CHAPITRE IER -

LE CONTEXTE DU PROJET DE BUDGET

I. LES RESULTATS DE L'AGRICULTURE FRANCAISE EN 2000

A. LE REVENU AGRICOLE

1. L'évolution de la valeur ajoutée

a) Une progression modérée de la production en valeur

Pour l'année 2000, les comptes de l'agriculture 1( * ) font apparaître une légère diminution de la production en volume (-0,4 %) , après six années de hausse consécutive au taux annuel moyen de 1,9 %.

Cette diminution s'explique par une diminution de 1 % des productions végétales alors que les productions animales restent stables à 0,1 %.

S'agissant des productions végétales, la baisse de volume concerne particulièrement :

- les oléoagineux (-14,7 %) et protéagineux (-25,4 %) dont le régime a été rendu moins attractif que celui des céréales par l'Agenda 2000 ;

- les betteraves (-4,6 %), en raison de la réduction des surfaces cultivées et de l'effet de mauvaises conditions climatiques ;

- les vins (-2,4 %), après une année 1999 marquée par une production importante.

A la différence des évolutions constatées l'année précédente, l'ensemble des productions animales sont restées stables en 2000.

La production de gros bovins progresse de 0,9 % en volume. La production de volailles, en baisse de 2,4 % l'année précédente, se redresse légèrement de 1 %. Cependant, la production d'oeufs diminue (-2,1 %).

La production de lait et de produits laitiers est quasiment stable.

Enfin, les autres productions animales, au premier rang desquelles celle de veaux (-4,4 % ), décroissent légèrement.

Les prix hors subventions augmentent de 1,8 %, la croissance relativement forte des prix des productions animales (+4,9 %) n'étant pas compensée par la diminution modérée (-0,3 %) de ceux des productions végétales .

La stabilité des prix des productions végétales recouvre des évolutions différentes selon les produits.

Les prix des protéagineux (+12,1 %) augmentent de manière soutenue, en raison de la diminution des volumes produits, ainsi que de la forte demande de protéines végétales en fin d'année, consécutive à l'interdiction de l'utilisation des farines carnées en alimentation animale.

De même, le prix des fruits (+5,7 %) et celui des pommes de terre (+4,6 %) progressent, après une diminution marquée en 1999.

Les prix des céréales connaissent en revanche une baisse sensible (-1,9 %), imputable à la diminution du prix d'intervention, à une récolte abondante, mais aussi à une qualité inégale en raison des aléas climatiques.

Enfin, les prix de vins continuent à décroître (-1,6 %), en raison de l'importance des stocks.

Les prix des productions animales ont, en revanche, fortement augmenté, sauf pour la viande bovine.

La bonne tenue des cours de la viande bovine au cours des dix premiers mois explique la progression de son prix sur l'année 2000 (+3,6 %), en dépit de l'effondrement des prix d'achat aux producteurs à partir du mois d'octobre.

A près plusieurs années de baisse liée à des crises de surproduction, les prix des productions hors sol se redressent en 2000. Cette hausse atteint ainsi 21,8 % pour les porcins, 2,9 % pour les volailles et 16,1 % pour les oeufs.

? Il ressort de l'analyse de ces deux séries de données (production en volume et prix) que la production agricole en valeur progresse modérément, au rythme de 1,4 % sur l'année 2000 , alors qu'elle avait diminué de 2,1% en 1999.

b) L'augmentation des consommations intermédiaires

L'année 2000 marque une rupture dans l'évolution qui caractérisait les consommations intermédiaires depuis une décennie . Leurs prix qui diminuaient jusqu'à présent ont, en effet, subi un retournement de tendance à la hausse , notamment en raison de l'augmentation du prix des aliments pour animaux, qui représentent près d'un cinquième de la valeur totale des consommations intermédiaires. En conséquence, la valeur des consommations intermédiaires a progressé en 2000 de 2,7 %.

Outre la hausse du coût du soja liée à l'appréciation du dollar, l'interdiction en fin d'année de l'utilisation des farines carnées en alimentation animale, qui a tendu le marché des protéines végétales, a poussé à la hausse les prix des aliments pour animaux (+5,8 %). Leur consommation en valeur progresse de ce fait de 4,9 % .

A l'inverse, le prix (-1,9) et le volume (-0,7 %) des engrais étant en baisse, la valeur des consommations d'engrais diminue de 2,6 %.

Enfin, le poste énergie et lubrifiants , qui ne représente que 6,5 % de la valeur de l'ensemble des consommations intermédiaires, connaît une augmentation substantielle en prix (+21,4 %) et en valeur (+19,3 %) en raison de l'envolée des prix des produits pétroliers en 2000.

ÉVOLUTION DES CONSOMMATIONS INTERMEDIAIRES EN 2000/1999

(en %)

 

Volume

Prix

Valeur

Ensemble

+O,1

+2,6

+2,7

Dont Aliments pour animaux 1 (19,6 %)

-0,9

+5,8

+4,9

Engrais (8,9 %)

-0,7

-1,9

-2,6

Produits de protection des cultures (8,1 %)

+0,2

+0,2

+0,4

Energie et lubrifiants (6,5%)

-1,7

+21,4

+19,3

Source : Insee

c) La stabilité de la valeur ajoutée

Selon les comptes de l'agriculture 2000, la valeur ajoutée brute de l'agriculture est restée quasiment stable à 0,3 % en valeur, alors qu'elle a diminué de 1,4 % en volume.

La consommation de capital fixe, en hausse depuis 1996, augmente de 3 % en valeur sur l'année 2000, en conséquence de la forte reprise des investissements ces dernières années.

Obtenue en soustrayant la consommation de capital fixe de la valeur ajouté brute au prix de base, la valeur ajouté nette s'établit à 156,666 milliards de francs, se dégradant de 0,6 % (1,5 % en termes réels) au cours de l'année 2000.

2. Une augmentation trompeuse du revenu agricole

a) Le résultat agricole net

Obtenu par l'addition, à la valeur ajouté nette, des subventions d'exploitation, desquelles sont ensuite soustraits les impôts à la production, le résultat agricole net s'élève à 157, 981 milliards de francs pour l'année 2000, en régression (-0,6 %) par rapport à l'année précédente.

Cette stabilité s'explique par la neutralisation de la légère diminution du montant des subventions d'exploitation versées par l'augmentation des impôts sur la production.

b) Le résultat net par actif

Compte tenu de la diminution de l'emploi total, qui atteint -1,8 % en nombre d'unités de travail annuel, le résultat net agricole par actif augmente de 1,2 % en 2000, soit de 0,3 % en termes réels .

Votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité de considérer avec la plus grande précaution ces chiffres, qui tendraient à faire croire que les agriculteurs se sont enrichis en 2000, alors qu'une étude récente de l'INSEE indique qu'un quart des ménages d'agriculteurs vivent encore en dessous du seuil de pauvreté.

c) Le revenu d'entreprise agricole

Cet indicateur est obtenu en déduisant du résultat agricole net les charges salariales, les intérêts et les charges locatives nettes.

Ces trois éléments augmentant de 1,8 % sur l'année 2000, en raison de la forte progression des charges salariales -salaires et cotisations sociales-, le revenu net d'entreprise agricole accuse une baisse importante de 2,1 %, soit 3 % en termes réels.

? Evolution sectorielle du revenu agricole

L'évolution du revenu agricole de certaines catégories de producteurs porte la marque de l'Agenda 2000, dont l'année 2000 était la première année d'application.

C'est le cas pour les exploitations de grandes cultures, dont le revenu a diminué de 9 % . Cette diminution atteint 13 % pour les producteurs de céréales, d'oléagineux et de protéagineux en raison des baisses de prix des céréales et des réductions d'aides aux cultures oléo-protéagineuses. Elle est toutefois plus limitée (-2 %) pour les autres grandes cultures, telles que la production de betteraves et celle de pommes de terre.

Durement éprouvés par la crise de confiance à l'égard de la viande bovine à partir d'octobre 2000, les éleveurs bovins viande sont censés avoir bénéficié d'une augmentation de leurs revenus de 14% , grâce à la bonne tenue des cours en début d'année et à la revalorisation des aides directes prévue par l'Agenda 2000. La progression du revenu des éleveurs laitiers a été moindre (+5%) dans la mesure où ces derniers ont été moins concernés par la revalorisation des aides directes.

Ces résultats, en décalage total avec la situation dramatique supportée actuellement par les éleveurs bovins, illustrent les limites des statistiques, qu'il convient, là encore, d'utiliser avec la plus extrême prudence.

Confortant une sortie de crise amorcée depuis le début de l'année, le report de consommation sur les viandes blanches a contribué à l'augmentation du revenu de l'élevage hors sol -porcins et volailles-, qui s'élève à 29,3 %.

Le résultat des éleveurs ovins a, quant à lui, progressé plus modérément (+3 %).

En horticulture , le revenu a augmenté de 7 %, grâce à l'appréciation du prix des légumes.

Le revenu de la production fruitière arboricole n'a progressé que de 0,5 % .

Enfin, le revenu de la viticulture s'est considérablement dégradé, après des années de hausse continue depuis 1993. Cette diminution a touché les productions AOC (-8,4 %) comme les vins courants (-7,1 %) .

3. L'évolution de l'investissement agricole

Alors que les investissements du secteur agricole s'étaient redressés de 1993 à 1999, ils connaissent à nouveau une stagnation (-0,1 %) en 2000.

Cette stabilité recouvre toutefois des réalités différentes.

Ainsi, la formation brute de capital fixe (FBCF) en biens non agricoles a légèrement diminué (-1,3 %) en raison de la baisse significative (-4,4 %) des investissements en matériel, et alors même que les investissements en bâtiments ont augmenté de 5,7 %.

A l'inverse, la FBCF en biens agricoles est en forte augmentation (+8,7%), l'augmentation du nombre de gros bovins en stock en fin d'année, liée à la crise de l'ESB, ayant poussé à la hausse la FBCF bétail.

FORMATION BRUTE DE CAPITAL FIXE DE LA BRANCHE AGRICULTURE

 

Montant en 2000

(en milliards d'euros
)

Evolution 2000/1999

(en %)

FBCF en biens non agricoles

- matériel

- bâtiments

8146,87

5313,15

2670,14

-1,3

-4,4

5,7

FBCF en biens agricoles

- bétail

- plantations

1156,02

588,15

567,87

8,7

26,1

-7,1

FBCF totale

9302,89

-0,1

Source : Insee

B. L'EVOLUTION DES STRUCTURES AGRICOLES

1. Le prix des terres agricoles

Selon le service central des enquêtes et études statistiques (SCEES) du ministère de l'agriculture et de la pêche, la tendance à l'augmentation du prix des terres agricoles s'est ralentie en 2000, puisqu'elle s'établit à 4 %, contre 12,5 % en 1999.

Les plus fortes progressions concernent les terres viticoles, dont les prix ont augmenté de 10 % pour les vignes AOC et de 5,4 % pour les autres vignes. Depuis six ans, l'augmentation du prix des terres viticoles a été de 62 %.

Les hausses enregistrées sont, en revanche, moins importantes pour les terres labourables (+ 4,2 %) et pour les prairies naturelles (+ 3,5 %).

Il convient cependant de nuancer ces évolutions selon les régions , le prix des terres agricoles restant relativement bas -inférieur à 15.000 francs par hectare- dans les régions d'élevage comme les Pays de Loire et la Bourgogne, alors qu'il est très élevé -supérieur à 25.000 francs par hectare- dans les régions à forte concentration urbaine, telles que le Sud-Est, la région parisienne et le Nord de la France.

La poursuite de l'augmentation du prix des terres agricoles tient non seulement à une offre réduite au regard des demandes, mais également à un environnement économique globalement favorable, avec des taux d'intérêt bas qui rendent attractifs les placements fonciers pour les non-agriculteurs et la baisse récente des droits de mutation. Les dernières réformes de la PAC, poussant à l'extensification ont, par ailleurs, stimulé l'agrandissement des exploitations.

Cependant la baisse des revenus agricoles et les crises de l'élevage, ainsi que l'évolution incertaine des taux d'intérêt, ont contribué au ralentissement de la progression des prix en 2000.

2. Les premiers résultats du recensement agricole

Le ministère de l'agriculture et de la pêche a rendu publics, en juin dernier, les premiers résultats du recensement agricole entrepris en octobre 2000. Il s'agit du quatrième recensement de ce type, après ceux de 1970, 1979 et 1988.

Ces résultats font, tout d'abord, apparaître une concentration des exploitations agricoles , dont le nombre s'établit à 664 000, alors qu'il dépassait le million en 1988, ce qui signifie qu'un tiers des exploitations ont disparu depuis cette date.

Parallèlement, la taille des exploitations agricoles, qui atteint 42 hectares en moyenne, s'est accrue de 14 hectares en douze ans.

En outre, parmi ces exploitations, 400.000, qualifiées de « professionnelles » -c'est à dire ayant une superficie d'au moins 12 hectares et utilisant au minimum une personne occupée aux trois quarts de son temps- concentrent 95 % du potentiel agricole.

La conséquence directe de ce phénomène de concentration est une diminution du nombre d'actifs agricoles, dont le nombre a baissé de 35 % depuis 1988. Hors salariés saisonniers ou occasionnels, 1.319.200 personnes travaillent en 2000 à temps plein ou partiel sur les exploitations.

La population agricole est moins jeune, en raison de la diminution des installations qui sont, en outre, plus tardives en conséquence de la prolongation des études. En outre, les conjoints exercent de plus en plus leur activité professionnelle en dehors de l'exploitation.

La deuxième tendance lourde qui ressort du dernier recensement agricole est la spécialisation accrue des exploitations , avec pour conséquence, une diminution du nombre d'exploitations en polyculture-élevage qui ne représentent plus que 19 % des exploitations.

A titre d'illustration, deux tiers des porcs à l'engraissement et des volailles sont aujourd'hui élevés dans des élevages spécialisés hors sol.

On observe également un recul du modèle de l'exploitation individuelle, au profit des formes sociétaires , qui représentent aujourd'hui 19 % des exploitations, contre seulement 7 % en 1988.

Il faut également souligner le mouvement de recomposition des sols agricoles au profit des terres labourables qui, progressant de 7 %, couvrent désormais les deux tiers de la superficie agricole française. A l'inverse les superficies toujours en herbe ont perdu 1,9 million d'hectares depuis 1988.

Enfin, les contrastes entre les agricultures régionales se creusent, les exploitations à fort potentiel économique se situant essentiellement au Nord, à l'Ouest et dans une partie du Sud-Ouest.

3. La diminution continue du nombre d'installations

Selon le rapport d'activité 2000 du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), le nombre de dossiers d'installation ayant fait l'objet d'un premier versement de la dotation d'installation des jeunes agriculteurs (DJA) a été égal à 6.314 en 2000, contre 6.919 l'année précédente, soit une baisse de 8,74 %.

Parmi ces nouveaux installés aidés, 55 % se situent en zone de plaine, 27 % en zone de défavorisée simple et 18 % en zone de montagne.

Le nombre d'installations régresse de manière continue depuis 1997, alors que la Charte pour l'installation de 1995 avait contribué à relancer leur mouvement.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DES DJA ET DU COÛT BUDGÉTAIRE
SUR LES CINQ DERNIÈRES ANNÉES

Années

Sommes versées
(en millions de francs)

Nombre de bénéficiaires
(premiers versements)

1995

893

7 787

1996

931

8 677

1997

916

9 804

1998

841

8 306

1999

735

6 919

2000

687

6 314

Source : Ministère de l'agriculture et de la pêche

Pourtant, 12.677 candidats à l'installation étaient inscrits sur le répertoire à l'installation en 2000. L'analyse de ce répertoire fait apparaître une progression des candidats d'origine urbaine (16 % en 2000) et une diminution des candidats d'origine agricole (56 %) ou rurale (27 %).

Il est vrai que la succession des crises agricoles, dans les secteurs du porc, des volailles, des fruits et légumes et, plus récemment, de l'élevage bovin, a dessiné un contexte défavorable à l'installation.

En outre, la concentration croissante des exploitations, la pression de la hausse des prix du foncier agricole, jointes à la diminution du nombre de départs en retraite, constituent autant de freins à la reprise. La perspective de réformes de la PAC génère également un manque de visibilité qui décourage parfois les jeunes.

Votre rapporteur pour avis estime que le Gouvernement ne peut se contenter de constater comme une fatalité la diminution du nombre d'installations, et de réduire en conséquence les crédits qui y sont consacrés, comme il le propose cette année dans le projet de loi de finances . Il conviendrait, sur ce dossier, d'adopter une stratégie volontariste, qui mobiliserait notamment des dispositifs fiscaux incitatifs tels qu'une exonération totale des plus-values pour les cédants, ainsi qu'une réduction supplémentaire des droits de mutation et des abattements sur les bénéfices en faveur des jeunes agriculteurs.

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