N° 61

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 novembre 2001

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain JOYANDET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3307 , 3319, 3345 et T.A. 717

Sénat : 53 et 60 (2001-2002)

Sécurité sociale.

INTRODUCTION

« Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de leur équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. » 1 ( * )

« Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique. » 2 ( * )

La création des lois de financement de la sécurité sociale constitue une innovation majeure qui a permis de replacer le Parlement au coeur du débat sur le niveau de prélèvements que les Français sont disposés à consentir pour le cadre collectif de leur protection sociale, et sur l'utilisation qui doit en être faite.

Cet objectif a été rempli. Le débat parlementaire sur les lois de financement est désormais ancré dans les esprits et nul ne remet plus en cause sa légitimité.

Mais une fois l'outil installé, encore faut-il s'interroger sur son utilisation. L'objectif affiché de 1996 était d'introduire de la clarté et de la transparence, de parler des priorités décidées par la représentation nationale. Or de ce double point de vue, force est de constater la déception. Depuis 1997, chaque année a apporté son lot de brouillage des comptes, de création de flux et transferts nouveaux, de remise en cause d'un principe essentiel de notre sécurité sociale : la séparation des branches. Depuis 1997, la place donnée aux priorités se réduit à des déclarations générales, sans que la santé publique, le champ des accidents du travail, l'avenir des retraites ou la place de la famille dans la société ne se trouvent au coeur du débat. Le gouvernement a, par le biais de réformes pour certaines condamnables sur leur mode de financement, 35 heures, couverture maladie universelle, allocation prestation d'autonomie, à la fois profondément remis en cause l'équilibre financier de la sécurité sociale, jeté le doute et la suspicion sur la réalité des comptes, vidé de toute substance le concept d'autonomie des branches, déresponsabilisé les acteurs de la protection sociale, découragé les promoteurs de réformes innovantes et utiles.

Le gouvernement qui prétend avoir rétabli les comptes de la sécurité sociale les a dégradés volontairement pour financer la politique d'aménagement et de réduction du temps de travail. Pour ce faire, un montage complexe, sans cesse perfectionné, de mécanismes d'affectations revus chaque année, de transferts de charges et de ressources, a été mis en place qui fait que l'observateur qui jugeait compliqué notre système de protection sociale en 1997 doit le trouver illisible aujourd'hui.

Votre commission des finances a, de ce point de vue, plusieurs remarques à formuler.

En tant que commission des comptes économiques de la Nation, elle constate que les comptes de la santé montrent une hausse continue comprise entre 4 et 5 % par an de la consommation des soins et des biens médicaux, que les comptes de la protection sociale augmentent de 3 % par an, que les prélèvements obligatoires sociaux atteignent 21,7 % du produit intérieur brut. Mais aussi que personne ne peut aujourd'hui décrire précisément l'amélioration de la protection sociale, de la santé des Français que cela représente.

Elle remarque aussi les pratiques éminemment contestables à l'oeuvre en matière de lisibilité et de fiabilité des pratiques comptables. Alors que depuis 1993 un travail considérable de modernisation comptable de la sécurité sociale a été entrepris, le gouvernement est parvenu à ce que personne ne puisse plus même s'accorder sur le niveau exact du solde du régime général depuis 2000. Ainsi, faire, comme le gouvernement l'a décidé dans le présent projet de loi de financement, le choix de rouvrir les comptes clôturés, approuvés, transmis et publiés du régime général en 2000 afin d'y imputer l'annulation de la créance détenue sur le FOREC constitue une manoeuvre comptable arbitraire. Il en va de même du financement sur excédents de trésorerie des déficits du Fonds de solidarité vieillesse, des prélèvements successifs sur la moindre branche ou le moindre fonds au solde positif, voire sur la branche maladie qui ne peut sortir de sa situation structurellement déficitaire.

Le financement des 35 heures apparaît plus que jamais comme un lourd handicap placé par le gouvernement au coeur même de notre protection sociale qui l'affaiblit, la fragilise dans ses fondements, écarte le débat public des vrais enjeux et le noie dans l'examen de mouvements divers profondément éloignés des attentes des Français.

Mais pendant combien de temps encore la « politique des fonds » et la « politique des rapports » empêcheront-elles de se poser les vraies questions ? Celle de l'évolution de nos rapports sociaux. Celle des choix de santé publiques. Celle de la politique du vieillissement. Celle du coût des innovations technologiques. Celle des inégalités régionales. Celle des régimes de retraite par répartition. Celle du temps de la vie entre travail et non travail. Celle de la place donnée à la contribution de chacun pour sa propre protection. Celle du niveau de richesse nationale que les Français acceptent de dépenser pour leur protection sociale.

Or nos concitoyens sont inquiets face à ces enjeux.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale répond-il à cette inquiétude ?

De toute évidence, il n'en est rien. Il accentue au contraire les tendances observées et dénoncées à la complexité des comptes. Il continue à laisser les dépenses augmenter naturellement pariant sur des recettes de plus en plus incertaines pour y faire face, oubliant peut-être que si les dépenses croissent naturellement et inexorablement, les recettes n'augmentent qu'à mesure de l'activité économique. Il privilégie toujours les fonds et les rapports, les affectations de recettes et les mesures nouvelles de dépenses, les prélèvements sur des excédents, fruits éphémères de la conjoncture, pour les affecter à des dépenses, lourdes pierres qui pèseront durablement sur nos finances sociales. Quant aux conditions du débat démocratique, elles ont atteint cette année un niveau de dégradation rarement connu, le projet de loi de financement passant de 31 à 70 articles le temps de la lecture à l'Assemblée nationale, certains amendements étant adoptés suite à une interprétation novatrice et ô combien assouplie de la recevabilité financière.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 apparaît donc comme l'instrument d'une politique qui a dilapidé les bienfaits de la croissance, a complexifié à outrance le système de protection sociale, préférant hypothéquer l'avenir au profit d'un bénéfice immédiat qui reste à démontrer.

* 1 Article 34 de la Constitution.

* 2 Article 47-1 de la Constitution.

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