C. UNE SECTION « MALADIE » DU PLFSS 2002 EN TROMPE L'oeIL

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 présenté par le gouvernement en conseil des ministres le 10 octobre 2001 ne comportait, pour la branche maladie, qu'une section composée de dix articles (articles 10 à 18). Il était alors apparu à votre rapporteur pour avis comme une simple « coquille vide », regroupant des mesures parcimonieuses et de faible portée, tant s'agissant des soins de ville que des cliniques privées, de l'hôpital public ou des établissements médico-sociaux.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, le nombre d'articles inclus dans la section « Branche maladie » a plus que doublé : douze articles ont été rajoutés. Pour autant, votre rapporteur pour avis ne considère pas que ces nouveaux articles permettent une amélioration significative du texte présenté par le gouvernement et estime que les réformes qui s'imposent ne se trouvent pas dans ce texte.

1. La politique du médicament (articles 10, 11, 11 bis, 11 ter, 12 et 12 bis), ou comment le gouvernement tente de « sauver la face »

a) Le contexte

Comme votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion de le souligner, les dépenses de médicament ont constitué, en 2000 et 2001 notamment, une des principales causes de l'accélération des dépenses d'assurance maladie et du dépassement de l'ONDAM.

En date de soins, l'augmentation des dépenses de médicaments entrant dans le champ de l'ONDAM a été respectivement de 7,3 % en 1998, 7,8 % en 1999 et de 10,1 % en 2000, ce qui constitue une accélération significative du niveau des dépenses de médicaments. En date de remboursement, les dépenses de médicaments entrant dans le champ de l'ONDAM se sont élevées, hors remise de l'industrie pharmaceutique, à 15,1 milliards d'euros (99 milliards de francs) en 2000 contre 13,7 milliards d'euros (90 milliards de francs) en 1999, soit une très forte progression de l'ordre de 10,4 %. L'accélération est sensible par rapport à 1999 où l'on enregistrait déjà une augmentation de 5,5 % par rapport à 1998 (en encaissements / décaissements).

En date de remboursement, les dépenses de la CNAMTS consacrées au médicament, c'est-à-dire la dépense remboursée de médicaments du seul régime général, pour l'année 2000 ont augmenté de 11 %.

En 2001, les dépenses de médicaments remboursés du régime général augmenteraient de 7,7 %, en intégrant les premiers effets des baisses de prix négociées dans le cadre du plan médicament engagé à l'été 2001. Les dépenses de médicaments remboursés à 35 % augmenteraient fortement et ceux à 65 % faiblement en raison de l'alignement des taux de remboursement des vasodilatateurs. Le médicament remboursé à 100 % poursuivrait une progression rapide (+ 10,2 %) mais inférieure à celle constatée en 2000 (+ 14 %).

Les mesures relatives à la politique du médicament contenues dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrivent dans le cadre du « plan médicament » présenté par le gouvernement le 7 juin 2001. Elles constituent cependant, selon votre rapporteur, une traduction décevante des bonnes intentions affichées alors par le gouvernement.

Le « plan médicament » présenté par le gouvernement le 7 juin 2001

Le 7 juin 2001, la ministre de l'emploi et de la solidarité a présenté le contenu d'un plan médicament destiné à « favoriser le bon usage du médicament, le développement des génériques et l'efficacité de la régulation des dépenses pharmaceutiques ainsi qu'à améliorer l'usage du médicament à l'hôpital », avec un objectif d'économies de 4 à 5 milliards de francs (0,61 à 0,76 milliards d'euros) en année pleine.

1- La promotion du bon usage du médicament repose sur l'information des patients, l'information et le dialogue avec les praticiens et l'évaluation des produits et des pratiques.

a- L'information des praticiens par les pouvoirs publics reposera sur le fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique, dont le décret d'application a été soumis au conseil d'administration de la CNAMTS en vue de sa publication. Les avis de la commission de la transparence seront désormais publiés dès leur approbation.

b- Un groupe de travail a été mis en place en vue d'aboutir à une charte de qualité des logiciels d'aide à la prescription.

c- Les accords de bon usage négociés par la CNAMTS avec les prescripteurs vont notamment concerner la limitation des prescriptions d'antibiotiques ainsi que les prescriptions aux personnes de plus de 65 ans et les interactions médicamenteuses.

d- L'observatoire des prescriptions a repris ses activités sur la base d'une lettre de mission en date du 6 juin 2001.

e- Le comité de coordination mis en place par le ministre délégué à la santé mène un travail de relance de la production et de la diffusion de recommandations de bonnes pratiques cliniques.

f- L'évaluation des conditions de prescription des nouveaux médicaments et la place qu'ils prennent dans les stratégies thérapeutiques sera développée dans le cadre conventionnel avec les entreprises, afin de renforcer les exigences de suivi de la prescription et de mieux définir les cas dans lesquels l'innovation constitue un progrès en termes de meilleure efficacité ou de limitation des effets indésirables.

2- Le développement des ventes de médicaments génériques devrait procurer une économie brute estimée à 152 millions d'euros (1 milliard de francs) en 2001 contre 91 millions d'euros (600 millions de francs) en 2000. Ce développement demeure insuffisant.

Afin de soutenir la progression des génériques diverses mesures sont en cours :

- une campagne d'information associant l'Etat, l'assurance maladie de la mutualité sera mise en oeuvre au début de l'année 2002 ;

- le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 comporte un article relatif à la possibilité ouverte aux médecins de prescrire en dénomination commune internationale ;

- la renégociation de l'accord entre l'Etat et les pharmaciens est en cours : une relance de la substitution est recherchée qui pourrait procurer une économie nette supplémentaire de 122 millions d'euros (800 millions de francs) ;

- les procédures d'inscription sur le répertoire des groupes génériques ont été simplifiées par le décret n° 2001-768 du 27 août 2001. Les actualisations du répertoire seront désormais publiées par l'AFSSAPS.

3- Les instruments de régulation mis en place en 1997 doivent être renforcés. Le comité économique des produits de santé a procédé au mois de juillet à des baisses de prix des médicaments à service médical rendu insuffisant ainsi que de certains médicaments des volumes de ventes importants et donc coûteux pour l'assurance maladie, sur la base d'un objectif de 0,37 milliard d'euros (2,4 milliards de francs) d'économies. Entre le 26 juillet et le 29 août 2001, neuf avis ont été publiés au Journal officiel et déterminent un nouveau prix pour plus de 700 spécialités, en application des conventions conclues entre les laboratoires concernés et le comité économique des produits de santé.

Des discussions sont en cours avec les pharmaciens afin d'ajuster l'évolution de leur marge en application de l'accord de 1999. En outre, une mission de l'inspection générale des affaires sociales devrait faire prochainement le bilan des pratiques actuelles en matière de régulation de la publicité pharmaceutique et du dispositif de régulation.

La réévaluation du service médical rendu (SMR) des médicaments, commencée par la commission de la transparence à la mi-1999, s'est achevée en avril 2001. Sur les 4.490 spécialités examinées, 2.815 soit 62,7 % ont un niveau de SMR majeur ou important, 840 soit 18,7 % ont un niveau de SMR modéré ou faible et 835 soit 18,6 % ont un niveau de SMR insuffisant. Les baisses de prix sur les 835 médicaments à SMR insuffisant seront poursuivies l'année prochaine. Par ailleurs, le réaménagement des taux de remboursement, dans la perspective d'assurer la cohérence des niveaux de prise en charge en fonction du niveau du SMR, sera poursuivi.

4- Des mesures destinées à améliorer l'usage du médicament à l'hôpital et notamment les procédures d'achat sont également engagées dans le but de :

- renforcer au sein des établissements de santé les procédures de qualité, notamment à travers les comités du médicament : une enquête sur le fonctionnement des comités sera lancée fin 2001 ; l'arrêté sur les bonnes pratiques de pharmacie hospitalière a été publiée le 22 juin 2001 ;

- mettre en place un dispositif de suivi des actions au niveau régional, sur la base d'une expérimentation réalisée en région Provence Alpes Côte d'Azur ;

- engager un travail sur l'amélioration des systèmes d'information et de suivi sur le médicament à l'hôpital ;

- mettre en place des groupements d'achat utilisant les opportunités offertes par le nouveau code des marchés publics ;

- soumettre à la consultation le décret relatif aux procédures de rétrocession hospitalière.

Source : Miinistère de l'emploi et de la solidarité.

b) Une mesure visant au développement des médicaments génériques (article 10) : c'est si peu...
(1) Le dispositif proposé

L'article 10 du présent projet de loi de financement ouvre la possibilité aux médecins de prescrire en dénomination commune internationale (DCI) tout en précisant, dans le code de la santé publique, les modalités de délivrance d'un médicament par le pharmacien lorsqu'il se trouve face à une prescription médicale ne comportant pas de dénomination de spécialité mais une dénomination commune internationale.

Il s'agit d'une mesure qui était recommandée par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de 2001 dans le but de favoriser le développement des médicaments génériques. En outre, cette mesure avait été annoncée au mois de juin dernier par le gouvernement à l'occasion de la présentation du « plan médicament » précité.

L'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait institué un droit de substitution pour le pharmacien, c'est-à-dire la possibilité pour lui de substituer à un médicament prescrit en nom de spécialité un médicament générique.

Le présent article modifie l'article L. 5125-23 du code de la santé publique. Il s'agit de permettre, d'une part, au médecin de prescrire un médicament en DCI, d'autre part, au pharmacien, lorsqu'il se trouve face à une prescription libellée en dénomination commune, de délivrer une spécialité appartenant à un groupe générique, lorsque la DCI prescrite est incluse dans le répertoire des génériques, et conforme à la prescription. Le pharmacien indique sur la prescription le nom de la spécialité délivrée. En outre, le pharmacien ne peut délivrer un médicament ou produit autre que celui qui a été prescrit, ou ayant une dénomination commune différente de la dénomination commune prescrite, qu'avec l'accord exprès et préalable du prescripteur, sauf en cas d'urgence et dans l'intérêt du patient.

De plus, lorsque le pharmacien délivre une spécialité sur présentation d'une prescription libellée en dénomination commune, l'écart de prix entre la spécialité délivrée et la spécialité la moins chère conforme à la prescription ne peut être supérieur à un montant déterminé par voie conventionnelle, conformément aux disposition de l'article L 162-16-1 du code de la sécurité soicale, ou à défaut par arrêté ministériel. Il s'agit d'obliger le pharmacien, qui se trouve face à une prescription en DCI, à choisir parmi les médicaments les moins chers.

(2) Les enjeux du dispositif
(a) Un développement insuffisant du marché des génériques

Le développement de l'utilisation des médicaments génériques est un des enjeux majeurs de la politique du médicament aujourd'hui. Votre rapporteur pour avis, s'il approuve, dans ses grandes lignes, le dispositif mis en place par l'article 10 du présent projet de loi de financement et la possibilité pour un médecin de prescrire en DCI, ne peut que regretter la faible portée de la mesure eu égard aux efforts qu'il reste à accomplir.

La ministre de l'emploi et de la solidarité le rappelait elle-même lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale le 20 septembre 2001 : « le développement du générique reste très insuffisant mais il est réel ». Votre rapporteur pour avis ne peut que constater lui aussi le caractère insuffisant du développement du recours au générique. En revanche il reste plus dubitatif sur la réalité même de ce développement.

La Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale en 2001, fait le même constat : « les génériques progressent lentement ». Les statistiques fournies dans ce rapport soulignent que les médicaments génériques sont passés de 1,8 % du marché des médicaments en France en 1998 à 2,4 % début 2001 et 2,9 % fin avril (en valeur).

Le plan de février 1998 avait fixé pour objectif de doubler la part des génériques dans la consommation pharmaceutique entre début 1998 et fin 1999 et prévoyait quatre mesures pour développer les génériques :

- l'achèvement du répertoire des génériques (réalisé mais d'efficacité limitée ) ;

- le contrôle de la qualité de tous les génériques (le contrôle des 623 spécialités princeps et génériques inscrits au répertoire a été achevé en 1999) ;

- le droit de substitution (décret paru en juin 1999) ;

- et l'incitation des industriels à promouvoir les génériques : des incitations financières ont été décidées (réforme des marges des officines en 1999 qui a institué l'égalité de la marge entre princeps et génériques ; relèvement du plafond des remises versées par les laboratoires aux pharmacies ; exemption des remises quantitatives de fin d'année dues par les laboratoires à l'assurance maladie ; exonération de la taxe sur les ventes directes aux officines et abattement de 30 % sur la taxe frappant les dépenses de promotion.

Cependant l'objectif de doublement de la part de marché des génériques, soit une substitution de 35 % du répertoire des génériques, n'a pas été atteint.

Début 2001, le marché des médicaments « généricables » s'élève, certes, à 13 milliards de francs (2 milliards d'euros), soit 13,7 % du marché pharmaceutique français. Mais il se répartit entre 10,7 milliards de francs (1,6 milliards d'euros) de princeps (241 spécialités) et 2,3 milliards de francs (0,4 milliard d'euros) de génériques (972 spécialités). Les ventes de génériques proprement dits ne représentent donc que 17,7 % du chiffre d'affaires des classes généricables.

Evolution du chiffre d'affaires hors taxes

remboursable des laboratoires

En millions de francs

1997

1998

1999

2000

Chiffres d'affaires hors taxes des laboratoires

71 498

75 179

80 188

87 670

dont génériques

nr

1 344

1 605

2 405

dont nouveaux médicaments

nr

830

869

890

En millions d'euros

1997

1998

1999

2000

Chiffres d'affaires hors taxes des laboratoires

10 900

11 461

12 225

13 365

dont génériques

nr

205

245

367

dont nouveaux médicaments

nr

127

133

136

Evolution en %

1998

1999

2000

Chiffre d'affaires hors taxes des laboratoires

5,1 %

6,7 %

9,3 %

dont génériques

19,4 %

49,9 %

Source GERS

(b) Des obstacles multiples à ce développement

La Cour des comptes a analysé les raisons de ce développement insuffisant. Parmi les obstacles identifiés, elle mentionne notamment la réticence des patients au changement d'habitudes, la stratégie financière des laboratoires pharmaceutiques non spécialisés dans le générique et à plus long terme la concurrence financière entre les laboratoires fabriquant des princeps et des génériques, jouant sur les remises accordés aux pharmaciens, et ceux spécialisés dans les génériques purs.

(c) Les mesures préconisées par la Cour des comptes

Dans le but de développer davantage les génériques, la Cour des comptes recommande deux mesures :

- la publication mensuelle et sans délai du répertoire des génériques ;

- l'autorisation de prescrire les médicaments en dénomination commune internationale (DCI) dont fait l'objet l'article 10 du présent projet de loi de financement et qui reporte donc le choix de la marque du médicament des médecins vers les pharmaciens.

Votre rapporteur pour avis, en accord avec les recommandations de la Cour des comptes, ne peut qu'approuver la mesure ainsi proposée par le gouvernement. Toutefois, il reste prudent quant aux résultats attendus de cette mesure en termes de développement proprement dit du marché des génériques. En outre, il ne peut que s'étonner devant les propos tenus par le ministre délégué à la santé, au moment de la discussion du présent projet de loi de financement à l'Assemblée nationale, s'agissant de la DCI et en réponse à un collègue député qui l'interpellait : « il s'agit d'un sujet complexe et je suis moins convaincu que vous de son efficacité, mais nous allons essayer et nous verrons bien ». Votre rapporteur pour avis regrette une attitude aussi défaitiste de la part du ministre délégué à la santé.

De plus, votre rapporteur note avec intérêt la disposition adoptée à l'Assemblée nationale (article 11 ter ) selon laquelle le rapport d'activité établi par le comité économique des produits de santé est remis chaque année au Parlement.

c) Des mécanismes de régulation tarifaire souvent inadaptés
(1) Des mécanismes de régulation a priori
(a) Un développement des génériques au meilleur coût pour l'assurance maladie (article 10)

Comme votre rapporteur l'a déjà souligné, l'article 10 du présent projet de loi de financement précise que lorsque le pharmacien se trouve en présence d'une prescription en DCI, il lui est imposé de délivrer la spécialité dont l'écart de prix avec la spécialité la moins chère conforme à la prescription ne peut excéder un montant déterminé par la convention prévue à l'article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale ou, à défaut, par un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et du budget.

(b) Le relèvement du barème de taxation des dépenses de promotion des laboratoires pharmaceutiques (article 11)

L'article 11 du présent projet de loi de financement prévoit le relèvement du barème de la contribution due par les laboratoires pharmaceutiques à l'occasion de leurs dépenses promotionnelles en vertu des articles L. 245-1 à L. 245-6 du code de la sécurité sociale.

Ces dépenses promotionnelles sont constituées par les frais de prospection et d'information des praticiens, c'est-à-dire les frais de visite médicale, les dépenses d'échantillonage, de publicité, au sein de la presse médicale notamment, et d'organisation de congrès médicaux. Un abattement de 30 % de l'assiette intervient pour les médicaments génériques (article L. 245-2 du code de la sécurité sociale).

Actuellement, et depuis la loi de financement pour la sécurité sociale pour 1998, pour le calcul de cette contribution, un barème de quatre taux s'applique par tranche de part de l'assiette correspondant au rapport entre les charges de prospection et d'information et le chiffre d'affaires hors taxes des laboratoires. Quatre tranches ont été définies :

- pour un rapport inférieur à 10 %, le taux de la contribution s'élève à 9,5 % de l'assiette ;

- pour un rapport égal ou supérieur à 10 % et inférieur à 12 %, le taux de la contribution qui s'applique est de 15 % ;

- pour un rapport égal ou supérieur à 12 % et inférieur à 14 %, le taux s'élève à 18 % ;

- pour un rapport égal ou supérieur à 14 %, le taux qui s'applique est de 21 %.

En 2000, le rendement de cette contribution s'est élevé à 202,5 millions d'euros (1,33 milliard de francs), soit une progression de 32,7 % par rapport au montant de la contribution recouvré en 1997.

Le présent projet de loi propose d'augmenter ces différents taux, pour chaque tranche, respectivement à 10,5 %, 17 %, 25 % et 31 %. L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à maintenir le taux de la première tranche à 9,5 %.

Le gouvernement présente ce relèvement du barème de taxation des dépenses promotionnelles des laboratoires pharmaceutiques comme un moyen d'infléchir l'activité promotionnelle de ces laboratoires et donc de freiner la progression des dépenses de médicaments remboursables induite par la forte croissance du chiffre d'affaires hors taxes de l'industrie pharmaceutique.

Il sera cependant permis à votre rapporteur pour avis de rappeler, d'une part, que les dépenses promotionnelles des laboratoires pharmaceutiques représentent 14,5 % de leur chiffre d'affaires, la progression des dépenses de médicaments remboursables ne peut donc être imputée à la seule activité promotionnelle des laboratoires, d'autre part, qu'entre 1999 et 2000, le chiffre d'affaires de ces laboratoires a augmenté de 9,3 % dont une augmentation de 49,9 % du chiffres d'affaires liée aux seuls médicaments génériques, ce qui prouve le dynamisme des laboratoires pharmaceutiques dans la volonté de promotion du générique. Le gouvernement ne peut donc pas, à la fois se targuer de mener une politique de développement du médicament générique, et taxer les laboratoires qui engageraient des dépenses promotionnelles notamment pour faire connaître leurs innovations en matière de génériques.

A cet égard, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à augmenter le taux de l'abattement de l'assiette prévue pour les médicaments génériques de 30 % à 40 %. Votre rapporteur pour avis estime cependant, qu'étant donné l'accroissement du barème de taxation des dépenses promotionnelles prévu par l'article 11 du présent projet de loi de financement, ce nouveau taux d'abattement ne sera pas suffisant pour épargner le niveau de ces dépenses consacrées aux génériques.

En outre, l'Assemblée nationale a également adopté un amendement visant à introduire un abattement de l'assiette de 3 % du montant des rémunérations versées au titre de l'emploi des salariés mentionnés à l'article L. 5122-11 du code de la santé publique, à savoir les personnes qui pratiquent de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments et qui sont tenues à une obligation de « pharmacovigilance » (rapporter à l'entreprise toutes les informations relatives à l'utilisation des médicaments dont ils assurent la publicité). Si votre rapporteur pour avis comprend la motivation de cette disposition, il estime cependant qu'il s'agit d'une mesure de nature « cosmétique » sans grande incidence sur les activités promotionnelles des laboratoires pharmaceutiques. Par ailleurs, cette mesure ne saurait inclure d'autres abattements pratiqués par les entreprises concernées au titre des frais et du temps consacrés à l'activité non promotionnelle des visiteurs médicaux. A titre d'exemple, on peut citer les congés de formation économique, sociale et syndicale.

Au total, votre rapporteur pour avis ne partage donc pas la position du gouvernement quant à la nécessité de freiner par la taxation les dépenses promotionnelles des laboratoires pharmaceutiques. Il estime réelle l'utilité de l'information médicale délivrée par les laboratoires et rappelle que le véritable problème se situe au niveau du bon usage du médicament.

En outre, votre rapporteur pour avis ne peut que désapprouver toute augmentation de la pression fiscale pesant sur les entreprises et a fortiori sur les laboratoires pharmaceutiques. Il estime en effet que la multiplication des taxes pesant sur l'industrie pharmaceutique risque de pénaliser l'innovation mais également de fragiliser la presse médicale qui vit de la publicité de cette industrie.

(c) L'augmentation de la taxation sur la vente directe des médicaments délivrés sur ordonnance (article 11 bis)

L'article L. 245-6-1 de la sécurité sociale introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a introduit une contribution, due par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques, assise sur leur chiffre d'affaires réalisé auprès des pharmacies au titre des ventes en gros de spécialités remboursables, à l'exception des spécialités génériques et des médicaments orphelins. Le taux de cette contribution est fixé à 2,5 %.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à modifier l'article L. 245-6-1 précité, d'une part, en diminuant le taux de la taxe instituée sur la vente directe aux pharmacies des médicaments pouvant être délivrés sans prescription médicale (de 2,5 % à 1 %), d'autre part et corrélativement, en majorant le taux de la taxe instituée sur la vente directe des autres médicaments, délivrés sur ordonnance (de 2,5 % à 3,5 %), dans le but notamment de développer le recours à l'automédication, à moindre coût pour l'assurance maladie, et de mettre en place en France un système de distribution directe.

La taxe instituée en 1998 visait à rétablir l'égalité des conditions de concurrence entre deux circuits de distribution, les ventes directes et les ventes par grossistes, en compensant l'avantage dont bénéficie le circuit des ventes directes, où laboratoires et officines se partagent une rémunération égale à celle des grossistes répartiteurs, lesquels sont soumis à des obligations de service public.

Votre rapporteur pour avis estime que cette différentiation des taux applicables d'une part aux médicaments délivrés sans ordonnance, d'autre part aux médicaments délivrés sur prescription médicale constitue une inégalité de traitement qui risque de favoriser une auto-médication aux conséquences pas toujours maîtrisées.

(2) Des mécanismes de régulation a posteriori
(a) La clause de sauvegarde de l'industrie pharmaceutique (article 12)

L'article 31 de la loi de financement pour 1999 a institué une clause permanente de sauvegarde applicable aux entreprises exploitant des médicaments remboursables sauf à celles ayant passé une convention avec le Comité économique des produits de santé (article L. 138-10 du code de la sécurité sociale). Cette clause de sauvegarde consiste dans le versement d'une contribution par ces entreprises lorsque leur chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au titre des spécialités remboursables et agréées à l'usage des collectivités s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'ONDAM tel qu'il résulte du rapprochement des lois de financement de l'année en cours et des années précédentes. Ce taux est appelé « taux K ». Les entreprises ayant passé une convention avec le Comité économique des produits de santé, qui s'acquittent du paiement de remises conventionnelles, sont exonérées du paiement de cette contribution.

A l'origine, le taux de la contribution variait en fonction du dépassement du taux de progression de l'ONDAM. Le montant global calculé était ensuite réparti entre les entreprises redevables selon trois critères :

- le niveau brut du chiffre d'affaires pour 30 % ;

- la progression du chiffre d'affaires pour 40 % ;

- les frais de publicité pour 30 %.

Pour l'exercice 1999 (recouvrement 2000), le rendement estimé de la taxe a été de 11,43 millions d'euros (75 millions de francs) et celui des remises conventionnelles de 127,7 millions d'euros (838 millions de francs) soit un rendement total de 139 millions d'euros (911,8 millions de francs). Sur environ 200 entreprises du secteur seules 27 se sont acquittées de la taxe, toutes les autres ayant conclu une convention.

Au titre de l'année 2000, pour la contribution versée en 2001, l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a fixé un seuil de déclenchement de la contribution à 2 %, déconnecté de tout lien avec l'ONDAM. Cet article tirait donc les conséquences du nouveau mode de calcul de l'ONDAM. Retenir l'évolution entre l'objectif de 1999 et l'objectif de 2000 aurait élevé le seuil de déclenchement à 4,5 % au lieu de 2,5 %. Mais le gouvernement a ainsi accentué le caractère arbitraire de cette contribution en retenant le taux de 2 % qui n'avait plus aucun lien avec l'ONDAM. 2 à 2,8 milliards de francs devraient être versés à ce titre en 2001.

Pour 2000 (recouvrement 2001), le montant des remises conventionnelles est estimé à 274,4 millions d'euros (1,8 milliards de francs). Le rendement estimé de la taxe est de 33.538 euros (près de 220.000 francs). La faiblesse de ce montant s'explique par le petit nombre d'entreprises n'ayant pas conclu de convention, seules douze entreprises ont ainsi été concernées par le paiement de cette taxe.

L'article 49 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a remplacé le mécanisme existant par un mécanisme de récupération linéaire en fixant un barème de taxation dont chaque taux (50, 60 et 70 %) s'applique successivement à une tranche déterminée de supplément de chiffre d'affaires par rapport au taux de l'objectif K. En outre, pour le seuil de déclenchement de la contribution, il a substitué au taux de progression de l'ONDAM un taux de progression fixé à 3 % pour 2001.

L'article 12 du présent projet de loi de financement définit à nouveau un taux K spécifique fixé à 3 % pour le calcul de la contribution due au titre de l'année 2002, soit le même taux que celui fixé l'année dernière par la loi de financement de la sécurité sociale.

Le prédécesseur de votre rapporteur pour avis avait fortement critiqué le principe de cette clause de sauvegarde au moment de sa création. Malgré les efforts du gouvernement pour rendre ce système plus équitable, votre rapporteur pour avis continue de désapprouver le principe même de cette clause de sauvegarde. En outre, une fois encore, le taux de progression dont le dépassement déclenche le versement de la contribution arbitrairement fixé par le gouvernement est totalement indépendant du taux de progression de l'ONDAM, fixé pour 2002 à + 3,9 %. Les dépenses de médicament devraient augmenter en 2000, d'après les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale, de + 7,7 %. Il semble donc que la détermination du taux de progression K à 3 % pour 2002 soit totalement irréaliste et purement confiscatoire.

En outre, au moment de la discussion du présent projet de loi de financement à l'Assemblée nationale, la ministre de l'emploi et de la solidarité a éludé la question qui consistait à savoir si le taux K de 3 % était appliqué à l'ONDAM 2001 voté ou à l'ONDAM rebasé, et dans ce dernier cas s'il s'agissait d'un ONDAM rebasé globalement ou rebasé au niveau des dépenses pharmaceutiques. Votre rapporteur pour avis souhaiterait avoir réponse à ces questions. Il note cependant que l'annexe b1 au présent projet de loi de financement précise que la fixation du taux K à 3 % pour la contribution due au titre de l'année 2002 est apparue nécessaire « dans la perspective d'un ONDAM 2001 rebasé en fonction des dépenses effectivement réalisées a u cours de l'année 2000 et afin d'assurer le niveau de rendement attendu de la contribution ».

Enfin, votre rapporteur pour avis désapprouve l'artefact comptable auquel le gouvernement a recours selon lequel cette contribution, qualifiée par le Conseil constitutionnel d'imposition de toute nature au sens de l'article 34 de la Constitution, est considérée comme une atténuation des dépenses de l'exercice suivant, qui vient donc artificiellement minorer l'ONDAM, plutôt que comme une recette de l'exercice en cours. La Cour des comptes, dans son rapport sur le financement de la sécurité sociale de septembre 2000 avait souligné que « les remises ne sont pas un mécanisme de régulation, mais seulement une ressource pour l'assurance maladie. Seules des baisses de prix administratif pourraient constituer un élément de régulation : d'une part, elles correspondent au cycle économique normal de tout produit qui s'amortit ; d'autre part, elles sont pérennes pour le financeur (l'assurance maladie) ».

(b) Un mécanisme de sanction en cas de non respect de l'encadrement du prix des dispositifs médicaux (article 12 bis)

Cette mesure dépasse le cadre de la politique du médicament stricto sensu , même si elle l'inclut de fait, puisqu'elle concerne l'ensemble des dispositifs médicaux visés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Elle complète la procédure d'admission au remboursement et de tarification des dispositifs médicaux visés à l'article précité, introduite par la loi n° 99-1140 du 20 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000, qui a inséré dans le code de la sécurité sociale un article L. 165-3 précisant que les ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l'économie, sur proposition du Comité économique des produits de santé, peuvent fixer par arrêté les prix des produits mentionnés à l'article L. 165-1 du même code.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à assurer le respect de cet encadrement des prix des dispositifs médicaux. Ainsi, lorsqu'un organisme d'assurance maladie constate à l'encontre d'un fournisseur de dispositifs médicaux le non-respect du prix fixé par arrêté ministériel (article L. 165-3 du code de la sécurité sociale), il peut adresser au fournisseur une mise en demeure de rembourser à l'assuré la différence entre le prix facturé et le prix fixé par arrêté. En cas de non-exécution de la mise en demeure, l'organisme peut prononcer à l'encontre du fournisseur une pénalité financière dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. L'organisme verse ensuite à l'assuré la différence entre le prix facturé et le prix fixé par arrêté. Enfin, lorsque la gravité ou la répétition des faits est constatée, une suspension de conventionnement, pour une durée maximale de deux ans, peut également être prononcée.

Votre rapporteur pour avis s'interroge, dans ce contexte, sur la place que souhaite réellement donnée le gouvernement à la négociation conventionnelle entre organismes de sécurité sociale et fournisseurs de dispositifs médicaux.

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