée ou de personnes en difficulté, embauchées pour des activités répondant à des besoins collectifs non satisfaits, par des collectivités territoriales ou le secteur privé non lucratif. Depuis 1995, le nombre de conventions signées diminue régulièrement. La loi d'orientation et de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 et son décret d'application du 9 décembre 1998 ont réformé le dispositif en le recentrant sur les publics les plus en difficulté.

L'amélioration de la situation économique et le retour à une croissance riche en emplois permettent désormais aux entreprises de recruter des personnes actuellement en parcours d'insertion, et pour lesquelles le contrat emploi-solidarité constituait jusqu'à présent la seule opportunité d'intégrer le monde du travail.

Ce nouveau contexte explique pourquoi 345.000 contrats devraient être signés en 2000 sur les 358.000 budgétés. Pour 2001, 260.000 contrats sont prévus, 80 % d'entre eux étant réservés aux publics prioritaires au taux d'aide maximum. Le montant de la dotation en 2001 passe de 9.010 millions de francs à 6.530 millions de francs.

Les contrats emploi-consolidé

Créés en 1992, les emplois consolidés à l'issue d'un contrat emploi-solidarité (CES) sont des contrats aidés permettant de pérenniser, dans le secteur non marchand, la situation des publics les plus prioritaires issus des CES. Le taux de prise en charge publique est dégressif sur cinq ans : 60 % la première, 50 % la deuxième année, 40 % la troisième, 30 % la quatrième et 20 % la cinquième dans la limite de 120 % du SMIC.

La loi n° 98-567 du 29 juillet 1998 relative à la prévention et la lutte contre les exclusions s'est donnée pour objectif de reconfigurer le dispositif du contrat emploi-consolidé en créant un CEC avec un taux de prise en charge constant par l'Etat à hauteur de 80 % pendant toute la durée du contrat, et la possibilité d'entrer en CEC sans CES préalable. Fin 1999, la formule du " CEC à 80 % " concernait 62,5 % des conventions initiales conclues en 1999.

En 2001, le volume d'entrées nouvelles de CEC prévu est de 50.000, en progression par rapport à 2000 (de l'ordre de 47.000 entrées prévisibles). Les crédits sont portés de 5.323,66 millions de francs en 2000 à 5.574 millions de francs en 2001.

Les emplois-ville

A côté des emplois consolidés traditionnels, le pacte de relance pour la ville initiait en 1996 les emplois-ville. Ces emplois-ville, dont le public visé est très proche de celui concerné par le dispositif " nouveaux services - nouveaux emplois ", ont été supprimés en 1998.

La dotation inscrite au projet de loi de finances pour 2001 qui est destinée à couvrir les dépenses correspondant aux contrats conclus avant 1998, est en diminution et passe de 124 millions de francs en 2000 à 71 millions de francs en 2001.

Les contrats de retour à l'emploi (CRE)

Les crédits sont destinés au paiement des contrats de retour à l'emploi bénéficiant d'une exonération pérenne.

La dotation 2000 de 65 millions de francs est reconduite en projet de loi de finances pour 2001.

Les contrats initiative-emploi (CIE)

Le contrat initiative-emploi mis en place en 1995 est destiné à favoriser l'insertion professionnelle durable dans le secteur marchand des personnes en difficulté.

L'embauche dans le cadre d'un CIE ouvre droit, pendant 24 mois, à une exonération de charges sociales ainsi que, le cas échéant, à une aide dont le montant est modulé en fonction des difficultés rencontrées par la personne recrutée.

Les entrées dans ce dispositif devraient s'établir en 2000 autour de 150.000. L'amélioration de la situation de l'emploi devrait permettre de ramener le volume des entrées en 2001 à 125.000.

Les crédits consacrés au contrat initiative-emploi s'établiront en 2001 à 7.122 millions de francs (contre 7.013,33 millions de francs en 2000), à raison de 2.813 millions de francs au titre des primes (aide forfaitaire de l'Etat, aide à la formation et aide au tutorat) et 4.309 millions de francs pour les exonérations de charges (contre respectivement 2.496,23 millions de francs et 4.517,10 millions de francs en 2000).

L'augmentation de la dotation prévue pour les primes en 2001, alors même que les entrées sont en baisse, tient à la prise en charge en 2000 d'une partie du coût sur les reliquats de gestion disponibles à l'ANPE, qui assure le paiement des primes aux employeurs pour le compte de l'Etat.

Les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE)

Les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) s'adressent aux chômeurs de longue durée ou menacés par le chômage de longue durée, pour lesquels est diagnostiqué un besoin de formation. Ils constituent un outil important mobilisable par l'ANPE dans le cadre du " nouveau départ ".

En 2000, 120.000 SIFE collectifs ont été notifiés. Compte tenu de l'amélioration de la situation de l'emploi, le projet de budget pour 2001 prévoit de réduire à 90.000 places les stages SIFE collectifs.

Les places prévues pour les stages SIFE individuels et les stages d'accès à l'emploi sont en revanche maintenus respectivement à 25.000 et 20.000.

Le FNE cadres

En 2001, les actions de formation du FNE au bénéfice des cadres, agents de maîtrise et techniciens demandeurs d'emploi sont intégrées au sein du dispositif de droit commun des actions de formation des demandeurs d'emploi de longue durée et des personnes en difficulté que sont les SIFE (collectifs) dans un but de recentrage de l'action du service public de l'emploi en direction des publics les plus en difficulté.

Les 90.000 places de SIFE collectifs prévues pour 2001, incluent 3.000 places de stages à mettre en oeuvre au profit des cadres, agents de maîtrise et techniciens demandeurs d'emploi.

L'insertion par l'économique

L'objectif fixé par le programme de lutte contre les exclusions est de doubler en trois ans (1998-2000) la capacité d'accueil des entreprises d'insertion et des entreprises de travail temporaire d'insertion et de dynamiser le développement des structures d'insertion par l'économique par la mise en cohérence et la simplification des dispositifs existants.

La dotation prévue au projet de loi de finances pour 2001 s'établit à 915,21 millions de francs (au lieu de 865,58 millions de francs en 2000) auxquels s'ajouteront 170 millions de francs en provenance du fonds social européen. Ces crédits permettront de financer 11.000 postes d'insertion dans les entreprises d'insertion et 700 postes d'accompagnement dans les entreprises de travail temporaire d'insertion.

Enfin, la dotation du fonds de soutien à l'insertion par l'activité économique est reconduite à hauteur de 45 millions de francs pour financer notamment l'ingénierie de projets et l'aide au démarrage. Au total, les dotations affectées à l'insertion par l'activité économique s'élèvent pour 2001 à 960,21 millions de francs (+ 5,4 %).

c) Le désengagement de l'Etat des mécanismes de retrait d'activité se confirme

Financement du retrait d'activité et
participation de l'Etat aux dépenses de chômage

(en millions de francs)

LFI 2000

PLF 2001

Evolution en %

RETRAIT D'ACTIVITÉ

15.327,32

12.500,42

- 18,4

A - Retrait d'activité

6.173,05

4.246,42

- 31,2

ASFNE

4.150,00

2.630,00

- 36,6

PRP

1.600,00

1.419,00

- 11,3

Sidérurgie

421,69

197,42

- 53,2

Mesures spéciales

1,36

0,00

- 100,0

B - Indemnisation du chômage

9.126,27

8.234,00

- 9,8

Fonds de solidarité

9.126,27

8.234,00

- 9,8

C- Régimes de retraites

28,00

20,00

- 28,6

ASF

0,00

0,00

-

Validation points de retraite et ACO

28,00

20,00

- 28,6

Les cessations anticipées d'activité

Près de 7.200 entrées en préretraites ASFNE sont prévues pour 2001 (19.000 en 2000) pour des crédits d'un montant de 2.630 millions de francs. Une augmentation du taux de contribution versée par les entreprises est prévue en 2001. Les crédits inscrits prennent en compte le versement de la contribution de l'UNEDIC incluant la moitié des recettes perçues au titre de la contribution dite Delalande à hauteur de 1.500 millions de francs.

La cessation d'activité de certains travailleurs salariés (CATS)

Ce dispositif a été mis en place par le décret n° 2000-105 du 9 février 2000. Il prévoit la possibilité d'une prise en charge partielle par l'Etat du revenu de remplacement versé par l'entreprise à des salariés âgés ayant, pendant plus de 15 ans, effectué des travaux pénibles (travail à la chaîne, travail de nuit, travailleurs handicapés). Pour ouvrir droit à l'aide de l'Etat, cette cessation d'activité doit être organisée par un accord de branche et un accord d'entreprise dans lesquels des engagements sur la fixation de la durée du travail à 35 heures et sur des dispositions relatives à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences sont pris.

Une dotation de 400 millions de francs est inscrite en loi de finances initiale pour 2001 pour 10.000 entrées prévues.

Les préretraites progressives et les conventions de la sidérurgie

Les préretraites progressives voient également leurs crédits diminuer sensiblement malgré une augmentation des entrées : 16.000 entrées sont prévues en 2001 au lieu de 12.600 en 2000. La baisse des entrées des années précédentes se traduit par une diminution des salariés indemnisés dans l'année. En outre, une augmentation de la contribution des entreprises versée la première année est prévue en 2001.

La dotation des conventions sociales de la sidérurgie continue de diminuer régulièrement au rythme des sorties des dispositifs. Les crédits alloués en 2001 sont de 197,42 millions de francs.

Le fonds de solidarité

Les crédits 2001 ont été calculés sur la base d'un effectif moyen de 432.000 bénéficiaires des allocations du régime de solidarité (ASS et AI) en 2001 : 410.000 pour l'ASS, 22.000 pour l'AI.

Le fonds de solidarité finance également l'allocation spécifique d'attente (ASA). Cette allocation a été mise en place par la loi de lutte contre les exclusions (loi du 7 avril 1998) pour les bénéficiaires de l'ASS et du RMI qui totalisent 40 ans de cotisations à un régime de retraite. La dotation budgétaire prend en compte, à ce titre, l'indemnisation de 24.150 bénéficiaires en 2001.

Compte tenu par ailleurs du produit escompté de la contribution de solidarité prélevée sur le traitement des fonctionnaires, la subvention de l'Etat au fonds de solidarité s'élèvera à 8.234 millions de francs en 2001.

Le régime de retraites

L'allocation complémentaire est versée à des demandeurs d'emploi âgés de plus de 60 ans qui ne peuvent percevoir qu'une partie de leur pension de retraite parce qu'ils ont effectué une partie de leur carrière dans une profession pour laquelle le régime de retraite de base ne prévoit le versement des retraites qu'à 65 ans. L'Etat prend en charge cette allocation pour laquelle des crédits d'un montant de 20 millions de francs sont inscrits au projet de loi de finances pour 2001.

L'Etat s'est engagé à compenser la validation auprès de l'ARRCO et de l'AGIRC de points de retraite complémentaire des préretraités et des chômeurs indemnisés au titre du régime de solidarité. En 2000, 650 millions de francs ont été versés à ces organismes. Ces remboursements seront pris en charge, en 2001, par le Fonds de solidarité vieillesse.

Principales mesures associées au projet de budget 2001
Nombre d'entrées dans les dispositifs

Mesures

LFI 2000

Prévisions 2000*

PLF 2001

Evolution 2000-2001

STAGES DE FORMATION

SIFE collectifs

110.000

121.100

90.000

- 18,2 %

SIFE individuels

25.000

30.200

25.000

0,0 %

Stages d'accès à l'entreprise (SAE)

20.000

25.300

20.000

0,0 %

Sous-Total

155.000

176.600

135.000

- 12,9 %

CONTRATS DE TRAVAIL AIDES

CIE

155.000

140.000

125.000

- 19,4 %

Contrats emploi-solidarité (CES)

360.000

331.000

260.000

- 27,8 %

Emplois consolidés à l'issue d'un CES

60.000

47.000

50.000

- 16,7 %

Sous-total

575.000

518.000

435.000

- 24,3 %

CONTRATS EN ALTERNANCE

Contrats d'apprentissage

220.00

230.000

230.000

4,5 %

Contrats de qualification

125.000

121.000

123.000

- 1,6 %

Contrats de qualification adultes

15.000

8.000

14.000

- 6,7 %

Sous-total

360.000

359.000

367.000

1,9 %

AIDES À LA RECONVERSION ET À L'ADAPTATION

Conventions de conversion

80.000

80.000

**

Allocations spéciales du FNE (ASFNE)

19.000

9.000

7.200

- 62,1 %

CATS

-

9.000

10.000

Préretraites progressives (PRP)

12.600

13.500

16.000

27,0 %

Sous-total

111.600

111.500

33.200

- 70,3 %

Chômage partiel (en millions d'heures)

17,50

10

- 42,9 %

Source : Ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

* prévisions de flux prises en compte dans le calcul des enveloppes du PLF 2001.

** La dotation inscrite au PLF 2001 correspond à 50.000 entrées.

2. L'insertion professionnelle des travailleurs handicapés confrontée aux trente-cinq heures

Les crédits correspondant à la subvention de développement des ateliers protégés représenteront 205,97 millions de francs en 2001 contre 160 millions de francs en 2000. Cette augmentation résulte de l'application du plan pluriannuel de création de places dans le secteur du travail protégé (500 places nouvelles) et des mesures d'aides d'un montant de 40 millions de francs pour 2001 pour les ateliers protégés.

Les aides à l'insertion professionnelle

(en millions de francs)

2000

2001

Aide aux travailleurs handicapés

51,00

48,09

Ateliers protégés

160,00

205,97

Equipes de préparation et de suivi

0,00

0,00

TOTAL

211,00

254,06

Depuis le 1 er juillet 1999, les équipes de préparation et de suivi (EPSR) sont financées par l'AGEFIPH à partir des contributions des entreprises au titre de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.

La garantie de ressources

(en millions de francs)

2000

2001

GRTH

5.385,73

5.596,42

Évolution en MF

186,22

210,69

Évolution en %

3,46

3,91

Le nombre de places en structures adaptées

2000

2001

CAT

89.650

91.150

Ateliers protégés

14.600

15.100

milieu ordinaire

12.800

12.800

Total

117.050

119.050

Le mécanisme de la garantie de ressources (GRTH) met à la charge de l'Etat un complément de rémunération, versé aux travailleurs handicapés et permettant d'obtenir une rémunération globale équivalente à celle d'un travailleur valide. Depuis 19997, le fonds d'insertion des travailleurs handicapés, financé par les contributions des entreprises et géré par l'AGEFIPH, assure le financement de la garantie de ressources en milieu ordinaire.

Les moyens mobilisés à ce titre s'élèvent à 5,6 milliards de francs en 2001 en progression de 210,69 millions de francs par rapport à 2000.

Cette évolution correspond à l'ajustement de la dotation ainsi qu'à la création de 500 nouvelles places d'accueil en ateliers protégés et de 1.500 places nouvelles en centres d'aide par le travail.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, le SNAPEI a fait état des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des trente-cinq heures dans le secteur du travail protégé. Il a souligné que l'abaissement du temps de travail augmentait la charge des foyers d'accueil. Il a affirmé que cette tendance devrait s'accentuer en 2001 en remarquant que cela ne serait pas sans conséquence sur les finances des conseils généraux.

Le SNAPEI a enfin insisté sur la nécessité de favoriser le placement en milieu normal des travailleurs handicapés, ce qui supposait que soient pris en compte les échecs et donc que soient aménagées les modalités du retour en atelier protégé.

B. LA NÉCESSITÉ D'ADAPTER LA POLITIQUE DE L'EMPLOI POUR ACCOMPAGNER LA CROISSANCE

1. Des réticences à accepter la mutation en cours de l'UNEDIC

La nouvelle convention d'assurance chômage constitue une avancée décisive dans la lutte contre le chômage structurel. Elle devrait se traduire dès le 1 er janvier 2001 par une baisse des cotisations sociales de 0,38 point.

Elle prévoit, par ailleurs, d'affecter des moyens importants, près de 6 milliards de francs, à la mise en place de parcours individualisés définis dans le cadre du nouveau " projet d'action personnalisée " (PAP).

Ces moyens serviront à améliorer les formations des chômeurs indemnisés, à favoriser leur mobilité et à inciter les entreprises à les recruter.

Plan de financement de l'UNEDIC en 2001
compte tenu de la nouvelle convention assurance chômage

1999

2000

2001

Résultats du compte d'exploitation (ET)

- 2,7

8,4

17,8

Solde cumulé au 31 décembre (ET)

22,9

31,3

49,1

Effets PARE (01.07.2001) TOTAL :

- 1,9

- Emploi

0,1

- Chômage (50 %) (dont caisses de retraite)

1,0

- Coût administratif (bilan, formation, fonctionnement)

- 3,0

TOTAL :

- 2,7

- Arrêt de la dégressivité (01.07.2001)

- 1,8

- 4/8 4/18 (01.01.2001)

- 0,5

- Différé d'indemnisation (01.01.2001)

- 0,4

Aide dégressive à l'employeur pour les chômeurs en difficulté (01.07.2001)


- 0,3

Contrat de qualification adultes pour les chômeurs en difficulté (01.07.2001)


- 1,0

TOTAL :

- 1,4

- Suppression ASC (01.07.2001)

- 0,5

- Suppression AFR (01.07.2001)

- 0,9

Aide à la mobilité (01.07.2001)

- 0,2

Créateurs d'entreprise (01.01.2001)

- 0,3

Contributions TOTAL :

- 7,8

- Baisse du taux d'appel des contributions

- 7,1

0,38 point au 01.01.2001

0

0,20 point au 01.01.2002

0,20 point au 01.07.2002

- Suppression surcontribution

- 0,7

Produits financiers

- 0,4

Résultat du compte d'exploitation

8,4

1,8

Contribution exceptionnelle à l'Etat

0

0

- 7,0

Résultat final cumulé au 31.12

22,9

31,3

26,1

Concernant la " clarification " des relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC, les informations recueillies par votre rapporteur pour avis à l'issue de l'audition de M. Jean-Pierre Revoil, directeur général adjoint de l'UNEDIC, laissent apparaître que les partenaires sociaux ont accepté de rétrocéder à l'Etat 15 milliards de francs en deux ans (7 milliards de francs en 2001 et 8 milliards de francs en 2002). Par ailleurs, le régime d'assurance chômage ne devrait pas recevoir en 2002 une subvention à hauteur de 5 milliards de francs prévue pour participer au remboursement de prêts contractés dans les " mauvaises années ". Enfin, l'Etat ne devrait plus, à terme, participer au financement de l'AFR, ce qui devrait représenter un transfert de charges évalué globalement à 10 milliards de francs.

Au total, la " clarification des relations financières " consécutive à l'adoption de la nouvelle convention d'assurance chômage devrait se traduire par un effort financier du régime d'assurance chômage équivalent à 30 milliards de francs.

Enfin, on peut remarquer que le projet de budget ne comprend plus les crédits relatifs à la compensation du coût induit par le transfert de l'inscription des chômeurs de l'ANPE aux ASSEDIC. Jusqu'alors l'Etat dédommageait l'UNEDIC à hauteur de 200 millions de francs alors que le coût réel avoisinerait plutôt le double. La décision du Gouvernement de mettre fin, de manière unilatérale, à cette compensation ne devrait pas améliorer les relations entre l'Etat et les partenaires sociaux.

Les comptes de l'UNEDIC depuis 1993

(en millions de francs)

Dépenses

1993 (R)

1994 (R)

1995 (R)

1996 (R)

1997 (R)

1998 (R)

1999 (R)

2000 (P)

2001 (H)

- Dépenses techniques

107.067

101.948

93.907

96.860

100.714

102.877

104.719

102.239

101.070

- AUD-ACA

102.470

96.499

88.589

91.200

95.229

98.559

100.922

98.541

97.274

- AFR

5.744

6.440

6.242

6.340

6.358

5.636

5.175

4.922

4.910

- Décès

69

57

54

51

51

56

53

56

55

- ACR

23

23

16

12

12

8

5

4

5

Fonds sociaux hors revalorisation du plancher

826

1.006

1.107

1.288

1.174

765

813

948

1.000

- Indus

- 2.065

- 2.077

- 2.102

- 2.030

- 2.109

- 2.147

- 2.250

- 2.234

- 2.173

- Fonds paritaire d'intervention (ARPE

0

0

4

3.135

5.730

7.664

8.844

10.149

8.844

- Convention de coopération

0

0

0

499

1.461

1.825

1.832

408

0

- Participation UNEDIC AGCC

3.756

3.897

3.036

3.147

3.310

2.661

2.303

2.053

1.613

- Frais gestion et immobilisations

5.884

6.423

6.670

7.541

8.650

8.528

8.397

8.976

9.182

- Gestion administrative

5.503

5.985

6.370

6.831

7.337

7.659

7.771

8.322

8.432

- Immobilisations

381

438

300

711

1.313

868

626

654

750

- Caisses de retraite

6.619

8.012

7.506

8.385

8.334

10.864

13.102

13.216

12.369

- dont ARPE

0

0

0

236

649

921

1.151

1.406

1.242

- Intérêts comptes liaison

1.024

266

290

221

151

60

54

86

73

- Frais bancaires

1.392

338

27

15

12

7

2

2

3

- Intérêts sur emprunt

0

1.185

1.185

1.185

1.185

1.185

1.185

660

660

- Financement AS-FNE

0

2.165

2.303

2.936

1.362

1.210

2.219

2.518

2.205

Total dépenses assurances

125.742

124.235

114.929

123.925

130.909

136.881

142.656

140.308

136.021

Recettes

1993 (R)

1994 (R)

1995 (R)

1996 (R)

1997 (R)

1998 (R)

1999 (R)

2000 (P)

2001 (H)

- Produits techniques

102.173

114.518

118.498

122.876

118.736

122.944

127.931

135.440

141.014

- Contributions

99.342

112.137

115.954

120.233

116.454

120.782

125.677

133.025

138.504

- Surcontribution

1.322

1.348

1.437

1.475

1.395

1.164

1.400

1.565

1.615

Autres produits techniques

1.508

1.034

1.106

1.168

887

999

854

850

895

- Prélèvement retraite

1.561

1.415

1.302

1.316

1.398

1.454

1.490

1.486

1.468

- Conventions diverses

205

571

950

622

1.040

1.668

1.053

1.124

1.136

- Part Etat AFR

4.836

5.278

4.899

5.265

2.384

3.141

2.394

2.289

2.319

- Gestion administrative hors IDE

1.990

2.050

2.023

2.056

2.093

1.524

1.765

1.623

1.555

- Frais de fonctionnement IDE

-

-

-

-

250

235

205

205

205

- Contribution forfaitaire

241

27

9

3

1

2

1

0

0

- Contribution ARPE

-

-

-

-

-

-

544

1.302

535

- Cotisations licenciement

1.775

1.561

1.449

1.497

1.708

1.752

2.483

3.526

3.710

- Subvention Etat

4.168

7.500

7.595

0

0

0

0

0

0

- Revenus financiers

0

28

608

589

1.149

2.074

2.060

1.698

1.850

Total recettes assurances

116.949

132.948

137.333

134.224

128.760

134.792

139.926

148.694

153.792

Situation financière

1993 (R)

1994 (R)

1995 (R)

1996 (R)

1997 (R)

1998 (R)

1999 (R)

2000 (P)

2001 (H)

- Recettes

116.949

132.948

137.333

134.224

128.760

134.792

139.926

148.694

153.792

- Dépenses

125.742

124.235

114.929

123.925

130.909

136.881

142.656

140.308

136.021

- Ajustement bilan

- 326

21

- Résultat de l'année (R-D)

- 9.119

8.734

22.404

10.299

- 2.149

- 2.088

- 2.730

8.386

17.771

(R) : réalisé

(P) : Prévision

(H) : hypothèse

2. Les interrogations sur l'évolution de la politique de l'emploi et les articles 59 et 59 bis

Le débat de première lecture à l'Assemblée nationale a montré l'inquiétude des rapporteurs de la majorité, MM. Gérard Bapt et Jean-Claude Boulard, devant l'absence d'évolution de la politique de l'emploi. Ils ont estimé en particulier que le retour de la croissance pourrait, si l'on n'y prenait garde, renforcer l'éloignement de l'emploi des chômeurs les plus en difficulté.

Pour contrarier cette perspective, M. Gérard Bapt a notamment proposé la mise en place d'un " parcours individualisé, concrétisé par une convention individuelle d'engagement et utilisant les instruments disponibles " 20 ( * ) afin de permettre une prise en charge globale des personnes les plus éloignées de l'emploi.

Cette inquiétude des rapporteurs de l'Assemblée nationale est légitime. Elle traduit un sentiment partagé par votre rapporteur pour avis selon lequel ce projet de budget ne va pas assez loin dans " l'activation des dépenses passives ".

Bien sûr, il comporte quelques dispositions en ce sens. On remarque en particulier l'augmentation des moyens du service de l'emploi en 2000.

Mais on peut estimer néanmoins que ce projet de budget ne prend pas véritablement la mesure des changements intervenus sur le marché du travail comme ceux consécutifs à l'adoption d'une nouvelle convention d'assurance chômage.

L'article 59

La loi d'orientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a ouvert, à titre expérimental, le contrat de qualification aux demandeurs d'emploi de 26 ans et plus, ceci jusqu'au 31 décembre 2000. Le décret n° 98-1036 du 18 novembre 1998 relatif à l'expérimentation de l'élargissement du contrat de qualification aux adultes et la circulaire du 1 er décembre 1998 en ont précisé les règles.

Les délais impartis pour cette expérimentation n'ont pas permis aux partenaires sociaux de disposer des éléments nécessaires à une négociation sur les modalités d'une pérennisation du dispositif.

Dans ces conditions, le Gouvernement propose de reporter le terme de l'expérimentation au 30 juin 2002 et de fixer au 30 juin 2001 la date à laquelle les partenaires sociaux sont invités à négocier, afin de permettre une analyse circonstanciée, portant sur un nombre significatif de contrats.

L'assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre commission des Affaires sociales a également adopté cet article sans modification .

L'article 59 bis

L'article 59 bis a été introduit lors de la discussion à l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Gérard Bapt et Jacques Barrot. Cet article vise à tenir compte de l'effort particulier qu'ont réalisé les entreprises de travail temporaire en développant la formation en alternance. Il propose en conséquence d'exclure ces entreprises de l'obligation de versement d'une retenue de 35 % opérée au bénéfice de l'organisme collecteur interprofessionnel sur la contribution de 0,4 % pour la formation en alternance.

Votre commission des Affaires sociales a adopté cet article sans modification après avoir observé qu'il répondrait au souci de mieux prendre en compte les efforts en faveur du développement de l'emploi de certains secteurs d'activité.

V. LES MOYENS DU SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI CONTINUENT À PROGRESSER

Evolution des crédits consacrés à la gestion de la politique de l'emploi

(en millions de francs)

LFI 2000

PLF 2001

Evolution en %

LA GESTION DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI

15.229,05

16.195,61

6,3

A - Administration générale

3.454,05

3.701,04

7,2

Personnel

2.527,28

2.738,52

8,4

Fonctionnement

855,37

899,02

5,1

Equipement

71,40

63,50

- 11,1

B - ANPE

6.381,00

6.933,10

8,7

Subvention de fonctionnement

6.357,85

6.890,50

8,4

Subvention d'équipement

23,15

42,60

84,0

C - AFPA et autres organismes de formation

4.741,43

4.937,38

4,1

Subvention de fonctionnement AFPA

4.334,90

4.517,29

4,2

Subvention d'équipement AFPA

353,00

357,83

1,4

Acquisitions immobilières

2,90

0,00

- 100,0

Autres organismes de formation professionnelle

43,43

42,55

- 2,0

Contrats de plan Etat-régions. 2000-2006

0,00

12,71

-

Autres subventions d'équipements

7,20

7,00

- 2,8

D - Relations du travail

297,10

283,60

- 4,5

Conseil supérieur de la prud'homie

0,60

0,60

0,0

ANACT et FACT (6672)

70,10

72,40

3,3

OPRI

25,30

7,50

186,2

Elections prud'homales

1,10

1,10

0,0

Dépenses d'intervention (dont FACT)

200,00

202,00

1,0

E - Etudes et coopération internationale

116,22

120,60

3,8

Etudes

51,50

51,80

0,6

Recherche :

- CEE

34,10

34,78

2,0

- Conventions d'études

4,12

4,12

0,0

CEREQ

14,50

15,00

3,4

Autres organismes

12,00

14,90

24,2

F - Frais de gestion

239,25

219,88

- 8,1

Frais de gestion CNASEA

239,25

219,88

- 8,1

A. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DOIT S'ACCOMPAGNER D'UNE GESTION PLUS RIGOUREUSE

1. Les crédits d'administration du ministère connaissent une nouvelle hausse

Les crédits augmentent de 7,2 % à 3,7 milliards de francs en 2001 contre 3,45 milliards de francs en 2000. La hausse est particulièrement importante en ce qui concerne les dépenses de personnel qui s'élèveront à 2,73 milliards de francs en 2001, en hausse de 8,4 %.

L'augmentation des crédits relatifs au personnel devrait permettre la création de 135 emplois dont 113 sont directement la conséquence du surcroît d'activité relatif à la gestion de la mise en place des trente-cinq heures.

Ces créations d'emplois se traduiront notamment par l'arrivée de 20 inspecteurs et directeurs adjoints du travail ainsi que par celle de 75 contrôleurs du travail.

Evolution des moyens du service public de l'emploi depuis 1996
(milliards de francs)

Les moyens de fonctionnement, c'est-à-dire les crédits d'informatique, de communication et de fonctionnement de l'administration centrale et des services déconcentrés augmenteront de 5,1 % en 2001.

2. La gestion des personnels du ministère de l'emploi est encore perfectible

La commission des Finances de notre Assemblée vient de rendre un rapport 21 ( * ) analysant la situation, la gestion et les rémunérations des personnels du ministère de l'emploi.

A cette occasion, les deux rapporteurs, MM. Joseph Ostermann et Gérard Braun, ont notamment souligné les problèmes de " management " des effectifs ainsi que, plus généralement, les dysfonctionnements dans la gestion prévisionnelle des personnels.

Evolution des effectifs du service public de l'emploi depuis 1996

(*) Chiffre comprenant le transfert en LFI 2000 du budget de la DIIJ au budget de l'ANPE des mises à disposition dans les espaces-jeunes (337 emplois)

Selon nos collègues, les dysfonctionnements dans la gestion des personnels étaient réels comme l'avait relevé la Cour des comptes, ces dernières années. Néanmoins, ils seraient en voix de résorption. Les principaux problèmes tiendraient aujourd'hui à une gestion trop centralisée.

MM. Joseph Ostermann et Gérard Braun proposent pour l'avenir d'accroître la rémunération au mérite, de définir plus clairement les critères de l'absentéisme des agents et de développer la gestion prévisionnelle des effectifs.

A la lumière de cette analyse, on peut s'interroger sur le bien-fondé, sinon de la hausse des crédits de l'administration du ministère, en tous cas de l'emploi qui en est fait. On peut espérer que le Gouvernement tiendra compte de cette analyse et mettra en oeuvre les modifications nécessaires à une meilleure gestion du personnel de ce ministère.

B. LE SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI DOIT REDÉFINIR SES RELATIONS AVEC L'UNEDIC

1. La coopération entre l'ANPE et l'AFPA continue de se renforcer

a) Les moyens de l'ANPE continuent de progresser

Agence nationale pour l'emploi (ANPE)

ANPE

Personnel et fonctionnement 36-61-10

Investissements
(CP)
66-72-20

Annulations

Total après annulation

Evolution %

1994

4.880,50

56,06

4.936,56

1995

5.135,50

48,60

168,13

5.015,97

1,6 %

1996

5.325,59

45,61

164,34

5.206,86

3,8 %

1997

5.204,00

37,27

80,00

5.161,27

- 0,9 %

1998

5.204,00

18,73

5.222,73

1,2 %

1999

5.765,00

15,00

5.780,00

10,7 %

2000

6.357,85

23,15

6.381,00

10,4 %

2001

6.890,50

42,60

6.933,10

8,7 %

La subvention de fonctionnement croît de 8,4 %. Elle devrait passer de 6,36 milliards de francs en 2000 à 6,9 milliards de francs en 2001.

Une dotation de 138,5 millions de francs devrait permettre la mise en oeuvre de la nouvelle offre de service dans le cadre du Plan national d'action pour l'emploi (PNAE). Une dotation de 12,72 millions de francs est prévue pour financer la mise à disposition d'équipements supplémentaires (de type téléphones, photocopieurs, bornes internet et bornes de rédaction de CV) en accès gratuit prévue dans le cadre du programme de lutte contre les exclusions.

La subvention permettra également de financer la création de 433 emplois en 2001, ainsi que l'impact en année pleine de la création de 500 emplois en 2000 pour permettre à l'agence d'assurer sa participation au PNAE.

La subvention d'équipement de l'ANPE s'élèvera à 46,6 millions de francs en autorisations de programme en 2001, un montant de 42,6 millions de francs devrait être ouvert en crédits de paiement.

Auditionné le mercredi 15 novembre 2000 par votre rapporteur pour avis 22 ( * ) , M. Michel Bernard, directeur général de l'ANPE, a estimé que les moyens consacrés à l'agence étaient cohérents avec le contrat de progrès même s'il a remarqué que le nombre de créations d'emplois était légèrement inférieur à ce qui avait été prévu (433 contre 500). Il a déclaré que les négociations avec l'UNEDIC avaient débuté afin d'aboutir à une convention entre les deux organismes d'ici le mois de février. Il a remarqué que le nouveau " projet d'action personnalisé " qui devrait bénéficier de 6 milliards de francs de crédits de la part de l'UNEDIC se rapprochait du programme " nouveau départ ".

Répondant à une question sur les pénuries d'emplois, il a estimé à 400.000 le nombre d'offres d'emplois non satisfaites. Il a insisté sur la nécessité de s'assurer que les formations professionnelles dispensées répondent à de réels besoins sur le marché du travail. Il a observé que la méthode de recrutement dite " par habilités " concernait maintenant des dizaines de milliers d'emplois et constituait une voie possible pour résorber ces pénuries de main-d'oeuvre.

b) L'AFPA intervient de plus en plus en appui de l'ANPE

Les crédits de la formation professionnelle examinés par Mme Annick Bocandé font l'objet cette année d'un avis spécifique de votre commission.

Pour mémoire et compte tenu des liens étroits existants avec l'ANPE, on peut rappeler que la subvention de l'AFPA passe de 4,33 milliards de francs en 2000, à 4,5 milliards de francs en 2001, soit une augmentation de 4,2 %, destinée à traduire dans les moyens de l'AFPA, les axes du PNAE et du deuxième contrat de progrès (développer les prestations d'orientation pour la construction de parcours de formation pour les demandeurs d'emploi, développer la pédagogie de l'alternance et de l'individualisation des parcours, mettre en oeuvre et développer la validation des acquis de l'expérience).

Votre rapporteur pour avis considère que l'AFPA devrait être associée à la négociation en cours entre l'UNEDIC et l'ANPE pour mettre en place la nouvelle convention d'assurance chômage. Ce serait logique compte tenu de la place importante réservée à la formation dans le cadre du nouveau " projet d'action personnalisé ".

L'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA)
et les autres organismes de formation

AFPA

Fonctionnement 43 71 10

Investissements (CP) 66 71 40, 50 et 60

Annulations

Total après annulation

Evolution en  %

1995

3.923,00

237,00

- 11,75

4.148,25

3,10

1996

3.981,43

308,86

- 25,86

4.264,43

3,40

1997

3.991,43

271,61

- 30,00

4.233,04

- 0,70

1998

4.004,03

294,40

4.298,43

1,50

1999

4.128,00

324,74

4.452,74

3,60

2000

4.334,90

353,00

4.686,90

5,26

2001

4.517,29

357,83

4.872,12

3,95

2. Les crédits relatifs aux relations du travail

L'Agence nationale de l'amélioration des conditions de travail (ANACT )

L'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail 23 ( * ) est un établissement public à caractère national. Elle est investie d'une mission de service public d'innovation et de valorisation d'actions contribuant tout à la fois à l'amélioration des conditions de travail des salariés et à l'efficacité globale des entreprises et des organisations.

Pour 2001, la subvention versée à l'ANACT par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité s'élèvera à 72,4 millions de francs au lieu de 70,1 millions de francs.

Ces moyens devront lui permettre d'accentuer l'intervention de l'agence en matière de prévention des risques et d'étendre au niveau national l'expérimentation régionale de facilitation du dialogue social dans les entreprises.

Le Fonds pour l'amélioration des conditions de travail (FACT)

Le Fonds pour l'amélioration des conditions de travail est un dispositif d'appui aux entreprises, géré par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, permettant de soutenir financièrement des actions innovantes en matière d'organisation et de conditions de travail. Il permet de faciliter la recherche de solutions concertées, en particulier dans les PME, préservant les intérêts des salariés et le performances de l'entreprise.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001, la dotation est reconduite à hauteur de 18 millions de francs.

L'Office de protection contre les rayonnements ionisants

L'OPRI est chargé depuis 1999 du suivi en temps réel des travailleurs soumis aux rayonnements ionisants.

En 2000, la contribution du ministère à l'Office de protection contre les rayonnements ionisants s'élève à 7,5 millions de francs (contre 25,3 millions de francs en 2000). La diminution de la dotation s'explique par la non-reconduction des crédits destinés à financer en 2000 la construction d'un système informatique de suivi dosimétrique en temps réel de l'ensemble des travailleurs susceptibles d'une exposition à un rayonnement ionisant.

Les dépenses d'intervention

La dotation des dépenses d'intervention augmente légèrement à 202 millions de francs en 2001.

Dans le cadre de cette dotation, l'aide à la négociation et à la participation passera de 22,10 millions de francs à 31,1 millions de francs en 2001, soit une augmentation de 40 % de la dotation. Cette forte augmentation est destinée à accompagner l'évolution de la négociation d'entreprise, dans le cadre, notamment, de l'application de la seconde loi sur la réduction du temps de travail. Ces crédits permettront d'augmenter le nombre de formations dispensées aux salariés mandatés dont le nombre devrait croître au cours de l'année. Parallèlement, les dispositifs au dialogue social dans l'entreprise seront adoptés pour faire face à la généralisation de la négociation à l'occasion du passage aux 35 heures.

*

* *

En conclusion, et après avoir, à nouveau, rappelé le caractère inadapté de la politique de l'emploi menée par le Gouvernement aux nouveaux enjeux de la croissance, votre commission des Affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés au travail et à l'emploi dans le budget pour 2001 .

Par ailleurs, elle a adopté les articles 59, 59 bis et 60 rattachés à l'examen des crédits " travail et emploi ", ainsi qu' un amendement de suppression de l'article 58.

Les articles 58, 59, 59 bis et 60 sont examinés dans l'exposé général à la page 16 pour l'article 58, à la page 19 pour l'article 60 et à la page 53 pour les articles 59 et 59 bis.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. MICHEL BERNARD, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI (ANPE)
LE 8 MARS 2000

Réunie le mercredi 8 mars 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, puis de M. Jacques Bimbenet, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Michel Bernard, Directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), sur l'accès à l'emploi et l'insertion professionnelle, accompagné de M. Jean-François Ruth, responsable de la mission " programmes d'intervention ".

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la commission avait souhaité organiser une série d'auditions sur l'accès à l'emploi et l'insertion professionnelle dans le cadre de l'application de la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Il a indiqué que les intervenants répondraient notamment aux questions de M. Bernard Seillier, qui avait rapporté cette loi au nom de la commission, et de Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle. Il a précisé que M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail et de l'emploi, avait été retenu dans son département.

M. Michel Bernard a tout d'abord considéré que l'année 1999, avec une croissance d'environ 2,8 % du produit intérieur brut (PIB), avait tenu ses promesses en matière de création d'emplois. Il a observé que 430.000 emplois avaient été créés en 1999, contre 390.000 en 1998, dont 350.000 dans le secteur marchand. Il a souligné que l'ANPE avait proposé, au cours de cette année, environ 3 millions d'offres d'emploi. Il s'est félicité de la forte diminution du chômage, en observant que le taux de chômage avait baissé de 11,4 %, ce qui représentait 333.600 demandeurs d'emploi en moins sur un an.

M. Michel Bernard a insisté sur le fait que la diminution du chômage avait profité en particulier aux demandeurs d'emploi de longue durée, le nombre de demandeurs d'emploi ayant un à deux ans d'ancienneté dans le chômage ayant baissé de 17,5 % et celui des demandeurs d'emploi ayant plus de deux ans de chômage, de 12 %. Il a souligné que les jeunes bénéficiaient également de cette embellie, puisque le nombre de demandeurs d'emploi de moins de 25 ans a été réduit de 15,9 % en un an.

M. Michel Bernard a exposé le contenu du programme " service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi ". Il a expliqué que ce dispositif reposait sur un volet préventif à l'attention des jeunes et des adultes entrant dans leur sixième mois de chômage et d'un volet curatif à destination des jeunes demandeurs d'emploi de plus d'un an, des adultes demandeurs d'emploi de plus de deux ans et des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI). Il a précisé que ce programme reposait sur quatre types d'actions : un appui à l'emploi, une orientation vers la formation, un accompagnement personnalisé et un accompagnement personnalisé avec appui social, chacune de ces actions étant destinée à un public particulier.

M. Michel Bernard a souligné que 841.000 personnes avaient bénéficié du programme " nouveau départ " en 1999. Il a observé que 52 % de bénéficiaires pouvaient être considérés comme étant des publics menacés d'exclusion, que 17 % étaient des adultes ayant douze mois de chômage et que 7 % étaient des jeunes ayant déjà six mois de chômage, le solde, soit 24 %, étant constitué par les demandeurs d'emploi ayant moins de six mois d'ancienneté. Evoquant la répartition par type d'actions, M. Michel Bernard a précisé que 56,5 % des bénéficiaires s'étaient vu proposer un appui à l'emploi, 14 % une formation, 21 % un accompagnement personnalisé et 8,5 % un accompagnement personnalisé avec appui social.

Evaluant les résultats de ce programme " nouveau départ ", M. Michel Bernard a estimé qu'au bout de quatre mois, 35 % des bénéficiaires avaient retrouvé un emploi alors que 5,2 % suivaient une formation et 14,5 % étaient sortis du dispositif pour un autre motif (radiation, préretraite, maladie...), 45 % des bénéficiaires demeurant à la recherche d'un emploi. Il a considéré que le programme " nouveau départ " permettait de doubler la probabilité de sortir du chômage pour les jeunes demandeurs d'emploi de longue durée.

M. Michel Bernard a souhaité rappeler que l'action de l'ANPE s'inscrivait dorénavant dans le cadre d'un réseau qui associait plusieurs partenaires à une action commune. Il a souligné que près de 40 % des jeunes bénéficiaires du programme " nouveau départ " avaient été reçus par les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), que 96.500 demandeurs d'emploi avaient été orientés vers l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et que 154.000 personnes avaient pu bénéficier d'un accompagnement personnalisé. Il a précisé que l'ANPE travaillait aujourd'hui en étroite collaboration avec 500.000 entreprises clientes. Il a observé que 2.638.000 offres proposées par l'Agence avaient donné lieu à une embauche, ce qui représente un taux de satisfaction de l'ordre de 88 %. Il a remarqué que la qualité des offres d'emploi proposées restait élevée puisque près de 900.000 d'entre elles, soit un tiers du total, étaient constituées de contrats à durée indéterminée et environ 17 % de contrats à durée déterminée de plus de six mois.

M. Michel Bernard a observé que le secteur marchand, c'est-à-dire, notamment les services aux entreprises, la restauration et la santé, avait recruté, en 1999, près de 1,5 million de personnes, alors que le secteur non marchand avait embauché 442.000 personnes, le commerce 342.000 personnes, le bâtiment et les travaux publics 163.300 personnes et les transports et télécommunications 110.200 personnes.

Il a estimé que les métiers pour lesquels les entreprises avaient le plus de difficulté à recruter concernaient les informaticiens, les cuisiniers, les employés et agents de maîtrise de l'hôtellerie, certains ouvriers qualifiés de la métallurgie, les ouvriers qualifiés du gros oeuvre du bâtiment, les bouchers, les charcutiers, les boulangers, les ouvriers qualifiés des industries dites " de process ", les conducteurs de véhicules, les ouvriers qualifiés de la mécanique, les représentants, les infirmiers et les sages-femmes.

M. Jean Delaneau, président, a souhaité savoir dans quelle mesure la reprise d'un emploi concernait également les personnes en situation d'exclusion. Il a également demandé des précisions sur les expériences mises en oeuvre par l'ANPE concernant les procédures de recrutement privilégiant " l'habilité " des candidats par rapport au niveau de diplôme.

M. Michel Bernard a estimé que la hausse actuelle du nombre de bénéficiaires du RMI répondait pour une part à un changement dans les règles d'attribution. Il a observé par ailleurs que les tensions rencontrées actuellement dans le fonctionnement du marché du travail constitueraient une chance pour les publics les plus éloignés de l'emploi si ces derniers possédaient une motivation suffisante et pouvaient bénéficier de dispositifs de formation adaptés.

M. Jean-François Ruth, responsable de la mission " programmes d'intervention ", a précisé que la possibilité ouverte aux titulaires du RMI de cumuler cette allocation avec la reprise d'un emploi contribuait à la hausse du nombre de bénéficiaires de ce minimum social.

M. Michel Bernard a ensuite présenté la technique dite du " recrutement par habilité ". Il a précisé que celle-ci s'inspirait d'une méthode canadienne consistant à s'interroger en premier lieu sur les compétences nécessaires pour effectuer une tâche et, en second lieu, à élaborer des tests permettant d'organiser la procédure de recrutement. Il a considéré que cette méthode était particulièrement bien adaptée pour pourvoir à des demandes d'emploi dans des régions ou des secteurs d'activité caractérisés par un déficit de demandeurs d'emploi répondant parfaitement au profil des postes proposés. C'est ainsi que des entreprises du secteur industriel qui recherchaient des ouvriers très qualifiés d'un âge intermédiaire ont pu accepter de recruter des femmes, des jeunes ou encore des travailleurs âgés qui, tous, avaient satisfait aux tests réalisés à partir des compétences considérées comme nécessaires pour exercer le métier proposé.

M. Michel Bernard a observé que certaines entreprises s'étaient montré réticentes face à cette technique de recrutement qui ne privilégiait pas les diplômes. Il a considéré que le recours à cette méthode resterait limité en raison de son coût élevé.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur les modalités de financement du programme " nouveau départ ". Il a souhaité savoir dans quelle mesure les entreprises étaient réceptives à la nécessité d'embaucher les personnes les plus éloignées du monde du travail. Il a demandé des précisions sur les relations entre les agences locales de l'ANPE et les associations intermédiaires depuis la mise en place des procédures d'agrément et de conventionnement prévues par la loi du 29 juillet 1998.

En réponse à M. Bernard Seillier, M. Michel Bernard a observé que le troisième contrat de progrès courant sur la période 1999-2003, signé entre l'Etat et l'ANPE, avait été négocié concomitamment avec le programme " nouveau départ ", ce qui avait permis d'assurer une grande cohérence de l'ensemble. Il a rappelé que l'ANPE avait obtenu une augmentation de ses effectifs de 2.500 personnes. Il a souligné que ces nouveaux moyens avaient permis de fixer un objectif de 1,5 million de personnes traitées dans le cadre du programme " nouveau départ " à l'horizon de 2001. Il a souhaité, à cet égard, que les engagements souscrits soient tenus par l'ensemble des parties.

M. Michel Bernard a considéré que la méthode du " recrutement par habilité " n'avait pas vocation à remplacer l'organisation globale de la formation et de l'accès au marché du travail. Il a souligné néanmoins que cette méthode pouvait permettre d'économiser le coût de certaines formations en les réservant uniquement aux personnes considérées aptes à occuper les postes à pourvoir. Il a estimé également que cette technique pouvait être d'une grande utilité dans la lutte contre les discriminations à l'encontre des femmes, des habitants de certains quartiers ou des personnes d'origine étrangère.

Il a précisé par ailleurs que l'ANPE avait signé des conventions avec plusieurs centaines d'entreprises d'insertion en application de la loi du 29 juillet 1998.

Mme Annick Bocandé, rapporteur, s'est interrogée sur l'état des relations entre l'ANPE et l'AFPA et sur le bilan du fonctionnement des missions locales et des espaces jeunes. Après avoir rappelé que de nombreuses communes avaient mis en place des " points emploi " permettant aux jeunes de rechercher un emploi en ayant recours à Internet, elle a souhaité savoir quels étaient les projets de l'ANPE en la matière.

M. Michel Bernard a précisé que l'AFPA et l'ANPE avaient mis en place un service intégré d'accès à l'emploi qui permettait de faire bénéficier les demandeurs d'emploi d'un parcours de formation adapté dès qu'un besoin était détecté. Il a souligné que 80.000 personnes avaient bénéficié de ce dispositif en 1999. Il a estimé qu'à terme 80 % des actions de formation de l'AFPA devraient être réalisées avec des demandeurs d'emploi de l'ANPE.

Il a considéré que le nombre d'espaces jeunes devrait continuer à augmenter dans les années à venir et a constaté que la coopération avec les différents partenaires donnait satisfaction dans la majorité des cas. Il a observé par ailleurs que l'ANPE proposait un accès à ses services dans plus de 1.000 points emploi situés dans des mairies, ce qui constituait un véritable service de proximité.

M. Michel Bernard a estimé que le site Internet de l'ANPE, qui propose 90.000 offres d'emploi chaque jour et reçoit 600.000 visites par mois, devrait évoluer dès cette année. Alors qu'aujourd'hui seules les offres peuvent être consultées, il a précisé que les entreprises devraient bientôt pouvoir alimenter directement le système en offres d'emploi et qu'à partir de 2001 les demandeurs d'emploi pourraient faire parvenir des curriculum vitae et recevoir des offres d'emploi personnalisées par e-mail. Il a remarqué toutefois que le développement de ces nouveaux services nécessiterait une dépense de plusieurs dizaines de millions de francs.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est réjouie que l'ANPE ait retrouvé une place déterminante au sein du service public de l'emploi. Elle a observé les bons résultats du plan national d'accès à l'emploi. Elle s'est interrogée sur les politiques à mettre en oeuvre pour résoudre les tensions apparues sur le marché du travail. Elle a souhaité connaître les dispositifs mis en oeuvre au service des personnes rencontrant des difficultés d'ordre psychologique. Elle a demandé, enfin, si l'on observait toujours un phénomène de surqualification dans les recrutements.

En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Michel Bernard a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'adopter des dispositions législatives particulières pour résoudre les tensions sur le marché du travail, mais qu'il convenait de renforcer la coopération entre les différents acteurs et notamment l'ANPE, les services du ministère, les entreprises et l'éducation nationale. Il a proposé de renforcer les diagnostics au niveau des bassins d'emploi pour déterminer les besoins en termes de qualifications et d'effectifs. Il a estimé que, ce faisant, il était possible de mettre en oeuvre rapidement des formations adaptées afin de répondre aux besoins. Il a insisté sur la nécessité de favoriser l'emploi des travailleurs de plus de cinquante ans qui pouvaient constituer une main d'oeuvre qualifiée immédiatement disponible. Il a rappelé que l'accompagnement personnalisé avec appui social était destiné, en particulier, à des personnes rencontrant des problèmes psychologiques. Il a estimé, enfin, qu'aujourd'hui le problème de la surqualification était moins actuel et que les entreprises étaient amenées à s'adapter au nouveau contexte du marché du travail.

M. Jean Chérioux a félicité M. Michel Bernard pour son exposé de la politique poursuivie par l'ANPE et le caractère pragmatique des actions mises en oeuvre. Il a souhaité que l'Agence poursuive son effort en faveur des bénéficiaires du RMI dans les années à venir.

M. Guy Fischer a remarqué que la création d'emplois s'accompagnait dans le même temps d'un développement de la précarité.

M. Michel Bernard a observé, en réponse à M. Guy Fischer, que le nombre de contrats à durée indéterminée avait augmenté de 50.000 en 1999, ce qui démontrait que la croissance était riche en emplois durables, même si la proportion de contrats à durée déterminée restait effectivement importante.

MM. Philippe Nogrix et Marcel Lesbros ont insisté sur la nécessité d'inciter les chômeurs à reprendre un emploi, après avoir rappelé que les dispositifs d'insertion mis en oeuvre à l'attention des bénéficiaires du RMI n'avaient toujours pas démontré leur efficacité.

II. AUDITION DE M. HENRI ROUILLEAULT,
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'AGENCE NATIONALE POUR L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL (ANACT) LE 26 AVRIL 2000

Réunie le mercredi 26 avril 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Henri Rouilleault, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT).

M. Jean Delaneau , président , a rappelé le souhait du président et du directeur général de l'ANACT d'être auditionnés par la commission et l'appui apporté à cette demande par M. Guy Fischer qui représente le Sénat au conseil d'administration de l'agence. Il s'est donc réjoui de cette audition et a souhaité que M. Rouilleault puisse aborder, dans son propos, la question du " stress " au travail et l'évolution du nombre des accidents du travail. Sur ce premier point, il a observé, en effet, que les tensions apparaissant sur le décompte du temps de travail dans le cadre de l'application des trente-cinq heures conduisaient, bien souvent, à une " chasse au temps mort " et à la recherche d'une productivité accrue. Il a souligné, à cet égard, que M. Rouilleault pouvait apporter un point de vue éclairé sur cette question dès lors qu'il présidait la commission chargée, au sein du commissariat général au plan, de tirer les enseignements de la réduction du temps de travail (RTT).

Après avoir prié la commission d'excuser M. Philippe Varrin, président de l'ANACT, retenu par des obligations professionnelles, M. Henri Rouilleault a présenté le " réseau ANACT ", qui regroupe un établissement public national et 23 organismes régionaux décentralisés.

Il a rappelé que l'établissement public avait été créé par la loi n° 73-1195 du 27 décembre 1973 relative à l'amélioration des conditions de travail, présentée par M. Christian Poncelet, alors qu'il était secrétaire d'Etat auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la population. Il a précisé que la création de cet organisme s'inscrivait dans le droit fil d'une idée émise par M. Jacques Chaban-Delmas, alors Premier ministre, et M. Jacques Delors, visant à instaurer un dialogue entre les employeurs et les salariés, sous l'arbitrage de l'Etat, en matière de conditions de travail et de formation professionnelle.

Il a précisé que l'ANACT était donc un établissement public, placé sous la tutelle du ministère chargé du travail, composé d'un conseil d'administration tripartite et assisté d'un comité scientifique.

Il a indiqué que l'ANACT était implantée à Lyon depuis une décision de délocalisation prise par le comité interministériel d'aménagement du territoire d'avril 1997.

Il a rappelé qu'aux termes de la loi, l'ANACT avait pour mission de rassembler et de diffuser les informations concernant, en France et à l'étranger, toute action tendant à améliorer les conditions de travail ainsi que de contribuer au développement et à l'encouragement de recherches, d'expériences ou réalisations en matière d'amélioration des conditions de travail.

Il a souligné qu'aux termes du contrat de progrès 1999-2003, l'activité de l'ANACT portait sur les conditions de travail dans toutes leurs dimensions, qu'il s'agisse de la prévention des risques professionnels, de la sécurité, de la santé et du bien-être des salariés ou du contenu, de la durée et de l'organisation du travail. L'ANACT est également compétente pour ce qui concerne le maintien et le développement des compétences des salariés, ainsi que leurs conditions d'emploi et leurs perspectives professionnelles.

S'agissant du réseau, il a précisé que celui-ci était composé de 23 associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail (ARACT) et antennes locales qui constituaient une forme originale de décentralisation et de partenariat social : gérées et animées par les partenaires sociaux dans un cadre bipartite, les ARACT sont cofinancées par l'ANACT, les services de l'Etat, les conseils régionaux et d'autres institutions.

Il a souligné que l'objectif de cette " décentralisation " était d'offrir un service de proximité aux petites et moyennes entreprises, de démultiplier les missions de service public de l'ANACT dans les régions, ainsi que de développer des projets en partenariat et des actions collectives.

Evoquant les objectifs du réseau, il a indiqué qu'il s'agissait de " mettre le travail au coeur du changement ", c'est-à-dire de développer des démarches innovantes permettant l'amélioration des situations de travail des salariés et la performance des organisations. La méthode consiste à apporter un appui technique au dialogue social, à concevoir des outils et à transférer des savoir-faire, sans se substituer aux partenaires sociaux, ni aux responsables des entreprises.

M. Henri Rouilleault a pris l'exemple d'une mission de l'ANACT visant à la réorganisation d'une chaîne de travail ayant provoqué de nombreux cas de troubles musculo-squelettiques (TMS). Le travail de réflexion de l'ANACT avait permis de mettre en place des équipes semi-autonomes, aptes à gérer des " stock-tampons ", ce qui permettait aux salariés d'effectuer des gestes moins répétitifs dans un processus moins contraignant.

M. Henri Rouilleault a souligné que les compétences de l'ANACT étaient diversifiées à partir d'équipes pluridisciplinaires faisant notamment appel à des spécialistes de la psychologie du travail, de l'ergonomie et des " sciences de l'ingénieur ".

Evoquant les prestations de l'ANACT, M. Henri Rouilleault a mentionné tout d'abord les interventions en entreprise pouvant prendre la forme d'interventions courtes gratuites de pré-conseil limitées à cinq jours, d'interventions de plus longue durée ou encore d'instruction technique de dossiers de financement par des aides publiques. L'autre volet de l'action de l'ANACT est axé sur l'animation sur des thèmes sectoriels ou à partir d'un réseau de consultants. Il a souligné que près de 1.000 consultants pouvaient être sollicités par l'ANACT dans un esprit pluridisciplinaire permettant de conjuguer les compétences en matière de médecine du travail, de fixation de normes techniques ou d'organisation de l'entreprise.

Il a souligné que, d'une manière générale, le thème de l'organisation du travail lié à la santé des salariés était au coeur de l'activité du " réseau ANACT " dont les objectifs étaient l'amélioration de la performance globale des entreprises, l'amélioration des conditions de travail et de vie des salariés ainsi que le développement de l'emploi en quantité et en qualité.

En matière de communication, il a rappelé que l'ANACT disposait d'un site internet, publiait une revue mensuelle, éditait des ouvrages et gérait un centre d'information et de documentation ouvert au public.

Sur le plan budgétaire, il a indiqué que les salaires versés aux 80 salariés de l'ANACT et aux 150 salariés des ARACT représentaient le principal poste de dépenses du réseau.

Il a rappelé que l'ANACT, en 1999, était financée principalement par une subvention, d'un montant de 70 millions de francs, versée par le ministère de l'emploi et de la solidarité et qu'elle disposait par ailleurs de 7 millions de francs de ressources propres provenant des entreprises, du fonds social européen (FSE) ou de la vente de publications. Les ARACT, quant à elles, perçoivent près du quart de leur budget de fonctionnement par un transfert de l'agence nationale, les autres ressources étant constituées par des subventions des services de l'Etat, du FSE, des conseils régionaux ainsi que de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH).

Concernant les accidents du travail, il a souligné le recul progressif de leur nombre par rapport aux années 1960 et 1970, tout en faisant remarquer que chaque période de reprise économique avait entraîné une augmentation significative des accidents du travail. Evoquant l'existence d'un lien entre la précarité des salariés et le nombre des accidents du travail, il a précisé que l'ANACT avait entrepris, avec l'un des grands groupes d'intérim, une étude sur la " surraccidentabilité " des travailleurs intérimaires.

S'agissant des maladies professionnelles, M. Henri Rouilleault a fait état d'une montée constante de celles-ci, qu'il a attribuée à l'augmentation du nombre de produits à risques ainsi qu'au développement des TMS. Il a fait état de 9.000 cas de TMS déclarés par an recouvrant des situations de handicaps très concrètes et douloureuses pour les salariés et susceptibles, du point de vue des employeurs, d'entraîner des pertes de production.

Evoquant l'effet du temps de travail sur la santé des salariés, il a souligné que cette question devait être abordée avec beaucoup de prudence car une flexibilité accrue peut entraîner une dégradation des conditions de travail des salariés, en termes de disponibilité ou de compétence.

M. Henri Rouilleault a souligné qu'un bon accord sur la réduction du temps de travail était " un accord à vivre ", c'est-à-dire qui donnait lieu à un suivi et à un dialogue réguliers entre les représentants des salariés et l'employeur.

M. Jean Delaneau , président , a fait état d'une entreprise qui avait mis en place une durée du travail hebdomadaire de 36 heures sur 4 jours et qui avait constaté, en quatre ans, une réduction de 30 % du nombre des arrêts de travail pour maladie.

M. Henri Rouilleault a pris l'exemple d'une grande entreprise de transport routier qui avait constaté, après la conclusion d'un accord de RTT, une réduction des accidents de la route causés par ses chauffeurs qui avait permis une diminution des primes d'assurances. Il a souligné néanmoins qu'il était parfois dangereux de concentrer l'activité hebdomadaire du travail sur 4 jours, notamment lorsque la durée du déplacement entre le domicile et le lieu de travail était importante.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur l'analyse prospective de l'ANACT en matière de droit du travail, dans un contexte de reprise économique.

M. Louis Souvet s'est interrogé sur l'intervention de l'ANACT dans le processus de " refondation sociale " engagé par le mouvement des entreprises de France (MEDEF). Il s'est demandé s'il ne serait pas opportun que la médecine de ville prenne parfois le relais de la médecine du travail. Il a souligné que l'augmentation des accidents du travail en période de reprise économique pouvait être due à l'inexpérience des nouveaux personnels embauchés, tout en s'interrogeant sur les remèdes adéquats. Il s'est demandé si la hausse des maladies professionnelles était réelle, ou si elle provenait d'un élargissement des critères de reconnaissance de ces maladies, et si l'ANACT avait observé une dégradation des conditions de travail des salariés du fait du passage aux 35 heures. Il s'est interrogé sur les avantages et les inconvénients de la délocalisation de l'ANACT.

M. Alain Gournac s'est demandé si le passage aux 35 heures ne risquait pas de dégrader le climat social du fait de la perception négative par les salariés des mesures d'annualisation ou des règles imposées en matière de récupération.

M. Marcel Lesbros a souligné que la notion de maladie professionnelle s'était considérablement élargie au cours de ces dernières années du fait de la prise en compte des maladies mentales et des troubles psychiques, ainsi que des situations de " harcèlement professionnel " aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur l'intervention de l'ANACT dans les services publics ainsi que sur la coordination avec les services de l'inspection du travail.

Répondant aux intervenants, M. Henri Rouilleault a souligné, s'agissant des récentes négociations sur la " refondation sociale ", que l'ANACT n'était pas un acteur de la négociation, mais qu'elle suivait attentivement ce dossier, en observant notamment qu'un consensus semblait se dégager pour admettre qu'en matière de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, la réponse passait par une coopération accrue des médecins du travail, des prescripteurs de normes, notamment les ingénieurs conseils des caisses régionales d'assurance maladie, et des spécialistes en organisation du travail. M. Henri Rouilleault a observé que l'ANACT ne pouvait que se féliciter d'un processus de concertation entre les partenaires sociaux.

Concernant la médecine du travail, il a rappelé qu'il manquait environ 500 médecins du travail pour que le dispositif actuel fonctionne de manière satisfaisante. Compte tenu de l'insuffisance durable des effectifs de médecins, il a estimé naturel que soit évoquée la possibilité de recourir en appui à la médecine de ville, tout en précisant que l'exercice de cette mission devrait demeurer sous l'autorité du médecin du travail.

Concernant la localisation de l'ANACT à Lyon, qui est la deuxième ville de France, il a indiqué que les loyers étaient moins chers mais qu'en revanche les frais de transport, notamment aérien, étaient parfois plus élevés et que le bassin d'emploi pouvait apparaître moins important. Constatant que la question de la " délocalisation " ne se posait pas dans les autres pays européens, il a considéré que le bilan global de l'opération ne pourrait être dressé avant quatre ou cinq ans.

S'agissant de l'effet de la RTT sur la productivité, il a rappelé tout d'abord qu'un salarié qui travaillait moins travaillait plus facilement et plus efficacement. Il a constaté en outre que plus de 50 % des entreprises ayant signé un accord de RTT avaient pratiqué des mesures d'annualisation génératrices de gains de productivité.

Il a observé que dans l'ensemble, malgré la mise en place des trente-cinq heures, la durée d'utilisation des équipements avait récemment continué d'augmenter, ce qui démontrait que les entreprises et les salariés avaient été conduits à réviser l'organisation du travail, en contrepartie de la RTT.

Rappelant que trois éléments permettaient de financer la RTT -la modération salariale, les aides publiques et les gains de productivité- il a constaté que les négociations seraient sans doute plus ardues pour les entreprises qui les engageraient le plus tardivement dans la mesure où il serait plus difficile de conclure des accords de modération salariale dans une période où réapparaissaient certaines tensions sur le marché du travail.

S'agissant de l'effet du passage aux 35 heures sur le dialogue social, il a admis que beaucoup de conflits étaient apparus à ce sujet dans le secteur public, tout en rappelant que les grandes entreprises nationales, menacées par l'émergence de la concurrence, apparaissaient comme un " maillon faible " sur le plan de la qualité des relations sociales. Il a noté que, dans le secteur privé, le passage aux 35 heures ne s'était pas traduit par une reprise massive des conflits du travail, du moins si l'on se référait aux derniers chiffres disponibles (septembre 1999).

Concernant les maladies professionnelles, il a considéré que leur hausse était due à une amélioration de leur reconnaissance, mais il a fait observer qu'à reconnaissance égale, le nombre de maladies professionnelles déclarées et reconnues comme telles étaient en augmentation.

S'agissant des relations avec l'inspection du travail, il a souligné que la mission de cette dernière différait de celle du réseau de l'ANACT : alors que les inspecteurs du travail sont habilités par la loi à intervenir et à contrôler les entreprises, les missions de l'ANACT sont toujours effectuées dans le cadre d'une activité de conseils, à la double condition que le chef d'entreprise ait donné son accord et que les représentants du personnel soient associés à la démarche au moment du diagnostic et de la communication des résultats.

Concernant le champ d'intervention de l'ANACT, M. Henri Rouilleault a rappelé que celui-ci concernait tous les salariés du secteur privé ou du secteur public. S'agissant du secteur public, l'ANACT a concentré son action dans les secteurs difficiles, notamment dans le secteur hospitalier, auprès des salariés du ministère de l'équipement, ainsi qu'à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), où les relations avec le public peuvent générer des situations de stress.

De manière prospective, M. Henri Rouilleault a considéré que l'amélioration de la situation de l'emploi devrait faire réapparaître des problèmes de gestion de carrière et de promotion des salariés qui avaient été occultés en période de chômage. Il a estimé que le droit du travail serait toujours nécessaire pour assurer un minimum de régulation sociale, tout en estimant que celui-ci devrait évoluer dans le sens de la souplesse et de la négociation.

Il a considéré que la valeur sociale attachée au travail ne devrait pas disparaître, dans la mesure où ce que l'individu avait acquis comme expérience, ou réalisé sur le plan professionnel, conditionnait largement son activité et son rôle pendant les périodes de temps libre.

Enfin, d'une manière générale, il a souligné que les techniques modernes liées aux instruments mobiles de communication ou de travail rendraient de plus en plus difficile la mesure du temps de travail effectif du salarié.

III. AUDITION DE LA MINISTRE

Réunie le mardi 21 novembre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou , ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi de finances pour 2001.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a tout d'abord rappelé que le budget de l'emploi pour 2001 diminuait légèrement, à structure constante, de 1,9 %, à 119,8 milliards de francs.

Evoquant les modifications des différents périmètres, elle a souligné que, pour le budget de l'emploi, les compensations d'exonérations de cotisations sociales étaient transférées au fonds de financement des trente-cinq heures (FOREC) pour près de 7 milliards de francs, ce qui contribuait à la clarification des financements.

S'agissant de la réduction du chômage tout d'abord, elle a précisé que la politique du Gouvernement utilisait une très large palette d'instruments, dont une partie seulement était financée par les crédits du budget de l'emploi.

Elle a souligné que l'action du Gouvernement passait d'abord par la réduction du temps de travail. Elle a rappelé que les allégements de charges sociales des entreprises étaient désormais financés par le FOREC, la seule mesure qui restait financée sur le budget de l'Etat concernant les trente-cinq heures étant les dépenses d'appui-conseil aux entreprises, et d'abord aux petites et moyennes entreprises (PME), pour les aider à définir leur nouvelle organisation du travail. Elle a précisé que les crédits à ce titre seraient portés à 280 millions de francs pour 2001, contre 150 millions de francs en 2000.

Elle a constaté que le programme emplois-jeunes, autre action prioritaire du Gouvernement, était un réel succès. Au 30 septembre 2000, 272.600 jeunes avaient été recrutés dans le cadre du dispositif. Le budget 2001 permettait de financer 31.000 créations d'emplois supplémentaires, ce qui, compte tenu des départs intervenus sur des postes déjà créés, devrait conduire à 66.000 embauches. Fin 2001, 350.000 jeunes auraient été recrutés dans le cadre de ce dispositif.

Après avoir rappelé que l'effort de professionnalisation des jeunes constituait une priorité déjà bien engagée sur le terrain, elle a indiqué que le financement des formations était assuré par l'engagement des employeurs, le partenariat avec les conseils régionaux et la contribution du fonds social européen (FSE). Au total, près de 2 milliards de francs étaient mobilisés pour le financement des actions de professionnalisation.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a fait part du souhait du Gouvernement que les futurs emplois créés soient maintenus au-delà des cinq ans de l'aide de l'Etat lorsqu'ils ont fait la preuve de leur utilité pour répondre à des besoins nouveaux. La question posée est en fait d'une part, celle de la solvabilisation des emplois, incluant, dans un certain nombre de cas, le maintien d'une aide au poste par l'Etat, d'autre part, celle des perspectives offertes aux jeunes à l'issue de leur contrat de cinq ans. Elle a déclaré que des décisions seraient prochainement arrêtées par le Gouvernement sur ces deux questions.

Elle a indiqué que la priorité accordée aux allégements de charges pour la réduction du temps de travail et aux emplois-jeunes conduisait à limiter le financement du recours aux mesures d'âge.

Elle a rappelé que les dotations budgétaires consacrées aux allocations spéciales du fonds national pour l'emploi, dont le coût atteignait près de 10 milliards de francs en 1997, seraient ramenées à 2,2 milliards de francs en 2001, cette réduction du coût des allocations spéciales du FNE expliquant, à elle seule, la diminution du budget de l'emploi pour 2001.

Parallèlement, le nouveau dispositif de cessation anticipée d'activité de certains travailleurs salariés, qui s'appliquait aux salariés exerçant des tâches particulièrement pénibles, monterait en charge l'an prochain ; 16.000 entrées nouvelles seraient prévues pour les préretraites progressives, contre 13.500 en 2001.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que la politique du Gouvernement visait également à lutter contre l'exclusion dans le domaine de l'emploi. Si l'amélioration de la situation économique touche maintenant toutes les couches sociales de la population, y compris celles qui éprouvent les plus grandes difficultés comme le montrait la diminution du nombre de Rmistes, il convient encore de faire face aux situations d'exclusion durable et de précarité. Elle a souligné que la démarche constante du Gouvernement consistait à adapter et à recentrer les dispositifs aidés d'accès à l'emploi, afin qu'ils soient utilisés par ceux qui en ont le plus besoin.

Après avoir rappelé que les contrats emploi-solidarité (CES) seraient encore au nombre de 260.000 en 2001 contre 330.000 en 2000, elle a considéré que la politique de recentrage sur les publics prioritaires avait permis d'augmenter leur proportion de 55 % en 1997 à 82 % en septembre 2000. Elle a ajouté que, parmi les différentes catégories d'employeurs de CES, elle veillerait à ce que ceux qui privilégiaient l'insertion des publics plus en difficulté soient confortés dans leur démarche.

Le nombre de contrats emplois consolidés continuant, quant à lui, de progresser par rapport à l'exécution 2000, permettrait, en 2001, 50.000 entrées supplémentaires. Ces contrats seront ouverts aux publics sans perspective d'emploi et pas seulement aux anciens bénéficiaires de CES.

Le contrat initiative-emploi a également fait l'objet d'un véritable ciblage sur les publics les plus en difficulté, qui représentent maintenant plus de 80 % des effectifs. 125.000 entrées nouvelles sont prévues en 2001, contre 150.000 en exécution 2000. Enfin, 135.000 nouveaux stages de formation en faveur des chômeurs de longue durée seront financés en 2001, contre près de 180.000 prévus en exécution 2000.

Les autres dispositifs en faveur des populations exclues, en particulier le programme TRACE pour les jeunes confrontés à de graves difficultés sociales et familiales, l'insertion par l'économique et le dispositif d'encouragement au développement d'entreprises nouvelles dit EDEN pour aider les jeunes et les bénéficiaires de minima sociaux à créer leur propre entreprise, disposeront de moyens en augmentation accompagnant la montée en charge de ces dispositifs.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a précisé que, pour mettre en oeuvre les nombreuses réformes engagées, 135 emplois supplémentaires étaient créés sur le budget emploi au ministère dans le projet de loi de finances pour 2001, l'effort étant particulièrement important pour les inspecteurs et contrôleurs du travail, pour lesquels 20 postes d'inspecteurs et 80 de contrôleurs étaient créés.

Après avoir rappelé que la subvention de l'Etat à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) augmenterait de plus de 8 % en 2001, pour atteindre près de 7 milliards de francs, elle a déclaré que ces moyens nouveaux permettront à l'Agence de créer 410 postes nouveaux et d'améliorer ses prestations, conformément à son contrat de progrès.

Elle a estimé que l'Agence avait la lourde responsabilité de concrétiser les engagements pris par la France à Luxembourg dans le cadre du plan national d'action pour l'emploi. Elle devait offrir en effet un " nouveau départ " aux jeunes entrant dans leur sixième mois de chômage, aux adultes entrant dans leur douzième mois de chômage, ainsi qu'aux publics menacés d'exclusion et, dans le cadre de la nouvelle convention du régime d'assurance chômage pour laquelle le Gouvernement a engagé le processus d'agrément, proposer aux chômeurs un accompagnement individualisé pour faciliter leur retour à l'emploi et éviter des durées trop longues de chômage.

En conclusion, elle a estimé que le budget pour 2001 mettait en oeuvre les priorités du ministère de l'emploi et de la solidarité en les adaptant au contexte créé par le retour d'une croissance économique forte. Elle a précisé que les moyens dégagés par l'amélioration de la situation de l'emploi étaient alloués à une meilleure prise en charge des publics prioritaires et à la croissance des crédits consacrés à la santé et à la solidarité.

Elle a considéré que la solidarité était donc la ligne directrice du budget, que la traduction budgétaire de cette ligne directrice était forte, comme était forte la volonté d'agir du Gouvernement.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits consacrés au travail et à l'emploi, a tout d'abord observé que la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail promettait d'être particulièrement difficile dans les petites et moyennes entreprises (PME). Il a remarqué qu'en sus de l'augmentation des aides au conseil prévue dès l'origine dans le projet de loi de finances, le ministère de l'emploi avait laissé entendre qu'il préparait plusieurs dispositions d'accompagnement. Il a souhaité connaître les pistes de réflexion du Gouvernement.

Evoquant les emplois-jeunes, il a rappelé que la commission des affaires sociales venait de dresser un bilan à mi-parcours du programme " nouveaux services - nouveaux emplois " et a souhaité connaître l'opinion du Gouvernement sur les propositions que comportait ce rapport. Revenant sur les déclarations de la ministre à l'Assemblée nationale, il a souhaité savoir si le nombre de 350.000 emplois-jeunes fin 2001 correspondait à un stock ou à un flux et à laquelle de ces deux interprétations correspondait la somme de 22 milliards de francs inscrite au projet de budget.

Après avoir observé que la nouvelle convention relative à l'assurance chômage modifiait les missions de l'UNEDIC dans le sens d'une plus grande activation des dépenses passives, il a remarqué que plusieurs des nouvelles missions qui lui étaient reconnues nécessitaient des modifications législatives (versement de l'allocation d'aide de retour à l'emploi au cours des périodes de formation prévue dans le cadre du projet d'action personnalisé (PAP), aide à la mobilité géographique, aide à la formation, accès privilégié au contrat de qualification adulte). Il a souhaité savoir quand le Gouvernement entendait déposer un projet de loi sur ce sujet.

Ayant rappelé que la prise de fonctions de la ministre était intervenue deux mois avant la fin de la présidence française de l'Union européenne, il a souhaité savoir quel bilan pouvait être tiré de cette présidence dans le domaine de l'emploi et quelle serait la place de l'emploi au sommet de Nice.

Répondant tout d'abord aux questions posées par M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits consacrés au travail et à l'emploi, Mme Elisabeth Guigou a tenu à souligner que la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail n'avait pas donné lieu aux catastrophes annoncées. Elle a observé que 40 % des conventions signées l'avaient été par des entreprises comprenant moins de vingt salariés. Elle a néanmoins estimé compréhensible l'appréhension des PME un peu plus d'un an avant la date d'entrée en vigueur de la nouvelle durée légale du travail applicable aux entreprises de moins de vingt salariés. Elle a estimé nécessaire un effort de pédagogie, afin d'inciter ces entreprises à utiliser toutes les potentialités de la loi prévues en termes d'aides, de souplesse et d'appui-conseil. Elle a considéré qu'il serait irresponsable de laisser penser que le Gouvernement pourrait modifier les dispositions prévues par la loi tendant à la baisse de la durée légale du travail dans l'ensemble des entreprises. Elle a cependant déclaré que le Gouvernement ne s'interdisait pas de créer de nouvelles aides, afin de répondre à des difficultés particulières qui pourraient ressortir des diagnostics effectués sur le terrain. Evoquant les pénuries de main-d'oeuvre et les difficultés de recrutement, elle a estimé que celles-ci n'étaient pas anormales dans un contexte de croissance, et ne pouvaient pas être attribuées à l'application des trente-cinq heures.

Revenant sur le nombre d'emplois-jeunes, elle a déclaré que celui-ci correspondait à 258.000 postes occupés fin septembre 2000, soit 272.600 embauches et que l'écart tenait compte des départs constatés du fait, par exemple, de la réussite à des concours de la fonction publique de certains bénéficiaires du dispositif. Elle a estimé que le nombre d'emplois-jeunes recrutés atteindrait les 350.000 à la fin de l'année 2001, soit une hausse de 66.000 recrutements, compte tenu des départs déjà enregistrés concernant les postes existants.

Evoquant la nouvelle convention d'assurance chômage, elle a reconnu que sa mise en oeuvre nécessiterait effectivement des adaptations législatives, afin d'autoriser l'UNEDIC à affecter une partie de ses ressources à des actions ne relevant pas directement de l'assurance chômage. Elle a observé que le débat de principe sur cette question avait déjà été tranché lorsque le législateur avait autorisé ce type d'action à travers les conventions de conversion et l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE). Elle a estimé que le Gouvernement allait présenter sans tarder un projet de loi comportant des modifications des dispositifs visés par la nouvelle convention d'assurance chômage. Elle s'est félicitée, par ailleurs, des améliorations introduites à l'issue des négociations avec les pouvoirs publics qui se sont traduites notamment par une suppression de la dégressivité des allocations, le renforcement des accompagnements individuels par l'ANPE, l'absence de durcissement des sanctions, la préservation du rôle du service public de l'emploi et une baisse mesurée et progressive des cotisations sociales.

Elle a estimé que la présidence française de l'Union européenne se traduisait par une action déterminée en faveur de la création d'emplois de qualité, des progrès en matière de lutte contre les discriminations, ainsi que très certainement par l'adoption à Nice de l'agenda social qui constitue une avancée remarquable. Elle a rappelé que la politique du Gouvernement s'inscrivait dans la poursuite du processus, décidé à Luxembourg, des lignes directrices pour l'emploi et s'appliquait, au niveau national, à travers la mise en oeuvre du plan national d'action pour l'emploi.

M. Alain Gournac a souhaité connaître le sentiment de la ministre sur le bilan à mi-parcours des emplois-jeunes réalisé par la commission. Il s'est également inquiété des pénuries de main-d'oeuvre dont il a pu mesurer l'importance sur le terrain dans les secteurs aussi divers que le bâtiment et les travaux publics (BTP), l'informatique et le nettoyage industriel.

M. André Jourdain s'est déclaré préoccupé par les difficultés rencontrées par les entreprises pour appliquer la réduction du temps de travail. Il a souligné que les salariés n'étaient pas satisfaits du gel des salaires consécutif aux accords signés dans les entreprises. Il a observé qu'on constatait, sur le terrain, une augmentation du travail clandestin en raison de la baisse du temps de travail. Il a estimé par ailleurs nécessaire de mettre en oeuvre des contrats de travail particulier favorisant la première insertion professionnelle. Il a rappelé, en outre, que, depuis deux ans, la Commission européenne avait, à travers ses recommandations, promu le développement de nouvelles formes de travail parmi lesquelles le multisalariat en temps partagé. Il a indiqué que le Sénat avait, à son initiative, adopté une proposition de loi à ce sujet le 11 mars 1999 et a souhaité connaître la position de la ministre sur ce sujet, sachant que cette proposition de loi n'avait toujours pas été examinée à l'Assemblée nationale.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a déclaré qu'elle souscrivait complètement à la démarche du Gouvernement tendant à favoriser le retour à l'emploi et à aider particulièrement les personnes en grande difficulté. Elle a néanmoins fait part de ses craintes concernant la diminution du nombre de contrats emploi-solidarité (CES), considérant que celle-ci pourrait fragiliser le fonctionnement de nombre d'associations qui se plaignaient déjà de certaines rigidités dans le recours à ce type de contrats aidés et militaient pour davantage de souplesse et de gestion déconcentrée.

Après avoir constaté que les femmes, à la recherche d'un emploi, profitaient moins du retour de la croissance, Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur le financement des actions en faveur des droits des femmes en saluant le rôle joué par le Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles (CNIDFF).

Elle s'est déclarée préoccupée par la perte de vitesse du programme TRACE et les difficultés rencontrées par les contrats de qualification adulte.

Evoquant la mise en place des trente-cinq heures dans les PME, elle s'est inquiétée de la forte demande en conseil qui devrait difficilement trouver une réponse compte tenu du nombre limité de cabinets de conseil.

M. Roland Muzeau a estimé logique que le nombre d'entrées dans les dispositifs d'emploi aidé baisse sensiblement dans un contexte marqué par le retour de la croissance. Il a néanmoins observé que des inégalités subsistaient dans l'accès à l'emploi et touchaient particulièrement les populations étrangères qui pouvaient se trouver victimes de discriminations à l'embauche. Il a considéré que cette situation était inacceptable et a souhaité savoir quelles actions pourraient être menées de concert entre le ministère de l'emploi et le ministère délégué à la ville.

En réponse aux intervenants, Mme Elisabeth Guigou a souhaité rappeler, une nouvelle fois, que la mise en oeuvre des trente-cinq heures n'avait pas provoqué les catastrophes annoncées. Elle a souligné que le taux de chômage avait été considérablement réduit depuis 1997 et que les créations d'emploi n'avaient jamais été aussi nombreuses. Elle a néanmoins estimé que le Gouvernement ne devait pas relâcher ses efforts, compte tenu du fait qu'il restait 2,3 millions de chômeurs. Elle a évoqué une étude récente de la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) qui constatait qu'il n'y avait pas de lien, jusqu'à présent, entre le développement de la pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activité et la baisse du temps de travail. Elle a néanmoins reconnu que des tensions pouvaient exister dans certains cas et a souligné la nécessité de disposer d'un recensement précis, par bassin d'emploi et par secteur d'activité, des difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises. Evoquant la réduction du temps de travail dans les PME, elle a réaffirmé la nécessité de faire preuve de pédagogie à travers la diffusion des " bonnes pratiques " et de favoriser de nouvelles formes d'emploi à travers, par exemple, les groupements d'employeurs.

Revenant sur les emplois-jeunes, elle a confirmé qu'elle porterait la plus grande attention au rapport présenté par la commission des affaires sociales. Elle a réaffirmé son intention de favoriser l'accès à des activités pérennes. Elle a estimé que 50 % des emplois créés dans les associations étaient déjà solvabilisés et que, pour les emplois restants, le Gouvernement n'excluait pas un prolongement de l'aide d'une manière dégressive. Elle a souligné que le problème se posait en des termes différents pour les collectivités locales, celles-ci ayant déjà prévu des débouchés, à l'exception peut-être de certaines communes confrontées à des problèmes spécifiques, du fait de l'existence, sur leur territoire, de quartiers difficiles. Elle a précisé que le Gouvernement réfléchissait à la mise en place d'un mécanisme spécifique pour aider les communes pauvres et modestes. Elle a considéré que les adjoints de sécurité devraient trouver des débouchés à travers les concours d'accès aux métiers de la police, tandis que les 65.000 aides-éducateurs devraient pouvoir rejoindre le secteur privé. Elle a remarqué qu'il restait suffisamment de temps pour préciser les termes de la sortie du dispositif.

Mme Elisabeth Guigou a précisé que les moyens relatifs aux droits des femmes étaient renforcés dans le projet de budget et que les crédits, majorés de 7 millions de francs, atteindraient 107 millions de francs pour 2001.

Evoquant la baisse du nombre des CES, elle a estimé nécessaire la mise en place d'une politique favorisant une gestion déconcentrée et souple de ces contrats aidés, afin de répondre, notamment, aux besoins du secteur associatif.

Elle a considéré que la lutte contre les discriminations à l'embauche constituait une des priorités du Gouvernement et qu'elle-même y était particulièrement sensible, compte tenu de son expérience d'élue locale. Elle a rappelé les mesures déjà adoptées par le Gouvernement, comme la mise en place d'un service téléphonique gratuit. Elle a évoqué la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, qui renversait la charge de la preuve. Elle a enfin précisé qu'elle envisageait de mener des actions communes au ministère de l'emploi et au ministère délégué à la ville pour lutter contre les discriminations à l'embauche touchant les habitants de certains quartiers.

Après avoir rappelé le rôle des groupements d'employeurs pour favoriser les embauches en commun, elle s'est montrée favorable à une réflexion sur le multisalariat en temps partagé.

IV. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 22 novembre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Louis Souvet sur le projet de loi de finances pour 2001 (crédits consacrés au travail et à l'emploi ).

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a présenté les grandes lignes de son rapport pour avis (cf. exposé général du présent avis).

M. Alain Gournac a indiqué partager le constat et les conclusions dressés par le rapporteur pour avis concernant l'évolution et l'utilisation des crédits budgétaires relatifs au travail et à l'emploi. Il a considéré qu'il y avait effectivement des pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activité et que la mise en oeuvre des 35 heures n'y était sans doute pas étrangère. Il a estimé que la réduction du temps de travail ne se ferait pas sans risque dans les entreprises de moins de vingt salariés. Il a souligné tout l'intérêt qu'il y avait à procéder à des comparaisons internationales pour relativiser le caractère exceptionnel des performances de l'économie française qui devaient plus au retour généralisé de la croissance qu'à la politique de l'emploi mise en oeuvre par le Gouvernement.

M. Jean Chérioux a affirmé partager les conclusions du rapporteur pour avis. Il a estimé que les comparaisons européennes étaient indispensables pour bien comprendre les raisons de l'évolution du chômage depuis une vingtaine d'années en France et en Europe. Il a souhaité que le rapport écrit puisse comporter une courbe montrant cette évolution en France comme chez nos principaux partenaires en nombre de chômeurs et en pourcentage de la population active.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a estimé que le rapport était très détaillé. Elle a néanmoins regretté un jugement trop critique sur la politique de l'emploi menée par le Gouvernement. Elle a considéré qu'il n'y avait pas de lien démontré entre l'apparition de pénurie de main-d'oeuvre et les principales dispositions mises en oeuvre depuis 1997. Elle a par ailleurs reconnu partager certaines analyses du rapporteur, notamment celles relatives à la nécessité d'apporter une attention particulière aux chômeurs les plus éloignés de l'emploi à travers le développement de parcours individualisés. Elle a souhaité que le Gouvernement mette l'accent sur le développement de la formation professionnelle initiale et continue.

M. André Jourdain a estimé qu'il demeurait nécessaire de favoriser la reprise de l'emploi et de lever les obstacles que pouvaient rencontrer certaines entreprises dans leurs démarches de recrutement. Il a rappelé que la commission n'était pas hostile au principe des 35 heures, mais seulement aux modalités retenues par le Gouvernement à travers les deux lois " Aubry ".

M. Guy Fischer a considéré que le rapporteur pour avis avait été très sévère avec la politique de l'emploi menée par le Gouvernement, alors que tout le monde s'accordait à considérer qu'elle avait favorisé la baisse du chômage. Il a rappelé que si certaines entreprises pouvaient rencontrer effectivement des difficultés de recrutement, celles-ci faisaient suite à des baisses massives d'effectifs dans les années 1980 et 1990. Il a estimé que ces problèmes de pénurie de main-d'oeuvre posaient la question de l'organisation des filières de formation. Il a souligné que le groupe communiste républicain et citoyen ne partageait pas le point de vue selon lequel des tensions salariales pourraient favoriser une reprise de l'inflation. Il a insisté sur le fait que la mise en place des 35 heures avait permis des réorganisations du temps de travail et des créations d'emplois. Il a considéré que l'enjeu résidait maintenant dans l'adoption de mesures permettant d'améliorer la situation des salariés employés à temps partiel ou dans des conditions précaires.

En réponse aux différents intervenants, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a rappelé qu'il avait essayé d'être objectif dans la présentation des faits, ce qui ne l'empêchait pas de ne pas approuver la politique de l'emploi du Gouvernement qui, comme il l'avait montré, pouvait apparaître comme inadaptée sur plusieurs points. Il a souligné que la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail s'était traduite le plus souvent par un gel des salaires qui ne satisfaisait pas les salariés. Il a estimé que de nombreuses entreprises n'avaient pas forcément les moyens d'accorder des augmentations de salaires supplémentaires et a regretté que les 35 heures aient limité la hausse du pouvoir d'achat.

A l'issue de ce débat, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du travail et de l'emploi pour 2001 . Elle a émis un avis favorable à l'adoption des articles 59, 59 bis et 60 et adopté un amendement de suppression de l'article 58 , rattachés à l'examen de ces crédits.

AMENDEMENT PRÉSENTÉ PAR LA COMMISSION

ARTICLE 58

Supprimer cet article.

Au cours de sa réunion du 22 novembre 2000, la commission des Affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du travail et de l'emploi pour 2001. Elle a émis un avis favorable à l'adoption des articles 59, 59 bis et 60 et adopté un amendement de suppression de l'article 58, rattachés à l'examen de ces crédits.

* 1 Voir, à cet égard, la proposition de loi n° 44 permettant de faire face aux pénuries de main-d'oeuvre et de lever les obstacles à la poursuite de la croissance économique, présentée par MM. Alain Gournac, Jean Arthuis, Pierre Laffitte, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan.

* 2 L'article 58 est examiné p. 16. Les articles 59, 59 bis et 60 sont respectivement examinés p. 53 et 19.

* 3 DARES, Premières informations et premières synthèses " Le marché du travail en septembre 2000 ", novembre 2000 - n° 45-01.

* 4 Voir notamment le rapport d'information n° 79 du Sénat (2000-2001) au nom de la Délégation pour la planification sur les perspectives macro-économiques à moyen terme (2000-2005), M. Joël Bourdin, rapporteur, p. 84 et suivantes.

* 5 Rapport n° 67 du Sénat (2000-2001) fait au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de financement de la sécurité sociale pour 2001, tome I, M. Charles Descours, rapporteur, p. 67 et suivantes.

* 6 Projet de loi de finances pour 2001, document n° 2585, Assemblée nationale, p. 121.

* 7 Voir notamment JO Débats AN - 2 ème séance du 9 novembre 2000, p. 8260 et 8261.

* 8 JO Débats AN - 2 ème séance du 9 novembre 2000, p. 8262.

* 9 DARES, Premières informations et premières synthèses, " Les conventions de réduction du temps de travail de 1998 à 2000 ", Novembre 2000 - n° 45.2

* 10 Rapport d'information du Sénat n° 25 (2000-2001) au nom de la commission des Affaires sociales sur le bilan à mi-parcours des emplois-jeunes, M. Alain Gournac, rapporteur, p. 7.

* 11 Projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, document n° 200 de l'Assemblée nationale, 20 août 1997, p. 3.

* 12 Projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, document n° 200 de l'Assemblée nationale, 20 août 1997, p. 3.

* 13 Rapport d'information du Sénat n° 25 (2000-2001) au nom de la commission des Affaires sociales sur le bilan à mi-parcours des emplois-jeunes, M. Alain Gournac, rapporteur, p. 7.

* 14 Compte tenu du fait que 22 milliards de francs sont inscrits au budget de l'emploi et que l'aide de l'Etat avoisine les 98.000 francs par an et par poste. Les crédits inscrits devraient permettre de financer environ 225.000 emplois-jeunes. Compte tenu des reports de crédits, le " stock " d'emplois-jeunes pourrait être, fin 2001, de 250.000.

* 15 DARES, Premières informations et premières synthèses, " Les sorties du programme " nouveaux services - emplois-jeunes " ", novembre 2000, n° 47.2.

* 16 La DARES a accompagné son travail d'analyse des conventions d'une enquête par sondage des jeunes sortis du dispositif dont nous reproduisons les réponses à deux questions concernant l'apport de cette expérience pour les jeunes.

* 17 Voir le rapport n° 433 du Sénat (1996-1997) au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, M. Louis Souvet, rapporteur, p. 40 et suivantes.

* 18 Rapport d'information du Sénat n° 25 (2000-2001) au nom de la commission des Affaires sociales sur le bilan à mi-parcours des emplois-jeunes, M. Alain Gournac, rapporteur, p. 7.

* 19 " Quelle politique pour l'emploi des jeunes ? ", par M. Alain Gournac, Les Echos, 31 octobre 2000.

* 20 JO AN Débats, 1 ère séance du 9 novembre 2000, p. 8216.

* 21 Rapport d'information n° 65 du Sénat (2000-2001) au nom de la commission des Finances sur la situation, la gestion et les rémunérations des personnels du ministère de l'Emploi, MM. Joseph Ostermann et Gérard Braun, rapporteurs.

* 22 M. Michel Bernard a également été auditionné par la commission le 8 mars 2000 ; le compte rendu de cette audition figure dans les travaux de commission de cet avis.

* 23 Le directeur M. Henri Rouilleault de l'ANACT a été auditionné par votre commission le 26 avril 2000. Le compte rendu de cette audition figure dans les travaux de commission de cet avis.

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