C. DES MESURES DE «  SÉDIMENTATION »

Outre la création d'un congé de paternité, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 contient des mesures que l'on pourrait qualifier de « sédimentation », c'est-à-dire des mesures concernant des dispositifs déjà existants.

1. L'alimentation du Fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance dit fonds d'investissement pour les crèches (article 24)

L'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 avait créé au sein du fonds national d'action sociale, un fonds exceptionnel d'investissement doté de 1,5 milliards de francs (230 millions d'euros) destiné à participer au développement des services d'accueil de la petite enfance (FIPE). Son financement a résulté d'un prélèvement sur les excédents passés de la branche famille, ceux de 1999 et non ceux de l'année 2000.

Ce fonds étant exceptionnel et non reconductible, son existence prend fin à la date de consommation complète de ses crédits.

L'article 24 du présent projet de loi de financement vise à abonder le compte de réserves affectées au financement de ce fonds de 228,67 millions d'euros, soit 1,5 milliard de francs. Ce montant est prélevé sur l'excédent 2000 de la branche famille du régime général de la sécurité sociale.

Votre rapporteur pour avis reconnaît, un an après la création de ce fonds, les progrès qui ont été réalisés en matière d'accueil de la petite enfance, sur le plan qualitatif plus que sur le plan quantitatif. Toutefois, il s'interroge notamment sur son mode de financement et sur la capacité future de la branche famille du régime général de la sécurité sociale de subvenir à ses besoins.

a) Des progrès indéniables en matière de qualité de l'accueil de la petite enfance

Au 30 avril 2001, 115 caisses d'allocations familiales avaient décidé de financer au titre du FIPE 1.429 dossiers pour un montant de 201,23 millions de francs (1.320 millions de francs), soit 88 % de l'enveloppe totale dévolue à ce fonds.

Les 1.429 projets pour lesquels un engagement financier a été contracté correspondent à un nombre total de 31.867 places qui se répartissent en 19.855 places d'accueil permanent et 12.012 places d'accueil temporaire. Parmi ces projets, on compte 244 relais assistances maternelles et 57 lieux d'accueil enfants / parents.

La création nette de places est de 17.262 qui se répartissent en :

- 12.279 places au titre de la création de nouvelles structures ;

- 4.983 places supplémentaires créés à l'occasion de travaux d'aménagement et de transplantation.

Environ la moitié des projets correspondent à des créations de nouveaux équipements, viennent ensuite les aménagements (30 % des dossiers) et les transplantations (20 % des projets).

S'agissant de la ventilation des places selon le type de structure, les projets les plus nombreux sont ceux qui correspondent au multi-accueil soit 691 dossiers représentant 21.265 places (48,4 % des projets et 66,7 % des places).

Les financements accordés au titre du FIPE s'élèvent à 201,23 millions d'euros (1.320 millions de francs) au 30 avril 2001. Ils concernent, pour un montant de 139,35 millions d'euros, les lieux multi-accueil, pour un montant de 20,9 millions d'euros les crèches collectives ainsi que les haltes-garderies collectives pour 17,6 millions d'euros.

Le succès de ce fonds n'est en rien surprenant, il résulte avant tout de la pénurie structurelle de solutions d'accueil pour la garde des enfants de moins de trois ans. Toutefois, il convient de souligner que les objectifs quantitatifs qui lui avaient été fixés au moment de sa création (l'accueil de 30.000 à 40.000 enfants supplémentaires) n'ont pas été tenus. Au total, si le nombre de places d'accueil concernées par les moyens déployés au titre du FIPE pourrait avoisiner les 35.000 comme prévu, il ne devrait pas entraîner la création de plus de 20.000 places nouvelles. Ces chiffres, qui ne sont pas négligeables, demeurent cependant de faible portée au regard des besoins structurels existants, aggravés par l'évolution démographique récente.

Pour autant, votre rapporteur pour avis, tient à souligner les améliorations qualitatives qui ont été rendues possibles par la mise en place de ce fonds : travaux d'amélioration, mise aux normes, éléments d'innovation (tels les lieux de passerelles, l'amplitude significative des horaires d'ouverture, accueil d'enfants handicapés, ou l'accueil d'urgence).

Pour l'année 2002, les critères d'éligibilité des projets devraient rester très proches de ceux définis initialement, avec un accent mis sur l'accueil des enfants ayant un handicap, l'accueil des enfants de deux ans, les crèches familiales et l'équipement des assistantes maternelles. L'objectif est de permettre l'accueil de 30.000 à 40.000 enfants supplémentaires. De plus, afin de favoriser le rééquilibrage de l'offre d'accueil sur le territoire, le fonds devrait faire l'objet d'une répartition a priori entre caisses d'allocations familiales, tenant compte du taux de couverture des enfants de moins de trois ans par des modes d'accueil subventionnés par les pouvoirs publics.

b) Un mode de financement contestable

Au moment de sa création par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, il avait été décidé que le fonds serait financé par un montant prélevé sur les excédents de l'exercice 1999 de la branche famille du régime général de la sécurité sociale, soit les excédents de l'avant dernier exercice précédant sa création, et non du dernier exercice, ce qui aurait été plus logique.

La caisse nationale des allocations familiales a cependant fait très justement valoir le caractère théorique de l'excédent cumulé de la branche famille qui « prend en compte toutes les situations liées à la comptabilisation des droits constatés, notamment les produits à recevoir et les provisions, dont les créances de la CNAF sur l'Etat au titre des mesures pour l'emploi, par exemple. Ces divers montants dus à la branche famille obèrent lourdement sa trésorerie ».

Ainsi, le gouvernement a fait peser lourdement, en 2000 et 2001, le financement des 35 heures sur la sécurité sociale et notamment sur la branche famille qui dispose d'excédents importants. Dès lors, le gouvernement, sachant qu'il serait amené à mettre à contribution les excédents 2000 et 2001 pour le financement de sa politique de l'emploi, a choisi de mobiliser les excédents d'un exercice clos - l'exercice 1999 - pour financer des dépenses pourtant engagées en 2001.

Pour 2002, le gouvernement a recours au même artefact comptable consistant à financer des dépenses engagées par le fonds en 2002 sur l'excédent de l'exercice 2000 de la branche famille. Si l'année dernière, cette méthode pouvait encore paraître incongrue, cette année c'est le financement même du fonds qui est menacé puisqu'il n'est pas certain qu'en 2000 la branche famille du régime général conserve assez d'excédents pour financer les dépenses engagées par le fonds. En effet, l'article 5 du présent projet de loi de financement prévoit l'annulation de la créance de la branche famille, entre autres, sur le FOREC à hauteur de 430 millions d'euros (2,8 milliards de francs). En outre, l'article 29 du présent projet de loi de financement prévoit un versement exceptionnel de la CNAF au FSV en 2002 à hauteur de 760 millions d'euros (5 milliards de francs), prélevés sur le résultat excédentaire 2000 de la branche famille.

L'excédent de l'exercice 2000 de la branche famille est donc largement mis à contribution par le gouvernement cette année pour financer des mesures totalement étrangères aux objectifs de la politique familiale. En outre, votre rapporteur pour avis s'interroge sur la capacité de la CNAF à répondre à l'ensemble de ces obligations financières étant donné la « non-élasticité » de l'excédent 2000.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page