Avis n° 54 (2004-2005) de M. Yvon COLLIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 4 novembre 2004

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N° 54

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 novembre 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi relatif aux aéroports ,

Par M. Yvon COLLIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM.Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jegou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Voir les numéros :

Sénat : 452 (2003-2004) et 48 (2004-2005)

Transports aériens.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi relatif aux aéroports, déposé sur le bureau du Sénat le 30 juillet 2004, est le troisième texte comportant des dispositions visant à faire évoluer le statut d'une entreprise publique dont votre commission se saisit pour avis en 2004, après le projet de loi relatif à la régulation des activités postales, déposé sur le bureau du Sénat le 16 juillet 2003, dont un article visait à transformer les services financiers de La Poste en une « banque postale », et le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, adopté en première lecture par le Sénat, le 8 juillet 2004 1 ( * ) , qui transformait le statut d'EDF et de GDF. Ceci témoigne de la profondeur des changements en cours dans le champ des entreprises publiques .

Le présent projet de loi est le premier texte relatif aux aéroports depuis 1945 : c'est dire à quel point les structures héritées de ce lointain passé méritaient d'être modernisées. S'il comporte des dispositions relatives aux grands aéroports régionaux et à l'ensemble des aéroports, votre commission des finances a souhaité se saisir pour avis des articles permettant la transformation de l'établissement public Aéroports de Paris (ADP) en société anonyme , rendant ainsi possible l'ouverture du capital d'une entreprise dans laquelle l'Etat est néanmoins appelé à rester majoritaire.

Le projet de loi fait ainsi évoluer le régime de domanialité applicable à ADP, afin de garantir la meilleure valorisation possible de la participation détenue par l'Etat et définit un mode d'élaboration des redevances, qui composent 29 % du chiffre d'affaires d'ADP, plus réaliste sur le plan économique et plus conforme à un principe de vérité des tarifs. Le projet de loi a été renvoyé au fond à la commission des affaires économiques et du plan qui a nommé comme rapporteur notre collègue Jean-François Le Grand.

L'avenir d'Aéroports de Paris constitue un enjeu crucial, au-delà du sort de ses 8.000 salariés, pour l'Ile-de-France et le pays tout entier. Plus de 70 millions de passagers transitent chaque année par Roissy ou Orly, contre 40 millions pour l'ensemble des autres aéroports français. ADP constitue le « hub » d'Air France, c'est à dire le centre des activités d'une des premières compagnies aériennes mondiale, la première depuis la fusion avec KLM en terme de chiffre d'affaires.

C'est dire si son développement présente une importance vitale pour l'économie française. Dans cette perspective, face à la concurrence de Londres, mais aussi de Francfort et d'Amsterdam, en ce qui concerne les flux internationaux de passagers, ADP doit faire face à de très lourds investissements, de l'ordre de 700 millions d'euros en 2005 . L'augmentation des capacités de la plateforme aéroportuaire est vitale, avec la mise en service du futur terminal S3 en 2007. La modernisation du terminal 1 est tout aussi nécessaire. Les investissements liés à la sécurité sont considérables.

Or le ratio d'endettement sur fonds propres d'Aéroports de Paris dépasse 150 %, ce qui rend problématique un accroissement de son financement obligataire. Son actionnaire, l'Etat, ne peut procéder à des dotations en capital à la hauteur des besoins.

Un financement de marché est donc devenu incontournable. Le statut actuel ne le permettait pas. La transformation en société anonyme, dans laquelle l'Etat restera majoritaire, est ainsi un impératif. Dès lors, ADP devra rémunérer les capitaux investis, alors même que la société est étroitement liée à des missions d'intérêt général et au développement économique du pays : elle supporte donc, à ce titre, de nombreuses contraintes, comme d'ailleurs tous les aéroports dans le monde. Des gains de productivité devront être réalisés, à statut du personnel inchangé.

Deux innovations sont par ailleurs proposées dans le présent projet de loi. La première concerne la domanialité , la seconde le financement par redevances .

En ce qui concerne la domanialité , le passage au statut de droit privé étant acquis, le gouvernement avait la possibilité d'assurer le maintien du régime de la domanialité publique , ce qui aurait entraîné de facto la disparition du bilan d'ADP des actifs immobiliers (terrains, bâtiments...) qui y figuraient jusqu'alors. Le passage au régime de la domanialité privé permettra de mieux valoriser la participation financière de l'Etat. Ce passage sera encadré par de nombreuses garanties , dont les principales fixées dans un cahier des charges qui sera approuvé par décret en Conseil d'Etat.

En ce qui concerne les redevances , qui correspondent aux différents services rendus par l'aéroport aux compagnies, elles sont actuellement fixées par ADP, après concertation avec les compagnies aériennes, et avec un droit de veto de l'Etat. Dans le passé, une certaine « sous-évaluation » des redevances, favorisant les compagnies aériennes a été observée . Un rattrapage, qui tient compte des besoins en investissement de la société, est opéré depuis 2001. La tendance est à la « vérité des prix ». C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit, notamment, que les redevances pourront tenir compte de la rémunération des capitaux investis.

Pour autant, le mode de fixation des redevances doit éviter à l'Etat de se trouver dans une situation de confrontation de ses intérêts , intérêt de l'Etat régulateur tout d'abord, intérêt d'un Etat actionnaire d'ADP ensuite, intérêt d'un Etat actionnaire d'Air France enfin . Ceci doit inciter à réfléchir à l'opportunité de créer une formule de régulation pertinente sur le plan économique .

I. LE CHANGEMENT DE STATUT D'AÉROPORTS DE PARIS : ASSURER LE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS DE L'ENTREPRISE

A. LA PLACE DE LA SOCIÉTÉ AÉROPORTS DE PARIS

Depuis 1945, Aéroports de Paris (ADP) est chargé d'aménager, d'exploiter et de développer l'ensemble des installations de transport civil aérien ayant leur centre dans la région d'Ile-de-France. Il assure par ailleurs une mission essentielle de service public liée à la sécurité des installations aéroportuaires et du transport aérien.

Il gère ainsi le plus grand domaine aéroportuaire d'Europe, 6.600 hectares composés, notamment, des plateformes de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et de l'aéroport d'affaires du Bourget.

ADP constitue, en application des dispositions de l'article L 251-1 du code de l'aviation civile, « un établissement public doté de l'autonomie financière placé sous l'autorité du ministre chargé de l'aviation civile ». A ce titre, comme tout établissement public, il est soumis à un principe de spécialité qui limite son développement économique.

La volonté de faire d'Aéroports de Paris « une véritable entreprise de services » selon les mots du président d'ADP, M. Pierre Graff, comporte plusieurs conséquences.

La première suppose de se libérer du principe de spécialité , qui, limitant le champ d'action d'ADP, ne lui permet pas de répondre de manière suffisamment performante aux attentes des compagnies aériennes, des passagers et des centaines d'entreprises travaillant en liaison avec les plateformes aéroportuaires.

La deuxième implique de renforcer en permanence le « hub » de Paris-Charles de Gaulle afin de faire face à la concurrence des principaux aéroports européens, en premier lieu British Airports Authority - BAA (Heathrow, Gatwick, Stansted, Glasgow, Edinburgh, Aberdeen, Southampton), par ailleurs fortement développée à l'international (Perth et Naples notamment), mais aussi Francfort et Amsterdam-Schipol.

La troisième nécessite de faire face à une économie du transport aérien aujourd'hui largement libéralisée partout dans le monde. ADP ne peut rester durablement à l'écart de l'émergence d'un nouveau modèle européen d'aéroport.

ADP n'a dès lors d'autre choix, tout en réalisant d'importants gains de productivité et en adaptant sa politique commerciale, que d' investir . Compte tenu de son statut d'établissement public, les investissements d'ADP ne peuvent aujourd'hui être financés que par des dotations en capital de l'Etat actionnaire ou par l'endettement. Ces deux modes de financement ont atteint leurs limites. Une recapitalisation d'ADP à la hauteur des investissements prévus sur la période 2005-2007 paraît hors d'atteinte dans le contexte actuel des finances de l'Etat. Le ratio d'endettement de l'établissement public , s'il ne suscite pas de craintes en termes de soutenabilité des charges d'intérêt, est devenu hors de proportion par rapport aux autres entreprises du secteur. Sa détérioration au cours des dernières années laisse peu de marges de manoeuvre sur moyen terme.

La transformation d'ADP en société anonyme, dont le capital resterait majoritairement détenu par l'Etat, doit lui permettre d'augmenter ses fonds propres et de financer son développement à moyen terme. Le corollaire à ce financement de marché réside dans l'amélioration de la productivité de l'entreprise et la progression de la rentabilité des capitaux employés (ROCE), inférieure aujourd'hui à celle des autres entreprises du secteur. Un important travail de mise aux normes comptables de droit commun a par ailleurs été réalisé en 2003.

B. UNE SITUATION FINANCIÈRE CONTRASTÉE

Si le dramatique accident du terminal 2 E du 23 mai 2004, par delà les pertes humaines, aura évidemment un impact significatif sur les comptes 2004, la publication du rapport annuel 2003 montre une situation financière contrastée, avec une amélioration des ratios financiers, à l'exception de ceux relatifs à l'endettement, rendant ainsi inquiet quant à la capacité d'Aéroports de Paris à financer ses investissement sur la période 2005-2007.

1. Une amélioration des résultats dans un contexte sectoriel difficile

a) Un contexte peu favorable à l'économie aéroportuaire en 2003

L'exercice 2003 a été marqué par un contexte difficile sur le plan international et national. Le faisceau Asie a été touché par une restriction des déplacements aériens liée à l'épidémie de pneumopathie atypique. Le faisceau Amérique du Nord est resté affecté par les risques liés au terrorisme et a subi le contrecoup du conflit Irakien. A l'échelle européenne, la liaison Paris - Londres a fait face à la concurrence renforcée de l'Eurostar. En France, la faillite d'Air Lib et celle d'Aéris ont eu un impact sensible sur le trafic.

Sur le plan économique, la faiblesse de la croissance dans la zone euro a eu un impact négatif sur l'économie du transport aérien.

b) Une activité en légère diminution

Dans ce contexte, le trafic des deux grandes plateformes d'ADP s'est réduit de 1,2 % en ce qui concerne le nombre de passagers et de 0,1 % en ce qui concerne les mouvements d'actions commerciaux.

Le trafic passagers s'est ainsi établi en 2003 sur les plateformes de Paris Orly et de Paris Charles de Gaulle à 70,7 millions de passagers contre 71,5 millions en 2002. Le trafic passagers « France » a chuté de 4,8 % en 2003. A l'international, l'exercice 2003 a été marqué par la stabilité, avec néanmoins une hausse du trafic « Europe » de 1,4 %.

Le graphique ci-dessous, s'il montre la forte progression du nombre de passagers depuis dix ans, supérieur au taux de croissance du PIB, montre la forte sensibilité conjoncturelle de l'activité aéroportuaire.

Trafic passagers sur les plateformes d'Orly et de Charles-de-Gaulle

(en millions de passagers et évolution en ·%)

Source : rapport annuel 2003 d'ADP

L'évolution des mouvements d'avions commerciaux est plus régulière. Elle montre néanmoins que les trois derniers exercices n'ont pas été très favorables pour Aéroports de Paris. Les mouvements d'appareils ont en effet un impact direct sur les redevances perçues par ADP.

Evolution des mouvements d'avions commerciaux
sur les plateformes d'Orly et de Charles-de-Gaulle

(évolution en %)

Source : rapport annuel 2003 d'ADP

c) Des résultats en amélioration néanmoins

Malgré le fléchissement de l'activité sur les plateformes, le chiffre d'affaires consolidé d'Aéroports de Paris est passé de 1.487,4 millions d'euros en 2002 à 1.711,8 millions d'euros en 2003 2 ( * ) , soit une progression de 15,1 %. Hors augmentation de la taxe d'aéroports, le chiffre d'affaires s'établit en hausse de 4 %.

Le produit des redevances aériennes qui représentent 29 % du chiffre d'affaires a augmenté en 2003 de 3,5 % sous l'effet d'une part de la hausse des tarifs, de 5,5 % au 1 er janvier 2003, et de la baisse du trafic passagers 3 ( * ) d'autre part.

Les recettes domaniales qui correspondent aux produits des locations de terrains et de bâtiments au profit principalement des compagnies aériennes ont baissé de 1,8 % du fait de la cessation des activités d'Air Lib.

Le chiffre d'affaires de l'assistance aéroportuaire progresse en revanche de 4 % en 2003.

Les recettes tirées des usages d'installations ont continué de progresser fortement en 2003, grâce au chiffre d'affaires issu des parcs de stationnement, de + 13,2 %.

Les produits commerciaux, qui correspondent aux contributions assises sur les commerces de la zone aéroportuaire, ont eux stagné par rapport à 2002.

Répartition du chiffre d'affaires consolidé d'ADP en 2003 4 ( * )

(en millions d'euros et en %)

Source : rapport annuel 2003 d'ADP

En ce qui concerne les charges, les coûts paraissent relativement contenus, à l'exception des charges courantes qui croissent de 11 % (1,2 milliard d'euros). Les charges de personnel, qui s'établissent à 534,7 millions d'euros, progressent de 5 % pour les raisons suivantes :

- augmentation des salaires en application de mesures salariales de 1,65 % ;

- effet glissement vieillesse technicité (GVT) de 1,33 % ;

- évolution des agents mois (- 0,49 %).

La modération des dépenses d'entretien et de réparation permet de faire apparaître un excédent brut d'exploitation de 610 millions d'euros (33,6 % du chiffre d'affaires) contre 486 millions d'euros (31 % du chiffre d'affaires) en 2002.

Evolution de l'excédent brut d'exploitation d'ADP (chiffres consolidés)

(en millions d'euros et en %)

Source : rapport annuel 2003 d'ADP

La comparaison des comptes de résultat entre 2002 et 2003 fait apparaître une structure de résultats contrastée pour le dernier exercice. Le résultat d'exploitation s'affiche en forte progression d'une année sur l'autre (les dotations aux amortissements et provisions progressent de 4 millions d'euros), passant de 210,2 millions d'euros à 330 millions d'euros en 2003.

Cette très nette progression ne se retrouve pas complètement dans le résultat net d'ADP (incluant les intérêts minoritaires) qui progresse moins fortement, passant de 93,5 millions d'euros en 2002 à 128,9 millions d'euros en 2003, soit une hausse de 37,9 %.

La structure de résultat est marquée en effet par une forte détérioration du résultat financier (liée à l'augmentation des charges d'intérêt d'emprunts) et du résultat exceptionnel.

Ainsi, si les fondamentaux sont bons pour 2003, le rapport annuel laisse apparaître les fragilités suivantes :

- une dépendance forte du chiffre d'affaires (46 %) vis-à-vis des redevances aériennes et de la taxe d'aéroport dont ADP n'a pas la maîtrise ;

- une tension assez forte à la hausse en ce qui concerne les charges courantes, et en particulier les charges de personnel ;

- l'impact négatif croissant du résultat financier lié aux charges d'intérêt .

Structure de résultats d'ADP 2003 (chiffres consolidés)

Source : rapport annuel 2003 d'ADP

Structure de résultats d'ADP 2002 (chiffres consolidés)

(en millions d'euros)

Source : rapport annuel 2003 d'ADP

2. Un ratio d'endettement qui rend le financement de nouveaux investissements difficile

a) Un volume d'investissement important sur moyenne période

Au cours de l'exercice 2003, ADP a réalisé un programme d'investissement de 549,9 millions d'euros en tenant compte des frais d'études et de surveillance des travaux. Cet effort d'investissement est constant depuis plusieurs années. Il a vocation à s'accentuer jusqu'en 2007.

Investissements d'ADP

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004 (prévision)

2005 (prévision)

562,3

629,1

549,5

581,9

700 ( ?)

Source : aéroports de Paris

Pour 50 % en 2003, ces investissements sont liés à une augmentation de capacité de la plateforme aéroportuaire. Il en est ainsi de la construction du satellite dit S3, dans le prolongement de la réalisation des terminaux 2 E et 2 F, lancée à l'automne 2003 pour une mise en service effective à l'horizon 2007. Il en est également ainsi du renforcement des capacités des infrastructures aéronautiques afin de passer sur la plateforme de Paris-Charles-de-Gaulle de 84 mouvements par heure de pointe à un maximum de 100 mouvements par heure. Les autres investissements de capacité concernent des parcs automobiles éloignés des aérogares et le système automatique de transport entre l'aérogare Charles-de-Gaulle 1 et la gare TGV/RER.

Parmi les investissements dédiés au renouvellement et à l'adaptation de la plateforme aéroportuaire (environ 25 % du total en 2003), il convient de citer la rénovation complète de l'aérogare Charles-de-Gaulle 1 qui devrait être achevée en 2008.

Poste budgétaire qui tend à devenir considérable depuis 2001, les investissements de sûreté représentent plus de 10 % du total en 2003.

Investissements de sûreté 2001-2004

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004 (prévision)

22,5

91,6

59,3

64,4

Source : aéroports de Paris

Sur le plan financier, l'impact des investissement à moyen terme peut s'analyser ainsi : les capitaux employés par passager passeraient de 45 euros par passager aujourd'hui à 65 euros en 2007, soit une augmentation de 50 %, avec un impact significatif sur les dotations aux amortissements et donc sur le résultat.

b) Un endettement supérieur aux fonds propres de l'entreprise

La capacité d'autofinancement d'Aéroports de Paris s'est établie en 2003 à 353,4 millions d'euros contre 301,4 millions d'euros en 2002, ce qui permet à l'entreprise d'autofinancer ses investissements à hauteur de 64 % contre 48 % l'année précédente.

Malgré cette amélioration des conditions de financement, le volume des opérations d'investissement engendre un recours accru à l'endettement. L'endettement net progresse de 13 % par rapport à 2002. Il s'élève à 2.148,7 millions d'euros, à comparer avec les capitaux propres de l'établissement (1.339 millions d'euros).

Evolution de l'endettement net 5 ( * ) par rapport aux fonds propres 6 ( * )

(en millions d'euros et en %)

Source : rapport annuel 2003 d'ADP

Certes, la direction d'ADP s'emploie à lisser la programmation des investissements de manière à ne pas perturber l'échéancier de la dette. Les échéances de remboursement de la dette paraissent aujourd'hui maîtrisées mais la montée de l'endettement, pour faire face aux investissements indispensables, pourrait affecter à moyen terme la soutenabilité de la politique financière poursuivie.

c) La nécessité de répondre au besoin en fonds propres d'Aéroports de Paris

Le besoin en fonds propres d'ADP exprimé par un ratio endettement net/capitaux propres de 150 % est d'ores et déjà considérable . Il convient de le mettre en perspective avec le ratio habituellement rencontré chez les entreprises aéroportuaires similaires, de l'ordre de 30 % à 50 %. BAA, première entreprise aéroportuaire en Europe va faire passer ce ratio de 50 % à 70 % pour faire face à d'importants investissements à l'aéroport d'Heathrow. Ce chiffre n'est en rien comparable avec celui d'Aéroports de Paris, alors même que la programmation des investissements pour la période 2005-2007 montre des besoins considérables et que l'apport éventuel d'ADP au projet Charles-de-Gaulle Express 7 ( * ) n'est pas encore défini.

De toute évidence, il faudra, pour financer les nouveaux investissements et ramener le ratio d'endettement d'ADP à des proportions comparables à ceux de ses homologues européens renforcer très significativement les fonds propres de l'entreprise.

Pour ce faire, il convient de faire appel au marché, l'Etat ne pouvant sur le plan financier assumer une recapitalisation de l'entreprise. C'est ce que rend possible la transformation d'ADP en société anonyme.

C. TRANSFORMER ADP EN SOCIÉTÉ ANONYME POUR FINANCER SON DÉVELOPPEMENT

L'article premier du présent projet de loi transforme l'établissement public Aéroports de Paris en société anonyme.

1. Un changement de statut « a minima »

Conformément aux engagements pris par le gouvernement, la transformation du statut juridique d'ADP est fortement encadrée par les limitations suivantes :

a) La préservation du statut du personnel

L'article premier du présent projet de loi prévoit des dispositions garantissant la continuité juridique d'Aéroports de Paris. Il confirme les engagements donnés par le président d'ADP et par le gouvernement quant au statut du personnel. La transformation en société anonyme n'entraîne pas de conséquence sur le régime juridique auquel sont soumis les personnels.

b) Un Etat actionnaire majoritaire au capital

D'autres garanties sont apportées aux salariés.

L'article 5 du présent projet de loi prévoit que « le capital initial de la société est détenu intégralement par l'Etat ». Cette disposition permet l'intervention d'une augmentation de capital dans le courant du premier semestre 2005, dès la loi promulguée.

Surtout, l'article 6 du présent projet de loi modifie l'article L. 251-1 du code de l'aviation civile qui prévoirait ainsi que « la majorité du capital de la société Aéroports de Paris est détenue par l'Etat ».

Ainsi, toute évolution tendant à rendre l'Etat minoritaire dans le capital d'ADP demanderait l'intervention du législateur.

c) Un objet social élargi

L'article L. 251-2 du code de l'aviation civile modifié par l'article 6 du présent projet de loi disposerait que « la société Aéroports de Paris est chargée d'aménager, d'exploiter et de développer les aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget, ainsi que les aérodromes civils situés dans la région Ile-de-France dont la liste est fixée par décret ».

L'intégrité d'ADP est respectée, puisque l'entreprise conservera l'ensemble de ses missions et de son périmètre d'activité.

En prévoyant de plus que la société Aéroports de Paris « peut exercer toute autre activité, aéoportuaire ou non , dans les conditions prévues par ses statuts », le même article permet une diversification des revenus de l'opérateur public et une optimisation économique de la plateforme aéroportuaire. Elle rend la société, à terme, moins tributaire qu'aujourd'hui des redevances aériennes. Cette disposition, qui paraît d'importance mineure, est porteuse d'avenir pour la société ADP et sa rentabilité.

En ce qui concerne les missions de service public de la société, l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile prévoit l'intervention d'un cahier des charges dont votre rapporteur pour avis décrit le principe dans le II. du présent rapport pour avis consacré aux règles de domanialité applicables à la nouvelle société.

d) Une gouvernance adaptée aux spécificités d'ADP

L'article 5 du présent projet de loi prévoit que les statuts de la société Aéroports de Paris, fixés par décret en Conseil d'Etat, sont modifiés selon les règles applicables aux sociétés anonymes. La tendance pour Aéroports de Paris est donc de rejoindre le droit commun des sociétés commerciales .

Sauf stipulation contraire des statuts, la direction générale de la société serait assurée par le président de son conseil d'administration. Cette disposition est conforme aux dispositions du code du commerce. Il convient toutefois de remarquer que, depuis la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, la tendance actuelle est plutôt à la dissociation des deux fonctions.

De manière transitoire, l'article 5 du présent projet de loi prévoit que les administrateurs élus, en application du 3 de l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, restent en place jusqu'au terme de leur mandat. C'est seulement à partir de cette date que Aéroports de Paris rejoindra le droit commun des sociétés commerciales en matière de conseil d'administration.

De même, pour les exercices 2005 et 2006, l'article 5 du présent projet de loi dispense Aéroports de Paris de la condition tenant à la présentation de deux bilans certifiés prévue par l'article L. 288-39 du code de commerce pour émettre des obligations.

2. La transition vers une entité économique de droit commun

Le changement de statut emporte d'importances conséquences économiques pour Aéroports de Paris. En ouvrant la possibilité, vraisemblablement au premier semestre 2005, d'une augmentation de capital, il incite l'entreprise à une transparence accrue de ses comptes, conforme aux règles de comptabilité privée, la soumet aux normes IFRS et l'oblige à améliorer sa rentabilité et la rémunération des fonds propres.

a) La prise en compte des normes comptables de droit commun

De manière opportune, la loi de sécurité financière du 1 er août 2003 impose, au plus tard à compter du 1 er janvier 2006, aux établissements publics de l'Etat, soumis ou non aux règles de la comptabilité publique, de nommer au moins deux commissaires aux comptes et deux suppléants lorsqu'ils établissent des comptes consolidés.

Il convient de se féliciter, en ce qui concerne Aéroports de Paris, que deux commissaires aux comptes, Ernst and Young Audit et RSM Salustro Reydel aient été désignés pour auditer les comptes consolidés relatifs à l'exercice clos le 31 décembre 2003. Ceci permettra aux investisseurs extérieurs de disposer d'une bonne visibilité sur les comptes de l'entreprise lorsque l'augmentation de capital aura été décidée. Le rapport des commissaires aux comptes sur l'exercice 2003 fait état de deux réserves qui devront être levées dans le courant de l'exercice 2004 :

- l'une relative à la comptabilisation des désinvestissements de biens immobilisés, prise en compte que de façon partielle et qui ne permet pas d'évaluer les ajustements éventuels pouvant affecter les valeurs brutes et les amortissements des immobilisations inscrites à l'actif ;

- l'autre relative au mode de détermination de la provision concernant les engagements relatifs aux charges de couverture santé par les mutuelles pour les salariés et retraités d'Aéroports de Paris.

Par ailleurs, le décret n° 2004-621 du 29 juin 204 a fait basculer ADP dans le champ de la comptabilité privé et a ainsi contribué à préparer le changement de statut.

b) Le respect des normes IFRS et la comptabilisation des engagements sociaux

Comme toute société susceptible de faire un appel public à l'épargne, Aéroports de Paris est tenu de se conformer aux règles internationales comptables IFRS qui obligent notamment à prendre en compte les engagements sociaux dans le bilan des entreprises. Cette norme a néanmoins une incidence relativement limitée sur les comptes d'APD car il n'existe pas de régime spécial de retraite propre à l'entreprise : ses salariés cotisent à la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS).

Néanmoins, le compte de résultat consolidé 2003 fait apparaître une réévaluation sensible des provisions pour pensions et retraites, de 67 millions d'euros (passage des provisions de 167 millions d'euros à 235 millions d'euros en début d'exercice 2003), et un provisionnement des avantages au personnel, non provisionnés jusqu'alors, à hauteur de 121 millions d'euros à l'ouverture de l'exercice 2003.

Au passif du bilan sont inscrits des engagements sociaux pour un montant total de 363,5 millions d'euros dont la quasi-totalité provient de l'entité Aéroports de Paris.

Ces engagements sociaux inscrits au bilan se répartissent comme suit :

Engagements sociaux d'ADP inscrits au bilan 2003

(en millions d'euros)

 

Valeur comptabilisée au bilan

Indemnité de fin de carrière

155,9

Protocole d'accord sur le régime de départ anticipé 8 ( * )

72,5

Indemnité retraite pompiers 9 ( * )

3

Couverture santé (mutuelles)

127

Source : rapport annuel 2003

c) Un impératif : améliorer la rémunération des fonds propres

Le recours à un financement en fonds propres aux conditions de marché implique une rémunération des capitaux investis 10 ( * ) conforme à ce que peuvent proposer d'autres entreprises dans le même secteur économique. De ce point de vue, la rentabilité d'Aéroports de Paris reste limitée par rapport à celle de ses concurrents. Ainsi, selon la direction de l'entreprise, la rentabilité des grands aéroports européens est en moyenne de 7,5 %. Le ROCE 11 ( * ) du groupe Aéroports de Paris, malgré une amélioration de 1,6 point en 2003, atteint seulement 5,3 %.

ROCE d'Aéroports de Paris

(en %)

Source : rapport annuel 2003

Ceci pourrait peser sur les conditions d'accès d'ADP au marché de capitaux et sur la valorisation de l'entreprise lorsqu'elle sera cotée.

Dans cette perspective, il convient d'améliorer la rentabilité de l'entreprise, d'une part en affichant une vérité tarifaire en ce qui concerne les redevances aériennes et en développant les sources alternatives de revenus, d'autre part, en maîtrisant l'évolution des coûts. Ceci correspond pour les deux derniers points à la stratégie de l'entreprise.

En ce qui concerne la maîtrise des coûts, la politique principale d'ADP consiste à stabiliser les charges d'exploitation hors sûreté par passager grâce à la limitation des effectifs de l'entreprise jusqu'à l'horizon 2006.

Du point de vue des recettes, s'il n'est pas opportun de relever la contribution supportée par les commerces présents sur la plateforme (35 % à 36 % du chiffre d'affaires aujourd'hui), l'augmentation des surfaces commerciales permettrait d'accroître les recettes de 56 millions d'euros annuels d'ici 2007.

L'augmentation du chiffre d'affaires issu des parcs de stationnement est liée quant à elle à l'amélioration du taux de fréquentation (14,8 % à Paris-Orly ; 7,7 % à Paris-Roissy), qui dépend de progrès en termes de propreté, de sécurité et de qualité de service, et à l'adaptation de la politique commerciale.

Par ailleurs, une augmentation des recettes liées à l'usage d'installations, à destination aéroportuaire ou non, est possible en valorisant davantage le potentiel immobilier des plateformes aéroportuaires.

II. LE PASSAGE À LA DOMANIALITÉ PRIVÉE

A. UNE ALTERNATIVE ENTRE LA CONSERVATION DE LA DOMANIALITÉ PUBLIQUE ET LE PASSAGE À UNE DOMANIALITÉ PRIVÉE

La question du régime juridique des terrains gérés par ADP est à l'évidence fondamentale. Dans le droit actuel, les biens ressortent tous du domaine public , avec une grande partie « propriété » de l'établissement public ADP, et une autre relevant du domaine public de l'Etat, qui le met à disposition de la société. Or le changement de statut d'ADP, et sa transformation en société anonyme, entraînaient un choix de la part du gouvernement entre deux régimes :

- le maintien de la domanialité publique , ce qui entraînait certaines contraintes spécifiques ;

- le passage à la domanialité privée et le transfert à ADP des emprises aéroportuaires.

1. Les contraintes de la domanialité publique

ADP devenant une société anonyme, il aurait été possible, sur le modèle des autoroutes par exemple, de laisser les biens de l'entreprise dans le domaine public de l'Etat. En conséquence, les biens qui faisaient partie du domaine public de l'entreprise (75 % des emprises aéroportuaires) auraient été récupérés par l'Etat, et une délégation de service public aurait été accordée à ADP.

Cette solution présentait plusieurs avantages. Elle permettait ainsi de s'assurer que les terrains dévolus au transport aérien continuaient à servir cet objet, et que les obligations de service public resteraient contrôlées et gérées par l'Etat.

Cependant, il est apparu que les contraintes propres à la domanialité publique auraient été difficilement compatibles avec la gestion d'une entreprise privée, dans un secteur aussi spécifique que les aéroports. Les exemples étrangers ne sont d'ailleurs pas les plus éclairants aux yeux de votre rapporteur pour avis . En effet, la notion de « domaine public » n'emporte pas les mêmes conséquences dans tous les pays, et la France dispose sur ce point d'une jurisprudence particulièrement riche et contraignante. Pour autant, on est obligé de constater qu'il n'existe aucun « modèle » particulier pour les aéroports. Par exemple, les terrains de l'aéroport de Londres sont du domaine privé, alors que ceux des grands aéroports américains sont du domaine public. En conséquence, il semble que l'exercice de la comparaison ne permette pas d'aborder cette question avec beaucoup de pertinence.

Le maintien du régime de la domanialité publique aurait entraîné de facto la perte par ADP de terrains qui étaient jusqu'à présent sa propriété, ce qui aurait été pour le moins étrange dans le cadre d'un changement de statut censé donner à la société les moyens de son développement et lui permettre de mener à bien d'ambitieux programmes d'investissements. De plus, il semble que les personnels de l'entreprise se soient montrés très attachés à l'intégrité de la société, qui aurait alors été compromise .

Il convient de plus de rappeler que la valeur d'un actif est égale au flux de trésorerie qu'il permet de générer dans le futur . Si l'Etat avait conservé la propriété des terrains, il aurait dû :

- soit demander une redevance symbolique ou nulle , ce qui lui était défavorable puisque les terrains ne rapportaient alors rien ni à l'Etat, ni à la société ;

- soit, s'il avait choisi de demander une redevance qui correspondait à la valeur des terrains , obliger ADP à augmenter ses propres ressources, ce qui ce serait fait au détriment de ses clients et aurait diminué ses possibilités d'investissement.

C'est donc le passage à un régime de domanialité privée qui a été privilégié, mais en tenant compte des obligations du service public .

2. Le choix de la domanialité privée

Les avantages de ce régime peuvent être déclinés en fonction des acteurs impliqués.

Pour l'Etat , on peut y voir le souci de préserver ses intérêts patrimoniaux. En effet, le transfert à ADP en pleine propriété du domaine public permet une meilleure valorisation de la société , les investisseurs étant plus à même de juger de la valeur de l'entreprise avec un modèle de propriété qu'ils connaissent.

Pour les compagnies aériennes , et sous réserve que les missions de service public demeure réalisées, le passage à la domanialité privée est plus protecteur que le maintien de la domanialité publique. En effet, le domaine public se caractérise par le principe de précarité d'une part , et limite les possibilités d'une emprise durable sur les terrains (les baux emphytéotiques) d'autre part.

Pour ADP enfin, les avantages sont évidents, puisque la société conserve la maîtrise de son développement .

En conséquence, le choix du transfert à ADP en pleine propriété des terrains a été fait, et votre rapporteur pour avis y est favorable . Il convient de souligner qu'il ne s'agit en aucun cas d'une perte pour l'Etat, ou bien d'une forme de « cadeau » . En effet, l'Etat est actionnaire à 100 % de la société, comme il est précisé au II de l'article 5 du présent projet de loi : il est donc pour l'heure toujours propriétaire de l'ensemble des emprises, comme cela est actuellement le cas. Si une ouverture de capital est décidée, le placement sera plus attractif pour les investisseurs, ce qui permettra une meilleure valorisation du patrimoine de l'Etat.

Ainsi, l'article 2 du présent projet de loi prévoit le déclassement et le transfert à ADP des « biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper ».

B. DES OBLIGATIONS DE SERVICE PUBLIC MAINTENUES

Cependant, compte tenu de l'importance des enjeux attachés au service public aéroportuaire, le régime de propriété choisi comporte certaines dispositions qui assurent la continuité de la mission de service public d'ADP.

La première de ces garanties est soulignée à l'article 2 du présent projet de loi, et vise à préserver dans le domaine public un certain nombre d'emprises.

La deuxième, fixée à l'article 3 du présent projet de loi, précise le régime des cessions d'actifs .

La troisième, fixée à l'article 6 , indique le cadre dans lequel la société exerce ses obligations de service public .

1. La préservation de certains terrains dans le domaine public

L'article 2 du présent projet de loi organise, à la date de la transformation de l'entreprise en société anonyme, le déclassement des biens du domaine public et leur transfert à ADP.

Cependant, certaines emprises sont destinées à demeurer dans le domaine public. L'article indique ainsi que l'ensemble des terrains est transféré, « à l'exception de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leur mission de service public concourant à l'activité aéroportuaire et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat ».

Concrètement, cette disposition vise principalement les tours de contrôle . En effet, l'activité aéroportuaire de conduite des avions, et plus généralement de « maîtrise du ciel », est du ressort exclusif de l'Etat, qui ne les délègue pas et les exerce par le biais des contrôleurs aériens. Ainsi, les infrastructures nécessaires à cet exercice doivent être conservées par l'Etat. Il est par ailleurs prévu un remboursement des sommes dues à Aéroports de Paris pour ses investissements réalisés à ce titre dans le passé. Cette disposition implique donc, de manière indirecte, que toute future amélioration des tours de contrôle sera désormais à la charge directe de l'Etat, ce dont il est tenu compte dans le projet de loi de finances pour 2005 au titre du budget annexe .

2. Les cessions d'actifs

L'article 3 prévoit la signature d'une convention entre l'Etat et ADP qui prévoit « les conditions dans lesquels, en cas de fermeture à la circulation aérienne de tout ou partie d'un aérodrome, ADP indemnise l'Etat en contrepartie de la valeur supplémentaire acquise par les immeubles qui lui ont été attribués ».

Cette convention, d'une durée de 70 ans au moins, permet de préserver le patrimoine de l'Etat . Il serait en effet anormal que ADP cède des terrains qui lui ont été attribués au titre de l'exercice de ses compétences en matière aérienne, et que l'Etat soit privé de tout bénéfice.

Ainsi, il est prévu que l'indemnité « ne peut être inférieure à 70 % de la différence existant entre la valeur de ces immeubles à la date de leur attribution à ADP, majorée des coûts liés à leur remise en état et à la fermeture des installations aéroportuaires, et leur valeur vénale, établie à la date de la fermeture à la circulation aérienne de l'aérodrome occupant les terrains ».

Il ressort de cette disposition, aux yeux des investisseurs, que la juste valorisation des terrains d'ADP doit être estimée en considérant leur affectation au service du transport aérien . Il serait donc peu rentable pour le conseil d'administration, et notamment, en cas d'ouverture du capital, des investisseurs privés, de mettre sur le marché le riche patrimoine immobilier de la société sachant que 70 % du bénéfice sera attribué à l'Etat.

On peut donc voir dans la future convention un double impact : d'une part, une préservation des intérêts de l'Etat, d'autre part, une forme de garantie sur l'affectation des terrains de la société une fois que son statut aura évolué.

3. Des obligations fixées par un cahier des charges

L'article 6 du présent projet de loi prévoit la réalisation d'un « cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat », et qui doit préciser l'ensemble des obligations qui incomberont à ADP au titre des ses missions de service public.

a) Un droit d'opposition sur certaines activités

Le premier alinéa de l'article L. 251-3 du code de l'aviation civile, tel qu'il est prévu à l'article 6 du présent projet de loi, pose des garanties en ce qui concerne l'affectation des terrains transférés en pleine propriété à ADP. Ainsi, il est indiqué que « lorsqu'un ouvrage ou terrain appartenant à Aéroports de Paris et situé dans le domaine aéroportuaire est nécessaire à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci , l'Etat s'oppose à sa cession , à son apport, sous quelque forme que ce soit, à la création d'une sûreté sur cet ouvrage ou terrain, ou subordonne la cession, la réalisation de l'apport ou la création de la sûreté à la condition qu'elle ne soit pas susceptible de porter préjudice à l'accomplissement desdites missions ».

Les conditions d'application de cette clause sont déterminées dans le cahier des charges qui lie la société à l'Etat.

De plus, il est indiqué que « est nul de plein droit tout acte de cession, apport ou création de sûreté réalisé sans que l'Etat ait été mis à même de s'y opposer, en violation de son opposition ou en méconnaissance des conditions fixées à la réalisation de l'opération .

« En outre, les biens mentionnés au deuxième alinéa ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie et le régime des baux commerciaux ne leur est pas applicable ».

Concrètement, le cahier des charges devra délimiter avec précision, au sein des emprises aéroportuaires transférées à ADP, les biens qui ne sauraient être dévolus à une activité annexe par rapport à l'aéroport , comme des centres commerciaux ou des parkings. Il s'agit donc d'une garantie qui limite les possibilités de gestion autonome de l'aéroport, et souligne que, pour relever de la domanialité privée, les biens transférés sont toujours contrôlés in fine par l'Etat.

Il semble que cette disposition suive la logique initiée par le Conseil d'Etat. Ce dernier, amené à s'exprimer sur le financement par crédit-bail du TGV Sud-Est 12 ( * ) , a estimé qu'une telle opération devait être assortie « des précautions propres à garantir la pérennité de l'affectation des biens en cause et à assurer le respect de la mission de la SNCF telle qu'elle est définie au premier alinéa de l'article 18 de la loi du 30 décembre 1982 ».

Le débat est d'autant plus important dans le cas présent qu'il ne s'agit pas d'un crédit-bail, ou l'Etat redeviendrait à terme propriétaire des infrastructures, mais d'un transfert en pleine propriété.

Ainsi, la question posée par cette clause est qu'il n'existe aucune garantie pour l'Etat de pouvoir récupérer des terrains aménagés et cédés (sous forme de bail par exemple) si, à la date où le contrat est conclu, ils ne font pas parti du cahier des charges. En conséquence, il reviendra à l'Etat d'être particulièrement vigilant lors de l'établissement de ce cahier des charges, et des cartes afférentes, afin de ne pas écarter des biens qui, dans l'avenir, pourraient s'avérer nécessaires à l'activité aéroportuaire.

b) Les missions de service public d'ADP

La jurisprudence constitutionnelle n'est pas opposée par principe au déclassement du domaine public et à son transfert en pleine propriété à une société privée . Le déclassement est cependant assorti d'une condition de continuité du service public. Par exemple, dans le cas des installations de France Telecom, il a été jugé 13 ( * ) que « il appartient aux autorités juridictionnelles et administratives de veiller strictement au respect par l'entreprise France Telecom des principes constitutionnels régissant le service public , notamment dans la gestion des biens transférés ».

L'article 6 du présent projet de loi prévoit donc un article L. 251-2 du code de l'aviation civile, et dont le deuxième alinéa précise qu' « un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe, notamment, les conditions dans lesquelles la société Aéroports de Paris assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes mentionnés ci-dessus, assure, sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, l'exécution de missions de police administrative , en particulier celles prévues par l'article L. 213-3 du présent code, et décide la répartition des transporteurs aériens entre les différents aérodromes qu'elle exploite et entre les aérogares d'un même aérodrome.

« Il fixe, le cas échéant , les modalités selon lesquelles la société apporte son concours à l'exercice des services de navigation aérienne assurés par l'Etat .

« Il détermine les modalités du contrôle par l'Etat du respect des obligations incombant à la société au titre de ses missions de service public et les conditions de l'accès des agents de l'Etat aux données comptables et financières de celle-ci .

« [...] Il fixe les conditions dans lesquelles l'Etat exerce son contrôle sur les contrats par lesquels Aéroports de Paris confie à des tiers l'exécution de certaines des missions mentionnées au deuxième alinéa du présent article .

« Il détermine les sanctions administratives susceptibles d'être infligées à Aéroports de Paris en cas de manquement aux obligations qu'il édicte » .

Comme on le voit, le rôle de ce cahier des charges est extrêmement large, puisque un grand nombre de conditions et de clauses devront préciser les conditions de gestion de l'aéroport.

On peut noter le point suivant : l'article indique que le cahier des charges fixe les conditions dans lesquelles la société « assure, sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, l'exécution de missions de police administrative , en particulier celles prévues par l'article L. 213-3 du présent code ». En conséquence, il n'est pas exclu qu'une participation, y compris financière, puisse être demandée à ADP pour l'exercice de ces missions.

En ce qui concerne la rédaction du cahier des charges, votre rapporteur pour avis a pu se faire communiquer les éléments suivants par les services de la DGAC. Il convient de relever qu'il ne s'agit à l'heure actuelle que d'un projet, susceptible de connaître d'importantes modifications, et qui n'a donc qu'une valeur indicative à ce stade.

« L'élaboration du cahier des charges de la société ADP est une démarche inédite dans la mesure où aucun document ne formalisait jusqu'à présent les obligations de l'établissement public. Elle a été initiée en parallèle avec les premiers travaux sur le projet de loi relatif aux aéroports. Pour diverses raisons, notamment les développements récents de la réglementation technique de droit commun sur l'exploitation des aérodromes, il n'a pas été jugé intéressant de s'inspirer du cahier des charges type des concessions aéroportuaires de 1997 (décret n°97-547 du 29 mai 1997 modifié).

« Le cahier des charges met principalement l'accent sur les services rendus aux usagers, sur la participation d'ADP aux missions de police administrative et sur les conditions d'exercice des missions de l'Etat sur les aéroports . Par ailleurs, l'insertion dans l'environnement fait l'objet d'articles spécifiques » .

Votre rapporteur pour avis déplore cependant, en dépit des intentions affichées, que la rédaction de l'article 6 laisse dans l'ombre de nombreux points, qui sont de facto renvoyés au cahier des charges .

En particulier, on peut regretter que de éléments aussi cruciaux que le principe de non discrimination , ou bien des indications plus claires quant aux obligations de service public ne soient pas inscrites dans la loi.

En effet, en ce qui concerne les biens transférés à ADP, plusieurs logiques sont susceptibles de s'affronter. D'une part, l'aéroport peut avoir intérêt à essayer de rentabiliser au mieux son patrimoine, ce qui est cohérent avec le statut de société anonyme, mais est susceptible, à terme, d'entrer en conflit avec les missions de service public. Il importe donc d'identifier très clairement, dans le texte de loi, les éléments qui devront impérativement figurer dans le cahier des charges et être, le cas échéant, portés à l'appréciation du juge . Votre rapporteur pour avis estime que cette inclusion sera de nature à garantir aux usagers et aux investisseurs une meilleure lisibilité sur l'avenir de la société et ses possibilités de développement.

Enfin, il conviendra de s'assurer de la réalité du contrôle par l'Etat des obligations de service public d'ADP. A ce titre cependant, une sanction pécuniaire est prévue au dernier alinéa de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile tel que proposé dans le présent projet de loi : « L'autorité administrative peut, en particulier, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 0,1 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos d'Aéroports de Paris, porté à 0,2 % en cas de nouvelle violation de la même obligation ».

En conséquence, votre rapporteur pour avis est favorable à la création d'une entité indépendante, qui recevrait une double compétence :

- d'une part, le contrôle du respect par ADP des engagements pris dans le cahier des charges ;

- d'autre part, un arbitrage lors de la fixation du niveau des redevances, ce point faisant l'objet de notre troisième partie.

III. LA MODIFICATION DU SYSTÈME DES REDEVANCES POUR SERVICES RENDUS : VERS UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES COÛTS ?

A. LA NATURE JURIDIQUE DES REDEVANCES AÉROPORTUAIRES

Les redevances aéronautiques sont définies aux articles R. 224-1 et R. 224-2 du code de l'aviation civile. Elles constituent un mode de financement primordial pour la société Aéroports de Paris.

Le régime juridique des redevances est fixé par les textes législatifs et réglementaires, qui encadrent aussi bien leur champ que leur mode de fixation, ainsi que par la jurisprudence, qui en encadre l'utilisation.

1. Les textes réglementaires fixent des garanties pour la fixation du niveau des redevances

a) Les principes généraux

L'article L. 410-2 du code du commerce fixe le principe de la liberté de fixation des prix , et ce dans tous les domaines. Cependant, son deuxième aliéna dispose que « toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d'Etat peut réglementer les prix après consultation du Conseil de la concurrence ».

Ainsi, il est possible de mener une politique de régulation des prix, et ce même si le secteur relève par ailleurs du droit de la concurrence, pour des motifs qui relèvent de l'intérêt général. De fait, il s'agit de la base légale pour l'institution de redevances.

On peut noter que la possibilité pour ADP de percevoir des redevances est justifiée, au regard des critères de l'article L. 410-2 du code du commerce, par sa situation de monopole sur l'activité aéroportuaire en Île-de-France, et, de manière plus générale, par sa place toute particulière pour l'économie du pays.

L'article R. 224-1 du code de l'aviation civile fixe le cadre général relatif aux redevances aéronautiques. Ainsi, il dispose que « les redevances devront être appropriées aux services rendus ».

Il convient de noter que l'idée de proportion des coûts aux services rendus est au coeur de la distinction juridique entre taxe et redevance . En effet, une taxe s'entend d'une somme perçue à l'occasion de la fourniture d'un service, ce qui la rend très proche de la redevance, mais elle en diffère par deux points : les usagers potentiels mais non effectifs peuvent être amenés à la payer, et l'équivalence entre le montant perçu et la prestation de service effectuée n'est pas nécessaire.

De plus, une redevance ne peut servir à financer des misions qui relèvent du secteur régalien . Ainsi, suite à l'arrêt du 20 mai 1998 du Conseil d'Etat, il a été jugé que le financement de la sécurité dans les aéroports ne pouvait plus se faire par le prélèvement de redevances, mais par des taxes. En conséquence, la loi n° 98-1171 du 18 décembre 1998 relative à l'organisation de certains services et au transport aérien a institué une taxe d'aéroport, qui permet d'assurer le financement des investissements en matière de sécurité.

b) Le processus de fixation du niveau des redevances

Les redevances aéronautiques réglementées (passagers, atterrissage, stationnement, carburant, balisage) sont encadrées par l'article R. 224-2 du code de l'aviation civile, qui stipule que les taux des redevances sont fixés, pour ADP, par son conseil d'administration, après l'avis de la commission consultative économique (CCE).

Les taux sont fixés sur une base annuelle .

Les modalités de fonctionnement de la commission consultative économique sont déterminées par l'article D. 252-1 du code de l'aviation civile, modifié par l'arrêté du 25 novembre 1999.

Elle regroupe les membres suivants, nommés pour une durée de trois ans :

- les compagnies aériennes Air France, Corsair, British Airways, Fedex ;

- les organisations professionnelles : la CSTA (chambre syndical du transport aérien), le SCARA (syndicat des compagnies aériennes autonomes), l'association des représentants de compagnies aériennes en France, l'IATA (international air transport association), et la FNAM (fédération nationale de l'aviation marchande) ;

- des représentants d'Aéroports de Paris : le directeur général délégué finances, le directeur général délégué clientèle et services, le directeur d'Orly, le directeur de Roissy, le directeur des grands travaux, le chef du département finances.

Elle est présidée par un président désigné par arrêté pour une durée de trois ans.

La commission consultative économique (CCE) doit se réunir au moins une fois par an. Dans les faits, elle se réunit deux fois par an minimum. Préalablement à chaque séance, un dossier est envoyé aux membres.

La CCE ne peut valablement délibérer que si les deux tiers au moins de ses membres sont présents ou représentés.

Lors de la première séance doivent être présentés les éléments relatifs au trafic, aux comptes et résultats de l'année passée et de l'année en cours, ainsi que les investissements en cours et à venir d'ADP.

Au cours de la deuxième séance sont présentées les justifications et les propositions d'évolutions tarifaires pour l'année suivante, avec leur hausse par redevance en niveau et en structure (modulations tarifaires envisagées). En cours de séance, ADP peut être amené à proposer de nouvelles évolutions tarifaires plus en adéquation avec les demandes des membres.

La CCE donne son avis à la majorité des voix exprimées . En cas de partage, la voix du président est prépondérante.

L'avis de la CCE n'est pas déterminant en principe : c'est au conseil d'administration d'ADP qu'il revient de décider en dernier lieu. Dans les faits, l'avis de la tutelle (direction générale de l'aviation civile, ministère des finances) et de la CCE est prépondérant.

Après approbation par le conseil d'administration, les évolutions tarifaires sont transmises au ministre chargé de l'aviation civile et au ministre de l'économie . Les taux sont exécutoires de plein droit un mois franc après leur réception par les deux ministres, à moins que l'un d'entre eux n'y fasse opposition dans ce délai, ce qui n'est encore jamais arrivé.

Le mécanisme permet donc une concertation très large avec les principaux interlocuteurs, avec une décision finale qui reste du ressort d'ADP, mais un droit de veto d'un des deux ministres de tutelle . En pratique, cependant, les partenaires sont toujours parvenus à un accord au sein de la CCE, et le gouvernement n'a jamais exercé son droit de veto sur les décisions du conseil d'administration d'ADP.

2. Une utilisation encadrée par la jurisprudence administrative

Les redevances pour services rendues sont étroitement encadrées par la jurisprudence administrative. Il apparaît en effet que le système est faiblement défini par les textes législatifs comme réglementaires, notamment au regard de l'appréciation du « service rendu ».

a) La proportionnalité aux services rendus

Le Conseil d'Etat a été amené à préciser la portée de la notion, en vertu du principe d'égalité . Ainsi, dans un arrêt 14 ( * ) de 1958, il indique qu'une redevance pour services rendus doit être « demandée à des usagers en vue de couvrir les charges d'un service public déterminé ou les frais d'établissement et d'entretien d'un ouvrage public ». Cette règle est en fait transcrite dans l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile, qui indique que « les redevances devront être appropriées aux services rendus ».

Il doit donc exister une stricte proportionnalité entre le service rendu et le paiement de ce service , ce qui suppose notamment des modes de tarification qui permettent de tenir compte des différences de prestation, par exemple entre gros porteurs et moyen porteurs, ou bien selon le nombre de passagers.

b) Les dérogations possibles au regard du principe d'égalité

Les redevances doivent respecter le principe d'égalité. Dans un arrêt 15 ( * ) de 1974, le Conseil d'Etat précise cependant que « la fixation de tarifs applicables, pour un même service rendu à différentes catégories d'usagers d'un service ou d'un ouvrage public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure ».

En conséquence, en application du principe général d'égalité, les usagers peuvent être traitées de façon différente si l'une au moins des trois conditions suivantes est observée :

- existence d'une loi qui permet de déroger au principe d'égalité ;

- des différences de situation objectives et appréciables entre les usagers ;

- un motif suffisant d'intérêt général .

Par combinaison avec l'article L. 410-2 du code du commerce, il apparaît qu'un décret en Conseil d'Etat, après consultation du Conseil de la concurrence, peut instaurer des redevances pour services rendus, dans les limites fixées par la jurisprudence administrative.

c) Une notion qui demeure cependant imprécise

Il apparaît cependant que cette notion est actuellement entendue de manière restrictive et souffre d'imprécisions. Deux points peuvent être évoqués.

D'une part, seuls les coûts comptables directement imputables peuvent être considérés et la prise en compte de la rémunération des capitaux investis est incertaine . En conséquence, il n'est pas certain qu'ADP ait la possibilité juridique de faire supporter aux compagnies aériennes une partie des coûts occasionnés par les investissements engagés, dans la mesure où la construction d'un futur terminal par exemple ne dégage pas, dans un premier temps, de service qu'il est possible de facturer.

D'autre part, la Cour des comptes, dans son rapport public pour 2002, souligne les insuffisances du concept sur la possibilité de modulation des tarifs de la redevance . Il n'est pas précisé si les services rendus s'apprécient « redevance par redevance », ou bien si les tarifs doivent être considérées pour les cinq redevances réglementées dans leur ensemble. A titre d'exemple, la Cour des comptes évoque ainsi le fait que « l'article R. 224-1 permet difficilement de moduler les redevances en fonction des coûts externes imputables aux utilisateurs des services d'ADP, par exemple les nuisances sonores ou la congestion du trafic occasionnée par les mouvements d'avions en heure de pointe ».

B. LA PLACE DES REDEVANCES POUR SERVICES RENDUS DANS LA GESTION D'ADP

1. Le champ des cinq redevances réglementées

Il existe cinq redevances aéronautiques réglementées affectées à ADP. Il faut souligner que les redevances domaniales ne rentrent pas dans ce cadre, et constituent en principe des redevances pour occupation du domaine public de la société, qui s'apparentent à des loyers.

La redevance carburant est destinée à couvrir les coûts de la mise à disposition des tuyaux dans lesquels circule le kérosène et qui passent sous les pistes. Son montant est relativement faible (20 millions d'euros), et la société l'agrège dans ses résultats aux produits commerciaux.

La redevance passagers est due par les compagnies aériennes pour tout passager embarquant. Elle rémunère les services rendus par l'exploitant d'aéroport pour l'usage des aérogares passagers. Les taux diffèrent généralement selon la destination du vol (trafic intérieur, trafic communautaire, autres destinations). Ils peuvent également être différents pour les passagers en correspondance. Depuis 1997, les compagnies aériennes distinguent, sur chacun de leurs billets, le montant de cette redevance, ce qui leur permet de faire supporter plus directement ses évolutions par les passagers. Des taux particuliers pour les passagers en correspondance ont été introduits en 2003, sous la forme d'un abattement spécifique (10 % en 2003, 20 % en 2004), ce qui permet de ne pas pénaliser les opérateurs qui utilisent la plateforme comme un « hub ». On peut remarquer que l'idée de cet abattement avait été soulevée par la Cour des comptes dans son rapport public pour 2002, qui remarquait que certains aéroports avaient mis en place un rabais sur « les redevances dues au titre des passagers en correspondance en les justifiant par de moindres coûts ».

Tarifs de la redevance passagers au 1 er avril 2004

(en euros, hors TVA)

Destination

Tarif Normal

Tarif correspondance

Métropole

3,98

3,50

UE (espace Schengen)

5,97

4,78

UE hors Schengen

8,63

6,90

DOM/TOM

8.63

6,90

International hors UE

11,48

9,18

Source : DGAC

La redevance d'atterrissage est facturée pour chaque atterrissage aux compagnies aériennes, ainsi qu'aux usagers non commerciaux. Elle rémunère les services rendus par l'exploitant de l'aéroport à l'occasion de l'atterrissage et du décollage des avions (mise à disposition et entretien des pistes et des voies de circulation). Elle prend en compte la masse maximale au décollage (MMD) qui est liée à la capacité de l'avion, parfois la nature du vol (communautaire ou extra-communautaire) et le groupe acoustique de l'avion. En règle générale, les taux de cette redevance augmentent proportionnellement plus vite que la MMD, avec un taux fixe pour les avions de moins de 6 tonnes. Une modulation est, par ailleurs, pratiquée sur les principaux aéroports en fonction de la qualité acoustique de l'avion . Elle varie de + 30 % à - 15 % et s'effectue à recettes constantes pour l'aéroport.

Tarifs de la redevance d'atterrissage au 1 er avril 2004

(hors application du coefficient acoustique)

Tranches de MMD (en tonnes)

Tarifs (en euros hors TVA)

De 1 à 25 tonnes

150,31

De 26 à 50 tonnes

150,31 + 2,62(t 16 ( * ) -25)

A partir de 51 tonnes

215,81 + 8,32(t-50)

Source : DGAC

La redevance de stationnement est due par les compagnies aériennes et usagers non commerciaux pour l'usage des aires de stationnement avions. Elle est proportionnelle à la MMD et à la durée de stationnement, avec en général une période de franchise. Elle peut éventuellement prendre en compte la provenance du vol (communautaire ou non), la période de stationnement ou encore la nature du poste de stationnement.

La redevance de balisage est due par les transporteurs aériens et usagers non commerciaux pour tout atterrissage ou décollage nécessitant l'allumage du balisage lumineux de la piste. Les taux, forfaitaires, sont parfois différents selon la provenance ou la destination du vol (communautaire ou non).

2. Un poids prépondérant

a) Les ressources tirées des redevances

Les quatre principales redevances aériennes représentant en 2004 un montant total de 489,8 millions d'euros , soit 29 % du chiffre d'affaires consolidé de ADP.

Répartition du produit des redevances

( en millions d'euros)

Trafic

Redevances

National

Union européenne

International

Part dans le total (en %)

Total

Passagers

30

78

137

50 %

245

Atterrissage

25

52

98

37,5 %

175

Balisage et stationnement

13

23

34

14,3 %

70

Total

69

152

268

 

490

Source : DGAC

b) Les évolutions de taux depuis 1990

Le niveau de chacune des redevances fait l'objet, comme il a été décrit plus haut, d'une concertation entre les différents partenaires, avec un droit de veto des ministres de tutelle.

Comparaison de la hausse moyenne des redevances
et de la hausse des prix hors tabac

(base 100=1990)

Source : ADP et Cour des comptes

L'étude de l'évolution de la hausse moyenne des redevances depuis 1990 permet de tirer les conclusions suivantes :

- de 1990 à 2000, on observe une grande modération dans les hausses , qui se traduit par une croissance hors inflation de 0,3 % . Compte tenu du poids de l'Etat dans le processus de décision, il n'est pas interdit de voir dans cette modération une forme de soutien aux compagnies aériennes , notamment les compagnies nationales dont le trafic passe principalement par les deux aéroports parisiens. Cette modération a par ailleurs pu conduire ADP à s'endetter dans des proportions importantes afin de maintenir un niveau d'investissement compatible avec les ambitions affichées de créer le premier « hub » d'Europe ;

- depuis 2001, les redevances ont augmenté bien plus vite que l'inflation , ce qui peut traduire un phénomène de « rattrapage », mais est susceptible de fragiliser les compagnies aériennes.

Hausse moyenne des redevances depuis 2001

Année

2001

2002

2003

2004

Hausse moyenne

3,5 %

5,6 %

5,5 %

5,5 %


3. Le principe de la « caisse unique »

Les redevances aéronautiques ne couvrent habituellement pas l'ensemble des coûts d'exploitation d'un aéroport. Les exploitants d'aéroports sont encouragés à développer des activités annexes donnant lieu à des recettes , dites extra-aéronautiques , qui représentent en moyenne plus de la moitié de leur chiffre d'affaires. Leur produit global s'est élevé en 2003 à environ 848 millions d'euros pour ADP .

En application du principe de « caisse unique » recommandé par l'OACI 17 ( * ) , le bénéfice réalisé sur ces activités contribue dans la pratique à minorer les taux des redevances aéronautiques directement à la charge du transport aérien .

La nature juridique de ces recettes extra-aéronautiques est variable : prix de la vente de services dans un marché concurrentiel (cas par exemple de l'assistance en escale fournie par Aéroports de Paris) ou redevances domaniales (mise à disposition du domaine public, par exemple au profit de commerces installés dans les aérogares, ou des loueurs de voitures, ou à l'occasion du stationnement dans les parcs automobiles).

On constate donc qu'il existe une forme de logique de subventionnement des activités aéronautiques par les activités annexes de l'aéroport . Ce soutien peut être justifié économiquement. En effet, il apparaît que les places de parking ou bien les achats réalisés dans les magasins le sont bel et bien en raison de l'activité aéroportuaires dans la zone. Il existe donc un lien entre l'attractivité de ces emplacements et l'activité aéronautique.

Ce principe de « caisse unique » n'est cependant pas absolu. Il est possible de rechercher une meilleure adéquation entre les coûts des services rendus et leur tarification, sans pour autant établir un système dit de « caisse double », dans lequel les activités aéronautiques doivent être strictement rentabilisées. Une telle logique, si elle était appliquée, pourrait se traduire par des hausses considérables des redevances, ce qui se ferait à l'évidence au détriment des compagnies aériennes, et in fine , de l'aéroport, puisque, le prix des billets augmentant, il est probable que moins de passagers utiliseraient les services d'ADP.

4. Comparaisons internationales

En ce qui concerne la structure des redevances par comparaison avec les autres pays, il apparaît que ADP présente une double spécificité , qui relève en fait d'une seule et même logique perceptible depuis plus de 15 ans, et qui vise à favoriser les lignes intérieurs afin de développer le territoire :

- d'une part, ses tarifs sont comparativement beaucoup plus avantageux à l'intérieur de l'Union européenne que ceux de ses grands concurrents, mais restent supérieurs pour les destinations extra européennes . La Cour des comptes remarque que « la redevance passagers est aussi très différente selon la destination et favorise les lignes domestiques, plutôt desservies par de petits appareils » ;

- d'autre part, ses tarifs sont plus avantageux pour les petits porteurs que pour les gros porteurs . La Cour des comptes note ainsi que « les tarifs d'ADP apparaissent ainsi très chers pour les gros porteurs et très bon marché pour les plus petits. Cela tient surtout au mode de calcul de la taxe d'atterrissage qui augmente beaucoup plus vite avec la taille des avions que dans les autres pays ».

En conséquence, il n'est pas interdit de penser que ADP, sous la tutelle du gouvernement, a pu servir à mettre en oeuvre une forme de « subventionnement » aux lignes intérieures.

La Cour des comptes note ainsi que « cette pénalisation des gros porteurs n'est pas propice à une utilisation optimale des capacités aéroportuaires ». Sur ce point, on peut observer un « rééquilibrage » ces dernières années au profit des gros porteurs.

A un niveau plus large, les comparaisons sont difficiles à établir entre les différents aéroports, en raison des différences de structure de tarification . Ainsi, à Londres Heathrow, il est appliqué un système de tarification de pointe de forte amplitude propre à chaque type de redevance et à Amsterdam, des prestations annexes, telles que le tri bagages et les banques d'enregistrement, sont comptabilisées dans le périmètre des principales redevances.

Comparaisons internationales

(Base 100)

Trafic

Court courrier

Long courrier (International)

(UE-Schengen)

Type avion retenu

B 737 - 300

B 747-400

PARIS

100

100

FRANCFORT

144

90

LONDRES

 
 

Pointe

147

77

Hors Pointe

127

60

AMSTERDAM

147

98

Source : DGAC

Les services de la DGAC remarquent que « la compétitivité de Paris par rapport aux autres aéroports reste bonne sur le faisceau court courrier et s'améliore sur le faisceau long courrier ».

Selon ADP, le tarif de ses redevances est en fait inférieur à celui des autres aéroports européens. Ainsi, les données suivantes sont avancées : Schiphol (aéroport d'Amsterdam) serait 14 % plus cher, Fraport (aéroport de Francfort) 25 % plus cher, et les aéroports londoniens 10 % plus chers en moyenne.

Cette analyse est correcte, mais ne prend pas en compte les divergences entre la tarification intérieure et internationale.

C. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES À L'ARTICLE 8 DU PRÉSENT PROJET DE LOI

Dans son rapport public pour 2002, la Cour des comptes note les difficultés posées par la fixation annuelle des redevances : « ces révisions sont décidées chaque année sans être inscrites dans une perspective de moyen terme qui donnerait de la visibilité aux compagnies et inciterait ADP à un effort de modération de ses coûts. Plus généralement, aucun contrat entre ADP et l'Etat ne fixe à terme les objectifs ni les moyens de l'établissement ».

L'article 8 du présent projet de loi présente un cadre rénové pour la facturation des redevances aéronautiques. Il introduit dans les faits trois modifications de grande importance :

- l'introduction de la capacité de tenir compte de la rémunération des capitaux investis ;

- les règles de la modulation des redevances ;

- la définition d'un cadre légal stabilisé pour cinq années , à la suite d'un contrat conclu entre ADP et l'Etat.

Ainsi, il est introduit un article L. 224-1 dans le code de l'aviation civile, qui tend à préciser et encadrer le système des redevances.

1. La prise en compte de la rémunération des capitaux investis

Les deux premiers alinéas de l'article 8 définissent le champ d'application des redevances aéroportuaires.

Ainsi, le dispositif d'encadrement est élevé par le présent article au rang législatif, ce qui permet de sécuriser le dispositif, qui relevait auparavant exclusivement du règlement.

Une adaptation par rapport à la pratique actuelle est introduite. Alors que l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile indique simplement que « les redevances devront être appropriées aux services rendus », le deuxième alinéa de l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile tend à préciser que « le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis, ainsi que, le cas échéant, de dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installation nouvelles avant leur mise en service ».

Comme on a pu le voir, en effet, la jurisprudence administrative instaure une stricte proportionnalité entre le service rendu et les coûts . Or la compatibilité de cette proportionnalité à l'ensemble des coûts, passés ou futurs, est incertaine. Il semble sur ce point ne pas y avoir de doctrine claire. Or une société comme ADP doit engager des investissements considérables afin de développer ses installations, pour des projets qui peuvent n'être opérationnels que plusieurs années après le lancement des travaux . Dans ce cas, il semble logique de permettre à l'aéroport de faire supporter une fraction des sommes engagées au profit des compagnies aériennes, qui en seront, in fine , les bénéficiaires.

Ainsi, l'article 8 permet à l'aéroport de comptabiliser dans ses coûts la rémunération des capitaux investis (capitaux propres et dettes financières). Deux logiques sont invoquées pour justifier cette nouvelle forme de tarification :

- une logique financière d'une part : le changement de statut prévoit de transformer ADP en société anonyme, ce qui implique, pour partie, l'entrée au capital d'actionnaires minoritaires l'Etat demeurant majoritaire. En conséquence, il est rationnel de supposer que les investisseurs chercheront à retirer de leur placement un retour moyen sur investissement conforme aux critères du marché ;

- une logique industrielle d'autre part : en effet, la construction de nouvelles infrastructures est une nécessité pour le développement de l'attractivité de l'aéroport. A terme cependant, le coût de ces investissements repose en partie sur les compagnies aériennes. Le fait de leur faire supporter une fraction du coût du capital en amont permet d'éviter de très fortes hausses, le jour où la nouvelle installation entrera en service par exemple : comme une partie des investissements aura déjà été rentabilisé, il ne sera pas nécessaire de rechercher la rentabilité le plus rapidement possible. En conséquence, cette possibilité permet d'optimiser la gestion des infrastructures de manière plus efficace.

2. Vers une « caisse unique aménagée » ?

Comme votre rapporteur pour avis l'a souligné, les aéroports pratiquent en règle générale le système de la « simple caisse », où les activités non directement liées à l'aéronautique (commerce, parking) subventionnent les activités aéronautiques.

Les compagnies aériennes sont extrêmement attachées à ce mécanisme, recommandé par l'OACI, et qui leur permet de ne pas être facturée sur l'intégralité des coûts supportés par l'aéroport . Elles estiment que l'activité autour de l'aéroport étant directement liée au mouvement des avions, il convient de considérer l'aéroport comme une entité économique unique , et, en conséquence, de rechercher l'équilibre économique global entre les activités commerciales et les activités aéronautiques.

La position d'ADP ne consiste pas à revenir sur le système de la simple caisse, mais à l'aménager . En effet, les arguments suivants peuvent être avancés :

- la « simple caisse » freinerait les possibilités d'investissement , puisqu'elle n'encourage pas l'aéroport à investir dans l'accroissement et l'amélioration de ses capacités, mais plutôt dans les activités les plus « rentables » ;

- la ponction opérée sur les commerçants, et qui de fait subventionne les activités aéronautiques, serait dissuasive . A terme, elle pourrait conduire à une baisse de l'offre, si, afin de financer son développement, l'aéroport était conduit à l'augmenter.

Votre rapporteur pour avis estime que les deux logiques ne sont pas incompatibles . Il est de l'intérêt mutuel des compagnies aériennes et d'ADP que les infrastructures soient du meilleur niveau et que les investissements nécessaires soient réalisés. En conséquence, il s'agit de trouver le juste équilibre entre les redevances et le financement par les activités annexes , équilibre qui préserverait la rentabilité des compagnies comme de l'aéroport.

3. Les modulations possibles

Afin de tenir mieux compte de cette nécessité de l'équilibre, et de permettre aux aéroports une meilleure gestion de leurs infrastructures, le troisième alinéa de l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile tel que présenté dans le présent projet de loi, autorise les modulations de redevances, dans un cadre défini.

Ainsi, il est précisé qu' « il [le montant des redevances] peut faire l'objet, pour des motifs d'intérêt général, de modulations limitées tendant notamment à réduire ou compenser les atteintes à l'environnement, améliorer l'utilisation des infrastructures ou diminuer leur encombrement ».

Le système actuel des redevances n'autorise en effet que des modulations limitées. Il est possible de baisser le niveau des redevances en dessous du coût moyen du service, mais pas de compenser par la hausse d'une autre redevance.

Les motifs qui permettent de moduler les redevances doivent être « d'intérêt général », ce qui semble exclure toute motivation en termes de simple rentabilité. L'article choisit de ne pas énumérer avec précision ce que sont ces motifs, en prenant trois cas, mais en en nuançant la portée par « notamment », ce qui implique que d'autres hypothèses pourraient être étudiées.

ADP a indiqué à votre rapporteur ce que pourrait être une forme de modulation. Il serait envisagé d'augmenter la redevance de stationnement en fonction du temps passé par l'avion, afin de réduire les temps d'occupation des aires, ou bien de tenir compte des nuisances à l'environnement (voir l'exemple de la DGAC dans l'encadré).

Les modulations pour motifs environnementaux

Les services de la DGAC ont fourni à votre rapporteur pour avis un exemple de modulation des redevances pour des motifs environnementaux.

« Au delà de leur capacité technique liée à la taille de leurs infrastructures, les grands aéroports sont aujourd'hui limités par leur capacité environnementale, malgré les enjeux économiques considérables qu'ils représentent. Là où le consensus entre les professionnels et les populations riveraines concernés ne peut être atteint, les pouvoirs publics interviennent par des mesures administratives en instaurant des restrictions d'exploitation, en limitant le nombre maximal de créneaux horaires attribuables (cas de l'aéroport de Paris-Orly) ou encore en fixant des quotas de bruit : c'est le cas de l'aéroport de Londres-Heathrow pour son activité nocturne ou de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle pour son activité globale.

« L'augmentation de la capacité technique d'un aéroport nécessite des investissements financiers qui trouvent naturellement leur contrepartie dans les redevances aéroportuaires.

« Il est légitime par ailleurs de considérer que la possibilité d'augmenter le trafic, à capacité environnementale constante, présente un lien direct avec le service rendu aux usagers et que les politiques tarifaires en ce sens peuvent conduire à relever des redevances. Entrent dans cette catégorie les incitations, par exemple sous forme de modulations des redevances, ayant pour effet, dans le cas où des quotas de bruit sont fixés, de soulager les tranches horaires sensibles (soirée et nuit) ou d'améliorer la performance acoustique moyenne des avions fréquentant une plate-forme.

« Une telle démarche est clairement distincte du dispositif fiscal existant sur les principaux aéroports nationaux, destiné à financer les aides aux opérations d'insonorisation des logements de riverains. Récemment réformé, ce dispositif se traduit par une taxe affectée aux exploitants d'aéroports à qui a été confié, par la loi, le financement de ces aides ».

Source : DGAC

En conséquence, il est également introduit un principe de globalisation des redevances par l'alinéa suivant : « Le produit global des redevances ne peut excéder le coût des services rendus sur l'aéroport ». Cet alinéa permet, si une modulation à la baisse est décidée, de la compenser par une modulation à la hausse sur une autre redevance, le seul élément considéré étant le niveau global des redevances, mais également de limiter les possibilités, en s'assurant que le niveau global des redevances ne saurait dépasser le coût des services rendus .

Le principe de la modulation « heure pleine-heure creuse » a par ailleurs été évoqué devant votre rapporteur pour avis. En effet, il pourrait sembler « économiquement rationnel » de faire supporter aux compagnies un coût plus élevé aux heures de pointe, et moins élevé en heures creuses, afin de les inciter à répartir les arrivées sur l'ensemble de la journée. Cette pratique se heurte cependant à un problème spécifique, qui est le « hub » d'Air France à Roissy-Charles-de-Gaulle. Le principe même du « hub » est précisément de concentrer, sur plusieurs moments de la journée, des arrivées et des départs d'avion. Cette possibilité est au coeur de la stratégie de développement d'Air France, comme des principales compagnies mondiales. Des craintes ont donc été émises de voir ADP pratiquer à Roissy ce type de tarification, qui pourrait compromettre l'équilibre économique d'air France, voir conduire la compagnie à déplacer à terme son « hub » dans un autre pays.

Selon les informations fournies à votre rapporteur pour avis, une telle crainte n'est pas fondée. En effet, le président d'ADP, M. Pierre Graff, lors de son audition devant la commission des affaires économiques, a indiqué que cela n'était ni envisagé, ni envisageable.

Extrait de l'audition de M. Pierre Graff, président d'Aéroport de Paris, devant la commission des affaires économiques le 19 octobre 2004

Abordant le point de la modulation des redevances , il a souligné le progrès que constituait la modernisation de leurs règles de définition. Il a déclaré solennellement que la modulation des redevances ne porterait pas sur les horaires, ce qui garantissait que le fonctionnement du hub d'Air France ne serait pas affecté. Il a ajouté qu'ADP ne verrait pas d'inconvénient à ce que le décret relatif aux redevances exclue les horaires du champ de la modulation. En revanche, celle-ci serait très profitable à la collectivité dans d'autres domaines tels que l'impact environnemental, la capacité des avions ou leur stationnement sur les parkings.

Source : bulletin des commissions n° 3, session ordinaire 2004-2005, p 308.

Votre rapporteur pour avis partage l'appréciation du président d'ADP : il serait peu rationnel de la part de la société d'handicaper la stratégie de hub d'Air France, qui lui est également profitable en lui assurant un flux régulier d'avions et en positionnant l'aéroport, par le système des alliances, à un niveau mondial.

4. Un modèle de régulation économique pluriannuelle par contrat

La modulation des redevances aussi bien que leur tarifs ne sont pas décidées de manière unilatérale par ADP. Le II de l'article 8 précise les modalités de la régulation économique envisagée pour les redevances.

A l'heure actuelle, il est prévu que le niveau des redevances est revu tous les ans , après concertation des principaux partenaires, et avec un droit de veto de l'Etat.

Le II pose le principe d'un contrat pluriannuel , d'une durée de cinq ans.

Le cadre général est le suivant : « les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires sont déterminées par des contrats pluriannuels d'une durée de maximale de cinq ans , conclus avec l'Etat, qui fixent pour la période considérée une évolution maximale en tenant compte notamment des prévisions de coût, de recettes, d'investissements ainsi que d'objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant d'aérodrome ».

Le III indique pour sa part que les modalités d'application, et notamment « les règles relatives au champ, à l'assiette et aux modulations des redevances, les principes et les modalités de fixation des tarifs » font l'objet d'un décret en Conseil d'Etat.

Plusieurs points doivent être relevés.

En ce qui concerne la durée du contrat , c'est-à-dire la possibilité d'inscrire les évolutions de redevances dans un cadre pluriannuel, on note que cela va dans le sens des remarques de la Cour des comptes, qui relevait à propos du mécanisme de fixation annuel dans son rapport public pour 2002 qu'« il en résulte une contestation permanente des augmentations des redevances par les compagnies. Ces révisions sont décidées chaque année sans être inscrites dans une perspective de moyen terme qui donnerait de la visibilité aux compagnies et inciterait ADP à un effort de modération de ses coûts. Plus généralement, aucun contrat entre ADP et l'Etat ne fixe à terme les objectifs ni les moyens de l'établissement ».

En ce qui concerne les modalités de négociation du contrat , l'article n'est pas explicite, et se contente de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat. A ce stade, seuls des éléments extrêmement généraux sont inscrits dans la loi, et ne préjugent en rien de la manière dont sera déterminé le niveau des redevances. De plus, le « notamment » dans le II semble suggérer que d'autres motifs pourront être invoqués lors de la discussion. Sur ce point, votre rapporteur pour avis a pu recueillir des informations sur ce qui serait envisagé dans le décret d'application. Au niveau des éléments considérés, il serait tenu compte de la situation économique du transport aérien. A ce stade, la procédure serait la suivante :

- transmission par le responsable de l'aéroport d'une étude économique prenant en compte les éléments nécessaires aux ministres des transports et de l'économie, ainsi qu'aux représentants des usagers (les compagnies aériennes) ;

- observations des usagers , et réponses des gestionnaires de l'aéroport, l'ensemble des ces échanges étant communiqué aux ministres de tutelle ;

- rapport de synthèse réalisé par les deux ministres de tutelle , qui sert de base à la négociation entre l'Etat et les gestionnaires de l'aéroport.

On peut remarquer que le mécanisme envisagé n'est pas fondamentalement différent de celui qui existe à l'heure actuelle, avec la commission consultative économique . Il existe de plus une forme « d'incitation » pour l'aéroport à accepter une solution de compromis, si il s'avérait qu'un accord avec l'Etat n'était pas trouvé. En effet, le second alinéa du II précise que « faute pour un tel contrat d'être conclu, les tarifs des redevances aéroportuaires sont déterminés sur une base annuelle dans des conditions fixées par décret ».

Votre rapporteur pour avis a cependant les remarques suivantes à formuler :

- il peut sembler que les garanties et les éléments à prendre en compte lors de la négociation du contrat gagneraient à être affinés et précisés dans l'article , ce dernier laissant une marge de manoeuvre extrêmement large au gouvernement ;

- l'Etat joue dans ce mécanisme un rôle de régulateur . En effet, il se trouve en position d'arbitre et en mesure d'imposer ses choix à ADP si aucun accord n'est trouvé. Cependant, l'Etat est également l'actionnaire principal de la société, ce qui peut amener à un conflit d'intérêt.

Ce point en particulier mérite d'être examiné avec attention. La question de la gestion d'un aéroport, et surtout d'aéroports aussi importants pour le développement de l'économie française que Roissy et Orly, met en jeu de nombreux acteurs :

- la société aéroportuaire , qui a l'obligation de réaliser des investissements lourds, et se trouve de facto en situation de monopole sur son territoire. En conséquence, et compte tenu de cette position de monopole, il est normal que le secteur fasse l'objet d'une régulation et d'un contrôle dans l'application du principe de non discrimination ;

- les compagnies aériennes , qui peuvent jusqu'à un certain point faire jouer la concurrence entre aéroports européens, mais se trouvent dans une certaine mesure contrainte par les investissements passés comme par les demandes de leurs clients ;

- l'Etat , qui ici possède la compétence de régulateur , mais également un intérêt dans l'aéroport , par le biais des actions qu'il détient au capital.

Votre rapporteur pour avis remarque qu'il est de l'intérêt de tous ces acteurs que l'aéroport réalise les investissements nécessaires, à la fois pour les compagnies aériennes qui pourront améliorer leur service, et pour l'Etat, qui valorise au mieux sa participation et peut mener une politique d'attractivité du territoire.

Il convient de plus de rappeler que le tarif des redevances est resté extrêmement stables entre 1990 et 2000, ce qui a conduit ADP à s'endetter, mais est depuis en hausse, ce qui limite la visibilité des compagnies aériennes, mais peut s'analyser comme un phénomène de « rattrapage » par rapport aux années précédentes. De plus, il faut souligner que les différentes redevances représente en moyenne environ 4 % du prix d'un billet d'avion.

En conséquence, les termes du contrat sont déterminants, puisque, pour cinq ans, ils fixent à la fois l'équilibre économique de l'aéroport, l'ampleur des modulations envisagées et les programmes d'investissement qui seront possibles.

Votre rapporteur pour avis estime donc qu'une attention toute particulière doit être accordée à la question du modèle de régulation économique envisagé pour la détermination des redevances. Sur ce point, l'article 8 du projet de loi reste relativement imprécis, en indiquant juste le contrat est conclu entre l'Etat et ADP.

En conséquence, votre rapporteur pour avis est favorable à la création d'une entité indépendante qui pourrait, le cas échéant, éclairer les choix du gouvernement en la matière et s'assurer du respect des grands principes qui doivent régir la gestion des aéroports. L'autorité pourrait également vérifier que les engagements fixés dans le cahier des charges, prévu à l'article 6 du projet de loi, sont effectivement tenus. En effet, il ne paraît pas possible pour une telle autorité de séparer la problématique des redevances de l'équilibre économique global de l'aéroport, qui reste déterminée par la gestion de son domaine.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 4 novembre 2004 sous la présidence de M. Maurice Blin, puis de M. Jean Arthuis, président , la commission des finances a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Yvon Collin , sur le projet de loi n° 452 (2003-2004), relatif aux aéroports .

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , a tout d'abord précisé que le projet de loi sur les aéroports, examiné aujourd'hui, était le premier texte sur ce thème depuis une cinquantaine d'années, ce qui montrait à quel point les structures héritées de ce lointain passé méritaient d'être enfin modernisées.

Il a rappelé que la commission des finances s'était saisie pour avis du présent projet de loi, traité au fond par la commission des affaires économiques et dont le rapporteur était M. Jean-François Le Grand. Il a tenu à souligner l'excellent esprit qui avait présidé aux travaux communs sur ce thème.

Il a indiqué que ce projet de loi ne devait, à l'origine, concerner que la première société aéroportuaire française, Aéroports de Paris (ADP), dont le statut n'avait pas évolué depuis 1945, et a ajouté que le gouvernement avait cependant profité de l'occasion pour intégrer des dispositions qui concernaient les grands aéroports régionaux. Il a indiqué que la commission des finances, quant à elle, avait choisi de ne se saisir que des éléments relatifs à Aéroports de Paris, car ces dispositions concernaient plus directement sa compétence.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , a entamé son propos en précisant, dans un premier temps, les données relatives à ADP, et dont découlait finalement la nécessité de faire évoluer son statut, avant de présenter à la commission les principales innovations du texte. Il a constaté qu'elles visaient à transformer l'établissement public ADP en une société de service et, corrélativement, à lui donner les moyens de son développement.

En préliminaire, il a rappelé la situation actuelle d'Aéroports de Paris, en notant que le chiffre d'affaires de la société s'était élevé, en 2003, à environ 1,5 milliard d'euros, et qu'ADP avait statutairement la responsabilité de la gestion des aéroports en Ile-de-France, ce qui lui conférait le plus grand domaine aéroportuaire d'Europe, avec 6.600 hectares, composés majoritairement des plateformes de Roissy, Orly et le Bourget. Il a précisé qu'ADP employait ainsi 8.000 salariés de droit privé, et était également chargée de missions de sécurité sur les aéroports, missions financées par une taxe spéciale.

Il a souligné qu'il n'était pas besoin d'insister sur les enjeux cruciaux d'un aéroport de cette importance pour l'Ile-de-France et le pays en général, car plus de 70 millions de passagers transitaient, chaque année, par Roissy ou Orly, contre 40 millions pour l'ensemble des autres aéroports. De plus, il a constaté qu'ADP était le « hub » d'Air France, c'est-à-dire le centre des activités d'une des premières compagnies aériennes mondiales, la première en fait, depuis la fusion avec KLM, en termes de chiffres d'affaires, et qu'il était aisé de comprendre à quel point son changement de statut pouvait présenter un intérêt évident.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , s'est interrogé sur la nécessité de faire évoluer ce statut.

Il a ainsi précisé que la réponse n'avait rien à voir avec le droit communautaire, comme dans d'autres secteurs, mais relevait d'une question beaucoup plus triviale, ADP devant faire face, aujourd'hui, à de très lourds investissements, évalués à 700 millions d'euros pour 2005. Il a indiqué que la société devait impérativement se moderniser, améliorer ses procédures et son image et, surtout, se mettre aux normes afin de recevoir l'A380, ce qui nécessitait des investissements très lourds, et qu'il en allait de la place de la plateforme aéroportuaire de Paris en Europe, à l'heure où la concurrence, par exemple avec Heathrow à Londres, était devenue une réalité.

Il a reconnu qu'ADP était endetté, le ratio endettement sur fonds propre dépassant 150 %, ce qui empêchait tout financement futur par emprunt. En conséquence, il a précisé que ce serait à l'Etat de doter ADP des moyens nécessaires à son développement, mais que l'Etat n'avait pas 700 millions d'euros à mettre chaque année dans le capital de l'entreprise.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , a estimé que la solution était donc double, et passait, de toute façon, par un changement de statut.

D'une part, il a indiqué qu'ADP devait mener une politique de productivité et d'efficacité, afin de devenir une plateforme plus performante, et que des efforts étaient actuellement menés par son président, M. Pierre Graff, en concertation avec les organisations syndicales. Il a observé que le statut des personnels n'était pas touché par le texte tel que voté à l'article premier.

D'autre part, il a noté qu'ADP devait se doter des moyens juridiques de s'ouvrir aux capitaux privés, ce qui était permis par la transformation en société anonyme, mais devait, également, s'efforcer de devenir un placement rentable pour les investisseurs. Il a jugé que cela « sonnait comme une évidence », mais qu'il fallait relever que la société était étroitement liée à des missions d'intérêt général et au développement économique du pays, ADP devant donc supporter, à ce titre, de nombreuses contraintes, comme d'ailleurs tous les aéroports dans le monde.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , s'est demandé comment le présent projet de loi répondait à ces défis. Il a présenté les deux innovations principales de ce projet, la première concernant la domanialité, la seconde le financement par redevances.

Concernant la domanialité, il a précisé que le passage au statut de droit privé étant acquis, le gouvernement avait la possibilité d'assurer le maintien du régime de la domanialité publique, ce qui entraînerait, de facto, la perte par ADP de terrains qui étaient jusqu'à présent sa propriété. Sur ce point, il lui a semblé que les personnels de l'entreprise s'étaient montrés très attachés à l'intégrité de la société, qui aurait alors été compromise.

De plus, il a rappelé que la valeur d'un actif était égale au flux de trésorerie qu'il permettait de générer dans le futur et que l'Etat, s'il avait conservé la propriété des terrains, aurait dû, soit demander une redevance symbolique ou nulle, ce qui lui était défavorable puisque les terrains ne lui rapportaient rien, ni à la société d'ailleurs, soit, s'il avait choisi de demander une redevance qui correspondait à la valeur des terrains, obliger ADP à augmenter ses propres ressources, ce qui ce serait fait au détriment de ses clients et aurait diminué ses possibilités d'investissement.

Il a en outre ajouté que le passage à un tel régime de domanialité privée avait donc été privilégié, mais en tenant compte des obligations de service public.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , a précisé que le projet de loi encadrait, en fait, le passage à la domanialité privée de nombreuses garanties, dont les principales étaient fixées dans un cahier des charges qui serait approuvé par décret en Conseil d'Etat. Il a remarqué qu'il n'y avait aucune perte pour l'Etat, propriétaire de 100 % du capital de la société, les investisseurs qui rentreraient au capital prenant alors en compte, dans la valorisation de la société, un patrimoine immobilier.

Concernant les redevances, il a indiqué qu'elles représentaient 29 % du chiffre d'affaires et un produit total de 489 millions d'euros, qu'elles correspondaient aux différents services rendus par l'aéroport aux compagnies, qui acquittaient donc une redevance pour chaque avion qui se posait, ou chaque passager qui débarquait, et qu'actuellement, elles étaient fixées par ADP, après concertation avec les compagnies aériennes, l'Etat disposant d'un droit de veto.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , a noté que, dans le passé, on avait pu observer une certaine « sous-évaluation » des redevances, et qu'entre 1990 et 2000, elles avaient progressé à peu près comme l'inflation, ce qui semblait correspondre à une volonté des différents gouvernements de ne pas pénaliser les compagnies aériennes, et notamment Air France. Il a également précisé que, depuis 2001, elles progressaient d'environ 5,5 % par an, ce qui tenait compte des besoins en investissements de la société.

Il a souhaité, à ce moment de sa présentation, faire un point rapide sur le principe dit de la « caisse unique ». Il a reconnu que les redevances perçues par les aéroports ne couvraient pas l'ensemble des coûts et que tous les aéroports du monde pratiquaient le système dit de la « caisse unique », consistant à assurer leur équilibre économique par les recettes provenant des activités annexes, notamment les commerces implantés sur l'aéroport et les parkings. Il a ajouté, en outre, qu'il n'était pas question de remettre ce principe en cause, mais que la tendance était à la « vérité des prix », raison pour laquelle le projet de loi prévoyait, notamment, que les redevances pourraient tenir compte de la rémunération des capitaux investis.

Concernant la procédure, M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , a noté une difficulté car, si à l'heure actuelle il existait une large concertation qui précédait la fixation des redevances, demain, on se retrouverait avec un Etat régulateur, un Etat actionnaire d'ADP, et un Etat actionnaire d'Air France. Il a estimé que cela « faisait beaucoup », et que cet état de fait l'avait conduit à réfléchir sur l'opportunité de créer une autorité de régulation indépendante. Il a souligné qu'après analyse, on pouvait penser qu'une telle structure serait lourde à gérer, et serait susceptible d'interférer avec la politique des transports et la politique d'aménagement du territoire, qui restaient de la responsabilité du gouvernement.

Il lui a donc semblé que la formule présentée par M. Jean-François Le Grand, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, qui consistait à créer une « commission de conciliation aéroportuaire », indépendante, et qui adresserait au ministre des avis motivés sur le sujet, allait dans le bons sens. Il a précisé que cette commission de conciliation permettrait également de contrôler l'application du cahier des charges relatif à la gestion par ADP de son domaine public. Concernant la régulation, il a ajouté qu'il était difficile de se fonder sur les exemples étrangers, car il n'y avait pas, en fait, de « modèle » aéroportuaire, précisant qu'en Allemagne, la régulation était directement réalisée par les Länder, propriétaires des aéroports, et qu'en Grande-Bretagne, elle était réalisée par le Conseil de la concurrence.

En conclusion, M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , a estimé qu'en conséquence, concernant cette affaire, il fallait avoir, avant tout, présent à l'esprit que les intérêts des compagnies aériennes, comme de l'Etat, actionnaires et régulateurs, étaient convergents, et qu'il fallait donner à ADP les moyens financiers de se développer. Il a jugé que cela passerait certainement par des hausses de redevances, qui ne représentaient que 4 % du prix d'un billet d'avion, et a déclaré que les dirigeants d'ADP étaient tout à fait conscients de leur responsabilité en la matière. Il a souligné qu'il comptait donc soutenir son collègue de la commission des affaires économiques sur ce point.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Maurice Blin a rappelé que le sujet des aéroports était d'une importance cruciale et pouvait susciter de nombreuses et légitimes interrogations.

M. Bernard Angels a précisé que son groupe était extrêmement réticent quant au changement de statut d'ADP, qui posait la question de la sécurité aéroportuaire, et s'est interrogé sur la position de la compagnie aérienne Air France face à une telle évolution.

M. Serge Dassault a relevé l'importance des investissements à réaliser dans les prochaines années. Il a demandé des précisions sur les comptes de résultat et la nature des investissements d'ADP, soulignant qu'il serait difficile de les rentabiliser.

M. Maurice Blin a rappelé l'endettement considérable de la compagnie, en partie lié à l'ampleur des investissements et à la sous-estimation des tarifs des redevances, ce qui conduisait à hypothéquer l'avenir d'ADP.

M. Jean Arthuis, président , s'est inquiété de l'état du terminal 1 de l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, estimant nécessaire de procéder à sa réhabilitation.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur les exemples internationaux, notamment de Francfort et Londres, remarquant que les commerces de ce dernier rapportaient des sommes deux fois supérieures par rapport aux commerces d'ADP.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé que l'objectif principal était de rendre le placement attractif pour les investisseurs afin de permettre à ADP de mener à bien ses programmes, notamment relatifs à l'accueil de l'Airbus A380. Il s'est interrogé sur la cohérence rédactionnelle de l'article 8 du présent projet de loi, qui précisait, d'une part, que les redevances étaient fonction du service rendu et, d'autre part, qu'elles ne pouvaient excéder la somme totale due au titre de ces services.

En réponse aux différents intervenants, M. Yvon Collin, rapporteur pour avis , a indiqué que la société Air France avait manifesté des craintes, liées notamment à une hausse possible des redevances, relevant cependant qu'elles ne représentaient que 4 % du prix d'un billet d'avion et qu'il convenait de permettre à ADP d'assurer son développement tout en rappelant que lesdites redevances avaient été manifestement sous-estimées dans le passé.

Il a précisé qu'il n'existait pas de modèle européen de gestion aéroportuaire, rappelant les exemples de Londres et Francfort. Il a toutefois relevé que la structure des redevances d'ADP indiquait une compétitivité particulièrement bonne sur les vols intérieurs et intra-communautaires, mais moins assurée à l'international.

Enfin, il a exposé que la rédaction de l'article 8 permettait, en fait, de moduler les redevances, précisant qu'il n'était pas possible de les facturer totalement au « juste coût », en application du principe dit de la « caisse unique ».

A l'issue de ce débat, la commission a décidé d'émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi sans modification, tout en rappelant son soutien aux amendements proposés par la commission des affaires économiques, saisie au fond dudit projet de loi.

* 1 Loi n° 2004-803 du 9 août 2004.

* 2 Le chiffre d'affaires au 30 juin 2004 s'établit à 838,6 millions d'euros, pour 36 millions de passagers (+ 8,8 % par rapport au 1 er semestre 2003).

* 3 Il convient en outre de mentionner l'impact de l'abattement de 10 % sur les passagers en transit.

* 4 Redevances aériennes : atterrissage, balisage et stationnement, passagers ; taxe locale d'aéroport , redevances domaniales : terrains, aérogares, hangars, entrepôts, bâtiments... ; usages d'installations : parcs de stationnement, passerelles, transport de voyageurs, comptoirs, matériels... ; prestations industrielles : télécommunications, confort climatique, électricité, eau... ; assistance aéroportuaire : aide technique aux avions en escale, enregistrement des passagers ; produits commerciaux : concessions commerciales, redevance carburant... ; produits divers : travaux, étude, international.

* 5 Endettement net = dettes financières - disponibilités - valeurs mobilières de placement.

* 6 Le chiffre des fonds propres 2003 a fait l'objet sur le bilan d'ouverture de l'exercice 2003 de retraitements comptables à hauteur de 216 millions d'euros. En prenant en compte ce chiffre, le ratio d'endettement net en 2002 aurait atteint 142 %.

* 7 CDG Express : liaison rapide gare de l'Est - Paris Charles-de-Gaulle dont le coût a été évalué à 850 millions d'euros.

* 8 Allocation de départ à la retraite anticipée égale à 65 % de la rémunération de la dernière année.

* 9 Dispositif de départ à la retraite des pompiers à 55 ans.

* 10 La loi n° 2003-1312 du 31 décembre 2003 de finances pour 2004 soumet ADP au paiement d'un dividende à l'Etat en lieu et place de la rémunération de la dotation en capital de l'investissement (qui était fixée à 10 %). Le dividende versé à l'Etat au titre de 2003 s'est établi à 12 millions d'euros.

* 11 Return on Capital Employed. ROCE = résultat d'exploitation * (1 - impôt sur les sociétés)/capitaux employés. Capitaux employés = actif immobilisé + besoin en fonds de roulement.

* 12 Avis du Conseil d'Etat du 30 mars 1989, TGV Sud-Est.

* 13 Décision n° 96-380 DC du 23 juillet 1996, Entreprise nationale France Telecom.

* 14 Arrêt du 21 novembre 1958, Syndicat national des transporteurs aériens.

* 15 Arrêt du 10 mai 1974, Denoyez et Chorques.

* 16 La variable « t » représente le poids en tonnes de l'aéronef.

* 17 Notamment dans son rapport « Politique de l'OACI sur les redevances d'aéroport et de service de navigation aérienne », 2004.

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